(Genève) – Le procès d’un ancien chef rebelle libérien arrêté en Suisse pour des crimes de guerre présumés commis pendant la première guerre civile au Libéria entamera sa deuxième phase importante le 15 février 2021, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch, qui publie simultanément un document « Questions-réponses » à ce sujet.
Le procès d’Alieu Kosiah, un ancien commandant du groupe armé Mouvement uni de libération pour la démocratie au Liberia (ULIMO), s’est ouvert le 3 décembre 2020 devant le Tribunal pénal fédéral suisse à Bellinzone. Alieu Kosiah est le premier ressortissant libérien à être jugé pour des crimes de guerre présumés commis pendant la première guerre civile dans ce pays, de 1989 à 1996.
Le document « Questions-réponses » fournit des détails sur les antécédents de Kosiah, ainsi que sur les principaux problèmes ayant émergé au cours de la phase initiale de son procès, qui s’est déroulée du 3 au 10 décembre 2020. Le document aborde aussi les implications du procès pour la justice interne au Libéria, ainsi que sur les efforts en Suisse, au-delà de cette affaire, pour mener des enquêtes et des poursuites à l’égard de crimes graves en vertu du droit international.
« Le procès de Kosiah offre aux victimes de la première guerre civile du Libéria l’opportunité d’obtenir justice après tant d’années de souffrances », a déclaré Balkees Jarrah, directrice adjointe du Programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Le tribunal suisse de Bellinzone devrait trouver des moyens de diffuser auprès des communautés affectées au Libéria les informations vitales relatives au procès. »
Les victimes et les témoins qui n’ont pu auparavant se rendre en Suisse pour le début du procès en décembre assisteront en personne à la reprise des audiences. Le procès de Kosiah, qui devait initialement débuter en avril 2020, a été reporté à plusieurs reprises en raison des restrictions imposées aux déplacements par la pandémie de Covid-19. Le Tribunal pénal fédéral a déclaré que les efforts visant à recueillir des témoignages par visioconférence depuis Monrovia, la capitale du Libéria, n’avaient pas été fructueux.
Kosiah se trouve en détention depuis 2014. Les autorités ont pour obligation de veiller à ce que tout individu accusé d’un crime soit jugé dans un délai raisonnable, une détention prolongée en l’absence de procès pouvant porter atteinte à ses droits. Pour garantir la confiance dans l’impartialité du processus, les autorités devraient rendre publiques les raisons pour lesquelles la prolongation de la détention provisoire de Kosiah a été nécessaire.
Pour éviter d’autres retards, le tribunal a décidé de scinder le procès de Kosiah en deux phases, l’une en décembre et l’autre en février. Lorsque ce procès historique s’est officiellement ouvert, le tribunal a abordé les problèmes de procédures préliminaires et commencé à procéder à l’audition de l’accusé. Au cours de la deuxième phase, qui doit débuter le 15 février, le tribunal procèdera à l’audition de sept victimes et de neuf témoins. Les différentes parties présenteront également leurs arguments dans l’affaire.
Un défi majeur auquel les autorités judiciaires suisses sont confrontées est de garantir aux communautés libériennes concernées, dont les membres ne peuvent se rendre à Bellinzone, l’accès à certaines informations sur le procès. Le tribunal devrait tout mettre en œuvre pour combler cette lacune et mettre les informations relatives au procès à la disposition du public et des communautés victimes des crimes de l’ULIMO, a préconisé Human Rights Watch. Une sensibilisation inadéquate serait de nature à affaiblir l’impact des efforts déployés pour établir les responsabilités dans les crimes internationaux graves commis.
Kosiah a été arrêté le 10 novembre 2014 en Suisse, où il résidait depuis 1999, pour son rôle présumé dans des crimes de guerre commis entre 1993 et 1995 dans le comté de Lofa, dans le nord-ouest du Libéria. Vingt-cinq chefs d’accusation pèsent contre lui, notamment ceux d’avoir ordonné le meurtre et le traitement cruel de civils, le viol, le recrutement d’enfants soldats et le pillage.
Le procès de Kosiah en Suisse est possible parce que les lois du pays reconnaissent la compétence universelle à l’égard de certains crimes graves de droit international, permettant d’ouvrir des enquêtes et des poursuites pour de tels crimes, indépendamment du lieu où ils ont été commis et de la nationalité des suspects ou des victimes.
Au cours des conflits armés qui ont ravagé leur pays de 1989 à 1996, puis de 1999 à 2003, les Libériens ont été victimes de violations généralisées du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, telles que des massacres, des viols et d’autres formes de violence sexuelle, des exécutions sommaires, des mutilations et des actes de torture et l’utilisation d’enfants soldats. Personne n’a été poursuivi à ce jour au Liberia pour les crimes graves commis au cours des deux conflits armés dans ce pays.
« Le procès de Kosiah devrait adresser un message clair aux autorités libériennes, à savoir que le temps de différer la justice pour les crimes commis pendant la guerre civile dans le pays est révolu », a conclu Balkees Jarrah. « Le président George Weah devrait enfin demander l’aide de l’ONU pour créer un tribunal pour les crimes de guerre au Libéria, afin que les individus accusés de crimes graves pendant les guerres civiles dans ce pays puissent y être jugés. »
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