Fin 2022, le gouvernement chinois a brusquement mis fin à sa politique draconienne du « zéro Covid ». Une grande partie de la population et du corps médical n’était pas préparée et les infections au Covid-19, les hospitalisations et les décès se sont multipliés. Officiellement, le gouvernement a estimé qu’il y avait eu 60 000 « décès excédentaires » en décembre 2022 ; une étude universitaire américaine a avancé le chiffre de 1,87 million de décès entre décembre 2022 et janvier 2023. Le véritable bilan restera probablement inconnu en raison de la stricte censure imposée par les autorités.
Dix ans après l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, la répression s’intensifie dans tout le pays. Le gouvernement chinois poursuit ses politiques abusives à l’encontre des Ouïghours et des autres musulmans turcophones du Xinjiang, qui s’apparentent à des crimes contre l’humanité. Au Tibet comme au Xinjiang, les personnes qui contactent leur famille et leurs amis à l’étranger ou qui défendent leur culture, leur langue et leur religion risquent d’être considérées comme des « séparatistes » et ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement. Dans toute la Chine, le gouvernement ne cesse de renforcer son contrôle sur la société. Il n’existe pas de société civile indépendante et même les plus petites poches de liberté sont éliminées. À Hong Kong, le gouvernement chinois a pris le contrôle total de la ville depuis l’imposition de la loi sur la sécurité nationale en 2020.
La liste des cibles politiques du gouvernement chinois ne cesse de s’allonger. Même les personnes qui travaillent pour des entités étrangères dans les villes cosmopolites de Chine se retrouvent dans le collimateur des autorités : une loi sur le « contre-espionnage » a été révisée en juillet et le ministère de la Sécurité de l’État encourage la population à dénoncer les espions présumés.
Avec le ralentissement de l’économie, des manifestations à petite échelle ont éclaté, comme celles des retraités contre la réduction de leur assurance médicale en février. L’aspiration à une société plus juste reste profonde chez de nombreuses personnes, en particulier celles qui ont été victimes d’injustices, notamment les femmes, les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transsexuels (LGBT), les Tibétains, les Ouïghours, les Hongkongais et ceux qui se trouvent au bas de l’échelle socio-économique. Certains de ceux qui se sont exilés se sont regroupés au sein de mouvements activistes de la diaspora.
En novembre, dans tout le pays, des foules de personnes ont pleuré la mort inattendue de l’ancien premier ministre Li Keqiang. Pour beaucoup, Li représentait une Chine plus dynamique sur le plan économique, contrairement à Xi, qui a donné la priorité au contrôle social et fait régresser la Chine.
Liberté d’expression
Au moyen de lois et de règlements, mais aussi de sanctions pénales, de harcèlement, d’intimidation ou en utilisant la technologie, le gouvernement chinois applique l’un des régimes de censure les plus stricts au monde.
En avril, les autorités ont libéré Fang Bin, un homme d’affaires de Wuhan, qui avait été l’un des premiers à alerter sur l’épidémie de Covid-19, après trois ans de détention. Mais Zhang Zhan, activiste et ancienne avocate basée à Shanghai, qui s’est rendue à Wuhan pour rendre compte de l’épidémie en février 2020, reste en détention. En juillet 2023, les autorités l’ont transférée dans un hôpital pénitentiaire en raison de la détérioration de son état de santé.
Les autorités ont libéré sous caution certains manifestants qui avaient participé à des manifestations pendant lesquelles ils avaient brandi des feuilles de papier blanc à la fin de 2022, notamment Cao Zhixin, Li Yuanjing, Zhai Dengrui et Li Siqi. Toutefois, en mars, un tribunal a condamné Kamile Wayit, une étudiante ouïghoure, à trois ans de prison pour « promotion de l’extrémisme », après qu’elle eut diffusé en ligne une vidéo de ces manifestations. On ignore combien de ces manifestants sont encore en détention.
En avril, les services de sécurité de l’État chinois ont arrêté un homme politique taïwanais indépendantiste, Yang Chih-yuan, qui vivait dans la province de Zhejiang, pour suspicions de « sécession ».
En mai, le gouvernement chinois a infligé une amende de 14,7 millions de renminbi (RMB) (environ 2 millions de dollars US) à une entreprise spécialisée dans l’organisation de spectacles de comédie pour une plaisanterie faite par l’humoriste Li Haoshi, qui comparait l’Armée populaire de libération à des chiens. Le même mois, Weibo a suspendu le compte d’un humoriste malaisien connu sous le nom d’Oncle Roger pour avoir plaisanté sur la surveillance exercée par le gouvernement chinois et sur ses revendications de souveraineté sur Taïwan.
En août, un tribunal de la province de Guizhou a condamné l’ancien professeur d’économie Yang Shaozheng à 4 ans et demi de prison pour « incitation à la subversion » après que ce dernier eut fait part de ses inquiétudes quant au coût annuel élevé des dépenses liées au personnel du gouvernement en Chine.
En septembre, le gouvernement chinois a publié un projet de règlement qui, s’il est adopté, pénalisera les personnes qui portent en public des vêtements qui « blessent les sentiments du peuple chinois ». Cette réglementation semble viser les personnes qui portent des vêtements japonais ou des articles qui remettent en cause les normes en matière de genre.
Le gouvernement chinois continue de s’appuyer sur les entreprises technologiques pour appliquer la censure. Après l’effondrement d’un toit dans la province de Heilongjiang, qui a tué 10 enfants et l’entraîneur d’une équipe de volley-ball d’un collège, les autorités ont rapidement censuré les témoignages de sympathie exprimés à cette occasion, y compris la mention des noms des enfants.
En avril, des chercheurs ont constaté que les plateformes de recherche chinoises utilisaient pas moins de 60 000 règles différentes pour censurer les contenus en ligne ; la censure politique la plus poussée parmi les moteurs de recherche sur Internet était celle de Bing, le moteur de recherche de Microsoft, dont les règles étaient moins nombreuses mais plus étendues et affectaient davantage de résultats de recherche que les règles appliquées par des sociétés chinoises telles que Baidu. Bing a déclaré qu’il « examinerait les conclusions » de ces enquêtes. En août, Apple aurait retiré plus de 100 applications d’intelligence artificielle (IA) générative de sa boutique d’applications chinoise, Pékin ayant pris des mesures strictes vis-à-vis de cette nouvelle technologie, en partie pour maintenir un contrôle social. Apple a déclaré que ces applications comprenaient « des contenus qui sont illégaux en Chine ». En mai, LinkedIn a annoncé qu’il supprimerait progressivement son application pour la Chine, InCareer. Elle est ainsi devenue la dernière grande plateforme de réseaux sociaux américaine à fermer ses portes dans le pays.
En mai, le Wall Street Journal a révélé que des employés de TikTok, propriété de la société chinoise ByteDance, auraient surveillé les contenus consultés par ses utilisateurs, notamment ceux qui regardaient des contenus LGBT. TikTok a déclaré avoir mis fin à de telles pratiques et que « la protection de la vie privée et de la sécurité » de ses utilisateurs était l’une de ses « priorités absolues ». Cette décision fait suite à la révélation, en décembre 2022, que l’entreprise a fait suivre des journalistes américains qui écrivaient des articles critiques sur TikTok. L’entreprise a attribué ces faits à « l’inconduite de certaines personnes » qui n’étaient plus ses employés.
Liberté de religion
Le contrôle de l’État sur la religion s’est accru depuis 2016, quand le président Xi a appelé à la « sinisation » des religions. La police arrête, détient et harcèle les dirigeants et les membres de divers groupes religieux « illégaux », notamment les « églises de maison » (des congrégations qui refusent de rejoindre les églises catholiques et protestantes officielles). Les autorités perturbent également les activités pacifiques de ces groupes – qu’il s’agisse de la religion qu’ils prêchent ou des camps d’été pour les enfants qu’ils organisent – ou les interdisent purement et simplement.
En plus de dicter ce qui constitue une activité religieuse légale, les autorités cherchent désormais à remodeler les religions de manière qu’elles soient conformes à l’idéologie du parti et à la promotion de l’allégeance au parti et à Xi.
Dans les provinces à forte proportion de musulmans, les autorités ont fermé, démoli ou supprimé les minarets et les dômes des mosquées afin de les « siniser » ou d’éliminer les influences étrangères. Dans la province du Yunnan, les autorités ont supprimé les symboles islamiques de la mosquée de Najiaying, ce qui a donné lieu à des rares expressions de protestation de centaines de musulmans Hui en mai.
Des mesures relatives à l’administration des lieux d’activités religieuses sont entrées en vigueur en septembre. Elles imposent de nouvelles restrictions aux activités religieuses, en exigeant que les lieux de culte endoctrinent leurs adeptes pour qu’ils se conforment à l’idéologie du parti communiste chinois et leur interdisent de « créer des conflits... entre les sectes » ou de recevoir des financements autres que ceux approuvés par l’État.
En juillet, le gouvernement chinois a transféré un évêque catholique, Joseph Shen Bin, à la tête du diocèse vacant de Shanghai, sans consulter le Vatican, en violation de l’accord Chine-Vatican de 2018. Bien que le Vatican ait publiquement protesté contre la décision de Pékin, il a approuvé le transfert et est resté largement silencieux sur la persécution religieuse de Pékin.
Attaques contre des défenseurs des droits humains
Les défenseurs des droits humains et les détracteurs du gouvernement continuent d’être persécutés.
En janvier, les autorités ont libéré l’avocat des droits humains Tang Jitian après l’avoir fait disparaître de force pendant 398 jours. En mars, un tribunal du Guangxi a condamné l’avocat des droits humains Qin Yongpei à cinq ans de prison pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État ». En avril, un tribunal de la province de Shandong a condamné un éminent juriste, Xu Zhiyong, et l’avocat des droits humains Ding Jiaxi à 14 et 12 ans de prison, respectivement, pour « subversion du pouvoir de l’État ».
En avril, les autorités ont arrêté le défenseur des droits Yu Wensheng et son épouse, Xu Yan, alors qu’ils se rendaient à une réunion avec l’ambassadeur de l’UE à Pékin. Elles ont assigné à résidence les avocats des droits humains Wang Quanzhang, Wang Yu et Bao Longjun. Entre mai et juin, la police a harcelé et forcé Wang et son épouse, Li Wenzu, à déménager à 13 reprises.
En mai, un tribunal de Guangzhou a condamné Guo Feixiong, un éminent défenseur des droits humains, à huit ans de prison pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État ». Guo a été arrêté en janvier 2021 à l’aéroport de Shanghai alors qu’il tentait de rendre visite à sa femme gravement malade aux États-Unis ; elle est décédée un an plus tard.
Également en mai, le journaliste en exil Yang Zewei a disparu de son domicile au Laos et est réapparu en détention dans la province de Hunan. En juillet, la police laotienne a arrêté l’avocat des droits humains Lu Siwei alors qu’il se rendait en Thaïlande. Le 15 septembre, malgré les appels des experts de l’ONU, le Laos a expulsé Lu vers la Chine où il attend d’être jugé pour « avoir franchi illégalement de la frontière ».
Hong Kong
Depuis que Pékin a imposé la loi draconienne sur la sécurité nationale à Hong Kong en juin 2020, les libertés ont été fortement restreintes. Les autorités de Hong Kong ont arrêté au moins 279 personnes pour avoir prétendument violé cette loi ainsi que la loi sur la sédition datant de l’ère coloniale. Les poursuites engagées au titre de la loi relative à la sécurité nationale affichaient un taux de condamnation de 100 % au moment de la rédaction du présent rapport.
En juillet, le procès très médiatisé pour atteinte à la sécurité nationale de 47 figures politiques favorables à la démocratie a débuté. Un autre procès pour atteinte à la sécurité nationale, celui du magnat des médias Jimmy Lai, âgé de 75 ans, s’est ouvert le 18 décembre. En octobre, quatre anciens dirigeants d’universités ont été condamnés à deux ans de prison pour « incitation à causer des blessures avec préméditation ». Ils ont été emprisonnés pour avoir présidé, en 2021, une réunion du conseil étudiant qui avait adopté une résolution en hommage à un homme qui s’était suicidé après avoir poignardé et blessé un policier.
En juin, le gouvernement de Hong Kong a demandé une injonction pour interdire la diffusion et la distribution de la chanson de protestation « Glory to Hong Kong ». En juillet, le tribunal a rejeté la demande, mais le gouvernement a fait appel. En août, un tribunal a condamné un homme à trois mois de prison pour avoir « insulté » l’hymne national chinois après avoir remplacé, dans une vidéo en ligne, la bande sonore de cet hymne par « Glory to Hong Kong ».
Depuis 2020, le gouvernement de Hong Kong a retiré des bibliothèques publiques quelques centaines de titres qualifiés de « politiquement sensibles ». En juillet, il a mis en place un réseau qui encourage le public à signaler les publications susceptibles de « compromettre la sécurité nationale ». En septembre, la police a inculpé un homme pour « sédition » pour avoir prétendument reçu de l’étranger 18 exemplaires d’un livre pour enfants pro-démocratique intitulé Sheep Village.
L’autocensure est devenue encore plus courante. En février, la plateforme de streaming de Disney à Hong Kong a retiré un épisode des Simpsons qui mentionnait les camps de travail forcé en Chine.
Aucun rassemblement public important n’a eu lieu à Hong Kong depuis juin 2020. En mars, la police a initialement autorisé une manifestation à l’occasion de la Journée internationale des femmes, mais l’organisateur l’a annulée après que la police a déclaré, sans donner de précisions, que des « groupes violents » pourraient se joindre à la manifestation. En avril, les organisateurs d’une manifestation prévue pour la Journée internationale des travailleurs l’ont annulée, après que la police de sécurité nationale a brièvement détenu l’un d’entre eux.
Les cibles de la répression du gouvernement ont dépassé les frontières de Hong Kong. En juillet, la police a émis des mandats d’arrêt sans fondement, ainsi que des primes, à l’encontre de huit politiciens et activistes exilés résidant à l’étranger pour des délits relevant de la loi sur la sécurité nationale. La police a gelé leurs comptes bancaires, interrogé les membres de leur famille résidant à Hong Kong et perquisitionné les domiciles des activistes qui leur sont associés.
En novembre, une Hongkongaise a été condamnée à deux mois de prison pour « sédition » en raison de messages publiés sur les réseaux sociaux alors qu’elle étudiait dans une université japonaise. En 2023, les services d’immigration ont refusé l’entrée à trois journalistes et artistes japonais critiques à l’égard du gouvernement de Hong Kong.
Des progrès ont été réalisés en matière de droits des personnes LGBT. En février, la Cour d’appel final de Hong Kong a jugé inconstitutionnelle l’obligation faite par le gouvernement aux personnes transgenres de subir une « opération de réassignation sexuelle complète » pour changer légalement de sexe. En septembre, la Cour a ordonné au gouvernement de mettre en place un cadre juridique pour la reconnaissance des partenariats entre personnes de même sexe.
Xinjiang
Les abus massifs de Pékin au Xinjiang se poursuivent et Human Rights Watch a estimé que ces abus constituaient des crimes contre l’humanité. Bien que certains camps d’éducation politique semblent avoir fermé, on estime à un demi-million le nombre d’Ouïghours et d’autres musulmans turcophones toujours en prison après avoir placés en détention pendant la répression menée par la Chine dans le cadre de l’opération « Frapper fort contre le terrorisme violent », qui a débuté en 2017. Il n’y a pas eu de libérations massives de prisonniers. En septembre, un tribunal a condamné un anthropologue ouïghour de renom, le Dr Rahile Dawut, à la prison à vie pour de faux crimes contre la sécurité de l’État. De nombreux Ouïghours vivant à l’étranger n’ont toujours que peu, voire pas de contacts avec les membres de leur famille au Xinjiang.
Les autorités du Xinjiang assimilent de force les Ouïghours, notamment par la sinisation de l’islam. Le gouvernement promeut le tourisme dans la région où il présente aux touristes nationaux une version aseptisée et contrôlée de la culture ouïghoure.
En août, le président Xi s’est rendu au Xinjiang, juste avant le premier anniversaire d’un rapport accablant des Nations Unies qui détaillait les abus généralisés dans le Xinjiang – notamment les attaques contre les pratiques culturelles et religieuses, la séparation des familles, les arrestations et détentions arbitraires, les viols, la torture et les disparitions forcées – et qui concluait que les politiques de Pékin dans la région « pourraient constituer des crimes contre l’humanité ». Xi a déclaré que sa politique au Xinjiang était un « succès ».
En février et en avril, deux hommes ouïghours sont morts dans des centres de détention pour immigrants de Thaïlande, après y avoir été détenus pendant neuf ans, mettant en lumière le sort des Ouïghours piégés dans des pays sensibles à l’influence de Pékin, même après avoir fui le pays.
Tibet
Dans les régions tibétaines, les autorités ont imposé de sévères restrictions aux libertés de religion, d’expression, de mouvement et de réunion. Les Tibétains qui s’expriment sur des questions telles que les déplacements massifs de population, la dégradation de l’environnement ou l’abandon progressif de la langue tibétaine dans l’enseignement primaire sont victimes de répression. Les responsables locaux sont tenus d’éduquer le public tibétain pour qu’il « obéisse à la loi », et des récompenses en espèces sont offertes aux citoyens prêts à en dénoncer d’autres. La présence de contenus interdits sur un téléphone ou le simple fait de contacter des Tibétains en exil peut conduire à la détention. Un moine vénéré, Geshe Phende Gyaltsen, arrêté en bonne santé par la police du comté de Litang en mars 2022, est mort en garde à vue en janvier 2023.
En juin 2023, un groupe de rapporteurs spéciaux des Nations Unies a demandé des informations sur le cas de six Tibétains détenus pour avoir possédé des photos du chef religieux en exil, le Dalaï Lama. Le gouvernement chinois n’a pas répondu.
Droits des femmes et des filles
Le 1er janvier, des amendements de la loi de 1992 sur la protection des droits et des intérêts des femmes sont entrés en vigueur, qui traitent de la discrimination et du harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Toutefois, les victimes éprouvent encore des difficultés à demander des comptes, et les experts juridiques contestent l’efficacité de ces changements.
En grande partie à cause de la politique de l’enfant unique qui dure depuis des décennies, pour la première fois en six décennies, le nombre de décès a dépassé celui des naissances en Chine. Certains gouvernements locaux ont décidé d’encourager les naissances, par exemple en offrant des avantages financiers aux jeunes femmes mariées âgées de 25 ans ou moins dans le district de Zhejiang, ou en mettant en place des plans d’aide à la naissance dans plusieurs villes chinoises. La terminologie officielle utilisée dans certaines lois et politiques suggère un rôle restrictif pour les femmes. Les amendements à la loi sur la protection des droits et des intérêts des femmes, par exemple, exigent des femmes qu’elles « respectent la morale sociale... et les valeurs familiales ».
La Women’s Tennis Association est revenue en Chine en septembre, mettant fin à sa suspension des tournois dans le pays après que Peng Shuai, triple championne olympique et championne de double en Grand Chelem, eut accusé l’ancien vice-premier ministre Zhang Gaoli de l’avoir abusée sexuellement en 2021.
La journaliste Huang Xueqin et l’activiste des droits du travail Wang Jianbing ont été jugées par un tribunal de Guangzhou en septembre pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État » en raison de leur implication de premier plan dans le mouvement #MeToo.
Orientation sexuelle et identité de genre
Les personnes LGBT et les activistes des droits ont été victimes d’un harcèlement et d’une censure accrus.
En février, deux étudiantes de l’université de Tsinghua ont intenté une action en justice contre le ministère de l’Education après que les autorités universitaires les ont sanctionnées en juillet 2022 pour avoir laissé des drapeaux arc-en-ciel dans un supermarché du campus.
En mai, l’une des plus anciennes organisations LGBT en Chine, le Centre LGBT de Beijing, a soudainement annoncé sa fermeture pour « force majeure ». Cette fermeture est la dernière d’une série de fermetures forcées de groupes LGBT depuis 2019.
Le 22 août, la version chinoise de la Saint-Valentin, connue sous le nom de Qixi, plusieurs organisations LGBT, dont TransBrotherhood China, Beijing Lesbian Centre et la branche pékinoise de Trueself, ainsi que d’autres comptes publics de réseaux sociaux communautaires, dont Beijing Lala Salon, Wandouhuang, Transtory, Outstanding Partners, Ace et Flying Cat Brotherhood, ont découvert que WeChat avait suspendu leurs comptes. Cette décision fait suite à la suppression par WeChat, en 2021, de dizaines de comptes de réseaux sociaux LGBT gérés par des étudiants dans des universités.
Droits des personnes handicapées
En avril, un tribunal de la province de Jiangsu a condamné Dong Zhimin à neuf ans de prison pour avoir emprisonné à tort Xiaohuamei, une femme atteinte de schizophrénie. En 2022, un net-citoyen a filmé Xiaohuamei enchaînée par le cou dans une cabane insalubre. Les autorités locales ont tenté à plusieurs reprises de limiter les recherches des activistes sur ses origines, mais il semblerait qu’elle ait été victime de traite d’êtres humains, vendue à Dong, maintenue en esclavage sexuel – elle a donné naissance à huit enfants – et enchaînée pendant des années. Le cas de Xiaohuamei est un rare exemple où l’enchaînement de personnes souffrant de handicaps psychosociaux réels ou supposés – souvent en raison de l’inadéquation ou de l’insuffisance des services d’aide et de santé mentale – a été découvert, et leurs auteurs punis.
Politique relative au changement climatique et impacts
En tant que premier émetteur mondial de gaz à effet de serre, avec des émissions par habitant qui le placent au 11ème rang des pays du G20, la Chine contribue à la crise climatique et à son impact croissant sur les droits humains dans le monde entier. La Chine est le plus grand producteur et consommateur de charbon au monde, et brûle chaque année plus de charbon que le reste du monde réuni. Elle est le premier importateur de pétrole et de gaz. Entre 2016 et 2022, une banque chinoise a été le plus grand bailleur de fonds de combustibles fossiles. Les projets de la Chine visant à continuer à augmenter la production de combustibles fossiles sont contraires à ses obligations en matière de droits humains, qui exigent que tous les gouvernements éliminent progressivement les combustibles fossiles.
Malgré l’amélioration des objectifs en la matière, le Climate Action Tracker estime que l’objectif de réduction des émissions nationales de la Chine est « très insuffisant » pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius par rapport aux niveaux préindustriels.
La Chine est le premier producteur mondial d’énergies renouvelables. Elle transforme également la grande majorité des minéraux et des métaux nécessaires à la fabrication de batteries et d’autres technologies liées aux énergies renouvelables. Certains de ces matériaux sont fabriqués par des entreprises du Xinjiang, ce qui crée un risque de lien entre la production de ces énergies et le travail forcé. Des chercheurs ont, par exemple, mis en évidence des liens entre la production de polysilicium, un matériau essentiel pour la fabrication de panneaux solaires, et le travail forcé au Xinjiang.
Principaux acteurs internationaux
La fin de la politique chinoise du « zéro Covid » a entraîné une vague de visites de haut niveau en Chine au cours de l’année, du chancelier allemand Olaf Scholz au président brésilien Lula da Silva. Peu d’entre eux ont soulevé publiquement la question des droits humains.
Des diplomates amis du gouvernement chinois originaires d’Indonésie, d’Iran, du Mexique, de Corée du Nord et d’Arabie saoudite, entre autres, ainsi que des représentants de la Ligue des États arabes et des érudits islamiques, se sont rendus au Xinjiang dans le cadre de tournées de propagande du gouvernement chinois. Le ministère chinois des Affaires étrangères et les médias d’État ont déclaré que ces visites attestaient de la « paix » et du « bonheur » qui règnent dans la région.
Le gouvernement allemand a publié une stratégie pour la Chine, attendue depuis longtemps, qui présente une vision prudente de ses liens avec Pékin.
En juin, les chefs d’État de l’Union européenne ont réitéré leurs inquiétudes quant au comportement de la Chine, mais n’ont pas pris de nouvelles mesures. De nombreux groupes de défense des droits humains se sont interrogés sur la pertinence de la reprise, en février, du dialogue sur les droits de l’homme entre l’UE et la Chine. En octobre, le diplomate européen de haut niveau Josep Borrell s’est rendu à Pékin et, en décembre, l’UE et le gouvernement chinois ont organisé un sommet UE-Chine.
Dans l’UE, le processus législatif s’est poursuivi en vue de l’adoption d’une législation sur le devoir de diligence des entreprises en matière de droits humains et d’environnement et sur l’interdiction d’importer sur le marché de l’UE ou d’exporter de ce marché des produits fabriqués par le travail forcé. Aucune de ces mesures n’est spécifique à un pays, mais les restrictions à l’importation peuvent jouer un rôle clé dans la prévention de l’importation de tels produits en provenance du Xinjiang.
En mai, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a demandé un « suivi concret » du rapport de son bureau, publié en août 2022, sur les graves violations commises par le gouvernement chinois au Xinjiang. Cependant, il n’a pas encore informé le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies sur le rapport ni indiqué quel « suivi concret » il entendait mettre en place pour faire avancer la mise en œuvre des recommandations du rapport ou mettre fin aux abus.
Depuis l’entrée en vigueur en juin 2022 de la loi sur la prévention du travail forcé des Ouïghours, les douaniers américains avaient, au 29 novembre 2023, refusé l’entrée à des marchandises d’une valeur de 561 millions de dollars US en raison de liens présumés avec le travail forcé au Xinjiang ou ailleurs en Chine.
Les entreprises étrangères en Chine ont subi des pressions sans précédent en 2023. En avril, le gouvernement chinois a apporté de vagues amendements à la loi sur le contre-espionnage, qui laissent les entreprises étrangères dans l’incertitude quant à savoir si des pratiques commerciales auparavant acceptables sont désormais criminelles. En mars, les autorités chinoises ont perquisitionné le bureau de Pékin de la société américaine Mintz Group, spécialisée dans le contrôle préalable des entreprises, et ont placé son personnel en détention. En avril, les autorités ont perquisitionné le bureau de Shanghai de la société de conseil internationale Bain. En juin, les autorités ont obligé des membres du personnel des sociétés financières Franklin Templeton et BlackRock à suivre des cours sur « la pensée de Xi Jinping ».
Politique étrangère
En 2023, Pékin a lancé ses nouvelles initiatives en matière de sécurité mondiale, de développement mondial et de civilisation mondiale, chacune étant conçue pour remettre en question les normes et institutions existantes en matière de gouvernance mondiale, de sécurité et de droits humains.
Le précédent programme phare de développement mondial de Xi Jinping, l’initiative « la Ceinture et la Route », qui a été critiquée pour son manque de transparence et ses violations des droits, a vu sa portée réduite. Mais Xi continue de bâtir des coalitions solides avec le Sud global, notamment en donnant la priorité à la participation à des sommets comme celui des BRICS en Afrique du Sud.
Xi a continué à apporter un soutien crucial à la Russie malgré les sanctions internationales imposées à la Russie pour son invasion à grande échelle de l’Ukraine. Peu après la publication d’un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine par la Cour pénale internationale en mars, Xi s’est rendu à Moscou pour rencontrer Poutine. En septembre, Xi a accueilli à Pékin le président syrien, Bachar el-Assad, soupçonné d’avoir commis des crimes de guerre.
Les efforts du gouvernement chinois pour réduire au silence les critiques dans d’autres pays ont fait l’objet d’une attention nouvelle de la part de plusieurs gouvernements, notamment avec l’inculpation par le Département américain de la Justice de 40 policiers chinois.
Les diplomates chinois ont poursuivi leur campagne d’étouffement des critiques sur le bilan du gouvernement en matière de droits humains et d’affaiblissement des organes des Nations unies chargés des droits humains. Ils ont interrompu et harcelé des représentants de la société civile au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. En septembre, des diplomates chinois ont envoyé une note verbale pour décourager les gouvernements de participer à une manifestation de la société civile sur le Xinjiang, organisée en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies, et une autre note verbale contenant un message similaire aux missions basées à Genève, au sujet d’une manifestation sur la liberté de la presse à Hong Kong.