- Le gouvernement des Maldives a ignoré ou sapé ses propres lois visant à protéger l’environnement, accroissant les risques d’inondation et d’autres dommages pour les communautés insulaires.
- Les autorités des Maldives se sont abstenues d’appliquer des consignes d’atténuation recommandées par des rapports d’évaluation d’impact environnemental ou de fournir des ressources afin de financer des opérations courantes de mesure de l’impact environnemental de leurs projets de développement.
- Les bailleurs de fonds internationaux des Maldives en matière de lutte contre les changements climatiques devraient exiger une évaluation robuste des opérations de récupération de terres sur l’océan et d’autres projets de développement pour apprécier leur impact négatif potentiel, ainsi que la mise en application de mesures d’atténuation appropriées.
(Bruxelles, le 18 octobre 2023) – Les projets de récupération de terres sur la mer du gouvernement des Maldives ont été menés en ignorant ou en sapant les lois visant à protéger l’environnement, ce qui accroît les risques d’inondation et d’autres dommages pour les communautés insulaires, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu public aujourd’hui. Ces projets de poldérisation sont souvent mis en œuvre de manière expéditive, sans atténuation des risques ni système de surveillance, et aussi sans consultation appropriée du public. Le président des Maldives récemment élu, Mohamed Muizzu, devrait faire en sorte que les droits humains et la protection de l’environnement soient au centre de ses politiques de développement.
Ce rapport de 20 pages, intitulé « ‘We Still Haven’t Recovered’: Local Communities Harmed by Reclamation Projects in the Maldives » (« ‘Nous ne nous en sommes toujours pas remis’ : Les communautés locales sont affectées négativement par les projets de poldérisation aux Maldives » documente comment le gouvernement des Maldives a manqué à sa responsabilité de consulter les communautés locales avant de lancer ses projets de développement, de tenir compte des exigences d’atténuation des dommages produites par les évaluations d’impact environnemental (EIE) et de fournir des ressources aux efforts en cours de supervision de projets de développement dans l’île de Kulhudhuffushi, dans le nord de l’archipel, et dans l’atoll d’Addu, dans le sud. Ces déficiences ont causé des torts supplémentaires à des habitants qui étaient déjà exposés aux risques créés par les effets des changements de tendances climatiques et de l’élévation du niveau des océans, des pertes de biodiversité, de l’érosion du littoral et de la hausse des inondations.
« Même si la communauté internationale doit faire davantage pour aider les Maldives à s’adapter aux changements climatiques, le pays n’est pas pour autant exonéré d’appliquer ses propres lois et ses obligations internationales en matière d’environnement », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Le gouvernement des Maldives devrait s’assurer que les opérations de récupération de terres sur la mer et d’autres politiques de développement ne compromettent pas le droit aux moyens d’existence et la sécurité de communautés insulaires vulnérables. »
Bien que les Maldives aient adopté plusieurs lois destinées à éviter de tels dommages, leur mise en application est laxiste. Des projets de développement insuffisamment règlementés ont entraîné la destruction de ressources naturelles dans certaines îles et privé leurs communautés d’un accès à de l’eau pure, à des terres publiques et à des ressources naturelles comme les arbres fruitiers. Les vastes opérations de poldérisation endommagent les fragiles récifs de coraux, qui forment le soubassement des atolls et servent de barrière naturelle pour limiter l’impact des tempêtes, des inondations, des tsunamis et de la montée des eaux des océans.
Sur l’île de Kulhudhuffushi, le gouvernement a passé outre aux recommandations des experts de l’environnement et ont déraciné et recouvert 70 % des mangroves pour construire un aéroport. La perte de mangroves a causé du tort à des communautés locales qui étaient déjà vulnérables, détruisant dans de nombreux cas leurs moyens d’existence et précipitant des habitants dans la pauvreté. La propriétaire d’une petite entreprise à Kulhudhuffushi a décrit l’impact économique de cette opération, sur elle-même et sur d’autres femmes, lorsque ces terres humides ont été détruites pour faire place à l’aéroport. « Avant, nous faisions pousser des bananiers — les arbres ont été arrachés pour le projet de développement », a-t-elle dit. « Maintenant, nous devons importer des bananes. Pour nous, le développement veut dire qu’on importe des fruits que personne ne peut se payer, faute d’en avoir les moyens. »
Les changements climatiques constituent une menace existentielle immédiate aux Maldives, dont 80 % des îles sont moins d’un mètre au-dessus du niveau de la mer et beaucoup connaissent déjà une grave érosion de leur littoral, une intrusion d’eau salée et d’autres effets de ces changements. Les Maldives sont depuis des années une voix forte dans les forums internationaux sur les questions liées au climat. Mais les politiques suivies par le gouvernement sur l’archipel trahissent son appel à une action mondiale contre les changements climatiques, puisqu’il a affaibli ou négligé de prendre des mesures essentielles d’atténuation d’impact, dans sa quête de davantage de tourisme et d’autres projets de développement d’infrastructure.
Le gouvernement des Maldives s’est engagé à l’action contre les changements climatiques et a cherché à obtenir un appui financier pour l’aider à s’adapter. Les pays et institutions qui lui fournissent un tel financement devraient continuer à le faire, mais devraient aussi exiger du gouvernement des Maldives qu’il veille à la mise en application de ses propres lois de protection de l’environnement, qu’il s’assure d’une supervision indépendante de la part de l’Agence de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA) et qu’il consulte les communautés insulaires locales.
« Le nouveau gouvernement des Maldives a l’occasion de renoncer à des pratiques en matière de développement qui ont posé une menace de plus en plus grave pour certains moyens d’existence et pour un environnement sûr », a conclu Patricia Gossman. « L’administration Muizzu devrait adopter des pratiques respectueuses des droits des personnes dans les communautés affectées et protéger les Maldives contre de nouvelles dégradations de leur environnement. »
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