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Canada

Événements de 2022

Un manifestant tenait une pancarte devant une prison provinciale à Toronto lors d'un rassemblement contre la détention des migrants, en 2022.

© 2022 Samer Muscati/HRW

En septembre 2021, le Premier ministre Justin Trudeau a été élu pour un troisième mandat après des élections hâtives. En place depuis 2015, son gouvernement a mis les droits humains en avant, mais des problèmes anciens persistent dans tout le Canada. On observe notamment des violations généralisées des droits de groupes marginalisés comme les peuples autochtones, les personnes placées en détention migratoire, en situation de handicap, ou encore les personnes âgées.

Le gouvernement Trudeau n’a pas non plus su régler les graves problèmes de droits humains constatés en dehors des frontières du Canada, notamment l’impunité des abus commis par des entreprises minières canadiennes à l’étranger. Le Canada continue par ailleurs à ignorer la nécessité d’adopter et de mettre en place des politiques énergiques de lutte contre le changement climatique. Enfin, depuis plus de trois ans, le gouvernement refuse de rapatrier des dizaines de personnes canadiennes, pour la plupart des enfants, détenues illégalement dans le nord-est de la Syrie dans des conditions dangereuses pour leur vie, faisant la sourde oreille aux appels émanant de membres de leur famille vivant au Canada ainsi que de hauts responsables des Nations Unies.

Droits des peuples autochtones

Des décennies de discrimination structurelle et systémique à l’encontre des peuples autochtones ont débouché sur des abus généralisés qui persistent dans tout le Canada.

L’accès insuffisant à une eau de boisson propre et potable constitue toujours un problème de santé publique majeur dans beaucoup de communautés autochtones et continue à entraver les efforts pour faire progresser les droits des autochtones au Canada, pourtant l’un des pays les plus riches en eau du monde.

Le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau s’était engagé à lever d’ici 2021 tous les avis sur la qualité de l’eau potable dans les réserves des Premières Nations mais, au mois de septembre, 28 communautés de Premières Nations au Canada étaient encore soumises à des avis à long terme sur la qualité de l’eau, qui alertent les communautés lorsque leur eau n’est pas potable.

En juillet, le Canada a signé un accord de règlement final de 14 milliards USD pour compenser les enfants et familles des Premières Nations qui avaient été inutilement pris en charge par le gouvernement en raison de son incapacité à financer les services sociaux d’aide à l’enfance et aux familles.

Violence à l’égard des femmes autochtones

En mai, un rapport de Statistique Canada a constaté que 81 % des femmes autochtones qui avaient été placées dans le système de protection de l’enfance avaient subi une agression physique ou sexuelle dans leur vie.

En juin 2021, le gouvernement fédéral a publié un rapport promettant une série de « changements transformatifs » pour lutter contre la discrimination et la violence persistantes à l’égard des femmes et personnes de diverses identités de genre autochtones. Cette année-là, le gouvernement Trudeau a publié un Plan d’action national en réaction aux conclusions et recommandations de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. En juin, une évaluation des performances du gouvernement, réalisée par l’Association des femmes autochtones du Canada, a jugé qu’il s’agissait d’un « échec ».

Détention liée à l’immigration

Des personnes placées en détention migratoire, y compris des personnes en situation de handicap et demandeuses d’asile au Canada, continuent à être régulièrement menottées et enchaînées et risquent d’être détenues indéfiniment. La détention migratoire n’étant soumise à aucune limite de temps, elles peuvent y rester pendant des mois ou des années. Nombre de personnes migrantes sont incarcérées dans des prisons provinciales, aux côtés de gens poursuivis ou condamnés au pénal, et parfois même placées en isolement.  

L’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) demeure le seul service majeur des forces de l’ordre à ne pas faire l’objet d’une supervision civile indépendante au Canada. Le gouvernement fédéral a introduit une législation relative à sa supervision, mais elle n’a pas encore été adoptée. L’exercice non contrôlé du mandat étendu et des pouvoirs de police de l’ASFC a causé à plusieurs reprises de graves violations des droits humains dans le cadre de la détention de personnes migrantes. 

L’ASFC a toute autorité pour décider où les migrants sont détenus : centres de rétention migratoire, prisons provinciales ou autres lieux. Suivant le lancement d’une campagne internationale conjointe de Human Rights Watch et Amnesty International, #BienvenueAuCanada, les gouvernements de Colombie-Britannique, Nouvelle-Écosse, Alberta et Manitoba ont annoncé la fin des contrats qu’ils avaient passés avec le gouvernement fédéral pour détenir des migrants. Cela signifie que l’ASFC n’aura plus le pouvoir d’incarcérer les demandeurs d’asile et les migrants dans les prisons de ces provinces pour des motifs purement migratoires.

Responsabilité des entreprises

Plus de la moitié des sociétés extractives du monde sont canadiennes. Les entreprises du Canada opèrent dans près de 100 pays et détiennent des actifs dans des activités minières à l’étranger estimés à 130 milliards USD. Le gouvernement du Premier ministre Justin Trudeau n’a pas pris de mesures suffisantes pour s’assurer que les autorités canadiennes exercent un contrôle significatif sur les sociétés extractives canadiennes ayant des activités à l’étranger.

L’Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE), nommé en avril 2019 pour traiter des questions de droits humains liées aux entreprises et recevoir des plaintes à propos du comportement des sociétés canadiennes d’habillement, minières, pétrolières et gazières à l’étranger, n’a toujours pas l’autorité ou l'indépendance nécessaire pour enquêter efficacement sur les allégations de mauvaise conduite ni pour exiger des documents ou des témoignages.

En mars, deux projets de loi ont été présentés par des membres indépendants à la Chambre des communes, visant à favoriser l’établissement des responsabilités pour les atteintes aux droits humains liées aux activités d’entreprises canadiennes ou de leurs fournisseurs. Le projet de loi C-262 exigerait des sociétés qu’elles identifient, préviennent et atténuent les atteintes aux droits humains dans le cadre de leurs opérations et chaînes d’approvisionnement mondiales, y compris les violations du droit à un environnement sain. Le projet de loi confère aux communautés affectées un droit statutaire de déposer plainte contre une entreprise au civil devant un tribunal canadien afin de demander justice et des réparations pour les dommages causés ou l’incapacité à faire preuve de diligence en matière de droits humains. Le projet de loi C-263 entend instaurer un Bureau du commissaire à la conduite responsable des entreprises à l’étranger, ce qui pour l’essentiel fait de l’OCRE un « chien de garde » vis-à-vis des sociétés, à même d’enquêter de façon indépendante sur les allégations d’abus.

En juin, le Parlement canadien a accepté à l’unanimité une deuxième lecture d’un projet de loi qui étendrait l’interdiction déjà existante d’importer des biens produits à l’aide du travail forcé, pour intégrer les biens produits grâce au travail des enfants. Le projet de loi S-211 exigerait du gouvernement et des entités privées de présenter des rapports annuels sur toute mesure prise pour prévenir et réduire le risque de travail des enfants ou forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement.

En avril, une coalition d’organisations de la société civile canadienne a déposé plainte devant l’OCRE, l’incitant à enquêter sur des allégations selon lesquelles les produits vendus par 14 entreprises canadiennes sont fabriqués pour tout ou partie grâce au travail forcé en Chine.

Droit à l’éducation

Les ministères de l’Éducation d’Ontario et de Québec n’ont pas réagi aux informations rapportant qu’ils avaient recommandé des produits éducatifs en ligne non sûrs pour les enfants lors de la pandémie de Covid-19. Cinq de ces produits surveillaient ou avaient la capacité de surveiller les enfants en ligne, en dehors des horaires scolaires, et de fouiller dans leur vie privée de façon approfondie. Ils transmettaient les données personnelles des enfants à des entreprises technologiques de publicité.

Lutte contre le terrorisme

Depuis février et mars 2019, les autorités kurdes du nord-est de la Syrie détiennent arbitrairement une cinquantaine de personnes canadiennes dans des camps fermés du désert et dans des prisons prévues pour ceux qui sont suspectés d’appartenir à l’État islamique et pour leur famille. Bien que ces ressortissants canadiens soient détenus dans des conditions révoltantes, le gouvernement Trudeau persiste à ne pas prendre de mesures adéquates pour les assister et les rapatrier. À ce jour, aucun des Canadiens n’a été inculpé d’un crime ni présenté à un juge pour vérifier la légalité et la nécessité de sa détention. Plus de la moitié des personnes canadiennes détenues sont des enfants.

En janvier 2021, Affaires mondiales Canada a adopté un cadre politique consulaire spécifique à ce groupe de citoyens, qui fait qu’il leur est pratiquement impossible de rentrer chez eux. Pendant près d’un an, ni les détenus ni les membres de leur famille demandant de l’assistance n’ont été informés de cette politique, qui n’a été rendue publique qu’en février 2022.

En février 2022, plus d'une dizaine d'experts indépendants de l'ONU ont appelé le Canada à rapatrier d'urgence une femme canadienne gravement malade, Kimberly Polman. Malgré l’offre d'aide d'un ancien ambassadeur des États-Unis, le Canada a empêché Kimberly Polman et un jeune enfant canadien (sans lien de parenté avec elle) de rentrer chez elle pour des soins médicaux vitaux ce mois-là. Kimberly Polman est restée en détention jusqu'à la fin du mois d’octobre, quand elle a été rapatriée avec une autre Canadienne et deux enfants.

En juin 2022, des experts de l’ONU ont adressé au Canada un appel urgent relatif à la plainte d’un homme canadien détenu qui exprimait sa profonde préoccupation du fait de sa détention prolongée dans le nord-est de la Syrie. Cet appel réclamait le rapatriement de tous les citoyens canadiens. Les responsables de l’ONU, dont le secrétaire général António Guterres, ont appelé à plusieurs reprises tous les pays ayant des ressortissants détenus dans le nord-est de la Syrie à rapatrier leurs citoyens afin de les réhabiliter, les réinsérer et les poursuivre devant la justice si nécessaire.

Politiques et actions en matière de changement climatique

Le Canada, qui est l’un des dix plus gros émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre – et un des premiers émetteurs par habitant – contribue à la crise climatique, qui se répercute de plus en plus sur les droits humains dans le monde entier. Depuis qu’il a été réélu en 2021, le gouvernement Trudeau a réitéré ses promesses de prendre des mesures ambitieuses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En mars, le gouvernement a publié un nouveau Plan de réduction des émissions (PRE), exposant comment il entendait respecter son engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour atteindre 40 à 45 % de moins qu’en 2005 d’ici 2030. D’après Climate Action Tracker, les objectifs climatiques du Canada ne sont pas suffisants pour atteindre le but de l’Accord de Paris, limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C de plus que le niveau de l’ère préindustrielle.

Le Canada est le premier financeur public des carburants fossiles parmi les nations du G20 et projette d’augmenter la production de pétrole et de gaz jusqu’en 2050. Les sables bitumineux du Canada sont une des méthodes d’extraction pétrolière les plus émettrices de carbone et les plus polluantes. Le gouvernement continue à autoriser des extensions de pipelines pétroliers et gaziers, y compris sur des terres des Premières Nations. Les plans visant à augmenter la production de carburants fossiles ne tiennent pas compte des obligations du gouvernement vis-à-vis des droits humains : adopter et mettre en œuvre de solides politiques d’atténuation du réchauffement climatique.

Les politiques fédérales et provinciales en matière de changement climatique n’ont pas réussi à mettre en place des mesures adéquates pour aider les Premières Nations à s’adapter aux impacts actuels et anticipés du changement climatique. Elles ont largement ignoré l’incidence du réchauffement climatique sur le droit à l’alimentation des Premières Nations. Un rapport publié en 2022 par l’Institut climatique du Canada a conclu que la crise climatique, et particulièrement le dégel du permafrost, accentuait le fossé d’infrastructures entre le Nord et le reste du pays et mettait les communautés en danger. Il faudrait beaucoup plus d’actions de la part du gouvernement pour atténuer l'impact de la crise climatique sur les Premières Nations et s’assurer que des aides alimentaires et des ressources médicales suffisantes soient disponibles pour toutes les personnes qui en ont besoin.

Le rapport de juin 2022 du coroner de Colombie-Britannique a confirmé que l’intervention de l’État avait été insuffisante au cours du « dôme de chaleur » de juin 2021 ayant entraîné 619 décès – surtout chez les personnes âgées et handicapées. En mars, la province a organisé des rencontres limitées avec des populations sensibles à la chaleur, y compris des personnes en situation de handicap et des personnes âgées. Il n’est pas clair à ce jour de quelle façon les recommandations des personnes ayant témoigné de leur expérience éclaireront la politique du gouvernement. En juillet, le gouvernement de Colombie-Britannique a publié sa nouvelle stratégie d’adaptation climatique, qui mentionne des mesures pour se préparer aux risques liés à la chaleur et les atténuer, mais ne précise pas comment elles peuvent être appliquées aux populations à risque.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le gouvernement Trudeau a pris des mesures importantes à l’échelle nationale et internationale pour faire progresser les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT). En août, le gouvernement fédéral a lancé son premier plan d’action national pour favoriser et renforcer les droits des personnes LGBT dans le pays et à l’étranger, engageant 72 millions USD sur cinq ans pour développer et mettre en œuvre ce plan.

Principaux acteurs internationaux

En mars, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a appelé le Canada à éliminer la discrimination fondée sur le genre présente de longue date dans la Loi sur les Indiens du pays, qui continue à discriminer les femmes autochtones.

En avril, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a exprimé sa préoccupation sur « l’escalade constatée dans l’usage de la force, la surveillance et la criminalisation à l’égard des défenseur·e·s des terres et des manifestants pacifiques ». Le Comité exhortait le Canada à cesser la construction de deux projets de gaz naturel et de pétrole jusqu’à ce que le gouvernement obtienne le consentement des communautés autochtones affectées.

En juin, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a appelé le Canada à « prendre immédiatement des mesures pour rapatrier les enfants canadiens » du nord-est de la Syrie et de « leur fournir l’assistance nécessaire à leur plein rétablissement physique et psychologique et à leur réinsertion sociale ».

Politique étrangère

Depuis la franche invasion de l’Ukraine par la Russie en février, le Canada a infligé une série de sanctions ciblées à plus de 1 150 individus et entités complices d’atteintes aux droits humains. Les sanctions canadiennes ont également ciblé les industries pétrolières, gazières et chimiques, le secteur de la défense ainsi que des responsables et entités impliqués dans des efforts de désinformation. En mars, le Canada a déféré la situation en Ukraine à la Cour pénale internationale (CPI) en coordination avec d’autres États parties à la CPI.

Toujours en mars, le Canada, en coordination avec le Royaume-Uni et les États-Unis, a infligé des sanctions ciblées à l’encontre d’individus et d’entités « responsables de fournir des armes et du matériel militaire » à l’armée du Myanmar et notamment au commandant de l’armée de l’Air.

À la session de mars du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, le Canada et sept États latino-américains ont présenté une résolution visant à créer un groupe d’experts chargé d’enquêter sur les violations des droits humains au Nicaragua. La résolution a été adoptée par 20 voix pour et 7 contre.

En septembre, le Canada a codirigé, avec un groupe d’États latino-américains, la résolution de renouveler le mandat de la Mission d’enquête de l’ONU au Venezuela, chargée d’enquêter sur les graves violations des droits humains commises par toutes les parties au Venezuela depuis 2014. Cette résolution a été approuvée par 19 voix pour.

En juillet, suivant une décision de la Cour internationale de Justice (CIJ) déclarant que l’affaire était admissible, le Canada a réaffirmé son intention d’intervenir, aux côtés des Pays-Bas, dans les procédures relatives à la plainte déposée devant la Cour par la Gambie, avançant que les atrocités du Myanmar à l’encontre des Rohingyas violaient la Convention sur le génocide. 

Lors de la même session, le Canada a également soutenu une résolution renouvelant le mandat du Projet sur la responsabilisation au Sri Lanka (Sri Lanka Accountability Project), chargé de recueillir des preuves de crimes internationaux commis pendant et après la guerre civile. 

Le Canada, en même temps que 46 autres pays, a également soutenu un communiqué conjoint, au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, portant sur la situation des droits humains en Chine et appelant les autorités à mettre fin à la détention arbitraire de personnes ouïghoures musulmanes ou appartenant à d’autres communautés du Xinjiang.

En octobre, suite à la vague d’indignation soulevée par la mort d’une Iranienne détenue par la « police des mœurs » de Téhéran, le Canada a infligé des sanctions ciblées à des responsables iraniens, notamment aux principaux leaders du Corps des gardiens de la révolution iranien, les bannissant à vie du territoire canadien.