Les gouvernements réunis à Oslo pour lancer une démarche historique visant à interdire les armes à sous-munitions, qui causent d’inacceptables dommages aux populations civiles, devraient se mettre d’accord pour conclure un nouveau traité d’ici à 2008, a annoncé Human Rights Watch aujourd’hui. Plus de quarante pays sont attendus à la conférence d’Oslo sur les armes à sous-munitions les 22 et 23 février.
« Aucune arme conventionnelle ne présente aujourd’hui de plus grand danger pour les populations civiles que les armes à sous-munitions », a souligné Steve Goose, directeur de la division armes de Human Rights Watch. « Les gouvernements devraient agir en tenant compte du caractère prioritaire de cette menace et conclure un nouveau traité limitant les armes à sous-munitions d’ici à l’année prochaine ».
En novembre 2006, le gouvernement norvégien a annoncé qu’il faciliterait un processus tendant à conclure un nouveau traité international interdisant les armes à sous-munitions pour leurs conséquences humaines inacceptables. La conférence d’Oslo sera la première rencontre de ce processus, venant après l’échec des gouvernements à se mettre d’accord pour entamer des négociations sur les armes à sous-munitions dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur les armes conventionnelles (CCW).
Les organisations non gouvernementales - conduites par la Coalition contre les armes à sous-munitions que Human Rights Watch a contribué à fonder en 2003 et copréside actuellement - ont appelé les gouvernements à s’engager sans délai à conclure un nouveau traité d’ici à 2008, et à développer un plan d’action pour y parvenir. La Coalition contre les armes à sous-munitions et le Secours populaire norvégien ont accueilli un Forum ouvert à la société civile sur ce thème, à Oslo, le 21 février. Les représentants de plus de cent organisations non gouvernementales, issues d’au moins trente pays, dont de nombreux vétérans de la campagne réussie d’interdiction des mines antipersonnel, doivent assister à la conférence.
« L’initiative d’Oslo sur les armes à sous-munitions suit les traces du processus d’Ottawa qui a abouti à l’interdiction des mines antipersonnel » a souligné Steve Goose qui représentait Human Rights Watch aux négociations de 1977 sur les mines antipersonnel. « En travaillant ensemble à élaborer un nouveau traité, les gouvernements et la société civile ont une chance de sauver d’innombrables vies humaines de l’horreur des armes à sous-munitions ».
Ces derniers mois, environ trois douzaines de pays ont formellement apporté leur soutien à un nouveau traité sur les armes à sous-munitions, tout comme le Comité International de la Croix Rouge et de nombreuses agences des Nations Unies. Des initiatives parlementaires pour réglementer ou interdire les armes à sous-munitions ont été lancées dans environ une douzaine de pays, y compris les Etats-Unis et le Royaume-Uni, deux des plus gros utilisateurs d’armes à sous-munitions.
« Un nouveau traité sur les armes à sous-munitions doit être conclu urgemment afin de protéger les populations civiles à la fois avant et pendant le conflit armé » a insisté Steve Goose. « Les armes à sous-munitions présentent une double menace : s’il arrive qu’elles ne vous tuent pas ni ne vous blessent pendant une attaque indiscriminée, elles peuvent encore vous atteindre plus tard grâce à leur capacité de mine antipersonnel ».
Les armes à sous-munitions mettent en danger les populations civiles parce que chaque bombe, roquette ou obus diffuse des centaines de sous-munitions sur un large espace, provoquant avec certitude des victimes civiles quand elles explosent dans des zones peuplées. De plus, les armes à sous-munitions laissent un grand nombre de sous-munitions non explosées, appelées « duds », qui, de fait, se transforment en mines antipersonnel, tuant ou mutilant ceux qui entrent en contact avec elles longtemps après la fin de la guerre.
La Norvège a proposé une interdiction des armes à sous-munitions parce qu’elles causent d’inacceptables dommages humains. Les armes tombant ou non sous le coup de l’interdiction seront déterminées pendant les négociations, mais les gouvernements devront démontrer de manière convaincante qu’aucune arme à sous-munitions ne provoque de dommages excessifs aux populations civiles.
Un nouveau traité pourrait conjurer un désastre humain potentiel pire encore que le danger global des mines antipersonnel. Il y a des milliards de sous-munitions dans les arsenaux de plus de soixante-dix pays. Si ces armes sont utilisées, elles entraîneront un nombre incalculable de victimes civiles pendant les conflits, et laisseront derrière elles des dizaines, ou même des centaines de millions, de « duds » aussi mortels que des mines antipersonnel.
Certains états, y compris les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ont exprimé leur opposition à un processus extérieur à la Convention sur les armes conventionnelles (CCW) pour traiter des armes à sous-munitions. Au lieu de cela, ces pays affirment que la proposition britannique de continuer les discussions à l’intérieur de la Convention, sur « les dangereux résidus de la guerre, avec une attention particulière aux armes à sous-munitions » est le meilleur moyen d’avancer sur le sujet.
Human Rights Watch a relevé que la proposition de simples discussions dans le cadre du CCW est au mieux une approche trop lente face à un désastre humain imminent, au pire la recette programmée pour un autre échec de la Convention dans le traitement de la menace que représentent armes à sous-munitions.
« Il n’est pas surprenant que les plus gros utilisateurs d’armes à sous-munitions soient réticents à adhérer au processus visant à interdire de telles armes » a conclu Steve Goose. « L’initiative norvégienne est le seul processus crédible de remédier aux souffrances causées par les armes à sous-munitions, et les pays prenant au sérieux la protection des populations civiles le rallieront tout de suite ».
La liste provisoire des participants à la conférence comporte les pays suivants :
Afghanistan, Angola, Argentine, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Canada, Chili, Costa Rica, Croatie, République Tchèque, Danemark, Egypte, Finlande, France, Allemagne, Guatemala, le Vatican, Hongrie, Indonésie, Irlande, Italie, Japon, Jordanie, Lettonie, Liban, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Malte, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Pérou, Pologne, Portugal, Roumanie, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Afrique du Sud, Espagne, Suède, Suisse et le Royaume-Uni.
Cette liste inclut notamment plusieurs Etats qui ne font pas partie de la CCW, tels que l’Afghanistan, l’Angola, l’Indonésie, le Liban et le Mozambique, ainsi qu’un nombre significatif de pays qui produisent ou stockent des armes à sous-munitions.
Quelques-uns des gouvernements devant assister à la conférence n’ont pas encore exprimé leur soutien au nouveau traité, comme l’Egypte, la Finlande, la France, le Japon, les Pays-Bas, la Pologne, la Roumanie, l’Afrique du Sud, l’Espagne, et le Royaume-Uni. Parmi ceux qui ne doivent pas assister à la réunion d’Oslo, il y a l’Australie, la Chine, l’Inde, Israël, le Pakistan, la Russie et les Etats-Unis.
Les armes à sous-munitions existent sous forme de stocks dans au moins soixante-quinze pays et ont été utilisées par au moins vingt-trois Etats. Les armes à sous-munitions existant dans le monde contiennent des milliards de sous-munitions individuelles. Au total, trente-quatre pays sont connus pour avoir produit deux cent dix sortes de armes à sous-munitions, largables et projetables, y compris des projectiles, bombes, roquettes, missiles et chargeurs. Treize pays au moins ont transféré plus de cinquante sortes d’armes à sous-munitions à au moins soixante autres.
A quelques exceptions près, les armes à sous-munitions existantes ne sont pas des armes sophistiquées, parce que ni le projectile ni les sous-munitions ne sont téléguidés et que très peu d’entre eux ont des dispositifs pour s’autodétruire ou pour réduire leur taux d’échec.