Madame la Haute Représentante,
Mesdames et Messieurs les ministres des Affaires étrangères,
Nous vous adressons le présent courrier pour vous demander instamment de soutenir le renouvellement des sanctions ciblées de l’Union européenne contre les hauts fonctionnaires responsables de la répression violente et d’autres atteintes graves aux droits humains en République démocratique du Congo. Nous croyons savoir qu’une décision concernant le renouvellement des sanctions imposées à l’encontre de 14 individus congolais en décembre 2016 et en mai 2017, renouvelées le 10 décembre 2018, sera prise prochainement.
Les sanctions ciblées imposées par l’UE – ainsi que les sanctions de la part des États-Unis et les sanctions globales imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies – semblent avoir joué un rôle essentiel dans la décision de l’ancien président Joseph Kabila à s’engager à quitter ses fonctions et à organiser des élections pour désigner son successeur. Mais la répression politique a continué à l’approche du scrutin, dans un environnement peu propice à des élections crédibles, et l’impunité pour les atteintes graves aux droits humains perdure.
Le 10 janvier 2019, la commission électorale de la RD Congo a déclaré provisoirement le candidat d’opposition Felix Tshisekedi comme président élu. Cette annonce était en contradiction avec des informations qui ont filtré de la commission elle-même et de la mission d’observation de l’Église catholique, qui indiquaient qu’un autre candidat d’opposition, Martin Fayulu, avait remporté 60 pour cent des voix. L’impunité pour les atteintes aux droits humains peut avoir contribué aux conditions favorisant la fraude autour du décompte des votes.
Malgré les préoccupations concernant l’équité des élections de 2018, des changements et des engagements symboliques ont eu lieu, qui démontrent que le nouveau gouvernement pourrait avoir une vision différente et plus constructive vis-à-vis de la défense des droits humains, notamment la libération des prisonniers politiques et le limogeage du responsable des services de renseignements aux actes abusifs. Cependant, à ce jour, les changements systémiques nécessaires pour mettre fin aux cycles de violence et aux abus encouragés par l’impunité n’ont toujours pas été mis en œuvre.
Bon nombre des individus sanctionnés par l’UE n’occupent plus la même fonction : certains ont été promus à des postes plus haut placés, d’autres ont été affectés à des postes différents mais tout aussi influents, et d’autres encore continuent à jouer un rôle dans les abus actuels, mais avec un statut officiel moindre. La constante est que tous ces individus bénéficient toujours d’une impunité pour leur rôle dans les atteintes aux droits humains passées.
Lors de son discours d’investiture, le président Felix Tshisekedi a promis que son gouvernement donnerait la priorité à une « lutte déterminée » contre l’impunité. Malgré cet engagement, un an après l’arrivée du nouveau gouvernement, aucun des 14 individus sanctionnés n’a fait l’objet d’enquêtes ni été traduit en justice pour son implication présumée dans des violations graves des droits humains. Rien n’indique que ces individus ont perdu leur influence ou ont modifié leur comportement abusif. La levée prématurée des sanctions pourrait maintenant permettre au président Felix Tshisekedi de ne pas tenir ses promesses, signalerait que l’UE est prête à ignorer l’impunité pour les crimes graves et pourrait encourager les hauts fonctionnaires à commettre de graves abus à l’avenir, qu’ils occupent un poste officiel ou non.
Le renouvellement des sanctions ciblées de l’UE à l’encontre des hauts fonctionnaires responsables de la répression violente des droits fondamentaux en RD Congo ces dernières années démontrerait que les conséquences pour les atteintes aux droits humains perdurent jusqu’à ce que les responsables soient traduits en justice. L’UE devrait aussi envisager d’ajouter Joseph Kabila et d’autres hauts fonctionnaires responsables de graves violations des droits humains à sa liste de sanctions.
Le maintien et le renforcement de la pression de la part des États membres de l’UE sont indispensables de toute urgence afin que le président Felix Tshisekedi et les autres hauts fonctionnaires prennent les mesures nécessaires pour s’éloigner du régime d’abus et de corruption sous l’administration Kabila et pour adopter des changements systémiques qui confortent l’État de droit et respectent les droits de tous les citoyens de RD Congo.
Nous vous remercions de votre attention sur cette question importante.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.
Lotte Leicht, Directrice du plaidoyer auprès de l’Union européenne, Human Rights Watch
Ida Sawyer, Directrice adjointe de la division Afrique, Human Rights Watch
Copie aux :
Chef de cabinet de la haute représentante pour les affaires étrangères, M. Stefano Grassi
Secrétaire générale du Service européen d’action extérieure (SEAE), Mme Helga Schmid
Secrétaire général adjoint aux affaires politiques et directeur politique, SEAE, M. Jean-Christophe Belliard
Directeur général pour l’Afrique, SEAE, M. Koen Vervaeke
Directrice générale adjointe pour l’Afrique, SEAE, Mme Birgitte Markussen
Chef de la division Afrique centrale, SEAE, M. Gerardus Gielen
Secrétaire général adjoint chargé des questions économiques et mondiales, SEAE, Christian Leffler
Directrice générale pour les droits de l’homme et les affaires globales et multilatérales, SEAE, Mme Lotte Knudsen
Directeur général adjoint pour les droits de l’homme et les affaires globales et multilatérales, SEAE, M. Marc Giacomini
Chef de la division Droits de l’homme, SEAE, Mme Luisa Ragher
Présidente du Comité politique et de sécurité de l’UE, Mme Sofie From-Emmersberger
Ambassadeurs auprès du Comité politique et de sécurité de l’UE
Présidente du groupe Afrique du Conseil, Mme Marie Lapierre
Membres du groupe Afrique du Conseil
Président du Parlement européen, M. David Sassoli
Président de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen, M. David McAllister
Vice-présidents de la Commission des affaires étrangères du Parlement européen
Présidente de la Sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, Mme Maria Arena
Vice-présidents de la Sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen