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Le leadership selon Barack Obama – Droits humains, encore un effort !

Par Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau de Paris de Human Rights Watch

Tribune parue dans La Croix le 5 juin 2009

Plus de quatre mois après son investiture, et alors qu'il vient commémorer sur les plages de Normandie la victoire de la liberté sur la barbarie nazie, nous disposons déjà d'éléments pour apprécier la politique du président Obama en matière de promotion des droits humains.

Disons-le d'emblée, à nos yeux, ce bilan est mitigé. Mais après les huit années cauchemardesques de George W. Bush, le souffle nouveau qui provient de la Maison-Blanche permet d'espérer voir les États-Unis jouer à nouveau un rôle moteur dans la promotion des valeurs de liberté, de droit et de démocratie.

Souvenons-nous des premiers jours du mandat de Barack Obama. En trois décrets présidentiels, il a interdit aux forces armées et à la CIA de recourir à la torture, il a annoncé la fermeture du camp de Guantanamo, et il a exigé la révision des procédures engagées contre les présumés terroristes.

Tout aussi réjouissante aura été sa détermination à tourner le dos à la posture unilatérale de son prédécesseur, notamment en présentant la candidature des États-Unis au Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Leur élection, le 12 mai, a été une formalité. Si l'on se souvient du mépris dans lequel la précédente administration américaine tenait cette instance multilatérale, la seule dans le système onusien à être consacrée spécifiquement aux droits humains, on réalise le chemin parcouru : à la politique de la chaise vide face à des États prompts à relativiser les droits de l'homme - Égypte, Afrique du Sud, Chine en tête -, Obama opte pour l'affirmation de l'universalisme des droits humains.

Mais ces avancées n'empêchent pas de constater les écueils que le président Obama ne parvient pas à éviter. Ainsi, il a renoncé à poursuivre les auteurs d'actes de torture, y compris ceux qui les ont ordonnés, car il veut regarder « vers l'avant » et non « en arrière ». La déception est forte pour ceux qui estiment que l'impunité est sœur de la violence et de l'injustice. C'est en poursuivant les auteurs d'actes de torture qu'on rendra justice pour les abus du passé et qu'on s'assurera que de tels crimes ne seront plus commis.

Ensuite, la décision de poursuivre le recours à des « commissions militaires » pour juger certains détenus de Guantanamo, alors que des cours fédérales pourraient juger ces présumés terroristes dans le cadre des règles de droit, a plongé les défenseurs des droits humains dans la perplexité. Enfin, l'annonce - le 21 mai - du maintien en détention préventive pour une durée indéfinie de personnes détenues à Guantanamo « qui ne peuvent pas être poursuivies en justice » mais qui représenteraient un « réel danger pour le peuple américain » a continué d'entamer la confiance placée en Barack Obama. Cette concession faite à ceux qui prétendent que la sécurité des États-Unis passe avant le respect des droits fondamentaux contraste avec la hauteur des ambitions affichées par le président américain, qui affirmait que Guantanamo a « probablement créé plus de terroristes dans le monde qu'il n'en a jamais détenu ».

Nous ne pouvons que souhaiter qu'Obama gagne son pari : changer la perception que le monde avait de son pays. Pour la première fois depuis longtemps, un président américain entend à la fois défendre les intérêts des États-Unis et les valeurs inscrites au cœur de la Constitution américaine. Nous ne minimisons pas l'importance de ses actes mais nous entendons le pousser à ne jamais abandonner la cause des droits humains et à la placer au cœur de sa politique. Nous ne pouvons nous contenter du fait que Barack Obama fasse « moins mal que Bush ».

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