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La crise centrafricaine n'a, à l'origine, rien d'une guerre de religion. Les rebelles de la Séléka (coalition de partis et de forces rebelles centrafricains hostiles au président déchu François Bozizé), venus des confins du nord, majoritairement musulmans, ne se sont pas emparés du pays, chrétien dans sa grande majorité, pour dénoncer leur marginalisation ou imposer l'islam. Ils ont profité de la déréliction de l'Etat pour lancer une campagne prédatrice qui s'est achevée par l'installation au pouvoir de Michel Djotodia, premier président musulman du pays, le 24 mars.

La tension n'est nulle part plus évidente qu'à Bossangoa, à 300 km au nord de Bangui. Autour de l'église ont trouvé refuge près de 36 000 réfugiés majoritairement chrétiens. Au niveau du tribunal et de l'école de Bossangoa, se trouvent près de 4 000 réfugiés peuls musulmans. Dans le village de Votovo, où coexistaient Peuls et chrétiens, non loin de Bossangoa, une centaine de combattants ont débarqué en annonçant : « On va exterminer tous les musulmans ! » Armés de machettes, couteaux, et de quelques armes automatiques, les miliciens ont rassemblé tous les Peuls au centre du village, séparant les hommes et garçons des femmes et des jeunes enfants…

SPIRALE DE VIOLENCE

Dans cette spirale de violence, les plus hauts dirigeants religieux du pays semblent jouer l'apaisement. L'archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, le pasteur Nicolas Grékoyamé-Gbangou et l'imam Omar Kobine Layama ont formé une « plate-forme pour la paix » et tentent d'éteindre par les mots les incendies que d'autres allument par les armes.

A ceux qui tuent les musulmans au nom du « combat de la chrétienté », l'archevêque Nzapalainga a répondu : « N'utilisez pas la religion pour vous couvrir, les musulmans sont nos frères. » L'imam Kobine, qui avoue craindre « un génocide » contre la minorité musulmane, dénonce haut et fort les exactions de la Séléka, à tel point qu'il a été menacé de mort.

Pour comprendre ce qui attend le pays si les divisions confessionnelles explosent, il suffit de se rendre à Zéré, un village fantôme qui baigne dans un silence angoissant, à 25 km à l'est de Bossangoa. Les attaques de la Séléka, puis celles des anti-balakas, ont laissé dans leur sillage plus de 300 maisons brûlées. L'église est en cendres, la mosquée a été détruite et le chef du quartier musulman assassiné. Les habitants vivent désormais dans la jungle, où la malaria fait des ravages.

Comment prévenir la fracture communautaire dans le reste du pays ? La première priorité est de mettre fin à l'impunité qui alimente les violences. La France doit exiger que les nouvelles autorités traduisent en justice les responsables, quels que soient leur camp ou leur rang. Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait donner l'exemple en sanctionnant les auteurs d'exactions. Mais l'urgence est de déployer une force de maintien de la paix crédible, capable de rassurer la population face à quelques poignées d'hommes en armes qui sèment la terreur.

LES INTIMIDATIONS DE LA SÉLÉKA

La force de l'Union africaine, la Misca, dont les effectifs doivent atteindre 3 600 hommes, est censée renforcer les 2 600 soldats sous-équipés de la Force multinationale d'Afrique centrale (Fomac), déployée par la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale (CEEAC). Ses hommes se font intimiderpar la Séléka et, au lieu de protéger les civils, assurent parfois, moyennant finance, la sécurité de particuliers ou vendent à prix d'or de la bière. La Fomac a certes ramené à Bangui un semblant d'ordre, mais elle n'est pas à la hauteur de la tâche.

Paris l'a compris, et a annoncé, avec le feu vert attendu du Conseil de sécurité, des renforts de près d'un millier de soldats français, en appui du détachement Boali de 400 hommes déjà sur place mais qui se limitait à protéger l'aéroport. Leur présence devrait aider la force africaine à mieux protéger les civils des attaques de la Séléka. Mais ils devront aussi contribuer à assurer que les musulmans, vulnérables, ne fassent pas les frais de représailles des milices d'autodéfense dites « anti-balakas » (« anti-machettes ») dans la foulée d'une possible débandade de la Séléka.

Pour prévenir l'escalade, et en dépit des réticences budgétaires des Etats-Unis, le Conseil de sécurité ne pourra pas faire l'économie d'une mission de maintien de la paix de l'ONU. Quelques milliers de casques bleus bien équipés et entraînés seront mieux à même de protéger les civils et de rétablir un minimum d'Etat de droit dans un pays exsangue et susceptible de basculer demain dans une horreur impensable et pourtant prévisible.

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