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Un avocat thaïlandais toujours « disparu », 20 ans plus tard

La famille de Somchai Neelapaijit continue d’attendre la justice

Un portrait de l’avocat thaïlandais Somchai Neelapaijit, un éminent juriste musulman spécialiste des droits humains, qui a été enlevé à Bangkok le 12 mars 2004.   © 2015 Prachatai

Il y a vingt ans aujourd'hui, j'ai reçu un appel téléphonique au milieu de la nuit m'informant que mon ami et collègue, l'éminent avocat spécialisé dans les droits humains Somchai Neelapaijit, avait disparu. À cette époque, Somchai était président de l’Association des avocats musulmans de Thaïlande et vice-président du Comité des droits de l’homme du Conseil des avocats de ce pays.

Les enquêtes officielles ont établi que Somchai avait été enlevé à Bangkok le 12 mars 2004 et vraisemblablement assassiné, bien que son corps n'ait jamais été retrouvé. Les tueurs présumés étaient un groupe d’officiers de police qui cherchaient à se venger du rôle de Somchai dans des poursuites judiciaires concernant les fréquentes tortures de suspects musulmans par la police dans les provinces frontalières du sud de la Thaïlande, en proie à une insurrection.

Au cours des deux dernières décennies, aucun des huit Premiers ministres thaïlandais qui se sont succédé, dont l’actuel Premier ministre Srettha Thavisin, n’a veillé à ce que les responsables de la disparition forcée de Somchai soient traduits en justice.

En l’absence du corps de Somchai Neelapaijit, les procureurs n’ont pu porter que des accusations de vol et de coercition contre les cinq policiers impliqués dans l'affaire. Leur procès, terni par des dissimulations de preuves, a abouti à leur acquittement en décembre 2015.

Les efforts de la famille de Somchai visant à obtenir justice ont été entravés davantage en 2015 par une décision de la Cour suprême selon laquelle la famille d’une personne disparue ne peut pas agir, en tant que partie plaignante en l’absence de preuve concrète que Somchi est décédé et donc incapable de porter plainte lui-même. La décision impose donc aux personnes victimes de disparition forcée l’obligation kafkaïenne de prouver leur propre disparition, avant que des progrès puissent être réalisés dans leur affaire.

Le droit international définit la disparition forcée comme la détention d’une personne par des agents de l’État ou leurs agents et le refus de reconnaître la détention ou de révéler le sort de la personne ou le lieu où elle se trouve. Les disparitions sont particulièrement douloureuses pour les familles des victimes.

Les Nations Unies ont recensé 76 cas de disparition forcée en Thaïlande depuis 1980. Aucune de ces affaires n'a été résolue, et personne n'a jamais été puni pour ces crimes, même après l’adoption par la Thaïlande en 2022 d’une loi reconnaissant la disparition forcée comme une infraction pénale.

Le gouvernement Srettha s’est engagé à ratifier la Convention internationale sur les disparitions forcées, que la Thaïlande a signée en 2012. Mais alors que nous commémorons le 20ème anniversaire de la disparition de Somchai, cette promesse n’est toujours pas tenue.

Une autre année ne devrait pas s'écouler sans justice pour Somchai et les autres victimes de disparition forcée. Le gouvernement thaïlandais doit leur rendre justice, pour leurs familles, ainsi que pour tous les Thaïlandais.

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