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Liban : Attaques sectaires à Tripoli

Les menaces contre les alaouites s’intensifient alors que les tensions montent

(Beyrouth) – Les tensions sectaires entre le quartier alaouite de Jabal Mohsen et les quartiers sunnites voisins ont conduit à une hausse du nombre d’attaques visant les alaouites dans la ville de Tripoli, dans le nord du Liban. La réponse des autorités libanaises est restée faible alors même que le conflit en Syrie a sérieusement aggravé les tensions dans cette ville.

Les autorités libanaises devraient prendre toutes les mesures possibles pour protéger les résidents de Tripoli en confisquant les armes qui ont été utilisées pour tuer les résidents, telles que les mortiers, les lance-roquettes et les armes automatiques, en arrêtant et en engageant des poursuites contre les hommes armés, et en maintenant une présence sécuritaire dans toutes les communautés.

« Face aux batailles en cours à Tripoli et aux attaques ciblées contre des personnes qui sont passées à tabac, poignardées ou tuées, le gouvernement libanais ne peut pas se permettre de rester les bras croisés », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch. « Le gouvernement devrait d’ores et déjà arrêter et engager des poursuites contre les personnes responsables des violences à Tripoli, et confisquer leurs armes. »

Le nouveau plan de sécurité du gouvernement pour Tripoli devrait spécifiquement inclure des mesures pour protéger les habitants alaouites et leurs biens. Il devrait comporter un plan pour arrêter les attaques qui sont en cours, enquêter sur les incidents, et arrêter et poursuivre les responsables, tout en respectant les droits de tous, y compris de toute personne détenue.

Le conflit dans la Syrie voisine a fortement aggravé les tensions sectaires existant à Tripoli, où la violence intermittente a persisté entre le quartier alaouite de Jabal Mohsen situé en haut d’une colline et les quartiers sunnites qui l’entourent complètement, notamment Bab al-Tabbaneh, depuis mai 2008. Des centaines de résidents tant sunnites qu’alaouites ont été les principales victimes, mais les habitants de Jabal Mohsen sont particulièrement vulnérables.

Des hommes armés et des pyromanes sunnites ont attaqué et incendié un grand nombre de magasins appartenant à des résidents de Jabal Mohsen dans d'autres districts de Tripoli. Des militants sunnites ont également roué de coups des alaouites dans les rues de Tripoli à l'extérieur de Jabal Mohsen. Certains des hommes armés du quartier sunnite de Bab al-Tabbaneh ont forcé les propriétaires de magasins alaouites à verser de l'argent pour être protégés.


La réponse sécuritaire du gouvernement a été faible et les opérations de sécurité officielles ne sont pas parvenu à arrêter les combats ni à démilitariser les quartiers touchés, selon Human Rights Watch. Les forces de police et de sécurité n'ont fait aucun effort soutenu pour désarmer, arrêter et poursuivre les hommes armés, en dépit de quelques arrestations et des armes confisquées en 2013. Les habitants de Tripoli, autant ceux de Jabal Mohsen que de Bab al-Tabbaneh, ont expliqué à Human Rights Watch qu'un programme administré par le Comité supérieur de secours (High Relief Committee, HRC) afin d’indemniser pour les biens endommagés ou détruits a été miné par des retards, des exclusions et des paiements insuffisants.

Les forces de sécurité à Tripoli ont notamment omis de fournir une protection adéquate aux alaouites et d’arrêter, de désarmer et de punir les responsables des attaques, même si l'identité de la plupart des agresseurs est connue. Par exemple, en avril, une victime de coups de couteau a déclaré à Human Rights Watch que des soldats des l'armée libanaise qui étaient stationnés à proximité n'ont pas tenté d’arrêter ses agresseurs.

Selon des informations disponibles publiquement, dans quatre des cinq attaques signalées contre des alaouites en novembre et décembre, aucune arrestation n'a été faite. Dans six des sept cas documentés par Human Rights Watch dans lesquels des boutiques alaouites ont été attaquées, les propriétaires de magasins, leurs voisins ou les employés ont déclaré que les forces de sécurité n'ont pas tenté d'arrêter les attaques. Des témoins ont indiqué que les forces de sécurité n'ont enquêté que sur deux des attaques par la suite.

En novembre, le gouvernement libanais a déclaré qu'il mettait en service un plan de sécurité pour la ville, dont la population est estimée à 500 000 habitants. Le 2 décembre, le Premier ministre par intérim, Najib Mikati, a placé Tripoli sous le contrôle de l'armée pour une durée de six mois.

Les actions du gouvernement constituent un changement majeur dans sa réponse aux nombreux cycles de violence à Tripoli, qui ont eu un impact dévastateur sur la population locale. Human Rights Watch a précédemment documenté des affrontements opposant des hommes armés de Jabal Mohsen à des hommes armés de Bab al-Tabbaneh et d'autres quartiers sunnites des alentours.

Les affrontements ont tué au moins 141 personnes depuis juin 2008 et blessé des centaines d’autres et, dans certains cas, ont entravé l'accès à l'assistance médicale. Ils ont également gravement endommagé des biens et sérieusement affecté les moyens de subsistance, la liberté de circulation et l'accès à l'éducation des habitants.

Si les affrontements ont touché à la fois les sunnites et les alaouites dans ces quartiers, la petite communauté alaouite de Tripoli composée de dizaines de milliers de personnes est confrontée à des dangers supplémentaires en raison de la violence croissante dirigée contre elle.

Les autorités libanaises, avec l'appui de bailleurs de fonds internationaux, devraient confisquer les armes telles que les mortiers, les lance-roquettes et les armes automatiques, arrêter et engager des poursuites contre les hommes armés, et maintenir une présence active de la sécurité dans toutes les communautés menacées d'une manière qui tienne compte des préoccupations et des craintes locales. Ces mesures devraient comprendre des enquêtes sur les responsables d’attaques criminelles et leur traduction devant les tribunaux civils.

Une façon de répondre aux doléances sous-jacentes serait de créer un comité avec des représentants des deux parties ainsi que des dirigeants nationaux, selon Human Rights Watch. Le comité devrait examiner les griefs et les besoins des communautés pauvres et longuement négligées, tant alaouites que sunnites.

Le gouvernement libanais devrait également améliorer le programme de dédommagement du HRC afin d’éliminer les retards, les exclusions et les paiements insuffisants.

« Il n'y a pas de solution miracle à la violence endémique à Tripoli ou à la résolution de plusieurs décennies de griefs, mais s'attaquer au problème de l'impunité des hommes armés est absolument essentiel », a conclu Joe Stork. « Les autorités libanaises devraient renforcer la sécurité à court terme, tout en développant des processus de réconciliation pour parvenir à des solutions durables à la violence à Tripoli. »

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