Résumé
J'ai déjà perdu quatre ans de ma vie parce que je n'ai pas pu aller à l’école. Il n'est pas normal qu'un élève perde autant de temps. Je voudrais être médecin, mais la Séléka compromet mon avenir.
–Un élève âgé de 18 ans, Ngadja, le 24 janvier 2017.
Les [anti-balaka] ont détruit les tables et les chaises. Nous avons réussi à leur faire évacuer l'un des bâtiments afin de recommencer l'école, mais ils ont continué d'occuper une moitié de l'école et ils ont saccagé le bâtiment.... Ils utilisaient la cour de notre école comme toilettes. Ils ont utilisé les tables comme bois pour le feu.
–Un responsable d'une école à Sekia-Dalliet, le 17 janvier 2017.
Quatre ans après que les rebelles de la Séléka eurent conquis Bangui, la capitale de la République centrafricaine, et malgré le rétablissement au pouvoir d'un gouvernement élu, de nombreux enfants sont encore dans l'impossibilité d'aller à l'école en raison de la présence de groupes armés ou de destructions causées par eux, alors que le pays est toujours le théâtre de combats, en particulier dans ses provinces du centre et de l'est.
Basé sur des entretiens menés en novembre 2016 et en janvier 2017 avec plus de 40 personnes, dont des élèves, des parents, des enseignants, des responsables de villages et des membres de groupes armés, ce rapport documente les occupations d'écoles à des fins militaires, par exemple pour servir de baraquements ou de bases, et décrit comment les abus commis par des combattants dans et aux alentours des écoles ont de graves conséquences pour la sécurité des élèves et des enseignants, ainsi que pour la possibilité pour les élèves d'étudier.
Dans la majorité des cas documentés par Human Rights Watch et par d'autres organisations internationales, dont les Nations Unies, les combattants de la Séléka ont été les principaux responsables de pillages et d'occupations d'écoles. Mais les forces anti-balaka ont également commis à de nombreuses reprises des abus similaires. La Séléka (ou « alliance » en sango, la principale langue du pays) était une coalition informelle de miliciens armés majoritairement musulmans, s'estimant lésés par des années d'appauvrissement et d'insécurité, et par l’insuffisance des services sociaux fournis par le gouvernement présidé par François Bozizé de 2003 à 2013. Les anti-balaka sont des miliciens chrétiens et animistes qui au départ ont pris les armes pour combattre la Séléka, mais dont certains se sont alliés au cours des derniers mois avec des groupes armés issus de la Séléka.
Lorsque des combattants occupent des écoles, ils font courir des risques aux élèves et aux enseignants. L'utilisation d'écoles à des fins militaires a pour effet de détériorer, d'endommager et de détruire des infrastructures qui sont déjà insuffisantes et de piètre qualité, car les combattants qui occupent des écoles se servent souvent des pupitres et des chaises comme bois de chauffe pour la cuisine.
L'utilisation d'une école par des groupes armés risque aussi de transformer cet établissement en cible légitime d'une attaque ennemie. Même après avoir été évacuée, l'école peut demeurer un lieu dangereux pour les enfants si les combattants y ont abandonné des munitions non utilisées ou d’autres types de matériel militaire. Dans plusieurs cas documentés ici, des écoles qui ont été évacuées continuent d'être affectées par la présence de combattants à proximité, ce qui limite la capacité des élèves à aller en classe.
Dans ce pays en proie à un conflit qui pose de graves menaces à la santé, à la sécurité et au bien-être des enfants, le gouvernement centrafricain et la force de maintien de la paix des Nations Unies devraient agir davantage pour protéger les élèves et les écoles, et pour s’assurer du respect du droit à l'éducation.
En temps de conflit et d'insécurité, il est d'une importance vitale pour les enfants que leur accès à l'éducation soit préservé. Si l'on fait en sorte que les écoles demeurent des environnements sûrs et protégés, elles peuvent apporter un sens de normalité qui est crucial pour le développement de l'enfant et pour son bien-être psychologique.
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Le nombre d'actes de violence commis par les groupes armés et d'attaques contre les civils a nettement augmenté depuis octobre 2016, en particulier dans les provinces du centre et de l’est du pays. Des combats entre deux factions de la Séléka dans les provinces de Ouaka et du Haut-Kotto ont eu pour conséquence un accroissement des attaques contre les civils et le déplacement de dizaines de milliers de personnes. Ces combats ne donnent aucun signe de devoir se calmer. Le gouvernement du président Faustin-Archange Touadéra a du mal à maintenir sa stabilité et sa présence dans les zones contrôlées par les groupes armés est minimale, notamment dans le centre et l'est du pays. Dans la plupart des régions du pays, les Casques bleus des Nations Unies sont la seule force ayant la capacité de protéger les groupes vulnérables.
La gravité de la crise en République centrafricaine est telle qu'elle constitue un fardeau trop lourd pour le gouvernement, les agences de l'ONU et les organisations humanitaires. Le pays continue de ne recevoir qu'un financement inadéquat pour faire face à des urgences humanitaires multiples, alors que seulement 4,7 % d'un appel de fonds de l'ONU de 399,5 millions de dollars ont été réunis.
Des enfants continuent de subir les effets négatifs des combats et des déplacements de populations en République centrafricaine, tandis que d'autres vivent le traumatisme des violences dans leurs villages, dans leurs foyers et dans leurs écoles. Il incombe principalement au gouvernement de faire en sorte que les communautés disposent des ressources nécessaires pour réparer et reconstruire les écoles qui ont été endommagées par les combats. Cet effort exigera une coopération étroite avec les partenaires internationaux de la République centrafricaine.
En conformité avec la résolution 2225 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les enfants dans les conflits armés, le gouvernement centrafricain devrait prendre des mesures concrètes pour empêcher l'utilisation d'écoles à des fins militaires, y compris en demandant l'aide de la mission de maintien de la paix des Nations Unies. En juin 2015, la République centrafricaine a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles qui impute aux gouvernements la responsabilité de protéger les écoles des attaques et de toute utilisation à des fins militaires. Ceci a constitué un important pas en avant, incitant la mission de maintien de la paix des Nations Unies déployée dans le pays à commencer à dégager les écoles occupées par des milices. Mais bien que la mission de l'ONU ait enregistré quelques succès en 2016, les progrès ont été compromis par le fait que dans certain cas, ce sont les forces de maintien de la paix elles-mêmes qui utilisent des bâtiments scolaires comme bases ou comme casernes, en violation des règles de l'ONU.
Le 2 décembre 2016, le Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants dans les conflits armés a émis une déclaration publique dans laquelle il appelait tous les groupes armés, y compris les forces de maintien de la paix des Nations Unies, à se conformer au droit international et à respecter le caractère civil des établissements scolaires.
Pour beaucoup trop d'enfants en République centrafricaine, une éducation dans des conditions sûres n'est pas possible. Dans une crise dont de nombreux aspects sont négligés, l'accès des enfants à l'éducation doit devenir une priorité. Les efforts visant à assurer un environnement sûr pour les élèves sont essentiels pour parvenir à une paix durable.
Recommandations
Au gouvernement de la République centrafricaine :
- En conformité avec la résolution 2225 du Conseil de sécurité de l'ONU, prendre des mesures concrètes pour décourager l'utilisation d'établissements d'enseignement à des fins militaires, y compris en sollicitant publiquement l'aide de la mission de maintien de la paix de l'ONU pour obliger les groupes armés à évacuer les écoles et leurs périmètres ;
- Faire en sorte que les élèves privés d'installations scolaires en conséquence du conflit se voient rapidement accorder un accès à d'autres écoles dotées d'un équipement adéquat pendant que leurs écoles d'origine subissent des réparations. Requérir dans ce but l'assistance des agences de l'ONU et des acteurs humanitaires ;
- Incorporer dans la politique nationale en matière militaire et dans les plans opérationnels ou dans la loi, des clauses protégeant les écoles contre toute utilisation à des fins militaires, en prenant comme normes minimales les « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire durant les conflits armés » de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ;
- Enquêter sur les attaques commises contre des élèves, des enseignants et des écoles, et faire rendre des comptes à leurs responsables.
À tous les groupes armés :
- Ordonner aux combattants de s'abstenir d'utiliser des bâtiments scolaires ou des campus d'écoles comme lieux de campement ou comme baraquements, où cela exposerait inutilement les civils à des risques ou priverait les enfants de leur droit à l'éducation ;
- Ordonner aux combattants actuellement basés dans ou aux alentours d'établissements scolaires d'évacuer la zone immédiatement.
À la Mission de l'ONU en République centrafricaine (MINUSCA) :
- Renforcer la directive émise le 24 décembre 2015, sur la protection des écoles et des universités contre leur utilisation à des fins militaires ;
- Rappeler à tous les militaires le contenu du Manuel des bataillons d'infanterie des Nations Unies, qui stipule que les écoles ne doivent pas être utilisées par les Casques bleus de l'ONU dans le cadre de leurs opérations ;
- Faire en sorte que tous les membres des forces de maintien de la paix reçoivent, préalablement à leur déploiement, une formation qui souligne l'interdiction d'utiliser les écoles dans le cadre de leurs opérations ;
- Continuer de plaider auprès des groupes armés qui utilisent des écoles à des fins militaires pour qu'ils évacuent ces écoles et de faire en sorte que les élèves puissent y retourner en toute sécurité.
Méthodologie
Ce rapport est basé sur des recherches effectuées en République centrafricaine en novembre 2016 et janvier 2017 dans les provinces de Lobaye, Nana-Grébizi, Nana-Mambéré, Ouaka, Ouham et Ouham-Pendé. Un chercheur de Human Rights Watch a visité 12 écoles et s'est entretenu avec plus de 40 personnes, dont des élèves, des parents, des enseignants, des responsables de villages et des membres de groupes armés. Les entretiens ont été menés en français et en sango avec traduction en français. Les recherches sur des écoles qui avaient été occupées, puis évacuées, ont été effectuées lors de visites sur place afin de vérifier les circonstances et les conséquences de l'occupation. Lors de ses recherches, Human Rights Watch a contacté les groupes de la Séléka représentatifs, le Front démocratique du peuple centrafricain et la MINUSCA. Human Rights Watch a écrit à Alfred Yékatom, le dirigeant anti-balaka cité dans ce rapport ; au moment de la rédaction du rapport, il n'avait toujours pas répondu.
De nombreuses personnes interrogées, craignant des actes de harcèlement ou de représailles, ont demandé que leur nom n'apparaisse pas dans le rapport. En conséquence, les noms de témoins et de victimes ont été tenus secrets. Certaines personnes ont donné leur accord pour que leur photo soit utilisée à condition que leur nom et le lieu où la photo a été prise ne soient pas mentionnés. D'autres encore ont consenti à ce que leur nom, leur photo et le lieu où elle a été prise soient publiés.
Toutes les personnes interrogées ont donné leur consentement en connaissance de cause à Human Rights Watch. Aucune n'a reçu de paiement ou d'autre avantage en échange de ses informations.
I.Contexte
Séléka et anti-balaka[1]
Les origines du conflit actuel en République centrafricaine remontent à la fin de l'année 2012, avec la création dans le nord-est du pays d'un groupe rebelle, la Séléka. La Séléka (ou « alliance » en sango, la principale langue du pays) était une coalition informelle d'éléments armés majoritairement musulmans, s'estimant lésés par des années d'appauvrissement, d'insécurité et de services sociaux inadéquats de la part du gouvernement du président de l'époque, François Bozizé.
Le 24 mars 2013, la Séléka s'est emparée de Bangui, la capitale, renversant Bozizé et son gouvernement. Les membres de la Séléka ont affirmé que leur objectif était de libérer le pays et d'apporter sécurité et développement mais, en quelques jours, les combattants de la Séléka ont déclenché des vagues de violence contre quiconque était perçu comme un ancien partisan de Bozizé, tuant des centaines de civils, et peut-être beaucoup plus, à Bangui et dans tout le pays.[2] Le régime de la Séléka a été violent, désorganisé et marqué par une impunité totale pour les graves crimes qui étaient commis.
Vers la fin de 2013, des milices chrétiennes et animistes connues sous le nom d'anti-balaka ont commencé à organiser la contre-attaque contre la Séléka. (Le terme « anti-
balaka » signifie « anti-balles », en référence à celles d'un fusil d'assaut kalachnikov).[3] En réaction aux attaques de la Séléka, et avec l'appui d'anciens militaires de l'armée gouvernementale, les anti-balaka sont rapidement devenus une milice à l'organisation approximative et violente. Ce groupe a fréquemment pris pour cibles des civils musulmans, assimilant tous les musulmans à la Séléka.[4]
Le 5 décembre 2013, le Conseil de sécurité de l'ONU a autorisé le déploiement de militaires de maintien de la paix de l'Union africaine (UA) et de forces françaises qui étaient déjà sur le terrain.[5] Ces deux forces ont chassé la plupart des combattants de la Séléka de Bangui et de la partie sud-ouest du pays. La plupart des combattants de la Séléka ont alors fait mouvement vers l'est, où le groupe a établi des places fortes et s'est scindé en de multiples factions.
Les factions de la Séléka les plus importantes sont l'Union pour la Paix en Centrafrique (UPC), dirigée par Ali Darassa Mahamat dans la province de Ouaka, le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC), dirigé dans la province de Nana-Grébizi par Moussa Maloud et Lambert Lissane (mais avec des liens avec les chefs de la Séléka Michel Djotodia et Noureddine Adam, qui vivent hors du pays), et le Mouvement Patriotique pour la Centrafrique (MPC), dirigé dans la province de Nana-Grébizi par Idriss Ahmned El Bachar. Fin août 2016, la Séléka a annoncé la tenue d'une conférence visant à unifier toutes ces branches. [6] Cette unification a été de courte durée et en novembre 2016, le FPRC et l'UPC se sont affrontés à Bria, une ville du centre du pays.[7] Puis ce conflit s'est étendu, en décembre 2016, à la province de Ouaka, le FPRC et le MPC s'alliant à des forces anti-balaka dans la région.[8] Les affrontements entre ces divers groupes demeurent une grave menace pour la population civile dans le centre du pays.
MINUSCA
En avril 2014, l'ONU a autorisé sa mission de maintien de la paix, la MINUSCA, dotée d'un effectif militaire de 11 820 personnes, à prendre le relais de la mission de l'UA. La MINUSCA a pour mandat de protéger les civils, par la force si nécessaire, afin de faciliter une transition politique, et de créer un environnement sûr pour l'assistance humanitaire.[9] Selon des chiffres relevés en février 2017, 10 750 militaires de maintien de la paix et 2 080 policiers étaient déployés dans le pays.
Attaques contre des éc0les et occupation d'écoles à des fins militaires par des groupes armés
L'offensive de la Séléka a négativement affecté un système d'éducation qui était déjà chancelant. En raison de la faiblesse de ses infrastructures, d'un manque chronique d'enseignants et de disparités de nombres entre filles et garçons parmi les élèves, la République centrafricaine était, même avant la crise, déjà classée par une organisation compétente comme l'un des pires pays au monde pour faire des études.[10]
Parallèlement à ses avancées hors de ses bases dans le nord-est, la Séléka pillait et occupait des écoles. Vers la fin de 2013, les écoles dans tout le pays avaient perdu en moyenne 25 semaines de classe.[11] Les pillages devenaient si systématiques que dans certains établissements, il ne restait plus rien à voler.[12] Les groupes anti-balaka ont également pillé les écoles de manière similaire lorsqu'ils sont devenus plus actifs en 2013.[13]
Il est difficile de dénombrer les écoles affectées par les groupes armés depuis décembre 2012 sur tout le territoire de la République centrafricaine, en raison de différences entre les techniques d'évaluation des agences de l'ONU et celles des organisations non gouvernementales, et du fait que leur accès est souvent limité à cause de l'insécurité et de l'éloignement de certaines d'entre elles. L'exercice est également compliqué par le fait que certaines écoles ont été occupées à plusieurs reprises pendant de brèves périodes. Bien que l'absence de données complètes ait compliqué les efforts pour prendre la pleine mesure du problème, certaines conclusions générales se font jour.
Par exemple, les Nations Unies ont enregistré 36 cas d'utilisation d'écoles à des fins militaires, pour la plupart commises par des groupes appartenant à la Séléka, entre fin 2012 et février 2016.[14] Dans un rapport daté d'avril 2015, le Groupe sectoriel de l'éducation – groupe de coordination humanitaire dans le domaine de l'éducation – a affirmé que 38% des 335 écoles qu'il avait évaluées après les avoir sélectionnées de manière aléatoire, avaient été attaquées par des groupes armés. Ces nombres étaient supérieurs à ceux de deux précédentes estimations des écoles attaquées, entre août 2013 et février 2014, qui avaient produit des taux de 17,5 % et 33 %, respectivement. Le rapport d'avril 2015 conclut que les groupes armés « ont spécifiquement pris pour cible l'éducation lors de la période de septembre à novembre 2014, afin d'empêcher le retour des élèves et enseignants dans les écoles, qui est un symbole du retour à la normale et à la stabilité ».[15]
Plus récemment, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) a estimé, en novembre 2016, que 2 336 écoles étaient opérationnelles dans tout le pays et qu'au moins 461 ne l'étaient pas. Il n'est pas possible de dire si les perturbations temporaires du calendrier scolaire sont reflétées dans ces données. Les principales raisons pour lesquelles des écoles demeurent inactives, selon l'ONU, sont l'insécurité, la pénurie d'enseignants, les déplacements de population, les destructions de bâtiments scolaires ou l'occupation d'écoles par des groupes armés.[16] Les efforts humanitaires pour rouvrir les écoles et pour améliorer le système éducatif restent gravement sous financés. Au début de 2016, le programme de réponse des Nations Unies dans le domaine de l'éducation n'était financé qu'à hauteur de trois pour cent.[17]
De 2014 à la fin de 2016, l'intensité des violences a diminué mais le problème posé par les attaques ou les occupations d'écoles a perduré. Cela a été le cas particulièrement lorsque les violences ont de nouveau augmenté fin 2016. En octobre 2016, par exemple, les forces du FPRC et du MPC ont attaqué une école à Kaga-Bandoro, dans la province de Nana-Grébizi, tuant deux enseignants dans un établissement où se déroulait une classe de formation de professeurs.[18] Un participant à cette classe a déclaré :
Un groupe de combattants de la Séléka est venu dans la cour de l'école. Il comptait environ 15 hommes… Ils ont ouvert le feu directement sur nous. Un enseignant, Kango, était malade et n'a pas pu s'enfuir, il a été capturé et tué à coups de couteau. Je Ies ai vus le tuer. J'ai appris par la suite qu'un autre enseignant, le directeur du centre de formation, a également été tué quand ils l'ont découvert dans le quartier.[19]
En décembre, des combattants de l'UPC ont exécuté 25 personnes dans la ville de Bakala, après les avoir convoquées dans une école pour une prétendue réunion d'information.[20] Human Rights Watch a également reçu des informations crédibles selon lesquelles des combattants de l'UPC ont occupé une école à Liwa, à 10 kilomètres de Bambari, le 21 février 2017, quelques jours avant que le commandant de l'UPC, Ali Darassa, quitte la ville.[21]
II. Entraves à l'enseignement liées à l’occupation d'écoles par des groupes armés
La pratique des groupes armés consistant à piller des écoles ou à les utiliser à des fins militaires est un aspect courant de la crise en République centrafricaine depuis quatre ans.[22] Les membres de la Séléka et des groupes anti-balaka ont utilisé des écoles comme logements et comme positions militaires et se sont servis du mobilier comme bois pour le feu.
À certains moments, les forces de maintien de la paix ont également utilisé des écoles dans le cadre de leurs opérations, en contravention avec les directives locales et avec les normes internationales définies par le Département des opérations de maintien de la paix de l'ONU. Le Groupe sectoriel sur l'éducation a reçu 11 rapports faisant état de l'occupation d'écoles par les militaires de maintien de la paix de l'Union africaine ou de l'ONU, entre 2012 et janvier 2015.[23] Dans son rapport de 2015 sur les enfants dans les conflits armés, le Secrétaire général de l'ONU affirmait que les forces de l'Union africaine et françaises avaient utilisé cinq écoles en 2014.[24] Le rapport de 2016 sur les enfants dans les conflits armés en République centrafricaine indiquait que deux contingents de la Force multinationale de l'Union africaine en Centrafrique[25] avaient occupé deux écoles, à Sibut et à Damara, en 2013.[26]
Des combattants ont parfois converti une école tout entière en baraquements militaires ou en base militaire. Dans d'autres cas, ils ont pris le contrôle d'une partie du périmètre d'une école.
Quand des militaires imposent leur autorité sur des écoles, cela expose inutilement les élèves et les enseignants à des risques et cela gêne les élèves dans leurs études. Cela occasionne également des dommages aux bâtiments scolaires, aux équipements et au matériel d'enseignement. Même brève, toute utilisation d'une école à des fins militaires laisse celle-ci impropre à un usage éducationnel sans d'importants travaux de restauration.
En novembre 2016 et janvier 2017, Human Rights Watch a visité 12 écoles qui étaient occupées par un groupe armé, ou qui avaient été précédemment occupées, ou dont le groupe occupant se trouvait encore à proximité, empêchant ainsi les élèves d'aller en classe. Même si certaines de ces écoles étaient de nouveau opérationnelles, des enseignants et des parents ont déclaré à Human Rights Watch qu'elles étaient fréquemment fermées, ce qui perturbait l'assiduité en classe des enfants.
Dans certains cas, des combattants ont occupé des écoles, puis les ont évacuées mais ont poursuivi leurs opérations à proximité. Certaines de ces écoles ont subi des dommages durant l'occupation.
Dans un incident survenu en juillet 2016, dans la ville de Sekia-Dalliet, dans la province de Lobaye, un combattant anti-balaka a passé à tabac un enseignant qui tentait de l'empêcher de brûler un bureau. « Un jour, un combattant anti-balaka emportait une table pour la brûler et j'en ai eu assez », a déclaré cet enseignant, expliquant qu'à cette époque, cela faisait 22 mois que les combattants anti-balaka occupaient l'école. « J'ai couru vers lui et lui ai dit d'arrêter. Je lui ai dit de laisser la table en place car elle devait servir aux enfants. Il a sorti un couteau et m'a frappé à la tête. J'ai été aussitôt emmené à l'hôpital. »[27] Human Rights Watch a pu constater la présence de cicatrices sur la tête de cet enseignant, à l'endroit où il disait avoir été frappé.
Quand Human Rights Watch a visité Sekia-Dalliet en janvier 2017, des centaines de miliciens anti-balaka étaient toujours en ville. Aucun n'était basé dans l'école mais certains stationnaient juste en face, de l'autre côté de la rue. Des habitants de Sekia-Dalliet ont déclaré à Human Rights Watch que ces combattants anti-balaka étaient sous les ordres d'Alfred Yékatom, alias Rombhot, actuellement député à l'Assemblée nationale centrafricaine.[28]
Dans d'autres villes et provinces, des écoles étaient toujours occupées par des groupes armés. Par exemple, des forces de la Séléka affiliées à l'UPC ont occupé l'école primaire – qui normalement compte 344 élèves – à Ngadja, dans la province de Ouaka, de manière intermittente depuis 2015, et s'y trouvaient toujours en janvier 2017. Ils s'étaient d'abord emparés de l'école en octobre 2014, puis l'avait évacuée pour quelques mois en 2015. Ils l'avaient réoccupée en décembre 2015 et évacuée de nouveau en 2016 pour quelques mois, pour la réoccuper une nouvelle fois plus tard dans l'année. Pendant cinq mois en 2015, alors qu'ils occupaient le bâtiment principal de l'école, les membres de la Séléka ont utilisé le bureau du directeur comme prison. Des enseignants ont expliqué à Human Rights Watch comment les prisonniers étaient gardés dans cette pièce exigüe pendant des semaines et étaient forcés d'utiliser les coins comme toilettes.
En janvier 2017, des combattants de l'UPC vivaient dans la partie réservée à l'école maternelle dans l'enceinte de l'établissement, et avaient des hommes postés à l'extérieur du bâtiment principal alors que les enfants fréquentaient encore l'école. Parfois, ils tiraient des coups de feu pendant les classes, selon les témoignages d'enseignants et d'élèves. Un élève de l'école a expliqué :
La Séléka a reçu de nouvelles armes à feu le 13 janvier [2017] et les miliciens tiraient avec ces armes. Nous étions en classe quand ils ont commencé à tirer derrière l'école. Nous voulions fuir mais les enseignants nous ont dit qu'il était plus prudent de rester à terre, dans la salle de classe. J'ai peur de venir à l'école. J'ai peur que la Séléka m'attaque. Je me demande souvent : « À quoi bon aller à l'école ? Cela en vaut-il les risques ? »[29]
Occupation d'écoles en tant qu’habitations et centres de détention
Depuis le début de la crise, de multiples groupes armés ont utilisé des écoles comme bases temporaires, habituellement pendant la saison des pluies, et cette tendance se poursuit aujourd'hui. À Zoumanga dans la province de Nana-Grébizi, par exemple, des combattants Séléka du MPC ont occupé l'unique école du lieu à partir de mars 2014. Ils ont évacué le bâtiment de l'école en novembre 2015, mais ont établi une base sur le terrain de l'école près de la rue. De cette position sur la rue, ils extorquent de l'argent aux passants sous la menace de leurs armes. En 2016, les combattants du MPC ont repris le bâtiment de l'école et l'ont occupé jusqu'en octobre, se positionnant de nouveau sur le terrain de l'école près de la rue. Un commandant local du MPC a expliqué qu'ils n'avaient pas d'autre choix que de rester dans l'enceinte de l'école à la saison des pluies car ils n'avaient pas d'autres abris adéquats. « L'école est un bon bâtiment », a-t-il dit. « Et regardez nos tentes, elles sont défectueuses. Nous devrons bientôt nous réinstaller dans l'école quand les pluies viendront. Mais ce n'est pas un problème, les élèves peuvent continuer à venir à l'école quand nous y sommes. »[30]
En octobre 2016, un groupe armé actif dans l'ouest du pays, le Front démocratique du peuple centrafricain (FDPC), a évacué une école à Zoukombo, dans la province de Nana-Mambére, à l'insistance de la MINUSCA, mais a menacé de la réoccuper pendant les prochaines vacances scolaires. Le FDPC occupait cette école depuis le 20 mai 2016. Un porte-parole du FDPC, Gustave Guingi, a ainsi justifié l'occupation de l'école auprès de Human Rights Watch : « Nous voulons être installés dans un lieu confortable en attendant l'opération de DDR [désarmement, démobilisation et réinsertion]. Actuellement, nous vivons dans des huttes et la vie dans ces conditions n'est pas bonne. Nous ne camperons plus dans l'école mais nous la réoccuperons peut-être pendant les vacances scolaires, puisqu'à ce moment-là, elle n'est pas utilisée. »[31]
Selon le Groupe d'experts de l'ONU sur la République centrafricaine[32], en se servant de l'école comme d'une base, le FDPC a pillé des biens et extorqué de l'argent et des objets de valeur aux villageois et aux voyageurs du secteur, et a négocié le paiement de rançons pour des otages détenus par lui dans d'autres zones.[33]
En juin 2016, le Groupe d'experts de l'ONU a pris des photos de combattants armés du FDPC stationnés devant l'école.[34] Le 27 janvier 2017, un chercheur de Human Rights Watch a vu un milicien du FDPC armé d'un fusil kalachnikov à quelques mètres du périmètre de l'école alors que les élèves se rendaient en classe.
Le 11 décembre 2016, des miliciens de l'UPC ont attaqué Bakala, une ville de la province de Ouaka. À l'issue d'une bataille avec le FPRC, l'UPC a pris le contrôle de la ville. Ce soir-là, les membres de l'UPC ont retenu captif un petit groupe d'hommes à l'école sous-préfectorale. Le lendemain, ils ont envoyé un message à travers la ville, affirmant qu'une réunion allait se tenir dans l'école. Quand les gens se sont rassemblés, les combattants de l'UPC ont capturé au moins 24 hommes et un garçon et ont tué 16 d'entre eux dans l'enceinte de l'école.[35]
Occupation d'écoles par la MINUSCA
Depuis 2013, Human Rights Watch a documenté cinq cas dans lesquels des forces internationales de maintien de la paix appartenant à la mission de l'Union africaine, la MISCA, et à la mission de l'ONU, la MINUSCA, ont utilisé des écoles comme bases, dont deux cas relevés vers la fin de 2016. En novembre 2016, Human Rights Watch a visité une école à De Gaulle dans la sous-préfecture de Koui, dans la province d'Ouham-Pendé, et a observé comment des militaires de la MINUSCA originaires de la République du Congo occupaient l'école primaire de la ville et son enceinte. Des habitants ont affirmé que des Casques bleus armés étaient sur place depuis plusieurs semaines. L'officier chargé du commandement a affirmé à Human Rights Watch que ses hommes allaient bientôt quitter l'école, mais que leur utilisation de l'établissement correspondait au souhait de la communauté locale.[36] Les militaires de maintien de la paix ont effectivement quitté l'école en novembre, après que Human Rights Watch eut contacté le commandement de la MINUSCA à Bangui.
Depuis décembre 2016, Mourouba, une petite ville de la province de Ouaka, a été le théâtre d'affrontements entre l'UPC et le FPRC. Les miliciens de l'UPC ont pris le contrôle de la ville en décembre et tué au moins trois civils, un père et ses deux fils âgés de 16 et 10 ans.[37] Ils ont également saccagé l'école et brûlé ses documents, selon des habitants. La population de la ville s'est enfuie et quand les habitants ont commencé à revenir en janvier, l'école était occupée par des Casques bleus de la MINUSCA. Lors d'une visite de la ville le 22 janvier, des chercheurs de Human Rights Watch ont vu des militaires
pakistanais de la MINUSCA qui utilisaient le terrain de l'école comme base. Des habitants ont déclaré à Human Rights Watch qu'ils souhaitaient que les militaires de maintien de la paix restent, mais qu'ils voulaient aussi que leurs enfants retournent à l'école. Un parent a expliqué :
Nous nous sommes tous enfuis quand les hommes de Darassa [le commandant de l'UPC] sont arrivés et quand nous sommes revenus, les Pakistanais [de la MINUSCA] étaient dans l'école. Ils étaient arrivés dans le courant du mois. Nous aimerions faire redémarrer l'école, mais maintenant les Pakistanais y sont et nous préférons que la MINUSCA soit en ville pour nous protéger.[38]
« J'espère que la paix reviendra, pour que les Pakistanais quittent l'école et que nous puissions la rouvrir », a déclaré à Human Rights Watch un garçon âgé de 16 ans. « J'aimerais être un intellectuel. Sans école, je n'aurai pas d'avenir, donc c'est important pour moi. »[39]
Human Rights Watch a informé les autorités de la MINUSCA de l'occupation des écoles de De Gaulle et de Mourouba et toutes les deux ont été ensuite évacuées. Cependant, ces occupations récentes constituent d'inquiétantes violations de la propre directive de la MINUSCA imposant à ses militaires de « n'utiliser des écoles dans aucune circonstance » (cf. chapitre III pour de plus amples détails), qui montrent que les ordres de Bangui ne sont pas appliqués dans les provinces. Lors de leurs entretiens avec Human Rights Watch, les officiers commandant la MINUSCA à De Gaulle ont défendu leur utilisation de l'école, en arguant que la population locale souhaitait leur présence sur place, et les officiers de Mourouba ont évité de répondre clairement aux questions concernant la directive.
Dangers empêchant les élèves de retourner dans les écoles occupées
À Ngadja, dans la province de Ouaka, l'école fonctionne en dépit de son occupation par l'UPC, mais un responsable scolaire a déclaré à Human Rights Watch que des centaines d'élèves manquaient régulièrement la classe parce que leurs parents avaient peur de les laisser y aller. Un parent de Ngadja a déclaré à Human Rights Watch :
Je crains que s'il y a des combats entre la Séléka et les anti-balaka, la Séléka se venge sur la population et attaque nos enfants à l'école. Nous habitons loin de l'école, et s'il y a une attaque ou si la Séléka décide de s'en prendre à nos enfants pour se venger, je ne pourrai pas aller chercher
nos enfants. Si je n'étais pas allé à l'école, je ne saurais même pas écrire mon nom. C'est l'éducation qui m'a donné cette possibilité. J'espère que ces miliciens de la Séléka quitteront l'école, afin que nos enfants puissent au moins rattraper le temps perdu et obtenir un niveau d'éducation de base, le même niveau dont j'ai moi-même bénéficié.[40]
Un autre parent de Ngadja a avancé un argument similaire. « Ce que je crains le plus, c'est
que les anti-balaka attaquent l'école et que les enfants se trouvent pris entre deux feux », a-t-il dit. « Je veux que le gouvernement et la MINUSCA éloignent cette base de l'école pour que nos enfants puissent étudier en toute sécurité. »[41]
À Zoumanga, des combattants de la Séléka affiliés au MPC sont installés dans des huttes à quelques mètres seulement de l'école et mangent sous un arbre dans l'enceinte de l'établissement. Quoique des miliciens de la Séléka aient affirmé à Human Rights Watch qu'ils n'avaient pas de problème avec l'école et souhaitaient qu'elle continue de fonctionner, des responsables de l'établissement ont évoqué l'existence d'une constante menace. « Parfois, les hommes de la Séléka tirent sur des cochons qui passent devant l'école », a déclaré l'un d'eux. « Je me suis plaint de cela il y a quelques jours et leur commandant m'a dit: ‘Nous pouvons fermer l'école à tout moment.’ Il est très difficile d'enseigner dans de telles conditions et souvent les enfants ne viennent pas. »[42]
Des responsables scolaires de Zoumanga ont affirmé qu'au moins 100 élèves sur un total de 392 ne viennent pas régulièrement à l'école, parce qu'ils ont peur des combattants de la Séléka. Un parent qui n'autorise pas ses enfants à aller à l'école a déclaré à Human Rights Watch :
J'ai trois enfants qui devraient être scolarisés. Mais la Séléka peut commencer à tirer n'importe quand. Parfois, ils s'exercent à tirer et cela>effraie les enfants. Mes enfants veulent aller à l'école mais depuis novembre [2016], j'ai décidé de ne pas les y envoyer. Quand la paix sera revenue, ils pourront y retourner.[43]
Un autre parent de Zoumanga a été du même avis. « La présence de la Séléka rend l'école trop dangereuse pour nos enfants », a-t-il dit. « Un coup de fusil peut partir, un enfant peut s'approcher trop près des miliciens et ils peuvent l'abattre, ou la Séléka peut être attaquée et la fusillade commencer. »[44]
Craintes entravant l’éducation des élèves même après l’évacuation des écoles
Les risques pour les enseignants et les élèves ne disparaissent pas dès qu'un groupe armé a évacué une école. Dans quatre cas en janvier 2017, Human Rights Watch a observé la présence de combattants à proximité immédiate d'un enceinte scolaire. Plusieurs parents ont déclaré ne pas souhaiter envoyer leurs enfants à l'école, par peur des miliciens qui se trouvaient si près de l'établissement.
À Bojomo, dans la province d'Ouham, des miliciens de la Séléka ont évacué l'école primaire locale en novembre 2016, à l'instigation des autorités locales et de la MINUSCA.[45] Cependant, une responsable de l'établissement a expliqué que les parents étaient toujours réticents à envoyer leurs enfants en classe à cause des menaces.
« Les hommes de la Séléka sont juste à côté », a-t-elle dit. « Les parents ont peur d'envoyer leurs enfants parce que la Séléka a menacé de tuer des gens dans le village. Ils étaient furieux d'avoir été forcés de quitter l'école. »[46]
Un parent de quatre enfants d'âge scolaire a déclaré:
Depuis que la Séléka a établi sa base ici, les parents ont très peur. Leur base est toujours à proximité de l'école. La Séléka a attaqué le village en 2014 et tué mon mari. Voir ces hommes de la Séléka ici avec des armes lourdes et nous avec aucun moyen de nous défendre s'ils nous attaquent… c'en est trop. Je ne peux pas envoyer les enfants à l'école.[47]
À Mbrès, une ville de la province de Nana-Grébizi, les miliciens de la Séléka affiliés au FPRC et au MPC ont évacué deux écoles primaires, une pour garçons et une pour filles, en décembre 2016. Ces écoles étaient censées redémarrer, mais elles sont restées fermées à cause des tensions persistant dans la ville, d'une pénurie d'enseignants car beaucoup d'entre eux ont fui durant les combats, et de la présence de combattants à proximité immédiate des bâtiments scolaires. Le 21 janvier, les chercheurs de Human Rights Watch ont noté la présence de combattants de la Séléka à quelques mètres des écoles.
Un enseignant de Mbrès a déclaré à Human Rights Watch :
Les écoles ont fermé en 2013. Elles devaient redémarrer le 21 septembre 2016, mais nous avons décidé de ne pas les rouvrir à cause de la présence de la Séléka. À ce moment-là, il y avait un groupe de miliciens de la Séléka qui dormait dans chaque salle de classe, mais cette équipe-là est partie et est maintenant à Bakala. Ceux-ci sont partis mais des hommes de la Séléka sont restés à côté de l'école et les parents ont trop peur d'y envoyer leurs enfants. Les membres de la Séléka estiment normal d'être basés dans des écoles.[48]
Une élève, âgée de 15 ans a déclaré à Human Rights Watch :
J'ai peur des miliciens de la Séléka postés devant mon école. Ils me regardent avec un drôle d'air quand je passe. Certains fument des drogues et cela me fait peur. Je n'ai pas étudié depuis 2013. J'ai perdu plusieurs années. Je veux retourner à l'école mais la présence de la Séléka rend cela impossible.[49]
Un autre élève, un garçon de 16 ans,
a déclaré :
Quand l'école devait rouvrir il y a quelques mois, d'autres combattants de la Séléka sont arrivés et l'ont occupée. Ces hommes de la Séléka m'ont volé mon avenir. Je n'ai pas toujours peur d'eux. Je peux passer devant eux dans la rue, mais parfois ceux qui sont stationnés devant l'école peuvent tirer et on ne sait pas où ira la balle. Je veux devenir enseignant car j'aime lire. J'aimerais apprendre cela aux autres enfants. Mais maintenant, je ne sais pas quoi faire.[50]
Les craintes des élèves sont fondées sur des années d'occupation par la Séléka à Mbrès. Une fille de 13 ans a expliqué :
L'école a fermé parce que la Séléka est venue et dès leur arrivée, ils ont menacé de nous enfermer dans nos salles de classe et de nous tuer tous. Cela m'a effrayée. Si l'école rouvre, je pourrai y aller, mais seulement si d'autres élèves y retournent aussi … Je ne peux pas y retourner toute seule. Tant que l'école est fermée, cela veut dire que je ne peux pas devenir intelligente. Les maths sont ma matière préférée et je veux devenir enseignante, mais sans école je ne peux pas réaliser mon rêve.[51]
Dégradation et destruction d’infrastructures scolaires dues à l’occupation militaire
Lorsqu'un groupe armé occupe une école, il en résulte le plus souvent un certain degré de destruction : du mobilier cassé ou brûlé, des fournitures pillées. Dans dix des douze écoles visitées par Human Rights Watch en novembre 2016 et janvier 2017, des tables avaient été utilisées pour faire du feu. Dans certains cas, le matériel destiné à la lecture avait été délibérément détruit.
Un responsable scolaire de Sekia-Dalliet, où l'école primaire a été occupée par des miliciens anti-balaka de la fin de l'année 2014 à octobre 2016, a expliqué à Human Rights Watch comment son école continuait à en subir les conséquences :
Ils ont détruit les tables et les chaises. Nous avons réussi à leur faire évacuer l'un des bâtiments afin de redémarrer l'école, mais ils ont continué d'occuper une moitié de l'école et ils ont saccagé le bâtiment. Ils fumaient de la marijuana toute la journée et disaient qu'ils attendaient l'opération de DDR [désarmement, démobilisation et réinsertion]. Ils allaient sur la rue principale, dressaient des barrages en travers, arrêtaient les véhicules et extorquaient de l'argent aux gens sous la menace de leurs armes. Ils utilisaient la cour de notre école comme toilettes. Ils utilisaient les tables comme bois pour le feu et en ont détruit au moins 75. Quand le bâtiment sera réparé, nous l'utiliserons de nouveau.[52]
L'école primaire de Mbali, dans la province d'Ouham, que des combattants de la Séléka ont occupée d'août 2013 à juillet 2016, souffrait encore de cette occupation quand Human Rights Watch l'a visitée en janvier 2017. Un enseignant a déclaré à Human Rights Watch :
La Séléka s'est emparée de l'école en 2013. Un jour, nous avons demandé aux hommes de la Séléka de partir et le fait que nous l'ayons demandé les a mis en colère, alors ils ont allumé un grand feu dans lequel ils ont brûlé toutes les tables et tous les livres de classe. Maintenant l'école fonctionne de nouveau mais nous n'avons plus assez de livres et de documents pour faire la classe.[53]
Un écolier de 16 ans a déclaré à Human Rights Watch: « J'ai perdu trois ans parce que la Séléka a occupé l'école. Maintenant, nous n'avons plus assez des livres dont j'ai besoin pour étudier et cela rend difficile pour moi de redémarrer ma vie. Je pense souvent à cela. »[54]
La réponse de la Séléka
Sur les 12 écoles visitées par Human Rights Watch en novembre 2016 et janvier 2017, huit étaient encore occupées ou continuaient d'être affectées par leur occupation par des combattants de la Séléka affiliés à l'UPC, au MPC ou au FPRC. Les commandants des différentes factions de la Séléka ne voyaient pas comment la présence de leurs combattants dans les écoles ou aux alentours pouvait affecter négativement la capacité des enfants à aller en classe.
À Mbrès, où des miliciens de la Séléka affiliés au MPC et au FPRC ont occupé des écoles jusqu'en décembre 2016 et sont toujours basés à quelques mètres des écoles, le commandant de la zone, Anour Djima, a déclaré :
Je ne sais pas pourquoi les parents ont peur d'envoyer leurs enfants à l'école. Depuis 2016, nous ne sommes plus dans les écoles et nous n'avons pas pris de matériel, donc ils n'ont aucune raison d'avoir peur de nous. De plus, nous sommes là pour leur protection. J'ai dit que désormais nos membres ne peuvent plus dormir dans les écoles mais, oui, ils sont stationnés à proximité pour leur protection.[55]
Aucune des trois écoles de Mbrès ne fonctionne depuis 2013.
Le commandant de l'UPC, le général Ali Darassa Mahamant, a déclaré à Human Rights Watch, le 23 janvier 2017, que ses hommes n'occupent pas d'écoles mais qu'il est possible qu'ils campent à proximité immédiate des écoles afin de protéger la population.[56] Les hommes de Darassa continuent d'occuper l'école maternelle et sont basés dans l'enceinte d'une école à Ngadja. Des commandants locaux de l'UPC à Ngadja ont affirmé à Human Rights Watch qu'en dépit de leur présence dans l'enceinte de l'école, c'était leur adversaire, plutôt que l'UPC, qui affectait négativement les écoles. « Ce sont les anti-balaka qui menacent l'école, pas l'UPC », a affirmé Raul Antoine Oubandi, le secrétaire général du groupe dans la ville. « C'est l'UPC qui protège l'école et qui permet aux élèves d'étudier. »[57]
Mais selon des habitants, des centaines d'enfants ne vont pas à l'école à Ngadja à cause de la présence de l'UPC.
À Zoumanga, où des combattants du MPC ont occupé l'école primaire jusque fin octobre 2016, les commandants de la Séléka ont affirmé à Human Rights Watch que leur barrage, dressé en travers d'une rue sur le terrain de l'école, sert à protéger la population.[58] Cependant, plusieurs habitants de Zoumanga ont affirmé que les miliciens utilisaient leur barrage pour extorquer de l'argent et qu'ils tiraient souvent des coups de fusil à l'intérieur du périmètre scolaire.
À Bojomo, où l'école primaire a été occupée par des combattants du MPC du milieu de l'année 2013 à novembre 2016, les commandants de la Séléka ont nié que leurs hommes aient endommagé les infrastructures scolaires et ont affirmé à Human Rights Watch qu'ils stationnaient à proximité de l'école afin de protéger les élèves.[59] Mais des combattants du MPC ont tué des civils en ville, dont les parents d'élèves qui ont maintenant trop peur d'aller en classe.
La réponse des anti-balaka
Du fait que les miliciens anti-balaka à Sekia-Dalliet continuent de menacer les habitants, Human Rights Watch n'a pas pu s'entretenir avec des combattants dans cette ville pour des raisons de sécurité.
Human Rights Watch a remis une lettre au bureau d’Alfred Yékatom à l’Assemblée nationale le 7 mars 2017 ; dans ce courrier, l'organisation présentait les résultats de ses recherches et demandait une réponse. Au 16 mars, il n’avait toujours pas répondu.
III. Protection juridique des écoles
Toutes les formes d'utilisation d'écoles à des fins militaires ne sont pas interdites par les lois régissant les conflits armés. Toutefois, même les formes d'utilisation d'écoles à des fins militaires qui ne contreviennent pas aux lois régissant les conflits armés peuvent quand même constituer des violations du droit des enfants à l'éducation tel qu'il est garanti par le droit international humanitaire.
L'utilisation illégale et injustifiée d'écoles est rendue plus probable par l'absence de règles claires, de programmes de formation des soldats sur les moyens de protéger les écoles d'une utilisation militaire, ainsi que d'un soutien logistique adéquat.
En 2015, dans sa résolution 2225, le Conseil de sécurité des Nations Unies s'est déclaré « profondément préoccupé par le fait que l'utilisation d'écoles à des fins militaires en violation du droit international applicable peut en faire des cibles légitimes, mettant ainsi en danger la sécurité des enfants, et, à cet égard, engage les États membres à prendre des mesures concrètes pour empêcher que les forces armées et les groupes armés utilisent ainsi les écoles ».[60]
Droit régissant les conflits armés (droit international humanitaire)
Le droit régissant les conflits armés (aussi appelé droit international humanitaire) est l'ensemble de la législation régissant le comportement des acteurs dans le cadre d'un conflit armé. Dans le Protocole additionnel II aux Conventions de Genève, applicable durant les conflits armés non internationaux, figure la « garantie fondamentale » que les enfants reçoivent une éducation, en accord avec le souhait de leurs parents.[61]
Les écoles constituent normalement des biens civils et, en tant que tels, elles ne doivent pas faire l'objet d'attaques, à moins qu'elles ne soient devenues des objectifs militaires légitimes.[62] Le fait de diriger délibérément des attaques contre des écoles quand elles ne constituent pas un objectif militaire légitime constitue un crime de guerre. En cas de doute sur le point de savoir si une école est utilisée pour apporter une contribution effective à une action militaire, on présumera que ce n'est pas le cas.[63]
Le droit régissant les conflits armés exige que les parties à un conflit prennent des précautions contre les effets de leurs attaques. Dans la mesure où les écoles sont considérées comme des structures civiles, les parties à un conflit armé doivent, dans toute la mesure du possible, a) éviter de positionner des objectifs militaires dans ou à proximité de zones à forte densité de population où des écoles sont susceptibles de se trouver; b) entreprendre d'évacuer la population civile et les biens civils se trouvant sous leur contrôle des zones situées à proximité d'objectifs militaires; et c) prendre les autres précautions nécessaires pour protéger les écoles se trouvant sous leur contrôle contre les dangers résultant d'opérations militaires.[64]
Ainsi, faire d'une école un objectif militaire (par exemple, en l'utilisant comme caserne militaire) expose cet établissement à d'éventuelles attaques de la part de l'ennemi qui peuvent être légales aux termes du droit régissant les conflits armés. Placer des objectifs militaires (par exemple des armes) dans la cour d'une école accroît également les risques que l'école subisse des dommages accidentels du fait d'une attaque contre ces objectifs militaires proches qui peut être légale aux termes du droit régissant les conflits armés.
Il convient de tenir également compte d'autres règles et principes pertinents du droit des conflits armés. Parmi ceux-ci, figurent les protections spéciales à apporter aux enfants.[65] Si les institutions d'éducation sont utilisées, totalement ou en partie, à des fins militaires, la vie et l'intégrité physique des enfants peuvent se trouver menacées et l'accès à l'éducation restreint ou même empêché, soit parce que les enfants peuvent choisir de ne pas aller à l'école de peur d'être tués ou blessés en cas d'attaque par les forces adverses, soit parce qu'ils ont été privés de leur bâtiment scolaire habituel.
Droit international humanitaire
Le droit international humanitaire garantit aux élèves et étudiants, aux enseignants, aux universitaires et à toutes les équipes d'enseignement le droit à la vie[66], à la liberté individuelle et à la sécurité.[67] Les États sont tenus de s'assurer, dans toute la mesure du possible, de la survie et du développement des enfants.[68]
Chacun a droit à l'éducation.[69] Dans le but de parvenir à la pleine réalisation de ce droit, les États sont tenus de rendre l'éducation primaire obligatoire et gratuite pour tous; l'éducation secondaire généralement disponible et accessible à tous; et l'éducation supérieure accessible de manière équitable pour tous sur la base des compétences de chacun.[70] Les conditions matérielles des équipes enseignantes doivent être constamment améliorées.[71] Les États sont également tenus de prendre des mesures pour encourager une fréquentation régulière de l'école par les enfants et la réduction des taux de déscolarisation.[72] En ce qui concerne les enfants, les États sont tenus d'entreprendre ces mesures dans toute la mesure de leurs ressources et, quand c'est nécessaire, dans le cadre de la coopération internationale.
La Déclaration sur la sécurité dans les écoles En juin 2015, la République centrafricaine a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, qui comporte l'engagement politique international de renforcer la prévention des attaques contre les élèves, les enseignants et les écoles en cas de conflit armé, ainsi que la réponse à de telles attaques. Les mesures prévues pour atteindre cet objectif incluent la collecte de données crédibles sur les attaques d'écoles et sur leur utilisation à des fins militaires; l'apport d'une assistance aux victimes d'attaques; l'ouverture d'enquêtes sur les allégations de violations du droit national et international ainsi que de poursuites en un lieu approprié contre leurs auteurs; le développement et la promotion d'approches du problème de l'éducation qui « tiennent compte des situations de conflit »; et la recherche des moyens de poursuivre l'éducation des enfants pendant les conflits armés. Les pays qui approuvent cette Déclaration s'engagent également à s'abstenir d'utiliser des écoles à des fins militaires, en recourant aux « Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire durant les conflits armés », qui fournissent des directives aux forces armées et aux groupes armés non étatiques sur les moyens d'éviter l’occupation d’écoles à des fins militaires, et de minimiser les conséquences négatives lorsqu'une telle occupation se produit. En mai 2016, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine a félicité la République centrafricaine pour avoir approuvé la Déclaration et a exhorté tous les autres États membres de l'UA à faire de même.[73] En février 2017, le Comité des droits de l'enfant — organe international composé d'experts des droits de l'enfant chargé de superviser la mise en application de la Convention des droits de l'enfant — a également salué la République centrafricaine pour son approbation de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Le Comité a instamment prié le gouvernement de « prendre les mesures nécessaires pour dissuader les parties au conflit d'utiliser des écoles, y compris en introduisant les ‘Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l'utilisation militaire durant les conflits armés’ dans sa politique en matière militaire et dans ses concepts opérationnels.»[74] |
Normes destinées aux forces de maintien de la paix
Le 24 décembre 2015, le chef de la MINUSCA et Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, Parfait Onanga-Ayanga, a émis une directive sur la protection des écoles et des universités contre leur utilisation à des fins militaires. Cette directive stipule que les forces de la MINUSCA sont tenues de « s'abstenir d'utiliser des écoles à quelque fin que ce soit » et que les écoles abandonnées qui sont occupées doivent être « évacuées sans retard afin de permettre aux autorités éducatives de les rouvrir le plus tôt possible. »[75]
En outre, selon le Manuel des bataillons d'infanterie des Nations Unies, qui règlemente le comportement de tous les contingents de troupes fournies par les pays membres:
L'armée a un rôle particulier à jouer dans la promotion de la protection des enfants dans ses zones d'opération et dans la prévention des violations, de l'exploitation et des abus... Par conséquent, une attention particulière doit être apportée aux besoins de protection des garçons et des filles qui sont extrêmement vulnérables dans les situations de conflit. Parmi les directives importantes que les bataillons d'infanterie sont tenus de respecter figure … celle selon laquelle les écoles ne doivent pas être utilisées par les militaires dans le cadre de leurs opérations.[76]
Exemples de bonnes pratiques en matière de protection des écoles contre une occupation à des fins militaires
Il existe des précédents dans l'institution de pratiques dans d'autres pays, que la République centrafricaine pourrait considérer comme exemples de bonnes pratiques s'agissant de mettre au point son propre système de protection des écoles contre une utilisation à des fins militaires, par le biais de la législation, des règlements militaires ou dans le cadre de négociations avec les groupes armés. De nombreux exemples de telles protections viennent de pays qui ont eux aussi fait l'expérience d'un conflit armé.
Au début de l'année 2013, le vice-Premier ministre et ministre de la Défense de l'époque en République démocratique du Congo, Alexandre Luba Ntambo, a émis une directive ministérielle à l'intention de l'armée, déclarant :
Je vous exhorte à faire savoir à tous les membres de [l'armée congolaise] que quiconque sera reconnu coupable d'avoir commis l’un des agissements suivants sera passible de graves sanctions pénales et disciplinaires : ... Recrutement et utilisation des enfants… attaques contre des écoles ... réquisition des écoles ... à des fins militaires, destruction des installations scolaires.[77]
Aux Philippines, les forces armées sont tenues d'observer ce critère solide de protection:
Tous les personnels [des forces armées des Philippines] doivent se conformer strictement et respecter les directives suivantes : ... Les infrastructures de base telles que les écoles, les hôpitaux et les dispensaires médicaux ne doivent pas être utilisés à des fins militaires comme servir de postes de commandement, de casernes, de lieux de détachement et de dépôts de matériel.[78]
Les forces armées de Colombie ont émis l'ordre suivant:
Prenant en considération les normes établies par le droit international humanitaire, il est considéré comme une claire violation du principe de distinction et du principe de précaution dans le cadre d'une offensive, et donc comme une grave faute, qu'un commandant occupe ou permette l'occupation par ses troupes, ... d'institutions publiques telles que les établissements consacrés à l'éducation.[79]
Lors des combats entre les forces armées du Soudan et l'Armée de libération du peuple soudanais (SPLA), les deux camps sont convenus que :
Les parties s'engagent spécifiquement à ... s'abstenir de mettre en danger la sécurité des civils en ... utilisant des installations civiles telles que ... les écoles afin d'abriter des éléments qui sans cela seraient considérés comme des objectifs militaires légitimes.[80]
Au Népal, les forces armées gouvernementales et les combattants maoïstes ont pris l'engagement suivant dans le cadre de leur accord de paix en 2006 :
Les deux côtés sont d'accord pour garantir que le droit à l'éducation ne sera pas violé. Ils sont d'accord pour mettre immédiatement fin aux activités telles que la capture d'institutions vouées à l'éducation et leur utilisation, ... et pour éviter d'installer des cantonnements militaires d'une manière qui pourrait avoir un impact négatif sur des écoles.[81]
Le Soudan du Sud est actuellement en train d'examiner une proposition d'amendement de la loi visant à faire de l'utilisation d'écoles à des fins militaires par des membres des forces armées nationales un manquement passible d'une inculpation, et prévoyant des sanctions comme la traduction en Cour martiale, le renvoi de l'armée ou la destitution. En septembre 2014, le chef d'état-major par intérim de la SPLA a émis l'ordre à toutes les unités du pays « de réaffirmer » que « tous les membres de la SPLA se voient interdire … d'occuper ou d'utiliser des écoles de quelque manière que ce soit. » Cet ordre stipule que tout membre quelconque de la SPLA qui violerait cette directive serait passible de « toutes les mesures disciplinaires et administratives prévues par la loi du Soudan du Sud et par le droit international. »[82]
Dix-neuf groupes armés non étatiques, dont des groupes de Birmanie, d'Inde, d'Iran, du Soudan, de Syrie et de Turquie, ont signé des actes d'engagement élaborés par l'organisation non gouvernementale Appel de Genève, s'engageant à :
... éviter d'utiliser à des fins militaires des écoles ou des lieux principalement utilisés par des enfants.[83]
Remerciements
Ce rapport a fait l'objet de recherches et a été rédigé par Lewis Mudge, chercheur à la division Afrique de Human Rights Watch, et par Bede Sheppard, directeur adjoint de la division des Droits de l'enfant. Thierry Messongo, chercheur assistant à la division Afrique, a contribué aux recherches et agi en tant que traducteur. Fred Abrahams, directeur de programme associé, et Babatunde Olugbuji, directeur de programme adjoint, ont supervisé et relu ce rapport. Aisling Reidy, conseiller juridique senior, en a assuré la vérification d'un point de vue juridique. Savannah Tryens et Lauren Seibert, collaboratrices de la division Afrique, ont fourni une assistance rédactionnelle. Fitzroy Hepkins a assuré une aide à la production. La traduction en français a été réalisée par Hervé Couturier, et revue par Peter Huvos.
Les photographies et vidéos ont été réalisées par Edouard Dropsy.
Human Rights Watch exprime sa profonde gratitude à la Loterie néerlandaise (Dutch Postcode Lottery) pour l'appui généreux qu'elle a apporté à nos travaux visant à documenter les agressions commises dans le monde entier contre l'éducation. Merci d'avoir rendu possible la publication de ce rapport.