Skip to main content

République centrafricaine : Des groupes armés occupent des écoles

Cette pratique abusive empêche de nombreux enfants de recevoir une éducation

(Nairobi) – Des groupes armés qui sévissent en République centrafricaine ont occupé, pillé et endommagé des écoles, empêchant les enfants de recevoir une éducation, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Ce rapport de 43 pages, intitulé « Pas de cours : Quand les groupes armés occupent des écoles en République centrafricaine », documente comment des groupes armés, et parfois même des militaires de la mission de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSCA, ont utilisé des bâtiments scolaires comme bases ou comme baraquements, ou ont stationné leurs forces à proximité. Le gouvernement et la mission de maintien de la paix devraient renforcer la protection des élèves et des écoles dans les régions du pays qui sont affectées par ce conflit armé, a affirmé Human Rights Watch.

« Des enfants ont perdu des années de scolarité dans de nombreuses régions de la République centrafricaine, parce que des groupes armés n'ont pas traité les écoles comme des lieux de partage du savoir et des sanctuaires réservés aux enfants », a déclaré Lewis Mudge, chercheur auprès de la division Afrique à Human Rights Watch et co-auteur du rapport. « Le gouvernement et l'ONU devraient faire davantage pour s'assurer que les combattants restent à l'écart des salles de classe et que les enfants puissent aller à l'école en toute sécurité. »


Le rapport est publié cinq jours avant la seconde Conférence internationale sur la sécurité des écoles, organisée par le gouvernement argentin à Buenos Aires. Cette conférence doit mettre en lumière le problème mondial que constituent les attaques contre les élèves, les enseignants et les écoles, et promouvoir la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un engagement politique international approuvé par la République centrafricaine et par 59 autres pays.

Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 40 personnes pour les besoins du rapport, dont des enfants d'âge scolaire, des parents, des maîtres d'école et des commandants de groupes armés, dans les provinces de Lobaye, Nana-Mambéré, Nana-Grébizi, Ouham-Pendé, Ouham et Ouaka.

Des miliciens de l'Union pour la Paix en Centrafrique (UPC) devant une école maternelle à Ngadja, dans la province de Ouaka. Des combattants utilisent ce bâtiment comme campement depuis octobre 2014.  © 2017 Edouard Dropsy for Human Rights Watch

« Il n'est pas normal qu'un élève perde autant de temps, cela a compromis mon avenir », a déclaré un jeune homme de 18 ans de la province de Ouaka qui a perdu quatre années de scolarité parce que des combattants de la Séléka, l'une des parties au conflit qui se poursuit dans le pays, ont occupé son école. « Je voulais être médecin mais sans école, c'est impossible. »

La République centrafricaine est en crise depuis fin 2012, lorsque les rebelles majoritairement musulmans de la Séléka ont lancé une campagne militaire contre le gouvernement. La Séléka s'est emparée de la capitale, Bangui, en mars 2013, ouvrant une période marquée par des violations généralisées des droits humains. Vers le milieu de l'année 2013, des milices chrétiennes et animistes appelées anti-balaka se sont organisées pour combattre la Séléka. Les anti-balaka ont eux aussi commis des abus à grande échelle, en particulier dans les régions de l'est du pays.

Les violences commises par les groupes armés et les attaques contre les civils sont en nette augmentation depuis octobre 2016, en particulier dans le centre du pays. Des affrontements entre deux factions de la Séléka dans les préfectures de Ouaka et de la Haute-Kotto ont conduit à un accroissement des attaques contre les civils et au déplacement de dizaines de milliers de personnes.

La Séléka est responsable de huit des incidents documentés dans le rapport, mais des miliciens anti-balaka ont également occupé et endommagé des écoles. Dans deux autres incidents, les forces de maintien de la paix de l'ONU ont utilisé une école comme base, en contravention avec les règles de leur organisation, mais ces forces ont évacué ces deux établissements après que Human Rights Watch eut informé les responsables de l'ONU.

L'utilisation d'écoles par des forces armées détériore, endommage et détruit une infrastructure scolaire déjà insuffisante et de piètre qualité en République centrafricaine. Les combattants qui occupent des écoles en brûlent souvent le mobilier et les livres pour faire leur cuisine. Dans un cas documenté par Human Rights Watch, un combattant anti-balaka a frappé un maître d'école à la tête à coups de couteau lorsque celui-ci a tenté de l'empêcher de brûler un pupitre.

Même après que les miliciens ont évacué une école, leur stationnement à proximité du périmètre de l'école peut effrayer les élèves et les enseignants et les dissuader de venir. « Les hommes de la Séléka sont juste à côté de l'école et les parents ont trop peur d'y envoyer leurs enfants », a déclaré un enseignant de la province de Nana-Grébizi. « Les hommes de la Séléka estiment normal d'être basés dans des écoles. »

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU a estimé en novembre 2016 que 2 336 écoles étaient opérationnelles dans tout le pays, mais qu'au moins 461 ne l'étaient pas. Les principales raisons pour lesquelles des écoles sont fermées, selon l'ONU, sont l'insécurité, la pénurie d'enseignants, les déplacements causés par les combats, les destructions de biens et matériels scolaires ou l'occupation d'écoles par des groupes armés.


La République centrafricaine a signé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles en juin 2015, s'engageant ainsi à protéger les écoles des attaques et de toute utilisation à des fins militaires. Cette décision importante a amené la MINUSCA à commencer à faire évacuer des écoles qui étaient occupées par des milices. La mission de l'ONU a progressé dans ce sens en 2016, mais ces progrès ont été entravés par le fait que des forces de maintien de la paix ont elles-mêmes utilisé des écoles comme bases ou comme baraquements.

« En approuvant la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, le gouvernement a démontré qu'il attachait de la valeur à l'éducation dans l'optique du développement et de la stabilité du pays », a affirmé Lewis Mudge. « Les groupes armés et les forces de maintien de la paix de l'ONU devraient respecter l'appel, contenu dans cette déclaration, à protéger les écoles et à aider les enfants à acquérir l'éducation qu'ils désirent et qu'ils méritent. »

---------

À lire aussi :

RFI Afrique

Your tax deductible gift can help stop human rights violations and save lives around the world.