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RD Congo : Campagne électorale violemment réprimée

Les Casques bleus devraient aider à protéger les personnes avant les élections

Le 11 décembre 2018, le gouvernement de la République démocratique du Congo a déployé des forces de sécurité à Lubumbashi pour bloquer la libre circulation du candidat de l’opposition à la présidence Martin Fayulu et de ses partisans, tuant au moins cinq personnes et blessant des dizaines d’autres. © 2018 Privé

(Kinshasa) – Les forces de sécurité gouvernementales à travers la République démocratique du Congo ont dispersé par la force des rassemblements de campagne de l’opposition avant les élections nationales du 23 décembre 2018. Les forces de sécurité ont tué au moins 7 partisans de l’opposition, blessé plus de 50 personnes, et en ont arbitrairement arrêté un grand nombre d’autres, du 9 au 13 décembre.

La mission des Nations Unies en RD Congo, la MONUSCO, devrait déployer des soldats de maintien de la paix dans les points chauds prévisibles dans les villes où il y a des risques de violence pendant les événements de la campagne et le jour du scrutin. Les gouvernements concernés devraient accroître la pression sur le gouvernement congolais, qui porte la principale responsabilité de protéger les citoyens, pour qu’il cesse de réprimer l’opposition politique et permette à tous les candidats de faire campagne en paix.

« Les forces de sécurité congolaises enflamment une situation déjà tendue en utilisant une force excessive contre les rassemblements de campagne de l’opposition », a déclaré Ida Sawyer, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Moins d’une semaine avant la date des élections, les autorités doivent empêcher une situation extrêmement volatile de devenir incontrôlable. »

Deux membres de ligues de jeunes associées au parti au pouvoir ont déclaré que des hauts responsables du parti au pouvoir les avaient recrutés, eux et d’autres jeunes, pour infiltrer les partisans du candidat de l’opposition à la présidence Martin Fayulu de la coalition Lamuka (« réveillez-vous » en lingala et en swahili, deux des quatre langues nationales de la RD Congo). Ils ont déclaré avoir été payés environ 50 dollars US chacun et avoir reçu l’ordre de provoquer la violence et le désordre pendant les rassemblements de Fayulu, ce qui pourrait être attribué à Fayulu et créer un prétexte pour l’arrêter ou disqualifier sa candidature.

Le 11 décembre, les forces de sécurité se sont déployées dans Lubumbashi, la deuxième ville du pays, pour bloquer les mouvements de Fayulu et de ses partisans, faisant au moins cinq morts et plusieurs dizaines de blessés, et arrêtant de nombreuses autres personnes. Les autorités ont par la suite refusé aux membres des familles et aux observateurs indépendants l’accès à la morgue.

Le 11 décembre 2018, le gouvernement de la République démocratique du Congo a déployé des forces de sécurité à Lubumbashi pour bloquer la libre circulation du candidat de l’opposition à la présidence Martin Fayulu et de ses partisans, tuant au moins cinq personnes et blessant des dizaines d’autres. © 2018 Privé

« Sept jeeps de la police sont arrivées pour nous disperser », a expliqué un activiste des droits humains surveillant l’arrivée de Fayulu à Lubumbashi pour un rassemblement de campagne. « Ils ont tiré des balles réelles et du gaz lacrymogène. La police a effectué une descente dans le stade [où Fayulu devait tenir le rassemblement] et a confisqué le matériel de sonorisation. Ils ont également utilisé du gaz lacrymogène et de l’eau chaude pour empêcher les gens d’atteindre le centre-ville depuis l’aéroport. » Certains partisans ont répondu en lançant des pierres sur la police, blessant 11 policiers, selon un porte-parole de la police.

On peut entendre Pande Kapopo, gouverneur de la province du Haut Katanga, où se trouve Lubumbashi, dans un enregistrement audio juste avant l’arrivée de Fayulu à Lubumbashi incitant ses partisans à commettre des actes de violence contre les partisans de Fayulu. Il a ajouté que la police ne ferait rien contre eux et que « nous avons le pouvoir ». L’équipe de Kapopo a déclaré à Radio France Internationale que ses paroles avaient été « sorti[e]s de leur contexte ».

Le 12 décembre, les forces de sécurité ont utilisé des balles réelles et des gaz lacrymogènes pour disperser les partisans de Fayulu dans la ville de Kalemie, dans le sud-est du pays, tuant une lycéenne de 18 ans, Jeannette Maua. Le 13 décembre, dans la ville centrale de Mbuji-Mayi, la police a érigé des barricades et abattu un garçon de 17 ans à la suite de l’arrivée d’un autre candidat de l’opposition à la présidence, Félix Tshisekedi, du parti de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois prévoient que ces derniers « ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

Le 14 décembre, le maire de Kananga a interdit toute manifestation dans la ville, capitale de la province du Kasaï-Central. Les forces de sécurité ont érigé des barrages routiers lorsque Tshisekedi est arrivé dans la ville. Le maire de Boma, dans la province de Kongo Central, a interdit un rassemblement de l’opposition le 1er décembre et les forces de sécurité ont barricadé la route.

Le mandat confié à la MONUSCO par le Conseil de sécurité demande aux soldats de la paix de protéger les civils se trouvant « sous la menace de violences physiques », notamment « dans le cadre des élections ». Les forces de maintien de la paix de l’ONU n’ont pas été déployées en grand nombre lors des rassemblements politiques la semaine dernière, où leur présence aurait pu aider à dissuader les forces de sécurité de tirer sur les sympathisants pacifiques de l’opposition, selon des observateurs locaux, des dirigeants politiques ainsi que du personnel des Nations Unies.

Les responsables gouvernementaux et les forces de sécurité ont également à plusieurs reprises retardé ou empêché l’avion de Fayulu d’atterrir dans des circonscriptions clés. À Kindu, capitale du Maniema, la province d’origine du candidat du parti au pouvoir, Emmanuel Shadary, les autorités ont placé plusieurs hélicoptères sur le tarmac de l’aéroport pour empêcher l’atterrissage de l’avion de Fayulu.

« Nous avons essayé d’accueillir Fayulu à l’aéroport, mais nous avons été bloqués par une bande de jeunes qui nous attendaient, et la police était juste derrière », a déclaré un partisan de Fayulu à Kindu. « La police a alors tiré en l’air et tiré des gaz lacrymogènes. Nous avons fui, mais les membres de la bande nous ont poursuivis, jetant des pierres. J’ai inhalé des gaz lacrymogènes et j’ai été hospitalisé pendant une journée. » Les membres de la bande ont par la suite saccagé des bureaux de partis de l’opposition. Plus d’une douzaine de personnes, dont deux policiers, ont été blessées et au moins 25 personnes ont été brièvement détenues.

Par contre, des responsables gouvernementaux ont reçu pour instruction de faciliter et d’aider les visites de la campagne de Shadary dans plus d’une douzaine de provinces. Le 7 décembre, les autorités de Goma ont détenu sept épouses et veuves de militaires congolais pendant plusieurs heures, après que celles-ci se soient rendues à Goma pour accueillir Fayulu la veille. Une veuve a ensuite été expulsée du camp militaire.

L’Union européenne a renouvelé l’interdiction de voyager et le gel des avoirs contre Shadary le 10 décembre pour son rôle présumé dans de graves violations des droits humains commises précédemment.

Des violences ont également été signalées dans d’autres villes, a déclaré Human Rights Watch. Le 12 décembre, des personnes ont lancé des pierres sur le cortège de Tshisekedi à Bunia. Le 1er décembre, les partisans de l’UPDS de Tshisekedi se sont affrontés avec des partisans de Shadary à Mbuji-Mayi. La police est intervenue en tirant des gaz lacrymogènes pour disperser la foule et a arrêté 22 personnes, dont 14 membres de l’UPDS, qui ont tous été libérés par la suite. Des assaillants non identifiés ont détruit du matériel de campagne dans plusieurs villes, notamment à Lubumbashi et Kwilu, et deux bureaux du parti au pouvoir ont été vandalisés à Kisangani et à Mbandaka.

Des groupes armés sont également intervenus dans les campagnes électorales dans l’est de la RD Congo et dans la région centrale du Kasaï. Le 7 décembre, dans le territoire de Masisi, dans la province du Nord-Kivu, des assaillants non identifiés ont attaqué un convoi transportant un candidat parlementaire de la majorité présidentielle, Eugène Serufuli, ministre national des Affaires sociales. Une douzaine de personnes ont été blessées dans l’échange de coups de feu entre les assaillants et l’escorte de la police de Serufuli. À Kananga, dans le Kasaï-Central, des assaillants ont enlevé deux membres du parti de l’Union démocratique africaine originelle alors qu’ils mobilisaient leurs partisans le 1er décembre. Ils sont toujours portés disparus.

Cinq médias proches de l’opposition restent fermés par le gouvernement, tandis que la Radio-Télévision nationale congolaise (RTNC), la chaîne gouvernementale, parmi d’autres, couvre largement la campagne de Shadary. Les forces de sécurité ont arrêté 11 activistes pro-démocratie à Kinshasa et à Goma le 14 décembre. Ils sont toujours en détention au moment de rédiger ces lignes.

Les responsables des élections n’ont toujours pas répondu aux préoccupations concernant le projet controversé d’utiliser une machine à voter électronique, dont bon nombre craignent qu’elle sera utilisée pour faciliter la fraude, et les quelque 6 millions d’électeurs « fictifs » potentiels inscrits sur les listes électorales.

« Il est essentiel que les soldats de la paix de l’ONU jouent un rôle plus actif dans la protection des personnes exposées au risque d’abus dans le contexte des prochaines élections, notamment en déployant des patrouilles dans les zones connues comme foyers potentiels de violence », a conclu Ida Sawyer. « Les voisins et les partenaires internationaux de la RD Congo devraient indiquer clairement qu’il y aura des conséquences réelles si la répression brutale du gouvernement persiste. »

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