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Les banques israéliennes tirent profit des colonies de peuplement

Leur rôle encourage les saisies de terres et les violations des droits humains

(Elkana, Cisjordanie) – La plupart des grandes banques d'Israël fournissent des services qui facilitent l'existence, le maintien et l'expansion de colonies de peuplement illégales en finançant leur construction dans le territoire occupé de la  Cisjordanie, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

Ce rapport de 41 pages, intitulé « Bankrolling Abuse: Israeli Banks in West Bank Settlements » (« Un soutien financier aux abus: Le rôle des banques israéliennes dans les colonies de peuplement »), présente en détail les résultats de nouvelles recherches sur l'étendue des activités bancaires dans les colonies de peuplement et sur les violations des droits humains auxquelles ces activités contribuent. Les sept plus grandes banques d'Israël fournissent des services aux colonies. Le rapport documente également comment la plupart d'entre elles s'impliquent dans la construction d'unités résidentielles qui agrandissent les colonies, en acquérant des droits de propriété dans de nouveaux programmes de construction et en favorisant l'aboutissement de ces projets. L'installation par l'occupant de membres de sa population civile sur le territoire occupé, et l'expulsion ou le déplacement de membres de la population d'origine de ce territoire, constituent des crimes de guerre. En facilitant l'expansion des colonies de peuplement, ces activités bancaires facilitent des transferts illégaux de populations.

« Les banques israéliennes créent des partenariats avec des promoteurs immobiliers pour construire sur des terres palestiniennes des logements exclusivement réservés aux Israéliens », a déclaré Sari Bashi, directrice du plaidoyer au sujet d'Israël et de la Palestine à Human Rights Watch. « Les projets que ces banques financent contribuent au déplacement illégal de Palestiniens. »

Human Rights Watch a consulté en ligne les référencements des projets de construction dans les colonies, les cadastres et les registres municipaux palestiniens et israéliens et les rapports des entreprises de construction, s'est entretenu avec des propriétaires terriens, a visité des sites de construction dans les colonies et a examiné les recherches effectuées deux organisations non gouvernementales israéliennes –  Who Profits et Kerem Navot – au sujet des activités bancaires et des statuts fonciers dans cette région.

Un barrage routier érigé par une compagnie israélienne sur une route secondaire située à proximité de la colonie de Dolev, en Cisjordanie, empêche les habitants palestiniens du village d'Ein Qinya de continuer sur cette route afin de rejoindre le principal axe routier de cette région. © 2017 Human Rights Watch

Une carte créée par Human Rights Watch donne un aperçu des services financiers que fournissent les banques dans toutes les colonies de peuplement de Cisjordanie. En plus des projets de construction, les banques offrent des prêts aux autorités régionales et locales des colonies et des prêts hypothécaires aux acquéreurs de logements dans les colonies, et elles y ouvrent des succursales. Les habitants palestiniens de Cisjordanie qui, par ordre de l'armée israélienne, n'ont pas le droit d'accéder aux colonies de peuplement sauf comme travailleurs munis d'un permis spécial, ne peuvent utiliser ces services. Les banques palestiniennes et étrangères fournissent des services à leurs clients palestiniens en dehors des colonies.

Les colonies sont illégales au regard du droit international humanitaire. Elles contribuent à perpétuer un régime discriminatoire par lequel les autorités israéliennes restreignent et entravent le développement économique palestinien, tout en subventionnant et en soutenant les colonies de peuplement israéliennes édifiées sur des terres confisquées illégalement aux Palestiniens. Le droit international humanitaire interdit à une puissance occupante d'utiliser des terres, sauf si c'est à des fins militaires ou pour le bien de la population locale vivant sous occupation.

Les banques qui financent ou « accompagnent » les programmes de construction dans les colonies de peuplement deviennent partenaires de l'expansion de celles-ci, supervisant chaque étape de la construction, conservant l'argent des acquéreurs sur des comptes en séquestre et accédant à la propriété du projet en cas de défaillance de l'entreprise de construction. La majeure partie de cette construction s'effectue sur des terres que les autorités israéliennes ont déclarées « terres d'État », ce qui peut inclure des terrains confisqués illégalement à des propriétaires privés palestiniens. Israël utilise ces terres de manière discriminatoire, allouant un tiers des terres étatiques ou publiques de Cisjordanie, à l'exception de Jérusalem-est, à l'Organisation sioniste mondiale et en réservant 1 % seulement à l'usage des Palestiniens.

Dans le village palestinien d'Azzun, par exemple, la famille de Murshed Suleiman a perdu l'accès régulier à sa terre quand Israël a construit sa barrière de séparation entre Azzun et la colonie voisine d'Alfei Menashe, côté israélien. La banque Leumi, deuxième banque d'Israël, est en partenariat avec une entreprise de travaux publics israélienne pour construire cinq nouveaux immeubles dans cette colonie, sur des terres appartenant à Azzun.

À la périphérie du village palestinien de Mas-ha, la banque Mizrahi Tefahot – quatrième banque d'Israël – soutient financièrement deux nouveaux projets immobiliers, comptant un total de 251 logements. Ces projets ont essentiellement pour effet d'élargir la colonie de peuplement d'Elkana en direction de Mas-ha, exacerbant les restrictions à l'accès aux terres. La famille Aamer a dans une large mesure perdu l'accès à environ 500 dunams (50 hectares) de terres qui leur appartenaient. Les membres de cette famille affirment qu'une partie des nouvelles constructions se trouve sur des terrains que leur père avait achetés mais qui ont été saisis sans leur consentement et auxquels l'accès leur est maintenant interdit.

À Mas-ha aussi, les autorités israéliennes ont édifié la barrière de séparation le long d'un tracé qui pénètre plus profondément en Cisjordanie, afin de placer Elkana et d'autres colonies de peuplement du côté « israélien ».

Human Rights Watch a contacté les deux banques pour recueillir leur point de vue mais n'a pas reçu de réponse substantielle.

Les colonies de peuplement contribuent intrinsèquement à de graves violations des droits humains. Les entreprises qui font des affaires dans ou avec les colonies ne peuvent ni atténuer ces abus ni éviter d'y contribuer, car les activités auxquelles elles se livrent se produisent sur des terres confisquées illégalement, dans des conditions de discrimination et dans le cadre de graves violations par Israël de ses obligations en tant que puissance occupante. Ces activités soulèvent des questions concernant d'éventuels pillages, en raison du fait que les politiques de l'armée israélienne en matière de saisie de terres rendent difficile de savoir avec certitude si les propriétaires ont donné librement leur accord.

Human Rights Watch estime que pour remplir leurs responsabilités en matière de droits humains, les banques, comme les autres entreprises, devraient cesser de faire des affaires dans ou avec les colonies de peuplement israéliennes. Elles devraient cesser d'implanter ou d'effectuer des activités à l'intérieur des colonies, de financer, d'administrer ou de soutenir de n'importe quelle autre manière les colonies ou des activités et des infrastructures liées aux colonies, et de conclure des contrats d'achat de biens produits dans les colonies.

« Les banques ne peuvent pas faire des affaires dans  les colonies de peuplement sans contribuer en même temps à la discrimination, aux déplacements d’habitants et aux spoliations foncières », a affirmé Sari Bashi. « Afin d'éviter cela, elles devraient mettre fin à leurs activités dans les colonies. »

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