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Tchad

Événements de 2024

Des soldats tchadiens attendent pour déposer leur bulletin de vote lors des élections présidentielles, à N'Djamena, au Tchad, le 5 mai 2024. 

© 2024 REUTERS/Désiré Danga Essigué

L’impunité totale pour les violations des droits humains a été la marque du régime du général Mahamat Idriss Déby, qui a pris le pouvoir et s’est autodéclaré chef du Conseil militaire de transition (CMT) après le décès de son père en 2021. Après un référendum constitutionnel qui l’a aidé à consolider son pouvoir, Mahamat Idriss Déby a remporté en mai une élection présidentielle entachée par les allégations d’irrégularités et les violences.

À ce jour, aucune responsabilité n’a été établie pour la violente répression des manifestations du 20 octobre 2022 dans plusieurs villes du pays, ce qui a donné lieu à la mort d’un grand nombre de personnes et fait encore plus de blessés. Une loi d’amnistie est venue écarter la possibilité de traduire en justice les auteurs des violences liées aux manifestations du 20 octobre. De même, aucune responsabilité n’a été établie pour les décès en détention, les tortures et les traitements inhumains subis par des manifestants du 20 octobre détenus à Koro Toro, une prison à sécurité maximale située dans le nord du pays.

Fin de la transition politique

Le président par intérim Mahamat Idriss Déby a remporté l’élection présidentielle qui s’est tenue en mai. Certaines organisations internationales, comme l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ont tenté de surveiller l’élection, mais n’avaient pas la capacité d’assurer un suivi exhaustif du scrutin dans tout le pays. Le gouvernement provisoire a refusé à des organisations tchadiennes de la société civile financées par l’Union européenne l’accréditation qui leur aurait permis de surveiller l’élection.

Le principal concurrent de Déby, l’ancien Premier ministre Succès Masra, qui a obtenu officiellement 18,53 pour cent des voix, a contesté les résultats et s’est déclaré vainqueur de l’élection. Il a depuis rapporté des menaces envers lui-même et ses partisans.

Peu après l’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle, les forces de sécurité ont célébré la victoire de Mahamat Idriss Déby par des tirs de célébration dans plusieurs villes et villages de tout le pays, ce qui a tué au moins onze personnes et fait des centaines de blessés. À ce jour, aucune enquête n’a été menée sur ces agissements des forces de sécurité.

Violence politique

En février, des membres des forces de sécurité ont tué Yaya Dillo, le président du Parti socialiste sans frontières (PSF), lors d’un assaut du siège du parti à N’Djamena, la capitale. Yaya Dillo était considéré comme un opposant politique de premier plan de Mahamat Idriss Déby et les deux hommes auraient été cousins, originaires du même groupe ethnique des Zaghawas. Le gouvernement a avancé que des membres du PSF avaient attaqué un bureau de l’Agence nationale de sécurité de l’État, qui aurait réagi en attaquant le siège du parti le 28 février. D’après le procureur de la République, Yaya Dillo a été tué lors d’un échange de tirs avec les forces de l’ordre. Une enquête de Reuters a rapporté qu’au contraire, Yaya Dillo avait probablement été abattu par une balle dans la tempe tirée à bout portant.

Suite des manifestations du 20 octobre 2022

Une loi d’amnistie adoptée en novembre 2023 par un conseil national de transition a écarté la possibilité de traduire en justice des membres des forces de sécurité pour leur répression violente des manifestations de 2022 organisées par la société civile et les partis d’opposition. Cette loi prive les victimes de leur droit de réclamer justice et renforce l’impunité.

Les résultats d’une enquête sur les violences, menée par la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), n’ont pas été publiés.

En août, Human Rights Watch a publié un rapport détaillant les responsabilités de l’armée dans les décès en détention de plusieurs manifestants en route vers la prison de Koro Toro, ou lors de leur détention là-bas, en octobre 2022. Les prisonniers ont été détenus illégalement, maltraités et privés d’articles de première nécessité pendant les deux à trois jours de transport depuis la capitale vers la prison. Le gouvernement a nié les violences décrites dans ce rapport.

En février, un éminent défenseur des droits humains, Mahamat Nour Ahmat Ibédou, a été déstitué de ses fonctions de président de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH). Lorsqu’il en était président, le CNDH était la seule entité publique à avoir publié en 2023 un rapport indépendant sur les actions du gouvernement lors des manifestations de 2022 et recommandé que les responsables des violations soient traduits en justice. Mahamat Nour Ahmat Ibédou avait subi des pressions peu après la publication de ce rapport.

Justice et réparations pour les victimes de Hissène Habré

Une compensation financière limitée a été versée aux victimes de l’ancien président Hissène Habré, qui est décédé du Covid-19 en août 2021 alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement à perpétuité. Hissène Habré avait été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de torture, y compris de violences sexuelles et de viols, par les Chambres africaines extraordinaires (CAE) au sein du système judiciaire sénégalais, le 30 mai 2016.

En février, à la suite d’une rencontre entre le président Mahamat Idriss Déby et trois associations de victimes tchadiennes, le gouvernement a commencé à verser des paiements, au total 16,5 millions USD (10 milliards de francs CFA) à 10 700 victimes, y compris des survivants de prisons et des proches de personnes tuées sous le régime de Hissène Habré, qui recevront chacune 925 000 francs CFA (1 529 USD). Cela représente moins de 10 pour cent de ce que les tribunaux du Sénégal et du Tchad avaient octroyé. Les associations de victimes ont accueilli favorablement ces paiements mais ont insisté sur leur droit à une compensation plus complète.

En octobre, la police a annulé de force une conférence qui était prévue à N’Djamena pour discuter de justice pour les victimes des abus commis par Hissène Habré. Un ancien conseiller juridique de Human Rights Watch, qui devait être l’intervenant principal lors de cette conférence, a été brièvement placé en détention dans les bureaux de la Direction générale du renseignement et de l’investigation avant d’être expulsé.

Violences intercommunautaires dans le sud et l’est

Les affrontements violents attribués à des conflits entre éleveurs et fermiers sédentaires ont légèrement diminué en 2024 d’après des rapports d’organisations non gouvernementales locales, mais se sont poursuivis dans le sud et l’est du pays.

En février, au moins 42 personnes ont été tuées dans des affrontements entre communautés rivales de l’est. En mars, au moins 23 personnes ont été tuées en six jours dans trois villages de la province du Moyen-Chari. Plus de 100 foyers ont été incendiés. Le nombre réel de personnes ayant trouvé la mort lors de ces violences est certainement supérieur au nombre qui a été rapporté. Un rapport des Nations Unies publié en mai a mis en évidence que de très nombreux décès devaient encore être répertoriés, rien que dans deux départements de la province du Moyen-Chari.

Déplacements de populations

Les combats qui font rage au Soudan depuis avril 2023 entre les Forces armées soudanaises (Sudanese Armed Forces, SAF) et les Forces de soutien rapide (Rapid Support Forces, RSF) ont déclenché des déplacements massifs de population vers le Tchad. Au mois de septembre, on comptait plus de 650 000 réfugiés soudanais qui s’étaient enfuis au Tchad, s’ajoutant aux 530 000 réfugiés et demandeurs d’asile qui seraient déjà dans le pays. Cela a surchargé une réponse humanitaire déjà en manque de financements, surtout dans le contexte des inondations qui continuaient à faire des ravages dans le pays.

Orientation sexuelle et identité de genre

L’article 354 du Code pénal de 2017 interdit « les rapports sexuels avec les personnes de son sexe ». En vertu de ce code, les individus condamnés à des relations homosexuelles risquent jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende comprise entre 50 000 et 500 000 francs CFA (de 75 à 750 USD environ).