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Égypte : Arrestations et restrictions au droit de manifester à l’approche de la COP27

Les autorités ont aussi installé des caméras de surveillance illégales et imposé des restrictions à la participation du public

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi s’exprimait lors de la cérémonie d'ouverture de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) à Glasgow, en Écosse, le 1er novembre 2021. © 2021 Yves Herman/Pool via AP

(Beyrouth, le 6 novembre 2022) – Les autorités égyptiennes ont arrêté des dizaines de personnes qui avaient appelé à des manifestations et ont restreint le droit de manifester pacifiquement durant les derniers jours précédant l’ouverture de la Conférence internationale sur le climat COP27, compromettant ainsi les chances de succès de cet événement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Les autorités ont aussi mis en place de nouvelles mesures de sécurité à Charm El-Cheikh, la ville balnéaire où se tiendra la conférence, ordonnant notamment l’installation de caméras dans tous les taxis, ce qui permettra aux services de sécurité de surveiller les conducteurs et les passagers. Les autorités ont également imposé une procédure d’accréditation indûment compliquée pour accéder à la « Zone verte », l’espace aux abords du site de la COP, qui, lors de précédents sommets, était ouvert aux membres du public afin de leur permettre de débattre des questions climatiques et d’échanger avec les participants à la conférence.

« Alors qu’arrivent les participants à la COP27, il apparaît clairement que le gouvernement égyptien n’a aucune intention d’alléger ses mesures de sécurité abusives et de permettre l’exercice des droits aux libertés d’expression et de réunion », a déclaré Adam Coogle, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du nord à Human Rights Watch. « Les autorités égyptiennes ne devraient pas étendre leur répression des droits humains jusqu’à l’espace réservé à la conférence. »

Le 1er novembre 2022, des médias égyptiens ont affirmé que depuis le début du mois d’octobre, les autorités égyptiennes avaient arrêté des dizaines de personnes pour avoir appelé à des manifestations anti-gouvernementales le 11 novembre, pendant la conférence. Certaines des personnes arrêtées seraient accusées d’avoir « fait mauvais usage de médias sociaux » et « rejoint un groupe terroriste ». Le nombre de personnes arrêtées augmente chaque jour, selon des médias locaux.

Le 31 octobre, les autorités égyptiennes ont arrêté un activiste indien des questions climatiques, Ajit Rajagopal, alors qu’il entamait une marche de huit jours, du Caire à Charm El-Cheikh, pour attirer l’attention sur la crise climatique. Les autorités l’ont remis en liberté le lendemain, après que son arrestation eut provoqué un tollé international.

Selon des médias locaux, les autorités ont augmenté ces derniers jours les postes de contrôle policiers dans le centre du Caire et dans les principales artères de la capitale, stoppant arbitrairement des personnes et les forçant à céder leurs téléphones pour effectuer des inspections anticonstitutionnelles de leurs activités sur les réseaux sociaux. Ces dernières années, les autorités ont à plusieurs reprises établi de tels postes de contrôle au moment où se déroulaient des événements importants, et il en est résulté des dizaines d’arrestations arbitraires.

Les autorités ont également annoncé d’importantes limitations des manifestations et des défilés publics. Le 22 octobre, lors d’un entretien télévisé, le gouverneur de la province du Sinaï sud, Khaled Fouda, a déclaré que les manifestations publiques aux alentours de la COP seraient autorisées uniquement dans les zones désignées à cet effet, confirmant ce que le ministre des Affaires étrangères égyptien avait annoncé en mars. Dans cet entretien vidéo enregistré avec le gouverneur, la chaîne locale Sada al-Balad a diffusé des images de ce qui apparaissait comme le secteur autorisé pour les manifestations, à l’intérieur de la Zone verte. « Aucune personne non enregistrée au préalable ne pourra y pénétrer », a averti le gouverneur.

Avant le début de la conférence, la COP27 a publié sur son site internet des directives au sujet d’actes protestataires et de manifestations, qui exigent des organisateurs qu’ils fournissent un préavis 36 heures à l’avance et révèlent l’objectif de la manifestation, sa date, l’entité organisatrice, ainsi qu’un centre de liaison désigné, avec une copie du badge de la conférence. Les manifestations ou marches protestataires ne peuvent se dérouler qu’entre 10h00 et 17h00, correspondant aux heures d’ouverture du site de la COP27. Pour des marches dans d’autres zones de Charm El-Cheikh, les organisateurs doivent donner un préavis 48 heures à l’avance, avec d’autres détails.

Les autorités ont également annoncé des plans de surveillance considérables. Lors du même entretien télévisé, le gouverneur a indiqué que les autorités étaient en train d’installer des caméras de surveillance dans chacun des 800 taxis de Charm el-Cheikh, affirmant que cette mesure était nécessaire pour « observer le comportement du conducteur » avec les touristes et les visiteurs, et « non pas pour surveiller les gens ».

Le gouverneur a ajouté que dès le début du mois de novembre, 500 taxis seraient déjà équipés de ces caméras qui conservent les enregistrements audio et vidéo de ce qu’il se passe à l’intérieur du véhicule et sont reliées à un « observatoire de sécurité » géré par le très redouté ministère de l’Intérieur égyptien. Il n’a pas précisé combien de temps ces enregistrements seraient conservés, ni quelles lois régissent une telle surveillance massive, qui apparaît comme une violation du droit au respect de la vie privée reconnu par le droit international.

Le 24 octobre, le gouvernement égyptien a diffusé une application pour téléphone portable destinée aux participants à la COP27, qui requiert que les utilisateurs fournissent leurs informations personnelles, y compris le numéro de leur passeport. Selon une analyse préliminaire réalisée par deux organisations locales de défense des droits, cette application exige l’accès à la caméra du téléphone, à son micro, sa localisation et sa connexion à Bluetooth. Toutes les informations recueillies par l’application peuvent être partagées avec des parties tierces. L’étendue de ces informations suscite de nouvelles préoccupations en termes de surveillance et de vie privée.

Les autorités ont aussi annoncé des plans qui auraient pour effet de restreindre l’accès du grand public aux discussions sur le climat de Charm El-Cheikh. Le 24 octobre, le gouvernement égyptien a annoncé une procédure d’accréditation en ligne pour la « Zone verte ». Cette procédure exige d’un candidat qu’il fournisse ses informations personnelles, y compris le numéro de son passeport, et déclare une affiliation à une organisation participante, ce qui revient à fermer la porte aux personnes intéressées qui n’ont pas d’affiliation à des médias ou à une organisation participante.

Human Rights Watch et une dizaine d’autres organisations ont mis en garde contre le fait que les restrictions imposées depuis des années aux droits de réunion et d’association et au travail d’organismes indépendants, par le gouvernement du président Abdel Fattah al-Sisi, auraient pour effet de gêner toute participation significative des organisations non gouvernementales et des journalistes lors de la COP, empêchant ainsi que ce sommet sur le climat n’aboutisse à un résultat positif et ambitieux.

Environ 1 400 organisations de diverses régions et personnalités publiques de 80 pays ont signé une pétition rédigée par 12 organisations égyptiennes, demandant la levée de ces restrictions.

Le 7 octobre, cinq rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont affirmé, dans une déclaration, que l'Égypte « doit assurer la sécurité et la pleine participation de tous les éléments de la société civile » à la COP27, après « qu’une vague de restrictions à la participation imposées par le gouvernement eut suscité la crainte qu’il n’exerce des représailles contre les activistes. »

Le droit international garantit à chacun le droit de participer librement, activement et de manière significative aux affaires publiques aux niveaux international, national, régional et local. Le droit de participer est étroitement lié à d’autres droits humains, tels que le droit de réunion et d’association pacifique, et la liberté d’expression.

« Arrêter des Égyptiens uniquement pour avoir appelé à des manifestations quelques jours avant la COP, ce n’est pas seulement violer les libertés d’expression et de réunion, c’est aussi envoyer aux participants à la COP un message direct selon lequel ils devront rester dans les limites imposées », a affirmé Adam Coogle.

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Euronews/AFP       LeSoir.be    


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