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Union européenne

Événements de 2019

Des femmes protestent une bougie à la main, brandissant le drapeau de l’Union européenne, lors d’une manifestation organisée en solidarité avec les juges polonais devant le Ministère de la Justice à Varsovie, le 1er décembre 2019. 

© 2019 Omar Marques/Getty Images

L’Union européenne a agi pour défendre les valeurs des droits humains face aux efforts de certains gouvernements de l’UE pour saper les institutions démocratiques à l’intérieur de leurs frontières. Malgré des résultats électoraux contrastés, les populistes de droite radicale ont continué d’influencer une grande partie du débat sur la migration, tandis que les institutions et les gouvernements de l’UE ont mis en œuvre des politiques migratoires qui ont trop souvent exposé les personnes à la violence et aux abus et les ont privées de l’accès à l’asile, notamment en les maintenant hors des frontières de l’UE.

Migration et asile

À la mi-novembre, un peu moins de 101 000 personnes étaient arrivées aux frontières de l’UE, la majorité par voie maritime. Les gouvernements de l’Union ont continué de se focaliser sur la fermeture des frontières, en se livrant par exemple à des refoulements illégaux signalés aux frontières de l’UE, notamment en Croatie, en Grèce, en Hongrie, en Roumanie, en Pologne et en Espagne.

La forte baisse des arrivées par bateau en provenance du Maroc et de la Libye semble être liée à la coopération renforcée de ces derniers avec les institutions et États membres de l’UE en matière de migration, en dépit des préoccupations soulevées quant au traitement des migrants et des demandeurs d’asile dans ces deux pays.

L’augmentation du nombre de bateaux qui ont rejoint les îles grecques a mis en évidence d’une part l’absence de système efficace de partage équitable des responsabilités entre les pays membres de l’UE, d’autre part le fait que la Grèce persiste à ne pas protéger les droits des demandeurs d’asile sur son territoire, notamment en se livrant à des refoulements. Cette augmentation a par ailleurs attiré l’attention sur l’accord conclu en 2016 par l’UE avec la Turquie sur le contrôle des flux migratoires, le président turc cherchant à nouveau à se servir de la menace d’un plus grand nombre d’arrivées de migrants dans l’UE comme levier politique.

De multiples blocages ont eu lieu en mer, l’Italie et Malte refusant d’autoriser les organisations non gouvernementales (ONG) et les navires marchands à débarquer les personnes secourues en Méditerranée. Malgré un changement de gouvernement en Italie et plusieurs sommets de haut niveau de l’UE, aucun progrès n’a été accompli vers l’adoption d’un accord sur un système prévisible de débarquement et un mécanisme de relocalisation.

En mars, l’Opération Sophia de l’UE contre le trafic d’êtres humains a mis un terme aux patrouilles navales en Méditerranée, qui ont secouru des milliers de personnes, préférant s’appuyer sur la surveillance aérienne, faisant craindre que les avions de l’UE ne privilégient la transmission de renseignements aux garde-côtes libyens pour permettre les interceptions et les retours vers la Libye plutôt que la diffusion d’informations sur les bateaux en détresse, notamment aux navires de sauvetage d’ONG se trouvant à proximité. En octobre, le Parlement européen a rejeté à une courte majorité une résolution visant à améliorer la recherche et le sauvetage en Méditerranée. Selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à la mi-novembre, 1 098 personnes avaient péri ou disparu en Méditerranée.

À la mi-novembre, 12 680 personnes avaient rejoint l’Italie et Malte par la mer, et 8 155 avaient été interceptées par les garde-côtes libyens et renvoyées automatiquement en détention arbitraire alors que la situation ne cessait d’empirer en Libye, les hostilités faisant rage à Tripoli et aux alentours de cette ville (voir le chapitre sur la Libye pour de plus amples informations).

Alors que les gouvernements de l’UE ont donné la priorité au contrôle des frontières et à l’externalisation de la responsabilité du traitement des migrants et des demandeurs d’asile, ils n’ont fait que des progrès limités pour la mise en place de voies d’entrée sûres et légales en Europe pour les migrants. En septembre, la Commission européenne a annoncé que les pays de l’UE ont rempli 64 pour cent de leur engagement à réinstaller 50 000 réfugiés au cours de la période 2018-2019, soit une fraction des besoins au niveau mondial.

Les propositions de réformes du régime d’asile européen n’ont pas été finalisées avant les élections européennes de mai. À l’heure où ont été rédigées ces lignes, nul ne savait comment le nouveau Parlement européen et la nouvelle Commission allaient faire avancer ces réformes, notamment sur les sujets les plus controversés relatifs au partage des responsabilités dans le traitement des demandes d’asile.

En Italie, les chefs d’accusation, finalement abandonnés, et la campagne publique de dénigrement visant Carola Rackete, capitaine du navire de sauvetage Sea Watch, ont illustré la tendance inquiétante de criminalisation de l’aide humanitaire apportée aux migrants et aux demandeurs d’asile. En 2019, des personnes ont été inculpées pour avoir porté assistance à des migrants et des demandeurs d’asile dans plusieurs pays de l’UE, notamment en Allemagne, en Belgique, en France, en Grèce, ainsi qu’en Italie.

Discrimination et intolérance

Lors des élections au Parlement européen en mai, les partis populistes et eurosceptiques ont amélioré leurs résultats électoraux—s’assurant quelque 25 pour cent des sièges au Parlement contre environ 20 pour cent lors du précédent scrutin—tout en restant en deçà des prévisions des sondages pré-électoraux. Nombre de partis traditionnels qui s’étaient alignés sur le programme anti-musulmans et anti-réfugiés de l’extrême droite ont perdu du terrain aux élections.

L’intolérance raciste ainsi que les opinions et violences xénophobes, islamophobes et antisémites sont toujours aussi répandus dans toute l’Union européenne. Les musulmans, notamment les femmes portant le voile, continuent de connaître une hostilité et une intolérance généralisées dans les pays de l’UE.

L’antisémitisme semble être en recrudescence. Dans un rapport publié en juillet, l’Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne (FRA) a révélé que 44 pour cent des jeunes Européens juifs ont déjà été confrontés au harcèlement antisémite. Quatre-vingt pour cent des jeunes victimes n’ont pas signalé ces actes de harcèlement à la police ou aux autorités, tandis que 45 pour cent ont choisi de ne pas revêtir, porter ou afficher en public des signes et objets distinctifs de leur identité juive par souci de sécurité.

Dix ans après l’entrée en vigueur de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, les personnes en situation de handicap ne bénéficient toujours pas d’une protection suffisante contre la discrimination dans de nombreuses régions de l’Union européenne.

Au moment de la rédaction du présent rapport, l’UE et sept de ses États membres devaient encore ratifier la Convention d’Istanbul, un traité du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

La majorité des États membres de l’UE exigent encore que les personnes transgenres obtiennent un diagnostic de « santé mentale » pour changer leur genre légal – une obligation stigmatisante et discriminatoire. En février, le Parlement européen a adopté une résolution appelant les États membres de l’UE à interdire les interventions chirurgicales de « normalisation » sexuelle sur les enfants intersexués si elles s’avèrent inutiles d’un point de vue médical. Cette pratique discriminatoire a été interdite à Malte et le Portugal a pris certaines mesures pour la réglementer.

Les Roms continuent de constituer l’une des communautés les plus marginalisées d’Europe, les filles et femmes roms étant particulièrement exposées à l’exclusion et à la discrimination, selon l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne.

État de droit

Les institutions européennes ont continué de surveiller les actions des gouvernements de l’UE qui menacent l’État de droit et les droits humains, notamment par des mesures coercitives devant la Cour de justice de l’UE, et elles ont discuté de nouveaux mécanismes visant à demander des comptes aux gouvernements de l’UE pour de telles infractions.

De modestes progrès ont été accomplis dans les procédures engagées contre la Pologne et la Hongrie en vertu de l’article 7, le mécanisme de sanctions politiques prévu par le traité de l’UE pour gérer ce type de menaces déclenché en décembre 2017 contre la Pologne et en septembre 2018 contre la Hongrie.

Au cours de l’année, la Commission européenne a fait usage de ses pouvoirs légaux d’exécution à l’encontre de la Hongrie et de la Pologne. Elle a lancé une nouvelle procédure d’infraction contre la Pologne en avril concernant le régime disciplinaire auquel ce pays tente de soumettre les juges et elle a saisi la Cour de justice de l’UE en octobre. En juillet, elle a engagé une procédure contre la Hongrie pour le refus de celle-ci de fournir de la nourriture aux demandeurs d’asile bloqués à la frontière et elle a saisi la Cour de justice de l’UE pour une loi de 2018 qui incrimine les activités de soutien aux demandeurs d’asile.

En juin, la Cour de justice de l'UE a établi que la loi adoptée par la Pologne en 2018 forçant les juges à quitter leurs fonctions à la Cour suprême violait la législation européenne. En novembre, la Cour a jugé que la loi polonaise relative à l’organisation des juridictions de droit commun était contraire au droit de l’Union et violait le principe de l’indépendance judiciaire.

Trois affaires portées devant la Cour de justice de l’UE à l’encontre de la Hongrie demeuraient en instance à l’heure où ont été écrites ces lignes. Elles concernent trois lois de 2017 : la première oblige l'Université d'Europe centrale à quitter Budapest ; la deuxième exige que les organisations de la société civile qui reçoivent des financements étrangers le déclarent, s’exposant à des sanctions si elles ne le font pas ; et la troisième, une loi sur l’asile, autorise la détention automatique des demandeurs d’asile dans des zones de transit et leur éloignement sommaire à la frontière serbe.

En février, avril et septembre, les ministres de l’UE ont organisé plusieurs débats sur les lois qui mettent à mal l’appareil judiciaire polonais. En septembre, les ministres ont procédé à leur première audition du gouvernement hongrois, un an après l’activation de l’article 7 par le Parlement européen.

En avril, le Parlement européen a adopté une résolution sur l’État de droit et la lutte contre la corruption dans l’Union, pointant spécifiquement les débats constitutionnels et l’absence de protection des journalistes en Slovaquie et à Malte. En avril, le Parlement européen a également organisé un débat sur l’État de droit en Roumanie.

En juillet, la Commission européenne a publié ses propositions visant à renforcer les garanties de respect de l'État de droit au sein de l’UE. Ces propositions comprennent un rapport annuel sur l’État de droit dans les pays de l’UE qui facilitera la détection précoce des problèmes, un nouveau mécanisme d’examen par les pairs pour les gouvernements de l’UE, ainsi qu’un recours plus stratégique aux mécanismes d’application existants, tels que la Cour de justice de l’UE.

Les discussions se sont poursuivies autour de la proposition de lier l’accès aux financements de l’UE dans le prochain cycle budgétaire de l’UE au respect de l’État de droit. En juillet, alors présidente élue de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a déclaré « soutenir la proposition de faire de l’État de droit une partie intégrante » du prochain budget de l’Union.

Au moment de la rédaction du présent rapport, plusieurs personnes avaient été inculpées du meurtre de Daphné Caruana Galizia perpétré à Malte en 2017 et de celui de Ján Kuciak commis en Slovaquie en 2018, mais les deux affaires demeuraient sans suite. En septembre, Malte a annoncé la mise en place d’une commission d’enquête indépendante sur l’assassinat de Daphné Caruana Galizia. En avril, Lyra McKee, abattue lors d’émeutes à Londonderry en Irlande du nord, est la quatrième journaliste tuée dans l’UE en moins de deux ans ; à ce jour, personne n’a été poursuivi pour ce meurtre.

Lutte contre le terrorisme

Les mauvais traitements et le sort de quelque 1 200 ressortissants d’Europe occidentale, détenus – pour la plupart sans inculpation – dans le nord de la Syrie et en Irak en tant que membres présumés de l’État islamique (aussi connu sous le nom de Daech) ou en tant que membres de leurs familles, sont restés une préoccupation majeure tout au long de l’année.

Le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme (HCDH), Human Rights Watch et des groupes de la société civile ont appelé les pays européens à assurer le rapatriement des membres présumés de Daech et de leurs proches, et à prendre des mesures visant à éviter qu’ils ne soient exposés au risque de peine de mort, de torture ou de procès inéquitable en Irak.

Au cours de l’année, certains pays dont la France, la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et l’Allemagne ont rapatrié chacun un petit nombre d’enfants de Syrie ou d’Irak. L’Italie a rapatrié un combattant présumé.

Suite à une offensive menée en octobre par les forces armées turques dans le nord-est de la Syrie, les inquiétudes se sont accrues concernant les membres présumés de Daech et leurs proches qui se trouvent aux mains des forces dirigées par les Kurdes.

Certains gouvernements dont le Danemark, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont déchu de leur nationalité des ressortissants présumés se trouver en Irak ou en Syrie et soupçonnés d’avoir rejoint Daech ou d’autres groupes armés extrémistes. En mars, le gouvernement allemand a également annoncé son projet de déchoir de leur nationalité les personnes ayant la double nationalité soupçonnées d’avoir rejoint des groupes terroristes. Le gouvernement français s’est attiré les critiques pour refuser de protéger 11 ressortissants français condamnés à mort par des tribunaux irakiens à l’issue de procédures expéditives au cours desquelles il a été fait état d’accusations d’aveux obtenus, dans certains cas, sous la torture.

L’inquiétude demeure quant à l’impact qu’ont sur la liberté d’expression les efforts législatifs de l’UE visant à supprimer le contenu en ligne considéré être à caractère « terroriste ». L’Agence des droits fondamentaux a estimé en février que la définition du contenu interdit dans une directive de l’UE de 2018 était trop large ; la portée de la définition a par la suite été restreinte par le Parlement européen. Le règlement devait encore être adopté à l’heure où ont été écrites ces lignes.

Aucun progrès notable n’a été fait en 2019 en ce qui concerne l’obligation de rendre des comptes pour l’implication de gouvernements de l’UE dans le programme de torture et de détentions secrètes mis en place par la CIA à la suite du 11 septembre 2001.

Allemagne

Les arrivées de demandeurs d’asile et de migrants ont connu un fléchissement pour la quatrième année consécutive. Au cours des 10 premiers mois de 2019, 122 225 demandeurs d’asile avaient été enregistrés. Fin juin, 56 628 demandes étaient en instance.

L’Allemagne continue de jouer un rôle de leader dans la réinstallation des réfugiés au sein de l’UE. Au 30 octobre, le pays avait accepté 229 réfugiés secourus en mer. Au moment de la rédaction du présent rapport, 13 municipalités avaient signé la « Déclaration des villes offrant un refuge sûr », initiative lancée en avril, indiquant au gouvernement fédéral qu’elles étaient disposées à accepter la réinstallation de réfugiés secourus en mer.

Une série de modifications introduites en juin 2019 dans la loi fédérale relative à l’immigration et à l’asile a eu des incidences négatives sur les droits humains. Les ONG ont critiqué les réductions des prestations sociales et les motifs permettant la rétention de migrants en attente d’expulsion, ainsi que le maintien de l’utilisation de prisons pour la rétention des migrants. Des amendements séparés introduits dans la loi sur les expulsions, entrés en vigueur en août, limitent la capacité de travailler ou d’étudier des demandeurs d’asile déboutés qui ne peuvent pas être expulsés.

Les agressions contre les réfugiés, les demandeurs d’asile et ceux qui leur portent assistance demeurent un sujet de préoccupation. Au cours du premier semestre de 2019, la police a enregistré 609 agressions contre des réfugiés et de demandeurs d’asile, 60 attaques contre des centres d’accueil de réfugiés et 42 attaques contre des organisations humanitaires et des bénévoles ont été enregistrées. Les autorités policières ont attribué l’écrasante majorité de ces actes à des auteurs « motivés par une idéologie de droite ».

En octobre, le gouvernement a révélé que 12 500 infractions pénales « à motivation politique » (catégorie qui inclut les crimes haineux) avaient été perpétrées par des membres de groupes d’extrême droite au cours des huit premiers mois de l’année.

Des actions en justice actuellement en instance ont été engagées pour contester la constitutionnalité de lois en Bavière qui autorisent la police à placer des personnes en détention préventive pendant une période pouvant aller jusqu’à trois mois, dans certains cas sans avoir accès à un avocat, au motif qu’elles pourraient poser un danger à la sécurité nationale plutôt que pour avoir commis un délit. Au cours de l’année, les législateurs d’au moins quatre autres Länder ont proposé ou adopté des dispositions analogues inquiétantes.

Croatie

Selon le Ministère croate de l’Intérieur, au cours des huit premiers mois de 2019, 11 813 nouveaux migrants et demandeurs d’asile ont été enregistrés, principalement en provenance d’Afghanistan, du Pakistan et de Turquie, soit une augmentation de plus de 8 600 personnes par rapport à la même période en 2018. Toujours pendant cette période, 974 personnes ont demandé l’asile et les autorités ont approuvé 71 demandes d’asile, dont 13 datant de 2018.

La Croatie a signalé avoir refusé l’entrée sur son territoire à 9 487 personnes présentes à ses frontières au cours des 8 premiers mois de l’année. En dépit d’informations crédibles  faisant état de refoulements illégaux et violents de migrants vers la Bosnie et la Serbie par la police croate au cours de l’année, ceci en violation des dispositions du droit européen relatives aux réfugiés et aux droits humains, la Croatie n’a pas été tenue de répondre de ses actes devant les institutions européennes. La présidente croate a reconnu en décembre 2018 à la télévision suisse que la force est parfois utilisée, mais elle est revenue sur ses propos par la suite.

En dépit des recommandations systématiques adressées par les instances internationales à la Croatie, l’appelant à faciliter un soutien communautaire pour toutes les personnes en situation de handicap actuellement placées dans des institutions, la Croatie a persisté dans son projet de placer les adultes atteints d’un handicap dans des familles d’accueil, publiant un projet de loi en décembre 2018. En janvier 2019, le ministère de la Politique sociale a indiqué que 4 216 adultes avaient été placés dans 1 481 familles d’accueil.

En juillet 2019, la Croatie a ratifié la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, s’engageant à s’abstenir d’utiliser les établissements scolaires à des fins militaires pendant les guerres. Selon la Médiatrice des enfants, les enfants roms constituaient le groupe le plus défavorisé en 2019, avec un accès limité aux services.

En janvier, le projet Holocaust Remembrance mené par des universités de toute l’Europe a estimé que le révisionnisme historique en Croatie était parmi les plus prononcés de l’Union européenne.

Au cours d’une année qui a connu plusieurs attaques violentes contre des Serbes de Croatie, le médiateur croate et des groupes de la société civile ont exprimé leur inquiétude face au climat d’intolérance à l’égard des minorités.

Entre janvier et septembre 2019, l’ONG Documenta a répertorié 39 affaires de crime de guerre intentées contre 59 accusés devant des tribunaux croates. Au cours de la même période, 15 personnes ont été condamnées pour crimes liés à la guerre, dont un pour violence sexuelle.

Espagne

Les élections nationales organisées en avril et à nouveau en novembre ne sont pas parvenues à apporter suffisamment de voix à un parti pour la formation d’un gouvernement.

Selon le HCR, à la mi-novembre, 22 400 personnes avaient rejoint l’Espagne par la mer, soit 62 pour cent de moins par rapport à la même période l’année précédente, résultat probable de l’intensification de la coopération avec le Maroc. Les arrivées par voie terrestre à Ceuta and Melilla, les enclaves espagnoles sur la côte nord-africaine, ont connu une diminution de 23 pour cent par rapport à 2018.

Dans un rapport publié en mars, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a révélé que près de la moitié des 1 300 migrants et réfugiés en Espagne interrogés en 2018 avaient été victimes d’exploitation et de mauvais traitements lors de leur parcours migratoire, pour la plupart au Maroc.

En février, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a déclaré que le renvoi sommaire par l’Espagne en 2014 d’un garçon malien non accompagné de Melilla au Maroc avait violé ses droits. Ces renvois sommaires se poursuivent et demeurent autorisés par une loi espagnole controversée de 2015. En octobre, un juge de Ceuta a clos pour vice de forme le dossier ouvert à l’encontre de 16 agents de la Garde civile en lien avec le décès en février 2014 de 14 personnes à la frontière, un peu moins d’un mois après avoir ordonné l’engagement de poursuites à leur encontre.

En juin, la Cour suprême a condamné cinq hommes à 15 ans de prison pour le viol collectif d’une femme à Pampelune en 2016, annulant le jugement d’une instance inférieure qui, en 2018, avait reconnu les hommes coupables de chefs d’accusation moins graves. En novembre, un tribunal barcelonais a condamné un autre groupe de cinq hommes pour abus sexuels, ne retenant pas l’accusation plus grave de viol au motif qu’aucune violence ou intimidation n’avait été utilisée car la victime de 14 ans était inconsciente. Ces affaires ont déclenché une vague de protestations et le gouvernement a promis d’examiner la possibilité de modifier le code pénal. À ce jour, aucune modification juridique n’a été introduite.

En octobre, la Cour suprême a reconnu coupables de sédition 9 politiciens et activistes indépendantistes catalans, les condamnant à des peines allant de 9 à 13 ans d’emprisonnement pour des actes non violents en lien avec le référendum de 2017 sur l’indépendance, lequel avait été jugé illégal par les tribunaux espagnols. Quatre d’entre eux ont été reconnus coupables d’utilisation abusive de fonds publics. Tous ont été acquittés des accusations de rébellion. Trois autres politiciens ont été condamnés à une amende pour atteinte à l’ordre public. En juin, le groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire a déclaré que la détention de trois des accusés pendant le procès a violé leurs droits. 

En mai, le Comité de l’ONU des droits des personnes handicapées s’est déclaré préoccupé par le placement en institution de personnes atteintes d’un handicap ; par l’utilisation de moyens de contrainte et le risque de violence dans les institutions ; par la stérilisation forcée et les avortements imposés aux femmes et aux filles en situation de handicap ; et par la non-reconnaissance de la pleine capacité juridique de toutes les personnes handicapées. 

En mai, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a jugé 

les autorités espagnoles responsables de la torture d’un séparatiste basque en 2007 et pour la quatrième fois depuis 2009, il a instamment recommandé à l’Espagne d’abolir la détention au secret afin de prévenir la torture et les traitements cruels.

France

Les méthodes anti-émeutes et de maintien de l’ordre de la police française, utilisées lors des manifestations hebdomadaires, ont causé des blessures à des milliers de personnes depuis la fin 2018. Parmi les blessés figurent des manifestants pacifiques, des lycéens et des journalistes. Ces méthodes policières ont suscité de nombreuses critiques, y compris de la part des Nations Unies et du Défenseur des droits.

Les autorités françaises ont ouvert des dizaines d’enquêtes sur les accusations d’usage excessif de la force, mais en novembre, seuls dix-huit dossiers avaient été transmis à un juge. En novembre, le parquet de Paris a annoncé que deux policiers allaient être poursuivis pour des faits de violences. Ce sont les premières procédures ouvertes. Au moment de la rédaction du présent rapport, aucun policier n’avait dû rendre de comptes.

En avril, la France a adopté une loi visant à renforcer et à garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations qui risque de porter atteinte à la liberté de réunion pacifique. En février, des experts de l’ONU ont exprimé leur préoccupation quant à la loi et aux restrictions déjà disproportionnées imposées au droit de manifester en France.

Au cours de l’année, dans les Alpes, la police aux frontières française a sommairement refoulé vers l’Italie des enfants migrants non accompagnés, et certains services de protection de l’enfance ont eu recours à des procédures défectueuses pour évaluer l’âge des enfants migrants non accompagnés, privant certains de la protection et de la prise en charge auxquelles ils ont droit. Ces constatations ont été confirmées par le Défenseur des droits dans son rapport annuel sur les droits des enfants publié en novembre.

En février, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la France avait soumis un enfant migrant non accompagné vivant dans un camp de fortune à Calais à un « traitement dégradant » pour avoir manqué à son obligation de veiller à ce qu’il soit identifié comme enfant et bénéficie d’une protection et d’une prise en charge.

Des travailleurs humanitaires et des bénévoles fournissant une assistance vitale aux migrants ont été harcelés par la police dans la région de Calais et autour de la frontière franco-italienne. Certains ont comparu devant un tribunal et ont été condamnés pour leur travail humanitaire. 

En avril, après cinq ans d’investigations, le Défenseur des droits a relevé la nature discriminatoire et illégale des ordres émanant d’un commissariat d’un arrondissement de Paris, lesquels ciblaient d’une part  « les noirs et les nord-africains » du secteur pour les contrôles d’identité, et d’autre part les « SDF et les Roms » pour les expulsions systématiques. Les autorités françaises n’ont pas réagi publiquement.

En mai, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, un organe officiel, a publié un rapport relevant qu’en 2018, les actes racistes en France avaient augmenté de 20 pour cent par rapport à 2017, les actes antisémites ayant eux connu une hausse de 70 pour cent. Le même rapport note que le nombre d’actes racistes signalés à la police ont diminué de 4 pour cent. Le même mois, l’ONG SOS Homophobie a déclaré que les signalements d’agressions physiques visant des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) qu’elle a reçus en 2018 ont augmenté de 66 pour cent par rapport à 2017.

En mai, 17 organisations humanitaires et de défense des droits humains ont dénoncé les menaces pesant sur la liberté de la presse après la convocation par les services de renseignement français de trois journalistes français qui ont enquêté sur l’utilisation d’armes françaises par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite dans le conflit au Yémen.

En septembre, le gouvernement a annoncé des mesures visant à renforcer la lutte contre les violences conjugales, y compris des mesures facilitant le signalement d’incidents et la création de places supplémentaires d’hébergement. Les associations de la société civile ont critiqué le manque de ressources allouées à ce plan, nécessaires à la mise en œuvre des mesures prévues. De janvier à novembre 2019, les violences conjugales ont causé la mort de 136 femmes.  

En octobre, l’Assemblée nationale a adopté un projet de loi autorisant les couples de lesbiennes et les femmes célibataires à avoir accès à la procréation médicalement assistée, droit jusqu’alors réservé aux seuls couples hétérosexuels. Le projet de loi était à l’examen au Sénat à l’heure où ont été écrites ces lignes.

Grèce

La Grèce a continué d’accueillir un grand nombre de demandeurs d’asile tout en manquant à son obligation de protéger correctement leurs droits.

En août, le Comité de l’ONU contre la torture a critiqué la politique du gouvernement grec – liée à l’accord UE-Turquie – qui empêche les demandeurs d’asile qui arrivent sur les îles de la mer Égée de se rendre sur le continent.

À dater du mois d’août, une forte augmentation du nombre d’arrivées sur les îles a été enregistrée, conduisant à une importante surpopulation et à des conditions inhumaines et dégradantes dans les camps des îles.

Au moment de la rédaction du présent rapport, 37 000 demandeurs d’asile, en majorité des femmes et des enfants, se trouvaient sur les îles, dont plus de 33 400 dans des camps conçus pour accueillir environ 6 200 personnes.

Bien que les autorités aient autorisé davantage de transferts au cours de l’année, la politique mise en place a continué de piéger des milliers de personnes dans d’atroces conditions de surpeuplement sur les îles. Cela se traduit par une importante surpopulation, des conditions sanitaires et d’hygiène déplorables, un manque de services de base tels que l’eau et la nourriture. Les soins médicaux, l’assistance psychologique aux victimes de traumatismes et la prise en charge psychosociale sont demeurés insuffisants, entraînant chez les demandeurs d’asile une détérioration de la santé mentale, exacerbée par les conditions de détention et l’incertitude quant à la décision qui sera rendue dans leur cas.

L’absence d’infrastructures adéquates et sûres a fait de la violence physique et basée sur le genre une pratique courante dans les camps de demandeurs d’asile. Dans son rapport du mois d’août, le Comité de l’ONU contre la torture a appelé la Grèce à prendre des mesures efficaces pour veiller à ce que la violence à l’encontre des réfugiées, des demandeuses d’asile et des migrantes fassent l’objet d’enquêtes, que les auteurs soient poursuivis et que les victimes soient indemnisées.

En octobre, une nouvelle loi sur l’asile a facilité la rétention des demandeurs d’asile pendant des périodes plus longues. Elle a également réduit les garanties dont jouissaient les demandeurs d’asile, notamment en supprimant les protections pour les personnes vulnérables.

À deux reprises, en février et en juin, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Grèce avait agi en violation de ses obligations en matière de droits humains en plaçant des mineurs non accompagnés « sous garde protectrice » dans des cellules de postes de police et des centres de rétention. En dépit de ces arrêts, à l’heure où ont été écrites ces lignes, 234 enfants étaient encore détenus dans ce type d’établissements, tandis que des centaines d’autres se trouvaient dans des camps avec des adultes ou étaient sans abri en raison de l’incapacité des autorités à leur prodiguer un hébergement adéquat ou un foyer d’accueil. La loi d’octobre sur l’asile n’a pas abrogé le régime de « garde protectrice ».

En mars, un procureur a ouvert une enquête sur les accusations de refoulements à la frontière terrestre entre la Grèce et la Turquie. Ces refoulements, entre autres de demandeurs d’asile turcs, se sont poursuivis tout au long de l’année. Une enquête similaire ouverte en 2018 par l’ombudsman grec n’a pas encore donné de résultats.

En juin, le gouvernement a modifié le code pénal pour définir le viol comme un rapport sexuel sans consentement, à la suite des vives critiques soulevées par un projet de loi qui ne prévoyait pas cette disposition.

Dans un rapport publié en juillet, l’ombudsman a relevé que les personnes en situation de handicap avaient un accès limité aux espaces publics, aux services de l’État et aux transports publics, qu’elles étaient victimes de discrimination sur le lieu de travail, et qu’elles rencontraient des difficultés pour accéder à l’éducation. Lors de l’examen de septembre, le Comité de l’ONU des droits des personnes handicapées a critiqué le traitement que réserve la Grèce aux demandeurs d’asile et aux réfugiés atteints d’un handicap. Le Comité du Conseil de l’Europe pour la prévention de la torture a publié un rapport en février exprimant sa préoccupation à propos des traitements inhumains et dégradants dans les établissements psychiatriques et les centres de rétention de migrants.

Hongrie

Le gouvernement hongrois a poursuivi son démantèlement des institutions démocratiques et de l’État de droit.

En novembre, le gouvernement a proposé des changements visant les tribunaux administratifs qui permettraient aux institutions étatiques de faire appel des décisions défavorables desdits tribunaux devant la Cour constitutionnelle, au sein de laquelle la majorité des juges sont proches du parti au pouvoir. Cela risque d’avoir des incidences sur des questions telles que la corruption, les élections ou le comportement des policiers. Ces mesures se trouvaient à l’examen au parlement au moment de la rédaction du présent rapport et leur adoption était prévue en décembre.

Cette démarche fait suite à une tentative infructueuse du gouvernement de mettre sur pied un nouveau système de tribunaux administratifs contrôlé par le ministère de la Justice, système adopté par le parlement hongrois en décembre 2018 mais abandonné en mai 2019 après les critiques de l’UE et de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe qui lui reprochaient une absence de freins et de contrepoids.

En juin, le gouvernement a mené de nouvelles attaques contre la liberté académique en introduisant une loi, approuvée par le parlement, qui accroît le contrôle étatique sur l’Académie des Sciences, la plus grande et la plus ancienne institution académique de Hongrie. La loi permet au gouvernement d’exercer une influence plus importante sur la recherche scientifique et sur son financement.

Les autorités hongroises ont continué de limiter à une ou deux familles par semaine le nombre de demandeurs d’asile autorisés à entrer aux postes frontaliers, abandonnant à leur sort des milliers de personnes bloquées en Serbie dans des conditions déplorables. Selon les estimations du HCR, début septembre, plus de 300 personnes étaient retenues dans les deux zones de transit, dont 170 enfants. Les refoulements vers la Serbie demeurent préoccupants.

En février, le gouvernement hongrois a renouvelé sa politique de refus de nourriture aux demandeurs d’asile déboutés dans les zones de transit à la frontière avec la Serbie. En août, le Comité Helsinki hongrois, une organisation de la société civile, a introduit des requêtes d’intervention en urgence au nom de 27 demandeurs d’asile privés de nourriture devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), laquelle a, dans tous les cas, ordonné au gouvernement de reprendre la distribution de nourriture. Le gouvernement s’est conformé aux ordres dans chaque cas.

En juillet, la Commission européenne a engagé une action en justice contre la Hongrie pour ses pratiques et a saisi la Cour de justice de l’UE d’un recours portant sur la loi de 2018 qui incrimine les activités de soutien des organisations non gouvernementales en faveur des demandeurs d'asile. La Commission a encore durci son action en octobre. Le même mois, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la décision prise en 2015 par le gouvernement de refuser à un journaliste le droit d’accès à un centre d’accueil de réfugiés violait la liberté des médias.

En mars, le Fidesz a été suspendu du Parti populaire européen (PPE), la principale famille politique du centre-droit européen, pour avoir violé les valeurs du groupe concernant l’État de droit et les droits fondamentaux, mais il s’est vu autorisé à rester dans le groupe du PPE au Parlement européen. Une enquête interne était en cours au moment de la rédaction du présent rapport.

Le pluralisme des médias a continué de décliner, un nombre sans cesse croissant d’organes de presse épousant une ligne pro-gouvernementale, soit parce qu’ils sont aux mains de personnes proches du gouvernement, soit en raison de l’influence directe du gouvernement. Décembre 2018 a vu la fusion de près de 500 organes de presse au sein d’un consortium fidèle au gouvernement, faisant sérieusement obstacle au pluralisme des médias dans le pays. Les médias pro-gouvernementaux ont continué de vilipender les journalistes et organes de presse critiques.

Le gouvernement n’a pas encore ratifié la Convention d’Istanbul, un ministre la qualifiant en juillet d’ « hystérie politique ». Il n’existe pas de statistiques fiables sur la violence conjugale en Hongrie.

Selon l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, les Roms ont continué de faire l’objet de discrimination dans les domaines du logement, de l’éducation et du système public de soins de santé.

Italie

Au moins 15 blocages en mer ont eu lieu, les autorités italiennes refusant d’autoriser les bateaux d’ONG à débarquer les personnes secourues en mer. En juin, Matteo Salvini, alors ministre de l’Intérieur, a fait passer un décret gouvernemental, converti en loi par le parlement en août, permettant à l’Italie de refuser aux ONG l’autorisation de pénétrer dans ses eaux territoriales, et permettant la saisie de bateaux et la mise à l’amende de ses propriétaires. Le nouveau gouvernement, en place depuis septembre, a indiqué qu’il réformerait le décret.

Selon le HCR, à la mi-novembre, 9 942 personnes avaient rejoint l’Italie par la mer, soit une diminution de 55 pour cent par rapport à 2018.

Des décrets gouvernementaux ont mis en place en août une procédure d’asile accélérée aux frontières et, en octobre, une liste de 13 pays d’origine dits « sûrs » dont les ressortissants sont présumés légalement ne pas être en besoin de protection.

Les statistiques officielles indiquent que les demandes d’asile ont chuté de plus de 50 pour cent par rapport à l’année précédente. Au cours des six premiers mois de l’année, le taux de rejet a oscillé autour de 80 pour cent, soit beaucoup plus que les 58 pour cent de rejets enregistrés en 2017. Ceci est en grande partie dû à l’abolition, fin 2018, des permis de protection humanitaire.

En août, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme (HCDH) a fait part de sa vive inquiétude face à la montée de l’intolérance, de la haine raciale et religieuse, de la xénophobie, et face au rôle des dirigeants politiques et des membres du gouvernement qui autorisent ou encouragent ces phénomènes. L’ONG italienne Lunaria a fait état d’une augmentation importante des délits racistes violents en 2018 : 126 incidents contre 46 en 2017. 

Une loi visant à combattre la violence basée sur le genre est entrée en vigueur en août. Elle alourdit les peines d’emprisonnement pour délits sexuels et violence conjugale, criminalise le mariage forcé, et exige que les procureurs rencontrent dans un délai de trois jours toute personne qui signale à la police des actes de violence conjugale ou basée sur le genre.

Pays-Bas

Une nouvelle loi controversée interdisant le port de vêtements couvrant intégralement le visage, notamment le niqab et la burqa portés par certaines femmes musulmanes, dans les transports publics, les hôpitaux, les mairies et les établissements d’enseignement, est entrée en vigueur en août. Des plaintes ont été déposées par des organisations du secteur public qui dénoncent le manque de clarté de la loi, ainsi que par des associations non gouvernementales qui craignent un impact discriminatoire sur les femmes musulmanes. Certaines forces de police locales et les autorités en charge des transports ont déclaré que l’application de cette interdiction ne constituerait pas une priorité à leurs yeux.

Au cours de l’année, le Comité des droits de l’homme de l’ONU, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance et le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion ou de conviction ont exprimé leur préoccupation à l’égard de l’impact discriminatoire de la loi et du discours public sur les minorités religieuses, en particulier sur les musulmans.

En mai, le gouvernement a proposé des amendements à la loi sur le viol et les agressions sexuelles pour y introduire l’obligation d’un consentement, et pour criminaliser le harcèlement sexuel de façon à aligner le droit néerlandais sur la Convention d’Istanbul. À l’heure où ont été écrites ces lignes, aucun projet de loi n’avait encore été présenté.

Les autorités néerlandaises ont continué d’exercer leur pouvoir de déchoir de leur nationalité les personnes ayant la double nationalité soupçonnées de s’être rendues à l’étranger pour participer à des actes de terrorisme. En avril, le Conseil d’État, la plus haute instance administrative, a toutefois annulé la décision de priver de leur nationalité deux combattants étrangers néerlandais, au motif que la décision avait été prise avant que le groupe dont ils étaient supposés faire partie ait été interdit. En novembre, un tribunal de district de La Haye a jugé que le gouvernement néerlandais devrait assurer le retour des enfants néerlandais de moins de 12 ans encore détenus dans le nord de la Syrie et dont les parents sont soupçonnés d’être membres de Daech. Le gouvernement a annoncé qu’il ferait appel de la décision.

En avril, le gouvernement a fait savoir au parlement son intention de simplifier la procédure par laquelle les adultes transgenres pouvaient changer leur genre légal sur leur certificat de naissance, et d’autoriser les enfants âgés de 16 ans ou moins à demander devant les tribunaux que leur genre soit changé à l’état civil, ce qui n’est pas permis aujourd’hui. Aucun projet de loi n’avait été présenté au moment de la rédaction du présent rapport.

En février, le gouvernement a mis un terme à une politique en vigueur depuis 2012 qui permettait aux enfants de familles de demandeurs d’asile et aux enfants sans papiers non accompagnés qui vivaient dans le pays depuis plus de cinq ans de faire une demande de résidence permanente. Il a néanmoins accepté d’examiner les demandes des 600-700 enfants se trouvant aux Pays-Bas et dont la demande était recevable en vertu de cette politique.

Pologne

Les attaques du gouvernement visant l’appareil judiciaire du pays se sont poursuivies en 2019.

Les procédures disciplinaires arbitraires à l’encontre des juges et des procureurs qui ont défendu l’État de droit et se sont prononcés contre des réformes judiciaires problématiques constituent une atteinte à l’indépendance de la justice. Le Bureau disciplinaire, créé en septembre 2018, a engagé des procédures disciplinaires contre des juges et des procureurs. En avril, la Commission européenne a entamé une action en justice contre la Pologne pour ces procédures disciplinaires visant les juges.

En mai, la police a arrêté la militante des droits humains Elzbieta Podlesna pour une affiche d’icône religieuse couronnée d’une auréole aux couleurs de l’arc-en-ciel au motif qu’elle avait offensé les sentiments religieux, et elle a confisqué son téléphone portable, son ordinateur portable et ses cartes mémoires. L’enquête était en cours au moment de la rédaction du présent rapport.

En juin, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, a exprimé sa préoccupation au sujet des révocations, remplacements et rétrogradations de juges et de procureurs, et elle a appelé les autorités polonaises à « veiller à ce que les procédures disciplinaires ne soient pas instrumentalisées ».

Au cours de l’année, les responsables gouvernementaux et les médias alignés sur le gouvernement ont régulièrement dénigré des juges et des procureurs et cherché à salir leur réputation.

En juin, la Cour de justice de l’UE a jugé que la loi polonaise de 2018 qui avait abaissé l’âge de la retraite des juges de la Cour suprême du pays, contraignant certains juges à partir, enfreignait le droit de l’UE. Le gouvernement avait déjà suspendu la loi en décembre 2018 en attente de l’arrêt de la cour.

En novembre, la Cour de justice de l’UE a établi dans une affaire dont l’avaient saisie les tribunaux polonais que la nouvelle Chambre disciplinaire de la Cour suprême de Pologne ne pouvait être compétente pour juger des dossiers de retraite des juges que si son indépendance et son impartialité étaient garanties.

Un amendement au code pénal, approuvé par le parlement, criminaliserait la « promotion » ou « l’approbation » des activités sexuelles des mineurs, exposant les enseignants et les éducateurs sexuels au risque d’emprisonnement et limitant le droit des enfants à l’information sur la santé et aux soins.

Des ONG travaillant sur les questions liées à l’asile et la migration, aux droits des femmes, ou aux droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) ont souvent été privées de financements publics.

Au cours de l’année, les personnes LGBT sont devenues la cible d’attaques homophobes menées par le gouvernement et le parti au pouvoir. En juillet, au moins 30 villes et provinces de Pologne se sont déclarées « zones sans LGBT », et Gazeta Polska, un journal pro-gouvernemental, a distribué des autocollants « zone sans LGBT » dans ses publications. En juillet, un tribunal de district de Varsovie a ordonné au journal de cesser immédiatement la distribution des autocollants, dans l’attente de l’issue d’une action judiciaire engagée par un défenseur des droits humains.

Le Commissaire polonais aux droits de l’homme Adam Bodnar a été la cible d’une campagne de dénigrement menée par les médias pro-gouvernementaux et les autorités publiques pour avoir défendu les droits d’une personne soupçonnée de meurtre.

Les refoulements vers la Biélorussie de demandeurs d’asile, pour la plupart originaires de la République russe de Tchétchénie et d’Asie centrale, se sont poursuivis, l’arrêt prononcé par un tribunal polonais en 2018 ordonnant de mettre fin à cette pratique n’étant pas appliqué uniformément.

En août, le Comité des Nations Unies contre la discrimination raciale a appelé la Pologne à prévenir les discours de haine dans les médias et à prendre des mesures contre les sites web faisant la promotion de la haine raciale.

En août, le Comité de l’ONU contre la torture a appelé les autorités polonaises à fournir une protection appropriée aux victimes de violence domestique et à envisager de dépénaliser l’avortement.

Royaume-Uni

Le retrait prévu du Royaume-Uni de l’UE (Brexit) a mis à rude épreuve les institutions démocratiques et mis en danger les droits humains et l’État de droit.

En septembre, le gouvernement a été forcé par le parlement de publier un important document de planification qui expose les conséquences possibles d’une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’UE (appelée Brexit dur ou « no-deal »). Sa publication a soulevé de vives inquiétudes concernant les droits, notamment ceux associés à l’accès à une alimentation suffisante et à des médicaments, les pénuries de carburant, l’interruption des services sociaux fournis aux personnes âgées et aux personnes atteintes d’un handicap, les possibles troubles à l’ordre public et le risque d’une activité dissidente accrue en Irlande du Nord. Le gouvernement a reconnu le fait que ce seraient les groupes économiquement vulnérables et marginalisés qui souffriraient le plus d’un Brexit dur.

En septembre, la Cour suprême a déclaré illégale la suspension du parlement pendant cinq semaines décidée par le gouvernement plus tôt dans le mois, conduisant au rappel du parlement. Le gouvernement s’est vu obligé par la loi adoptée par le parlement en septembre de demander une extension de l’adhésion du Royaume-Uni à l’UE afin d’éviter le « no deal ». Des sources gouvernementales ont critiqué l’arrêt de la Cour suprême et menacé de faire fi de la loi contraignante exigeant une demande d’extension.

L’extension a été octroyée par l’UE à 27 et la date du Brexit était fixée à la fin janvier 2020 au moment de la rédaction du présent rapport. Le parlement a été dissous en novembre après que les partis de l’opposition eurent accepté des élections générales en décembre 2019 (qui devaient encore avoir lieu à l’heure où ces lignes ont été écrites).

En mai, le rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté a publié un rapport sur l’impact négatif disproportionné que les coupes budgétaires motivées par l’austérité, conjuguées à la restructuration de la sécurité sociale, ont sur les droits des femmes, des enfants, des personnes âgées et des personnes atteintes d’un handicap qui dépendent de faibles revenus.

Le recours à l’aide alimentaire d’urgence est en hausse. Le plus grand réseau caritatif de banques alimentaires du pays, le Trussell Trust, a signalé avoir distribué sur tout le territoire 1,6 million de colis contenant trois jours de provisions alimentaires d’urgence. L’Independent Food Aid Network (Réseau indépendant d’aide d’urgence) a rapporté qu’au moment d’écrire ces lignes, au moins 819 centres indépendants distribuaient également de l’aide alimentaire.

Le Royaume-Uni a continué de placer en rétention des enfants demandeurs d’asile et migrants.

En octobre, une loi adoptée par le parlement britannique pour dépénaliser l’avortement et garantir le droit au mariage pour tous et toutes en Irlande du Nord en 2020 est entrée en vigueur, le gouvernement décentralisé de la région, suspendu depuis janvier 2017, n’étant pas parvenu à reformer une coalition.

Plus de deux ans après l’incendie meurtrier de la tour Grenfell au cours duquel 71 personnes avaient péri, peu a été fait pour établir les responsabilités dans ces morts ou dans cet incendie. En octobre, les conclusions de la première phase de l’enquête publique sur l’incendie ont été publiées, se focalisant sur le jour de l’incendie. Une enquête pénale était en cours au moment de la rédaction du présent rapport.

En février, une nouvelle loi antiterroriste est entrée en vigueur, comprenant notamment des mesures qui criminalisent la consultation de contenus en ligne, les déplacements à l’étranger et le soutien du terrorisme, risquant de déboucher sur des violations des droits humains. Les autorités britanniques ont continué d’exercer le pouvoir qui leur est conféré de déchoir de leur nationalité les citoyens britanniques soupçonnés d’activités liées au terrorisme.

En juillet, le gouvernement a refusé de mettre sur pied une commission d’enquête judiciaire sur la complicité britannique dans le programme de torture et de détentions secrètes dirigé par la CIA. Au moment de la rédaction du présent chapitre, personne au Royaume-Uni n’avait été inculpé d’infraction en lien avec ces atteintes aux droits humains. En novembre, une enquête menée par les médias a recueilli des preuves que les autorités britanniques ont dissimulé des crimes de guerre qui auraient été commis par les forces britanniques en Irak et en Afghanistan.

Politique étrangère de l’UE

Dans une année où le droit international ainsi que les organes et mécanismes internationaux ont fait l’objet d’attaques croissantes émanant de grandes puissances telles que les États-Unis, la Russie et la Chine, l’Union européenne a continué de se poser en ardent défenseur du multilatéralisme et d’un ordre mondial fondé sur des règles, en dépit de divisions internes et de la résistance de certains pays membres de l’UE qui ont parfois conduit à des positions mitigées ou à une politique de deux poids, deux mesures.

La règle de l’unanimité dans la politique étrangère européenne s’est parfois avérée être un obstacle insurmontable, mais à l’occasion, des solutions créatives ont été trouvées. Ainsi, des interdictions de voyager dans les 26 États de l’espace Schengen ont été imposées à l’encontre des responsables saoudiens estimés être impliqués dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi ou encore, 27 des 28 États membres de l’Union ont prononcé une déclaration critique au Conseil de sécurité de l’ONU à propos des violations des droits humains perpétrées par Israël, déjouant la tentative de dernière minute de la Hongrie d’opposer son veto à cette initiative.

L’UE et ses États membres ont joué un rôle important au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en présentant et soutenant l’adoption de résolutions qui ont mis en place ou ont renouvelé des commissions d’enquête, des missions d’établissement des faits ou d’autres mécanismes indépendants de contrôle des crises des droits humains dans des pays aussi divers que la République démocratique du Congo, les Philippines, le Myanmar, le Venezuela, le Burundi, le Yémen, la Syrie, le Soudan du Sud, la Biélorussie et le Cambodge.

Tant en amont que dans la foulée des élections de mai 2019, le Parlement européen (PE) a joué un rôle important à la fois au niveau de sa diplomatie bilatérale avec des pays tiers et en poussant les institutions et gouvernements de l’UE à prendre des mesures appropriées face aux violations des droits humains à travers le monde, se distinguant comme étant probablement l’organe de l’UE le plus progressiste.

Parmi les exemples les plus marquants, il convient de citer les appels du PE à imposer des sanctions ciblées contre les représentants chinois responsables de la détention massive des Ouïghours et d’autres musulmans turciques au Xinjiang ; l’attribution du prestigieux Prix Sakharov à l’intellectuel ouïghour Ilham Tohti ; une résolution urgente sur le Myanmar exprimant un soutien aux initiatives innovantes pour réclamer des comptes aux auteurs d’atrocités perpétrées contre les Rohingyas, notamment l’ouverture d’une enquête devant la Cour internationale de justice sur les éventuelles violations par le Myanmar de la Convention de l’ONU sur le génocide ; et l’appel à procéder à une « révision profonde et complète » absolument nécessaire des relations de l’UE avec l’Égypte en réaction à la répression continue des dissidents et aux violations graves des droits commises en toute impunité.

En dépit d’un bilan généralement bon, le Parlement européen a également créé la polémique, par exemple en donnant le feu vert à la signature de traités commerciaux entre l’UE et le Maroc qui incluent le Sahara occidental, et en rejetant une résolution qui aurait appelé les États membres de l’Union à reprendre les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée.

L’externalisation du traitement de la migration est restée l’un des aspects les plus préoccupants de la politique étrangère de l’UE, en grande partie opérée via un fonds fiduciaire qui échappe à tout contrôle et est principalement destiné à renforcer le contrôle des frontières dans les pays du Sahel, de la Corne de l’Afrique et de l’Afrique du Nord. La gestion du dossier migration par l’UE a été de plus en plus utilisée pour réfuter les arguments de l’Union lors de ses dialogues sur les droits humains avec des pays tiers, et elle a placé des dirigeants autoritaires tels que le Président turc Recep Tayyip Erdogan et le Président égyptien Abdel Fattah al-Sissi dans une position favorable pour faire pression sur les institutions de l’UE.

Faire du respect des droits humains une condition aux préférences commerciales et à un libre accès au marché interne européen sans droits de douane est demeuré un puissant moyen de pression. En février, la Commission européenne a ouvert une procédure de suspension, partielle ou intégrale, des préférences commerciales dont bénéficie le Cambodge, Hun Sen s’étant montré réticent à mettre fin à la répression de l’opposition politique du pays et des droits humains élémentaires consacrés dans le droit international.

Des pays tels que le Myanmar, le Bangladesh et le Sri Lanka demeurent sous étroite surveillance et risquent de subir des conséquences similaires. Dans l’intervalle, la Commission européenne et le Conseil ont accéléré la conclusion d’un accord de libre-échange avec le Vietnam en dépit de l’intensification des violations graves des droits humains commises par Hanoï.

Réagissant aux violations graves et continues perpétrées notamment au Burundi, au Venezuela, en Syrie, au Myanmar, en Iran et dans l’est de l’Ukraine, l’UE a maintenu les sanctions ciblées telles que les interdictions de voyager et le gel d’avoirs visant des individus et des entités estimées responsables. L’Union a également maintenu les embargos sur les armes et/ou les équipements qui pourraient être utilisés aux fins de répression interne dans un certain nombre de pays dont la Chine, le Myanmar et le Soudan.

En octobre, les États membres de l’UE ont adopté leur dernier cadre juridique pour des sanctions ciblées à l’encontre d’individus et d’entités responsables d’atteintes aux droits humains au Nicaragua, mais à l’heure où ont été écrites ces lignes, aucun nom n’avait encore été inscrit sur la liste. Les États membres de l’Union ont poursuivi leurs discussions sur l’adoption d’un « régime de sanctions européen pour les violations des droits de l’homme » qui autoriserait l’UE à cibler des individus et des entités responsables de violations graves du droit international des droits humains et du droit international humanitaire, sans adopter de régimes de sanctions visant spécifiquement les pays.

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