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République centrafricaine

Événements de 2022

Issa Sallet Adoum dit Bozize, Ousman Yaouba et Mahamat Tahir, trois membres du groupe armé appelé "Retour, Récupération, Réhabilitation" ou 3R, accusés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, attendent leur jugement au palais de justice de Bangui, en République centrafricaine, le 19 avril 2022.

© 2022 REUTERS/Leger Kokpakpa 

Malgré le cessez-le-feu unilatéral déclaré par le président Faustin Archange Touadéra en octobre 2021, les conflits en cours en République centrafricaine ont continué à affecter sévèrement les civils en 2022. Les affrontements entre l’armée nationale, associée à des mercenaires russes et aux forces rwandaises, et des éléments appartenant à la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) ont, à plusieurs reprises, été intenses, et certaines attaques ont fait des dizaines de victimes parmi les civils.

La situation sécuritaire a entravé l’aide humanitaire, et des graves violations des droits humains et du droit international humanitaire ont entraîné l’augmentation du nombre de réfugiés et de déplacés internes.

Des mercenaires russes appartenant à Wagner – une milice militaire privée assurant des services de sécurité, apparemment en lien avec le gouvernement russe – sont déployés dans le pays. Des rumeurs évoquant une présence officielle de Wagner circulent depuis des années, malgré les dénégations des représentants du gouvernement. En juin, cependant, Fidèle Gouandjika, ministre conseiller spécial du président, a laissé entendre aux médias internationaux que des soldats appartenant à Wagner étaient bien présents dans le pays.

Le contrôle exercé par cette organisation sur un certain nombre de barrages routiers complique les déplacements en dehors de la capitale, Bangui. Bien que ces mercenaires soient officiellement déployés en tant qu’instructeurs militaires, les Nations Unis ont déjà rapporté plusieurs cas où ils ont participé activement aux combats et été impliqués dans des violations des droits humains et du droit international humanitaire.

Des soldats russophones, qui pourraient appartenir à Wagner, ont perpétré une attaque dans la province d’Ouham, aux environs de Bossangoa, faisant au moins 12 morts en juillet 2021. Le gouvernement s’est engagé à enquêter sur ce crime via une commission d’enquête spéciale, qui à l’heure où nous écrivons n’a encore publié aucun résultat. L’ONU a signalé que des forces étrangères, possiblement russes, recrutaient des miliciens anti-balaka pour se battre contre d’autres groupes armés.

Le pays est resté dangereux pour les acteurs humanitaires, avec plus de 87 attaques répertoriées contre eux de janvier à juillet.

Attaques contre les civils

Entre le 6 et le 13 décembre 2021, des combattants anti-balaka ont attaqué le village de Boyo, dans la province d’Ouaka, d’après les Nations Unies. En huit jours, au moins 20 civils ont été tués, 5 femmes et jeunes filles violées, au moins 547 maisons incendiées et pillées, et plus de 1 000 villageois contraints à fuir.

En mars, le groupe rebelle Retour, Réclamation et Réhabilitation (3R) a lancé des attaques contre les civils dans la province d’Ouham-Pendé, y compris à Nzakoundou, où au moins quatre civils ont été tués.

En mai, l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) a attaqué un village et tué au moins 10 civils à Bokolobo, dans la province d’Ouaka, d’après l’ONU. Le leader militaire de l’UPC, Ali Darassa, également chef d’état-major de la CPC, a soutenu que ces attaques avaient été perpétrées par l’armée nationale et ses alliées.

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en février, les Etats-Unis ont accusé les combattants de Wagner de graves violations des droits humains, entre autres l’exécution sommaire de 30 personnes à Aïgbando, dans la province de Haute Kotto, en janvier. La Russie a rétorqué qu’il s’agissait d’accusations non vérifiées.

Plusieurs médias et d’autres sources ont rapporté des allégations relatives à des attaques perpétrées par des mercenaires russes contre des personnes travaillant dans des mines artisanales, dans les zones frontalières entre la République centrafricaine et le Soudan, entre mars et mai.

Référendum constitutionnel

En mars, le parti de Faustin Archange Touadéra, le Mouvement Cœurs unis (MCU), a tenté de faire passer un amendement à la constitution qui aurait supprimé la limite de deux mandats et permis au président d’en briguer un troisième. Faustin Archange Touadéra a été élu pour la première fois en 2016 puis réélu en 2020, dans un contexte d’offensive militaire menée par la CPC. Ces modifications ont initialement été proposées dans le cadre d’un « dialogue républicain » – promis par Faustin Archange Touadéra après sa réélection en 2020 – que la majeure partie de l’opposition a boycotté. La proposition a déclenché un tollé auprès de la société civile et parmi les opposants. En mai, les alliés politiques du président Touadéra ont néanmoins réitéré leur proposition d’amender la constitution de façon à lui permettre de se représenter, suscitant les protestations de l’opposition.

En août, Faustin Archange Touadéra a annoncé un référendum constitutionnel. Le même mois, il a mis en place une commission chargée de rédiger une nouvelle constitution modifiée de façon à lui permettre de briguer un troisième mandat.

En septembre, la Cour constitutionnelle a statué sur la requête déposée par une organisation de la société civile, et a jugé que le décret établissant cette commission « n’était pas conforme à la constitution du pays ».

Le 17 octobre, le ministre en charge du secrétariat général du gouvernement et des relations avec les institutions, Maxime Balalou, a annoncé la mise à la retraite de la Présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan, et a enjoint le gouvernement à prendre des mesures pour la remplacer. Le 19 octobre, Danièle Darlan a adressé une lettre à Maxime Balalou, dans laquelle elle dénonçait la décision du ministre de révoquer ainsi une juge de la cour, un geste qu’elle estime contraire à la constitution. Elle y réaffirmait son intention de poursuivre son mandat jusqu’à son terme, prévu en mars 2024. Danièle Darlan a été révoquée par décret présidentiel le 24 octobre.

Le prochain scrutin présidentiel est prévu en 2025.

Justice pour les crimes graves

En mars 2022, le Tchad a remis Maxime Mokom, ancien coordinateur militaire anti-balaka, à la Cour pénale internationale (CPI). Celui-ci s’était réfugié au Tchad après avoir participé à l’offensive avortée de la CPC pour s’emparer de Bangui en 2020. Maxime Mokom avait fait partie des dirigeants anti-balaka les plus haut-gradés du pays, avant d’être nommé ministre du désarmement, de la démobilisation, de la réinsertion et du rapatriement en 2019, dans le cadre d’un accord de paix qui n’a pas été respecté. En 2018, la CPI avait délivré son mandat d’arrêt sous scellés, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre le 5 décembre 2013 et décembre 2014 au moins.

Au mois d’avril, la Cour pénale spéciale (CPS) – qui fait partie du système judiciaire centrafricain mais dont le staff est en partie international, et qui bénéficie d’un soutien conséquent de la part des Nations Unies et d’autres acteurs étrangers – a ouvert son premier procès. La procédure concernait des suspects appartenant au groupe rebelle 3R, Issa Sallet Adoum, Ousman Yaouba, et Tahir Mahamat. Tous trois sont accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis en mai 2019 à Koundjili et à Lemouna dans la province d’Ouham Pende. Le 31 octobre, la cour a reconnu les trois accusés coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

En août, la CPI a rendu public un mandat d’arrêt émis à l’encontre de Noureddine Adam, ancien numéro deux de la Séléka. Le mandat, daté de janvier 2019, précise que Noureddine Adam est recherché pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, y compris des actes de torture. Il se trouverait actuellement au Soudan. Noureddine Adam a supervisé des combattants de la Séléka, et Human Rights Watch a documenté des atrocités vraisemblablement perpétrées par ceux qui étaient sous ses ordres, à Bangui et dans ses environs, depuis 2013. Après avoir fui la capitale centrafricaine en 2014, Noureddine Adam a pris le commandement d’autres groupes armés dans le nord-est du pays.

En septembre, le procès du commandant de la Seleka Mahamat Said Abdel Kani s’est ouvert devant la CPI, à La Haye. Le dirigeant est accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis à Bangui en 2013, et était « le subordonné direct » de Noureddine Adam, selon la cour. Il est le premier leader de la Séléka à devoir répondre de ces accusations devant la CPI.

Les procès des responsables anti-balaka Patrice-Edouard Ngaïssona et Alfred Yékatom se sont poursuivis à la CPI. Tous deux sont notamment accusés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis entre décembre 2013 et décembre 2014. Patrice-Edouard Ngaïssona a été arrêté en France et transféré devant la CPI en décembre 2018. Alfred Yekatom a été remis à la CPI par les autorités de la République centrafricaine en novembre 2018.

Hassan Bouba, un ministre du gouvernement accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par la CPS, était toujours en fuite. Hassan Bouba était l’un des leaders de l’UPC, et en 2017, il a été nommé conseiller spécial auprès du président, avant de devenir ministre de l’Élevage et de la santé animale. L’UPC a commencé à commettre de graves exactions dans la province d’Ouaka, en 2014. Hassan Bouba a été expulsé de cette organisation en janvier 2021. Fin novembre 2021, des gendarmes centrafricains ont fait sortir Hassan Bouba de prison au mépris des ordres de la CPS, et l’ont escorté chez lui. Il devait comparaître ce jour-là devant la CPS pour une audition de garde à vue, mais ne s’est pas présenté.

Déplacements et besoins humanitaires

Le nombre de déplacés internes est resté élevé en raison des combats. D’après l’ONU, en septembre 2022, plus de 1,3 millions de Centrafricains étaient soit réfugiés dans les pays voisins (735 000 personnes) soit déplacés à l’intérieur du pays (654 000 personnes). Les conditions de vie des déplacés internes et des réfugiés, qui vivent pour la plupart dans des camps, sont toujours difficiles. L’aide aux déplacés internes a été sérieusement entravée par les attaques perpétrées contre les travailleurs humanitaires, et l’insécurité générale qui règne dans le pays.

Environ 3,1 millions de personnes, sur une population de 4,9 millions, avaient besoin d’aide humanitaire. Le plan de réponse humanitaire manquait de financements, avec un déficit budgétaire d’environ 136 millions de dollars en septembre 2022.

Droits des femmes et des filles

L’insécurité et les violences perpétuelles ont créé un environnement hostile pour les femmes et les filles. Les violences sexuelles demeurent une menace pour ces dernières, et en particulier pour les déplacées internes. Selon le Rapport sur le développement humain 2021, le pays se classe 159ème sur 162, avec un indice d’inégalités de genre à 0,680. Les femmes sont sous-représentées dans les processus décisionnels et souffrent d’un taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés du monde.

Les filles sont gravement affectées par les grossesses non désirées et le mariage des enfants : le taux de grossesse chez les adolescentes et femmes de 15 à 19 ans était de 229 pour 1000, et 68 pour cent des filles sont mariées avant leurs 18 ans. Le pays se situe au deuxième rang mondial en termes de prévalence du mariage des enfants.

Droits des enfants

L’ONU a vérifié la situation d’au moins 329 enfants, dont certains n’avaient que 7 ans, qui ont été recrutés par les belligérants en 2021, y compris par les forces armées nationales. Au moins 104 enfants ont été tués ou blessés, principalement par coups de feu et tirs croisés. L’ONU a vérifié 211 cas de viols et autres violences sexuelles commises contre des filles. Au moins 52 écoles ont été attaquées, dont 26 par le gouvernement ou les forces pro-gouvernementales, et 55 autres écoles ont été utilisées à des fins militaires, principalement par les forces gouvernementales.

Principaux acteurs internationaux

En décembre 2021, le Conseil de sécurité des Nations Unies et les États-Unis ont imposé des sanctions à Ali Darassa, le chef de l’UPC. En tant que fondateur et leader de cette organisation, il a été impliqué dans de graves violations des droits humains, et notamment des meurtres de civils, des actes de torture, des viols et des déplacements de population.

Dans le cadre d’une loi de prévention des enfants soldats, les États-Unis ont ajouté la République centrafricaine à leur liste de gouvernements ayant recours à des enfants soldats, pour la première fois depuis 2014. Cette qualification entraîne des sanctions en matière d’assistance militaire, sauf en cas de dérogation présidentielle.

La mission onusienne de maintien de la paix, la MINUSCA, a déployé 11 598 soldats de maintien de la paix et 2 085 policiers dans de nombreuses régions du pays. En vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, la mission est autorisée à prendre tous les moyens nécessaires pour protéger la population civile contre la menace de violence physique et à « mettre en œuvre une stratégie de protection à l’échelle de la mission ». En novembre 2021, le Conseil de sécurité des Nations Unies a prolongé son mandat d’une année supplémentaire.

En avril, les gouvernements du Cameroun, de la République centrafricaine, du Tchad, de la République du Congo (Congo-Brazzaville), de la République démocratique du Congo, du Soudan et du Soudan du Sud ont adopté une déclaration pour venir en aide aux Centrafricains déplacés au niveau de la région.