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Égypte : Peine de prison à vie prononcée contre un enfant de trois ans

Ce verdict prononcé par erreur démontre la nature arbitraire de la répression

(Beyrouth, le 24 février 2016) – Une peine d'emprisonnement prononcée apparemment par erreur à l'encontre d'un petit garçon âgé de 3 ans le 16 février 2016 montre le caractère arbitraire des tribunaux égyptiens habitués à sanctionner les opposants politiques du gouvernement, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Un tribunal militaire du Caire présidant le procès collectif de 116 défendeurs, dont Ahmed Mansour Qurni Sharara, 3 ans, a prononcé la peine après l'omission des enquêteurs et des procureurs de retirer le nom d'Ahmed Mansour Qurni Shararal alors qu'ils le savaient avoir été inclus par erreur, a indiqué à Human Rights Watch un avocat de l'équipe de la défense.

« Cette affaire illustre le caractère banal de la répression en Égypte aujourd'hui », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « La police, les procureurs et les juges ne prennent même pas la peine de vérifier des éléments fondamentaux dans leur hâte à envoyer les défendeurs en prison. »

© 2010 Human Rights Watch


Les 116 défendeurs ont été condamnés à des peines d'emprisonnement à perpétuité, bien que seulement 16 d'entre eux avaient été placés en garde à vue. Ahmed Mansour Qurni Sharara n'en faisait pas partie. Les défendeurs peuvent faire appel de la décision auprès d'une cour d'appel militaire.

Croyant qu'Ahmed Mansour Qurni Sharara était adulte, la police s'est présentée à son domicile en 2014 pour procéder à son arrestation en lien avec une manifestation, aux dires de l'avocat de la défense. Lorsque le père du jeune garçon, Mansour Qurni Ahmed Ali, a déclaré aux policiers que celui qu'ils recherchaient était son jeune fils, ils ne l'ont pas cru. Il a donc été le chercher en présentant également son acte de naissance dont Human Rights Watch a pris connaissance. Au lieu d'arrêter le garçonnet, la police a arrêté son père, détenu quatre mois durant.

En réponse à l'attention portée par les médias à cette affaire, les autorités ont fourni des explications incomplètes.

L'un des porte-parole des forces armées a affirmé dans une déclaration postée sur Facebook le 21 février que la personne citée dans l'affaire n'était pas le garçonnet de 3 ans, mais un étudiant de 16 ans que la police avait tenté d'interpeller en 2014 avant qu'il ne s'enfuie. Il n'a expliqué ni pourquoi, en 2014, la police s'était rendue chez le garçon âgé de 3 ans, ni pourquoi elle avait arrêté son père.

Le major-général Abu Bakr Abd al-Karim, porte-parole du ministère de l'Intérieur, a déclaré dans le cadre d'un appel téléphonique lors d'une entrevue télévisée en studio en présence du père et du fils en question le 20 février que le jeune de 16 ans était l'oncle du garçonnet. Or, le père a affirmé que l'oncle était âgé de 52 ans. La mère du petit garçon, qui est également intervenue pendant l'entrevue télévisée, a déclaré que la police était revenue au domicile ce jour-là pour arrêter le père et le fils.

Cette affaire découlait d'une manifestation contre le gouvernement en janvier 2014 à Fayoum, ville située à 60 kilomètres au sud du Caire, manifestation que les autorités avaient imputée aux Frères musulmans. Les forces de sécurité avaient dispersé les manifestants à coup de gaz lacrymogène et de balles réelles, tuant un enseignant de 52 ans, un étudiant de 18 ans et un ouvrier de la construction de 28 ans. Plusieurs personnes avaient aussi été blessées.

Après l'incident, les agents de la sûreté nationale du ministère de l'Intérieur avaient recommandé, de concert avec les procureurs civils, que des accusations soient portées à l'encontre d'un échantillon apparemment aléatoire de résidents de Fayoum, notamment les frères de deux des protestants décédés, l'une des victimes et un homme qui ne se trouvait pas dans le pays au moment des faits, selon les dires d'un avocat des droits humains s'étant documenté sur l'affaire à Human Rights Watch.

Les 116 défenseurs faisaient l'objet d'allégations d'assassinat des manifestants tués lors de l'incident, de tentatives d'assassinat de huit autres et de destruction délibérée de biens publics selon le document d'inculpation dont Human Rights Watch a eu connaissance. Ce dernier accusait aussi les défendeurs d'avoir eu recours à la force et à la violence contre les employés du gouvernement, notamment l'armée et la police.

Les procureurs civils égyptiens ont rétroactivement transféré des milliers de civils vers des procès militaires depuis octobre 2014, lorsque le président Abdelfattah al-Sisi a promulgué un décret étendant considérablement la compétence des tribunaux militaires. Le décret, Loi 136 pour la sécurité et la protection des installations publiques et essentielles, autorise les tribunaux militaires à juger toute infraction commise à l'encontre d'un bien « public » ou « essentiel », notamment les centrales électriques, gazoducs, puits pétroliers, voies ferrées, réseaux routiers, ponts, universités publiques et tout autre bien de l'État similaire.

Presque tous les civils transférés vers des procès militaires depuis la promulgation du décret faisaient déjà face à des accusations devant les tribunaux civils. Leurs affaires ont été transférées vers des tribunaux militaires pour faire suite à une décision de novembre 2014 du procureur de l'époque, le général Hisham Barakat, demandant aux procureurs partout dans le pays de « renvoyer toutes les affaires relatives aux délits susmentionnés, quel que soit le stade de l'enquête, devant les procureurs militaires chaque fois que la demande en sera faite. »

L'Article 111 de la Loi égyptienne relative aux enfants (2008) interdit de condamner les enfants à des peines d'emprisonnement à perpétuité, des peines de mort ou des travaux forcés. Cette loi a également élevé l'âge de la responsabilité pénale de sept à douze ans. Le comité d'experts qui interprète et contrôle le respect de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant dont l'Égypte est signataire a vivement encouragé l'Égypte à « garantir que les enfants ne soient jamais jugés devant des tribunaux militaires et poursuivis par la justice militaire et que les jugements prononcés contre les enfants par des tribunaux militaires soient considérés comme nuls et non avenus » conformément à leurs droits dans le système de justice pour mineurs.

Les tribunaux militaires égyptiens opèrent sous l'autorité du ministère de la Défense et non des autorités judiciaires civiles. Les juges sont au service des officiers de l'armée. Les procédures entamées devant les tribunaux militaires ne protègent généralement pas les droits fondamentaux de la défense ou ne satisfont pas aux exigences d'indépendance et d'impartialité des tribunaux. Les enfants peuvent aussi être poursuivis devant les tribunaux militaires, ce à quoi Human Rights Watch s'oppose en toutes circonstances.

Bien que la constitution égyptienne autorise les procès de civils devant les tribunaux militaires, cette pratique enfreint le droit international, notamment la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981 ratifiée par le parlement égyptien en 1984. La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a énoncé que les civils ne devraient jamais être traduits devant un tribunal militaire.

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