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Les Tunisiens jouissent bien plus de leurs droits civils et politiques que lorsque le Président Zine el-Abidine Ben Ali, évincé en 2011, ou son prédécesseur Habib Bourguiba étaient au pouvoir. Pendant les dix mois qui se sont écoulés entre le départ de Ben Ali et l’élection de l’Assemblée nationale constituante en novembre 2011, les autorités de transition ont promulgué plusieurs lois protégeant la liberté d’association et le droit de former des parties politiques et ont réformé le code de la presse afin d'éliminer la sanction des délits de presse par des peines de prison. Le 27 janvier 2014, l’Assemblée nationale constituante a adopté une nouvelle Constitution qui proclame les droits civils et politiques, et les droits sociaux, économiques et culturels clés. La Constitution prévoit la création d'une Cour constitutionnelle chargée de statuer sur la constitutionnalité des lois et qui sera apte à invalider les lois qui ne seraient pas conformes aux normes relatives aux droits humains stipulées dans la Constitution. Le 3 décembre 2015, le Parlement a adopté la loi organique n° 50 instaurant la Cour constitutionnelle, mais à ce jour, celle-ci doit encore être mise en place et ses membres désignés.

Les autorités de transition tunisiennes ont également ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et d’autres instruments.

Malgré toutes ces avancées, des violations graves des droits humains, y compris des actes de torture, des violations des droits LGBT, l’impunité pour les violations passées des droits humains, des assignations à résidence arbitraires et des restrictions de voyage appliquées en vertu de l’état d’urgence ont perduré.

Pendant la période de transition, la Tunisie a vécu plusieurs attaques meurtrières commises par des islamistes extrémistes, entraînant la mort de dizaines de personnes et faisant de nombreux blessés. Le 18 mars 2015, deux hommes armés ont attaqué le musée du Bardo, tout proche du Parlement, tuant 21 touristes étrangers et un agent de sécurité tunisien. Le 26 juin, un homme armé a ouvert le feu dans la station balnéaire de Sousse, causant la mort de 38 touristes étrangers. Le 24 novembre 2015, le Président tunisien Béji Caid Essebsi a déclaré l’état d’urgence après un attentat-suicide à Tunis provoquant la mort de 12 membres de la garde présidentielle et 20 blessés. Il l’a renouvelé le 16 septembre 2016. L’état d’urgence repose sur un décret présidentiel de 1978 qui donne au ministère de l’Intérieur le pouvoir d’interdire les grèves ou les manifestations considérées comme susceptibles de menacer l’ordre public et d’ordonner l’assignation à résidence de quiconque menant des « activités considérées comme un danger pour la sécurité et l’ordre public. »

Application de la Constitution

 

Lors de l’examen périodique universel (EPU) de 2012, la Tunisie a accepté plusieurs recommandations relatives à sa constitution, visant principalement à inclure dans la nouvelle Constitution des garanties essentielles en matière de droits de l’homme, notamment le droit à la non-discrimination, la liberté d’expression, d’association et de réunion, l’indépendance de la justice, la protection contre la torture et autres formes de mauvais traitements, la protection des droits des minorités, le droit à la vie et la protection des droits économiques, sociaux et culturels. La Constitution de 2014 garantit les principaux droits civils, politiques, sociaux, économiques et culturels. Les autorités tunisiennes ont fait des progrès dans la mise en conformité de la législation avec la Constitution.

Par exemple, l’article 29 de la Constitution accorde aux détenus « le droit de se faire représenter par un avocat » mais le Code de procédure pénale (CPP) n’autorise les détenus à consulter un avocat qu’après comparution devant un juge d’instruction, soit jusqu’à six jours après leur arrestation. Le 2 février 2016, le Parlement a adopté des révisions du Code de procédure pénale afin d’accorder aux suspects le droit à un avocat dès le début de la détention et de raccourcir la durée de détention maximale avant inculpation à 48 heures, renouvelable une fois.

En outre, en 2012, une recommandation visant à réformer la justice afin de mettre en place un pouvoir judiciaire indépendant, conformément aux normes internationales en la matière, et garantir l’état de droit et la justice a été acceptée par la Tunisie. La Constitution de 2014 garantit l’indépendance de la justice et prévoit la mise en place d’un Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Le 16 novembre 2015, le Parlement a approuvé la loi à l’origine du CSM dont les fonctions seront notamment de nommer les juges et de superviser la discipline judiciaire et les évolutions de carrière des juges.

En dépit de ces avancées positives, la Tunisie doit mettre en œuvre d’autres réformes étendues pour aligner sa législation sur la Constitution et les normes internationales.

Bien que la loi relative au CSM améliore la loi relative au Haut conseil de la magistrature (HCM), largement discrédité sous l'ancien président Ben Ali pour avoir compromis l'indépendance judiciaire et veillé à ce que les tribunaux soient subordonnés au gouvernement, elle n’a pas complètement éliminé l’influence de l’exécutif sur le système judiciaire. La nouvelle loi habilite le ministre de la Justice à lancer des enquêtes sur la mauvaise conduite des juges et ne leur assure pas une protection adéquate contre les transferts vers d’autres juridictions appliqués comme sanction disciplinaire à caractère politique. De plus, les autorités tunisiennes n’ont pas encore entrepris la révision de la loi sur le statut des magistrats bien que la recommandation relative ait été acceptée lors de l’EPU de 2012.

 

L’article 80 de la Constitution confère au président le pouvoir d’imposer des mesures exceptionnelles « en cas de péril imminent menaçant les institutions de la nation et la sécurité et l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». D’après la Constitution, ces mesures doivent garantir un retour au fonctionnement normal des institutions et des services publics dans « les plus brefs délais ». La Constitution donne au Parlement le droit de demander à la Cour constitutionnelle une évaluation de la situation, 30 jours après l’annonce de l’état d’urgence. La Tunisie dispose d’un décret présidentiel de 1978 qui donne au président le droit de déclarer un état d’urgence de 30 jours maximum, renouvelable, en réponse à des troubles graves de l’ordre public. Le décret présidentiel ne comporte pas les mêmes garanties que la Constitution car il ne prévoit pas la révision par la Cour constitutionnelle  de la décision d’imposer l’état d’urgence. Conformément à l’Observation générale n° 29 du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, les états d’urgence doivent être exceptionnels et temporaires et doivent être déclarés en accord avec le cadre constitutionnel et législatif du pays pour être considérés comme légaux.

Recommandations

 

  • Accélérer la refonte des lois tunisiennes non conformes à la Constitution et aux normes internationales relatives aux droits humains. En particulier, abroger le décret présidentiel de 1978 sur l’état d’urgence ne respectant pas les conditions de l’article 4 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
  • Garantir une mise en place rapide de la Cour constitutionnelle, qui jouera un rôle essentiel dans la garantie du respect des droits humains en annulant les lois non conformes au cadre constitutionnel sur les droits et les libertés et lui donner tous les moyens pour qu’elle puisse réaliser son travail en toute indépendance des branches exécutive et législative.

 

Liberté d’expression

Les autorités transitoires ont libéralisé le code de la presse et les lois relatives aux moyens de diffusion, en éliminant la plupart des sanctions pénales que ces lois imposaient contre les délits de presse. Néanmoins, le Code pénal, le Code de justice militaire et la Loi sur les télécommunications comportent toujours des clauses imposant des peines de prison pour sanctionner les propos diffamatoires. L’État a eu recours à ces articles, liés principalement à la diffamation des individus et des institutions publiques, et à des délits vaguement définis tels que la nuisance à l’ordre public et aux mœurs publiques, pour poursuivre en justice et emprisonner au moins 17 personnes au cours de la période de transition, entre 2011 et 2014. Un nouveau projet de loi sur la « répression des attaques contre les formes armées » pourrait, s’il est adopté, représenter une menace encore plus grande à la liberté d’expression en incriminant le « dénigrement des forces armées ». Bien qu’il ait accepté des recommandations indiquant le contraire, le gouvernement a approuvé ce projet de loi le 10 avril 2015 et l’a envoyé au Parlement qui n'a pas encore fixé de date pour débattre du texte. L’une des recommandations notables acceptées par le gouvernement tunisien en 2012 était de « prendre des mesures pour faire en sorte que la législation nationale, notamment les lois ayant une incidence sur l’exercice de la liberté d’expression et de réunion, soit pleinement compatible avec les engagements internationaux relatifs aux droits de l’homme de la Tunisie. »

 

Malgré ces promesses faites lors de l’EPU, un article du Code pénal incriminant les « insultes à l’égard d’un fonctionnaire » a été utilisé dans la pratique afin que la police puisse arrêter des individus, dont certains ont été poursuivis en justice et emprisonnés, simplement parce qu’ils se sont disputés avec la police ou ont mis du temps à suivre des ordres, ou parce qu’ils ont déposé plainte ou étaient soupçonnés de vouloir déposer plainte contre la police.

 

Recommandations

  • Le Parlement devrait éliminer les dernières lois répressives qui se trouvent encore dans le Code pénal, notamment les articles incriminant la diffamation.
  • Le Parlement devrait abandonner le projet de loi incriminant le dénigrement des forces armées.

 

Justice transitionnelle

Lors de l’EPU de 2012, la Tunisie a accepté toutes les recommandations liées à l’établissement d'un mécanisme visant à assurer la justice transitionnelle, dont l’une indiquant de mettre en place un mécanisme de justice transitionnelle afin de déterminer les responsabilités des auteurs des violations et de veiller à ce qu’ils soient punis, et d’accorder une réparation aux victimes d’abus et d’oppression sous l’ancien régime politique. Le 24 décembre 2013, l’Assemblée nationale constituante (ANC) a adopté la loi relative à l'instauration de la justice transitionnelle et à son organisation. 

Cette loi définit une démarche globale permettant d’aborder les atteintes aux droits humains commises dans le passé. Elle prévoit la mise en œuvre d’une responsabilité pénale par le biais de chambres spécialisées et établies au sein du système judiciaire civil, afin de statuer sur les cas de violations des droits humains.

Cette loi a également établi une Instance de la vérité et de la dignité (IVD) chargée de faire la lumière sur les abus commis entre juillet 1955  et l’adoption de la loi en 2013. L’ANC a élu les 15 membres de l’IVD le 15 mai 2014. L’IVD a déclaré avoir reçu plus de 60.000 plaintes de personnes faisant état d’atteintes aux droits humains et avoir entamé les procédures afférentes.

Le gouvernement a toutefois adopté le 14 juillet 2015 un projet de loi sur la réconciliation économique et financière, largement soutenu par le président Essebsi. S’il est promulgué, ce texte entraînera la suspension des poursuites et des procès en cours ou futurs des fonctionnaires et hommes d’affaires pour corruption financière ou abus de fonds publics, , du moment qu’ils négocient un accord de « réconciliation » avec une commission contrôlée par l’État afin de rembourser l’argent obtenu illégalement à la trésorerie publique. Cette loi annulerait les condamnations ou suspendrait les poursuites à l’encontre des hommes et femmes d’affaires ou des agents du gouvernement ayant bénéficié personnellement de corruption financière ou de détournement tant qu’ils trouvent un accord de « réconciliation » avec une commission dirigée par l’État afin de rembourser l’argent obtenu illégalement à la trésorerie publique.

 

Le 29 juin 2016, la commission de législation générale du Parlement a ouvert le débat sur le texte. En Tunisie comme ailleurs, corruption et violations des droits humains vont de pair. Selon le rapport de 2012 de la Commission nationale chargée d’enquêter sur la corruption et le détournement de fonds, la famille et les proches de Ben Ali ont détourné des fonds et des terrains publics à leur profit en instrumentalisant les institutions de l’État comme les banques publiques, le système judiciaire et la police pour s’octroyer des avantages et punir ceux qui résistaient à leurs initiatives dans le secteur des affaires.

 

Recommandations :

  • Retirer le projet de loi de réconciliation économique et financière de toute discussion parlementaire.
  • Offrir un soutien complet au travail de l’Instance vérité et dignité chargée de s’assurer que les victimes exercent leur droit à la vérité, à la justice et obtiennent réparation pour les abus dont ils ont souffert.

 

 

Redevabilité pour les violations passées des droits humains

Bien que les forces de sécurité de l’ex-président Ben Ali aient amplement utilisé la torture, les autorités ne sont pas parvenues, dans les cinq années qui ont suivi son renversement, à enquêter ou à tenir quiconque responsable de la grande majorité des cas de torture. Pourtant l’ensemble des recommandations sur les mauvais traitements et la torture ont été acceptées lors de l’EPU de 2012, notamment celle faite par la Suisse indiquant de mener des enquêtes approfondies sur les cas présumés de torture et de mauvais traitements, traduire en justice les auteurs de ces atteintes et assurer un soutien moral et matériel aux victimes.

 

Les tribunaux militaires ont jugé plusieurs groupes de suspects accusés d’avoir tué des manifestants lors de la révolution à l’origine du renversement du Président Ben Ali. Ces procès semblaient respecter les droits des prévenus et ont permis à certaines victimes d’obtenir justice, mais plusieurs facteurs ont contribué à renforcer l’impunité pour ces crimes, notamment l’incapacité des autorités à identifier les auteurs directs des meurtres et l’absence de cadre légal adéquat pour poursuivre les hauts fonctionnaires ayant ordonné les crimes commis par leurs subalternes. La redevabilité a également été ébranlée par l’échec du gouvernement dans la demande de l’extradition de Ben Ali auprès de l’Arabie Saoudite.

 

La loi sur la justice transitionnelle a établi des chambres spécialisées au sein du système de tribunal pour juger les abus graves commis entre juillet 1955 et décembre 2013. Ces chambres ont la compétence requise pour rouvrir les affaires des meurtres de manifestants, mais elles n’ont pas encore commencé à fonctionner.

 

Recommandations :

  • Veiller à ce que les auteurs des graves violations des droits humains commises au cours des 23 années du règne de Ben Ali rendent des comptes. En particulier, les autorités devraient s’assurer qu’un système de justice pénale civile indépendant et efficace soit mis en place pour enquêter sur les allégations de torture de suspects interrogés par la police et pour faire rendre des comptes aux auteurs de ces crimes, conformément aux obligations de la Tunisie en vertu de la Convention contre la torture.  
  • Offrir un soutien complet au travail et au fonctionnement des chambres spécialisées.
  • Donner à l’Instance vérité et dignité un accès total à l’ensemble des archives de l’État afin de faciliter le recensement des violations des droits humains et la recherche des auteurs.

 

Lutte contre le terrorisme et sécurité

Le 25 juillet 2015, le Parlement tunisien a adopté une nouvelle loi antiterroriste qui contient des dispositions problématiques pour la protection des droits humains. Cette loi procure aux forces de sécurité des pouvoirs de surveillance étendus et vagues à la fois ; elle prolonge la durée maximale des détentions au secret de six à quinze jours pour les personnes soupçonnées de terrorisme, et autorise les tribunaux à siéger à huis clos et de masquer l’identité des témoins aux prévenus.

 

La définition de terrorisme contenue dans la loi est suffisamment ambiguë pour permettre la répression de certains actes qui ne sont pas de nature terroriste telle que définie par le droit international.

 

Malgré la promesse concrète de lancer une réforme de la garde à vue en envisageant de réduire sa durée maximale à quarante-huit heures, en autorisant la présence d’un avocat et en permettant aux familles et aux avocats de la défense de prendre connaissance des motifs de l’arrestation et des procès-verbaux faite lors de l’EPU de 2012, le cadre législatif de la Tunisie comporte encore plusieurs clauses problématiques en ce qui concerne les affaires de terrorisme. Le juge d’instruction et le procureur ont le pouvoir de retarder l’accès à un avocat pendant 48 heures après le début de la détention dans les cas où le détenu est accusé de crimes terroristes.

 

D’après une étude réalisée en juillet 2015 par Human Rights Watch, les autorités tunisiennes, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, ont interdit arbitrairement aux personnes de moins de 35 ans de se rendre dans certains pays tels que l’Algérie, la Libye, le Maroc et la Turquie, à moins qu’elles n’aient obtenu une autorisation de leur père, et ce, bien que le droit tunisien n’oblige nullement les adultes à obtenir une telle autorisation. Cette pratique a perduré tout au long de l’année 2016.

À la suite de plusieurs attaques terroristes contre des sites touristiques en 2016 et d’une attaque meurtrière sur l’avenue Mohamed V à Tunis ayant tué 12 membres de la garde présidentielle et fait 20 blessés, le Président de la République a déclaré le 24 novembre 2015 l’état d’urgence, qui reste d’actualité.

 

Depuis novembre 2015, au moins 139 Tunisiens ont été confinés sans chef d’inculpation selon des ordres d’assignation à résidence indéfinie délivrés oralement par la police, sans qu’aucun document permettant à la personne concernée de déposer un recours juridique ne soit fourni.

Ces mesures ont engendré des difficultés économiques, stigmatisé les personnes ciblées et les ont empêchées de continuer leurs études ou leur travail.

 

Recommandations

  • Modifier la loi de lutte contre le terrorisme afin de définir clairement les actes de terrorisme conformément aux normes internationales et s’assurer que toutes les personnes détenues dans des affaires de terrorisme soient inculpées rapidement en vertu des normes internationales.
  • Procéder aux modifications législatives nécessaires pour garantir que chaque personne en garde à vue bénéficie de toutes les mesures de protection légales fondamentales, y compris dans des cas liés au terrorisme, notamment l’accès à un avocat dès le début de la détention initiale.
  • S’assurer que les mesures prises sous l’état d’urgence ne soient pas arbitraires, qu’elles soient strictement nécessaires pour les exigences de la situation et qu’elles prennent fin dès qu’elles ne le sont plus, et qu’elles soient réalisées en vertu de l’état de droit et offrent à la personne concernée l’accès à une étude réelle de toute décision restreignant ses libertés, notamment le droit à un contrôle judiciaire de toute forme de détention.

  

Torture et mauvais traitements

En 2011, les autorités de transition ont changé la définition de la torture dans le Code pénal en la réduisant aux cas où elle est infligée dans le but d’obtenir des aveux ou des renseignements, ou pour des motifs de discrimination raciale. Cette définition ignore la précision de la Convention des Nations Unies contre la torture qui stipule qu’un abus commis pour punir et pas uniquement pour obtenir des renseignements peut constituer un acte de torture. La Tunisie avait pourtant accepté toutes les recommandations de l’EPU visant à aligner sa législation relative à la torture sur les normes internationales des Nations Unies.

En octobre 2013, l’Assemblée nationale constituante a adopté une loi visant à créer l’Instance nationale pour la prévention de la torture en tant que mécanisme national de prévention en vertu du Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Toutefois, le Parlement n’a élu ses 16 membres que le 30 mars 2016. L’Instance nationale a le pouvoir de mener des inspections inopinées de lieux de détention.

 

Dans ses conclusions, après considération du troisième rapport périodique de la Tunisie au cours de ses sessions tenues le 19 et le 21 avril 2016, le Comité des Nations Unies contre la torture a salué les progrès constitutionnels et législatifs en matière de lutte contre la torture. Néanmoins, il a également noté avec inquiétude la persistance de la torture lors des gardes à vue et l’extrême lenteur des enquêtes sur des actes de torture ou des mauvais traitements.

Recommandations

  • Réviser le paragraphe 3 de l’article 101 bis du Code pénal pour aligner la définition de la torture sur celle de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en incluant la punition et d’autres justifications comme motifs possibles d’actes constituant de la torture.
  • Former les forces de police aux meilleures pratiques d’enquête policière, en insistant sur le fait que, non seulement l’utilisation de la torture est un délit, mais lorsqu’elle est utilisée pour obtenir un aveu, cette dernière est irrecevable. La formation devrait également souligner le rôle important d’un contrôle indépendant de la conduite de la police, notamment par la société civile.
  • Amender le Code de Procédure Pénale afin d’imputer la charge de la preuve à l’accusation qui doit démontrer que les éléments de preuve ont été recueillis légalement, en cas d’allégation de torture ou de mauvais traitement, en vertu de la recommandation faite par le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dans son rapport de février 2012 sur la Tunisie.
  • Donner à l’Instance nationale pour la prévention de la torture tous les moyens nécessaires à la réalisation de sa tâche.

 

Droits des femmes

La Tunisie, longtemps vue comme le pays arabe le plus progressiste en ce qui concerne les droits des femmes, a fait des avancées supplémentaires dans ce domaine. L’adoption d’une exigence de parité entre hommes et femmes dans la nouvelle loi électorale requiert l’alternance entre hommes et femmes sur les listes de candidats des partis politiques. Ainsi, lors des élections parlementaires de 2014, 68 femmes ont été élues sur 217 sièges. En juin 2016, le Parlement a adopté un amendement à la loi électorale de sorte qu’au moins la moitié des têtes de liste de chaque parti soient des femmes, lors des élections régionales et locales à venir. 

 

Le 28 octobre 2011, le gouvernement par intérim a promulgué le décret-loi levant les réserves à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, et l’a envoyé officiellement aux Nations Unies le 23 avril 2014. Il a ainsi appliqué la recommandation de l’examen périodique universel de 2008. Le gouvernement a toutefois maintenu « une déclaration générale » suggérant qu’il pourrait ne pas mettre en place de réformes entrant en conflit avec l’islam.

 

La Constitution de 2014 prévoit une protection renforcée des droits des femmes et oblige la Tunisie à œuvrer à l’obtention de la parité entre hommes et femmes dans les assemblées élues lors des élections nationales, régionales et municipales.

 

Le 10 novembre 2015, le Parlement a voté une nouvelle loi qui permettra à une femme de voyager avec ses enfants mineurs sans avoir obtenu l’autorisation préalable de leur père.

La Tunisie dispose d’un Code du statut personnel qui accorde aux femmes des droits plus importants au sein de la famille que d’autres États de la région. Dans ce Code figurent néanmoins certaines dispositions discriminatoires. Par exemple, les femmes ne peuvent prétendre à une part d’héritage égale à celle des hommes. La Tunisie a noté toutes les recommandations liées à la parité entre hommes et femmes dans les cas de succession lors de son EPU de 2012, y compris celle visant à continuer de lutter contre toutes les formes de discrimination que continuent de subir les femmes, notamment celles qui subsistent dans le Code du statut personnel en matière de succession et de garde des enfants.

 

À l’heure qu’il est, un projet de loi destiné à lutter contre les violences faites aux femmes, contenant des clauses sur le renforcement de la protection des survivantes de violences  familiales est toujours à l'étude au niveau du gouvernement. La Tunisie a accepté les recommandations à cet effet au cours de l’EPU de 2012, par exemple celle visant à adopter la législation nécessaire pour éliminer la violence sexiste.

 

Recommandations

  • Le gouvernement devrait réformer le Code du statut personnel afin d’éliminer toutes les formes de discrimination entre hommes et femmes.
  • L’État devrait également lever la réserve générale sur la Convention CEDAW afin d’empêcher toute interprétation excessive ou arbitraire par les juges.
  • Adopter une stratégie complète pour lutter contre les violences faites aux femmes.

 

Orientation sexuelle et identité de genre

Selon le Code pénal tunisien, les pratiques homosexuelles consenties sont punies de peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans. Les examens anaux sont utilisés comme preuve principale pour inculper les hommes pour homosexualité. La Tunisie a pris en compte les trois recommandations relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre reçues lors de l’EPU de 2012. 

En 2015, deux cas hautement médiatisés ont révélé qu’au moins sept jeunes hommes avaient subi des examens anaux forcés par des médecins légistes à Sousse et à Kairouan, deux villes tunisiennes. Les rapports médicaux rédigés par les médecins qui les avaient examinés ont été utilisés comme preuve pour les accuser de sodomie. La police a attaqué plusieurs hommes pour les obliger à subir les tests. Ils ont ainsi été physiquement abusés et privés de toute dignité en présence et avec la complicité du personnel médical tunisien.

Dans sa dernière évaluation de la Tunisie, le Comité des Nations Unies contre la torture a condamné le recours aux examens anaux forcés comme moyen de trouver une « preuve » contre les personnes accusées de pratiques homosexuelles.

 

Recommandations

  • Annuler l’article 230 du Code pénal qui incrimine la sodomie.
  • Interdire les tests anaux comme méthode visant à prouver une activité homosexuelle consentie. Ces tests abusifs n’ont aucune valeur de preuve et ne peuvent pas être consentis librement par les personnes en garde à vue.

 

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