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« Congo Hold-Up », une chance pour la lutte contre la corruption

Le détournement présumé de millions de dollars a contribué à priver les Congolais de leurs droits

L’ancien président Joseph Kabila s’exprime lors du discours sur l’état de la nation à l’Assemblée nationale à Kinshasa, République démocratique du Congo, archive, 19 juillet 2018. © 2018 AP Photo/John Bompengo

La semaine dernière, les autorités en République démocratique du Congo ont confirmé avoir ouvert une enquête suite aux allégations de grande corruption rapportées par un consortium de médias et d’organisations internationales. Des enquêteurs de 18 pays, travaillant avec 19 médias et 5 organisations non-gouvernementales, ont planché pendant des mois sur une fuite de 3,5 millions de documents pour produire « Congo Hold-Up », une série de récits effarants de la corruption sous l'ancien président Joseph Kabila.

Ces documents, obtenus par Mediapart et la Plateforme pour la protection des lanceurs d’alerte en Afrique, proviennent du Groupe BGFIBank Group (Banque Gabonaise et Française Internationale), une banque privée qui aurait été utilisée pour détourner des millions de dollars de fonds publics au profit de la famille et des associés de Kabila.

Depuis le 19 novembre, les révélations de « Congo Hold-Up » sont publiées presque quotidiennement, exposant un système kleptocratique qui a permis le siphonnage de fonds publics de la Banque Centrale du pays, de la société minière d'État Gécamines, de la Commission nationale électorale, et de recettes fiscales.

Kabila, sa famille, et de proches collaborateurs auraient détourné au moins 138 millions de dollars US sur une période de cinq ans, entre 2013 et 2018. Ils auraient même volé des sommes versées par les Nations Unies et destinées aux militaires congolais qui avaient été déployé en République Centrafricaine dans le cadre d’opérations de maintien de la paix.

La mine de documents a également révélé des preuves de fraude et de pots-de-vin dans l’« accord du siècle » de plusieurs milliards de dollars conclu entre la RD Congo et deux sociétés minières d'État chinoises en 2008. Sicomines, la joint-venture constituée pour mettre en œuvre une partie de cet accord, a rejeté les allégations. La Gécamines n'a pas répondu aux allégations.

La BGFI, dans une déclaration publiée le 24 novembre, a dénoncé la fuite et mis en doute l'authenticité des documents, mais a « condamn[é] avec la plus grande fermeté les actes contraires à la loi et à l’éthique qui ont pu être commis dans le passé » au sein de sa filiale en RD Congo « et dont ses préposés auraient pu éventuellement être auteurs ou complices. »

Bien que la corruption endémique en RD Congo soit de notoriété publique, le manque de volonté politique du gouvernement d’enquêter sur les actes répréhensibles présumés et l'opacité des opérations financières ont longtemps permis aux hauts-responsables corrompus de jouir de l'impunité. Cependant, disposant de relevés bancaires, contrats, courriers électroniques et de reçus de transactions, « Congo Hold-Up » pourrait fournir des preuves suffisantes pour des poursuites judiciaires.

Les responsables de crimes financiers, ainsi que leurs facilitateurs internationaux, devraient rendre des comptes. Dans un pays où une personne sur trois souffre gravement de la faim et où les droits fondamentaux tels que l'accès à l'eau courante, à l'électricité, aux soins de santé et à l'éducation sont constamment négligés, la justice pour la grande corruption n’a que trop longtemps attendu.  

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