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Chine : Des mosquées fermées, rasées ou désaffectées dans les régions musulmanes

La politique de « regroupement des mosquées » vise à restreindre la pratique de l’islam dans les régions du Ningxia et du Gansu

Cette image issue d’un message WeChat et diffusée le 14 mai 2020 par la chaîne de télévision d'État chinoise à Linxia montrait comment une mosquée a été fermée et reconvertie en atelier de fabrication de chaussures en août 2018, dans le cadre d’un programme de « réduction de la pauvreté » dans le village de Huangniwan. Ce village est situé dans la Préfecture autonome Hui de Linxia, dans la province chinoise de Gansu. © 2020 China Linxia News Network

(New York) - Le gouvernement chinois a entrepris de réduire considérablement le nombres de mosquées dans les  régions du Ningxia et du Gansu, dans le cadre de sa politique de « regroupement des mosquées », en violation du droit à la liberté de culte, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Les autorités chinoises ont désaffecté, fermé, démoli et converti des mosquées à un usage séculier, dans un effort visant à restreindre la pratique de l’islam. Dans de nombreuses autres mosquées, elles ont démantelé et retiré certaines caractéristiques architecturales islamiques, telles que les dômes et les minarets.

« Le gouvernement chinois ne ‘regroupe’ pas les mosquées comme il le prétend car, en réalité, il ferme beaucoup d’entre elles en violation flagrante de la liberté de religion », a déclaré Maya Wang, directrice par intérim pour la Chine à Human Rights Watch. « Les fermetures, les destructions et les réaffectations de mosquées par le gouvernement font partie d’un effort systématique visant à restreindre la pratique de l’Islam en Chine ».

Carte de la Chine montrant (en gris foncé) la province du Gansu et la Région autonome du Ningxia , où vivent de nombreux musulmans chinois. © 2023 Human Rights Watch

La loi chinoise n’autorise les citoyens à pratiquer que les religions officiellement approuvées, dans des lieux de culte eux-mêmes officiellement approuvés, et les autorités conservent un contrôle strict sur ces lieux de culte. Depuis 2016, quand le président Xi Jinping a appelé à la « sinisation » des religions, politique visant à faire du Parti communiste chinois (PCC) l’arbitre de la vie spirituelle des citoyens, le contrôle de l’État sur la religion s’est renforcé.

Le « regroupement des mosquées »[1] est mentionné dans un Document d’avril 2018 du Comité central du PCC qui présente une stratégie nationale à plusieurs volets visant à « siniser » l’Islam, c’est-à-dire à le rendre plus chinois.[2] Il donne instruction au PCC et aux agences d’État à travers le pays de « renforcer la gestion standardisée de la construction, de la rénovation et de l’expansion des lieux de culte islamiques ». Ce document souligne que le principe central d’une telle « gestion » est qu’« il ne devrait pas y avoir de construction de nouveaux lieux de culte islamiques » afin de « réduire le nombre total [de mosquées] ». Bien qu’il puisse y avoir des exceptions, « il devrait y avoir davantage de démolitions [de mosquées] que de constructions ».

Ma Ju, un activiste musulman d’ethnie Hui basé aux États-Unis et qui a été en contact avec des Hui en Chine affectés par la politique de « regroupement des mosquées », a déclaré à Human Rights Watch que cette politique fait partie d’efforts visant à « transformer » (转化) les musulmans pratiquants afin de réorienter leur loyauté vers le PCC : « Des responsables du gouvernement ont tout d’abord approché des membres du Parti communiste qui sont également des musulmans Hui … puis ils ont entrepris de ‘persuader’ des étudiants et des fonctionnaires, qui ont été menacés d’être placés sous probation à l’université ou mis au chômage s’ils continuaient à pratiquer leur foi ».

Des documents gouvernementaux qui sont publics suggèrent que le gouvernement chinois a entrepris de « regrouper » des mosquées dans les provinces de Ningxia et Gansu, qui ont les plus importantes populations musulmanes de Chine après le Xinjiang.[3] Depuis 2017, les autorités chinoises au Xinjiang ont endommagé ou détruit les deux tiers des mosquées de la région, selon l’Institut australien de politique stratégique (ASPI). Environ la moitié ont été tout simplement démolies.

Situation de six mosquées dans le village de Liaoqiao (Région autonome Hui de Ningxia) en Chine, en décembre 2023. Carrés jaunes : Mosquées dont les dômes et minarets ont été démolis. Carrés rouges : Mosquées dont le hall principal a été démoli. © 2023 Human Rights Watch

Au Ningxia, Human Rights Watch a vérifié et analysé des vidéos et des photos affichées en ligne par des musulmans Hui et a utilisé des images satellite pour les corroborer et pour examiner la mise en application de la politique dans deux villages. Sur les sept mosquées de ces deux villages, quatre ont subi d’importantes destructions – trois édifices principaux ont été rasés et la salle d’ablutions de l’une d’elles a été endommagée à l’intérieur. Les autorités ont démantelé les dômes et les minarets de ces sept mosquées.

Human Rights Watch n’est pas en mesure de déterminer le nombre de mosquées qui ont été fermées ou réaffectées dans les provinces du Ningxia et du Gansu car les documents officiels ne fournissent pas de détails précis. Deux universitaires spécialistes des musulmans Hui, Hannah Theaker et David Stroup, ont estimé, dans un rapport de recherches à paraître prochainement, qu’un tiers des mosquées du Ningxia sont fermées depuis 2020.[4] Dans un rapport de mars 2021, Radio Free Asia estimait qu’entre 400 et 500 mosquées étaient sous le coup d’une fermeture au Ningxia, province qui comptait 4 203 mosquées en 2014.

Le gouvernement chinois affirme que la politique de « regroupement des mosquées » vise à « réduire le fardeau économique » pesant sur les musulmans, en particulier sur ceux qui vivent dans des régions rurales pauvres.[5] Les actions menées contre les mosquées se produisent souvent alors que le gouvernement chinois déplace des villageois de ces régions, amalgamant plusieurs villages pour n’en faire plus qu’un.[6] Le gouvernement affirme également que, comme des obédiences islamiques différentes partagent les mêmes lieux de culte, elles sont ainsi amenées à devenir plus « unifiées » et « harmonieuses ».

Certains musulmans Hui se sont opposés publiquement à cette politique, malgré la censure imposée par le gouvernement. En janvier 2021, les responsables du Ningxia ont inculpé cinq Hui pour avoir « créé des désordres » après qu’ils eurent manifesté à la tête d’un groupe de 20 personnes pour s’opposer à cette politique devant le bureau du chef de Parti du village. Des citoyens ont également protesté contre les fermetures et les démolitions de mosquées et contre le démantèlement de dômes et de minarets, au Ningxia, au Gansu et dans d’autres régions où vivent des musulmans Hui comme le Qinghai et le Yunnan.[7]

Ma Ju a déclaré à Human Rights Watch que la politique de « regroupement des mosquées » vise à dissuader les fidèles d’aller prier dans les mosquées : « Après avoir démantelé les minarets et les dômes, les gouvernements locaux retirent ensuite des objets qui sont essentiels aux activités religieuses, telles que les salles d’ablutions et les chaires des imams ».

Ma Ju a affirmé que le gouvernement cherche à décourager les pratiques religieuses : « Quand les gens cesseront d’y aller, elles [les autorités] se serviront de cela comme excuse pour fermer les mosquées ». Il a ajouté que les autorités installent des systèmes de surveillance dans les mosquées restantes, dûment « sinisées » : « Une fois certaines mosquées converties, les gouvernements locaux surveillent étroitement la fréquentation des mosquées restantes », a-t-il dit. « Au début, elles vérifient les cartes d’identité nationales des personnes présentes. Puis elles installent des caméras de surveillance … pour repérer [les personnes qui ont l’interdiction de fréquenter les mosquées, dont] les membres du Parti communiste ou les enfants ».

L’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme que « toute personne a droit à la liberté d’opinion, de conscience et de religion ». Ce droit implique la liberté de manifester sa « religion ou sa conviction … par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites ». Le gouvernement chinois devrait renoncer à sa campagne de sinisation des religions, réviser et invalider les lois et règlements qui restreignent le droit à la liberté de religion et remettre en liberté les personnes détenues pour avoir critiqué ou protesté pacifiquement contre de telles politiques restrictives.

Les gouvernements étrangers, en particulier ceux des pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), devraient insister auprès du gouvernement chinois pour qu’il cesse sa politique de « regroupement de mosquées » et, plus généralement, sa campagne de sinisation.

« Les politiques de sinisation du gouvernement chinois démontrent un mépris total pour la liberté de religion, non seulement de tous les musulmans de Chine, mais aussi de toutes les communautés religieuses du pays », a affirmé Maya Wang. « Les gouvernements qui se préoccupent de liberté religieuse devraient soulever ces questions directement avec le gouvernement chinois et au sein des Nations Unies et des autres forums internationaux ».

Informations complémentaires

 

Fermetures de mosquées

Les dernières fermetures de mosquées à grande échelle en Chine se sont produites dans les années 1950, après la prise du pouvoir dans le pays par le Parti communiste chinois en 1949. Les autorités ont rasé ou regroupé environ 90% des mosquées du Ningxia avant la Révolution culturelle de 1966. Après la fin de cet épisode une décennie plus tard, les citoyens chinois ont reconstruit leurs vies religieuses, ce qui a donné lieu à la construction de nombreuses mosquées, même si le gouvernement chinois gardait un contrôle strict sur les religions. Actuellement, les autorités conservent le contrôle des nominations de personnel, des publications, des finances et des candidatures aux séminaires des cinq religions officiellement approuvées.

Depuis 2016, lorsque le président Xi Jinping a appelé à la « sinisation » des religions, le contrôle de l’État sur les religions s’est resserré. Allant au-delà du simple contrôle des religions en dictant ce qui constitue une activité religieuse « normale » – et donc légale –, les autorités cherchent désormais à refaçonner complètement les religions pour les rendre compatibles avec l’idéologie du Parti communiste chinois et promouvoir l’allégeance au Parti et au président Xi.

Sous Xi, les responsables chinois ont entrepris un vaste effort visant à réduire l’influence de l’Islam, que les autorités associent souvent au terrorisme et à l’arriération. Réduire le nombre de mosquées est un élément-clé de cette politique. De nombreuses décisions politiques imposent de plus en plus de restrictions sur la vie des musulmans Hui, qui se sont assimilés aux Han, le groupe ethnique majoritaire en Chine.

Le gouvernement chinois a révisé la loi ou en a ajouté de nouvelles afin de renforcer son contrôle sur les religions, notamment les Mesures relatives à l’administration des lieux d’activité religieuse, qui sont entrées en vigueur en juillet 2023. Ces mesures exigent que les lieux de culte endoctrinent les fidèles sur l’idéologie du Parti communiste chinois et leur interdisent de « créer des conflits … entre sectes » ou de recevoir des financements s’ils ne sont pas approuvés par l’État.

Un fondement essentiel de la « sinisation » des religions est de contrer ce qui est perçu comme des influences « étrangères » s’exerçant à travers les religions. Les fidèles de l’Islam – qui souffrent également d’une islamophobie grandissante parmi le peuple chinois – et du Christianisme ont fait les frais de ces politiques xénophobes. En 2015, les autorités ont retiré les croix de certaines églises et, dans certains cas, ont totalement démoli des églises dans la province du Zhejiang, qui est considérée comme le cœur du christianisme chinois. Cette campagne a été décrite publiquement comme un effort visant à supprimer des « structures illégales » non conformes aux règlementations de zonage mais, selon une directive provinciale interne, elle est en réalité destinée à réduire l’importance du christianisme dans la région.

Au Xinjiang, la politique agressive d’assimilation du gouvernement chinois dans les régions à minorités ethniques a conduit à la commission de graves abus qui équivalent à des crimes contre l’humanité, comme la persécution culturelle. Parmi ces abus, figure la destruction systématique de nombreuses mosquées.

Région autonome Hui de Ningxia

En 2018, le Comité du Parti communiste du Ningxia a promulgué un « document de mise en application »[8] afin de mettre en œuvre la stratégie nationale de « sinisation » de l’islam. La politique de « regroupement des mosquées » est également mentionnée dans un document gouvernemental de mars 2018 de la ville de Yinchuan[9], capitale de la Région autonome Hui de Ningxia. Ce document déclare que le gouvernement vise à « contrôler strictement le nombre et la dimension des sites religieux » et que les mosquées devraient adopter « des styles d’architecture chinois ». Il précise que le gouvernement de la ville de Yinchuan devrait promouvoir l’« intégration et le regroupement de mosquées » afin de « résoudre le problème posé par le nombre excessif de lieux de culte ».

Human Rights Watch a trouvé de nombreux documents publiés par des gouvernements locaux au Ningxia qui mentionnent l’expression de « regroupement de mosquées », mais seuls quelques-uns contiennent des détails :[10]

  • Dans la ville de Zhongwei, les autorités ont déclaré en 2019 qu’elles avaient « mené à bien l’altération de 214 mosquées, regroupé et fusionné 58 mosquées et interdit 37 lieux de culte non enregistrés ». Zhongwei comptait 852 mosquées en 2009, selon un registre officiel des mosquées du Ningxia.
  • Le gouvernement de la ville de Qingtongxia a écrit en 2020 qu’il avait « regroupé six mosquées » et que « l’importance et la fréquence des activités religieuses à large échelle et inter-régionales avaient diminué respectivement de 30,6% et de 62,5% par rapport à l’année précédente ». Qingtongxia comptait 69 mosquées en 2009.
  • Dans une décision du 28 janvier 2021, le bureau du procureur du comté de Zhongning a déclaré que les autorités avaient décidé de fermer trois des cinq mosquées de la région. Il a précisé que les autorités avaient décidé quelles mosquées seraient fermées en fonction des « distances entre les mosquées, de leur construction et de la taille de leur salle principale ». Les autorités locales ont affirmé qu’elles avaient fermé les trois mosquées parce qu’elles n’avaient pas de salle principale.
  • Dans la ville de Jingui, les autorités ont déclaré en 2021 qu’elles avaient « entièrement rectifié plus de 130 lieux présentant des caractéristiques architecturales islamiques… et effectué des ‘regroupements de mosquées’ de façon bien ordonnée ».
  • Dans une mise à jour annuelle, les autorités de la municipalité de Baitugang, dans la ville de Lingwu, ont indiqué avoir « regroupé cinq mosquées » en 2021.

Human Rights Watch a examiné plus précisément l’impact de la politique de « regroupement de mosquées » dans deux villages du Ningxia, où nous avons obtenu des informations complémentaires.

Cas n° 1 : Village de Liaoqiao, ville de Wuzhong
Le village de Liaoqiao est une entité administrative qui englobe neuf établissements humains, à environ 12 kilomètres au sud-est de la ville de Wuzhong. Environ 55% de la population sont des musulmans Hui. En 2013, le village comptait six mosquées.[11] Des images satellite montrent qu’avant 2020, toutes avaient des caractéristiques architecturales islamiques, c’est-à-dire des minarets et des dômes. Ces éléments ont été démantelés et enlevés de trois de ces mosquées, entre janvier et août 2020. Les pièces les plus importantes – les salles principales – des trois autres mosquées ont été détruites. Il est peu probable qu’elles continuent à être utilisées comme mosquées.

La Mosquée de Liaoqiao Est (district de Litong), dans la ville de Wuzhong, située dans la Région autonome Hui du Ningxia en Chine. Photo prise en 2009.   © 2009 Liu Wei, Catalogue des mosquées du Ningxia, volume 1
Trois images satellite de la Mosquée de Liaoqiao Est : (à gauche, en 2019) avec trois minarets encore visibles ; (au centre, en 202o) sans les minarets, qui ont été démantelés entre janvier et août 2020 ; (à droite, en janvier 2021) image montrant que la salle principale de la mosquée a été démolie. © Maxar Technologies
La Mosquée de Liaoqiao Sud (district de Litong), dans la ville de Wuzhong, située dans la Région autonome Hui du Ningxia, en Chine. Photo prise en 2009.    © 2009 Liu Wei, Catalogue des mosquées du Ningxia, volume 1
Liaoqiao South Mosque, Liaoqiao Village, Litong District, Wuzhong City, Ningxia Hui Autonomous Region, China. Liaoqiao South Mosque, Liaoqiao Village, Litong District, Wuzhong City, Ningxia Hui Autonomous Region, China.

29 janvier 2020: © Maxar 17 janvier 2021: © Maxar

La salle principale de la mosquée de Liaoqiao Sud a été démolie entre janvier et août 2020.

Quatre images satellite d’une mosquée située dans un quartier central du village de Liaoqiao. Photo 1 (2019) : cette mosquée avait des minarets et une toiture de style chinois visibles après sa construction en 2013. Photo 2 (19/08/20) : démantèlement des minarets le 19 août 2020. Photo 3 (22/08/20) : la salle principale a été complètement démolie. Photo 4 (2021) : les débris suite aux démolitions ne sont plus visibles. © Maxar Technologies

Cas n° 2 : Mosquée de Liujiagou, village de Chuankou, comté de Xiji

La mosquée de Liujiagou est située dans le village de Chuankou, dans la région montagneuse du comté de Xiji dans le sud du Ningxia, où environ 60 % de la population sont des Hui. La mosquée a été construite en 1988, puis reconstruite en 2016 avec une salle principale plus vaste, deux minarets et un dôme. Selon des images satellite, ces minarets et ce dôme ont été démantelés à une date inconnue entre 2019 et 2021.

Dans une série de vidéos que Human Rights Watch s’est procurée en janvier 2023 et a vérifiée et géolocalisée, l’intérieur de la salle d’ablutions, élément essentiel pour les prières quotidiennes, est en train d’être démoli. Selon une source informée au sujet de cette démolition et qui a souhaité garder l’anonymat, la mosquée de Liujiagou est fermée depuis au moins le début de 2022. Cette source a précisé que sur les 96 mosquées que comptait la ville de Xinglong, une soixantaine ont été fermées. Et que « les autorités municipales veulent démolir les salles d’ablutions des mosquées qui ont été fermées ».

La Mosquée de Liujiagou, située dans le village de Chuankou (comté de Xiji) dans dans la Région autonome Hui du Ningxia, photographiée en 2009.   © 2009 Liu Wei, Catalogue des mosquées du Ningxia, volume 2
Trois images satellite de la Mosquée de Liujiagou. À gauche (nov. 2019) : le dôme et les minarets sont encore visibles. Au centre (oct. 2021) : ils ont été supprimés. À droite (oct. 2021) : quelques jours plus tard, les autorités ont également enlevé les caractères dorés indiquant le nom de la mosquée. © Privé

Province du Gansu

Le gouvernement provincial du Gansu a publié un mémorandum de mise en application du Document d’avril 2018 du Comité central du Parti communiste chinois visant à « siniser » l’Islam.[12] Il y a aussi des indices suggérant que la politique de « regroupement de mosquées » est mise en œuvre dans la province du Gansu.

  • Dans la Préfecture autonome Hui de Linxia en 2020, le gouvernement du comté de Hezheng a « réduit et combiné 10 mosquées et achevé l’altération des caractéristiques architecturales islamiques de…. 31 d’entre elles ».
  • Également au Linxia, en 2020, le gouvernement du comté de Yongjing a commencé « cinq opérations de regroupement de mosquées et en a achevé une » dans la ville de Xiaoling.[13]
  • Dans l’agglomération de Dazhai en 2020, district de Kongtong, ville de Pingliang, le gouvernement a « altéré 26 mosquées et en a regroupé deux ».
  • Dans le comté de Guanghe – connu comme « La petite Mecque » car la majorité de sa population est composée de musulmans Hui – les autorités en 2020 ont « annulé l’homologation de 12 mosquées, en ont fermé 5 et en ont amélioré et regroupé 5 autres ».[14]

Cas n° 3 : Village de Huangniwan, préfecture autonome Hui de Linxia, province du Gansu
Dans un affichage public sur WeChat effectué par la station de télévision de Linxia, le gouvernement local a déclaré, en 2019, qu’il avait fermé une mosquée sur les trois que comptait un village de 2 440 habitants. Le village avait tout d’abord eu une seule mosquée dans les années 1990, mais des « désaccords » avaient conduit certains villageois à construire deux nouvelles mosquées. En 2019, après « une éducation idéologique et un travail de guidage laborieux » –phrase qui laisse habituellement entendre un mélange de persuasion et de coercition – les autorités locales ont désaffecté l’une des mosquées et l’ont transformée en un « espace de travail » et un « centre culturel », dans le cadre de leurs efforts de « réduction de la pauvreté ».

Cette image issue d’un message WeChat et diffusée le 14 mai 2020 par la chaîne de télévision d'État chinoise à Linxia montrait comment une mosquée a été fermée et reconvertie en atelier de fabrication de chaussures en août 2018, dans le cadre d’un programme de « réduction de la pauvreté » dans le village de Huangniwan. Ce village est situé dans la Préfecture autonome Hui de Linxia, dans la province chinoise de Gansu. © 2020 China Linxia News Network
Cette autre image issue d’un message WeChat et diffusée le 14 mai 2020 par la chaîne de télévision d'État chinoise à Linxia montrait comment une des trois mosquées a été transformée en un espace de travail aux fins de « réduction de la pauvreté » et en un « centre culturel », où sont en vue un drapeau du Parti communiste chinois et une affiche montrant le président Xi Jinping dans sa jeunesse, dans le village de Huangniwan, situé dans la préfecture autonome Hui de Linxia, dans la province du Gansu.  © 2020 China Linxia News Network
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[1] Cette politique est parfois mentionnée comme «合坊并寺 », «合坊建寺 » ou «合村并寺 » en chinois.

[2] Ce document, dénommé « Document No.10 », n’a pas été rendu public par le gouvernement chinois. Il a fait l’objet d’une fuite dans le cadre des « Documents du Xinjiang ». Cf. pages 5 et 6 qui présentent la politique visant à réduire le nombre de mosquées en Chine.

[3] La Chine comptait 39 135 mosquées, selon des chiffres officiels de 2014. Les trois régions comptant les plus grands nombres de mosquées sont le Xinjiang (24 100), le Gansu (4 606) et le Ningxia (4 203). Cf. 版权所有 中国伊斯兰教协会, « 2015最新中国清真寺数量及分布 », 3 mars 2015.  http://www.chinaislam.net.cn/cms/news/media/201503/03-8001.html.  

[4] Hannah Theaker et David Stroup : Rendre l’Islam chinois : Politique religieuse et sinisation des mosquées sous le régime de Xi (Making Islam Chinese: Religious Policy and Mosque Sinicization in the Xi Era). À paraître.

[5] Sur les déplacements de populations en zones rurales, cf. : Emily Feng : « Dans les zones rurales de Chine, les villageois affirment qu’on les oblige à quitter leurs fermes pour des gratte-ciels » (« In Rural China, Villagers Say They're Forced From Farm Homes To High-Rises »), NPR, 10 août 2020, https://www.npr.org/2020/08/10/893113807/china-speeds-up-drive-to-pave-rural-villages-put-up-high-rises.

[6] Les villages regroupés de Laochi, près de la ville de Yinchuan (西夏区兴泾镇十里铺村涝池组合坊) avaient au moins trois mosquées (Les mosquées de Laochi Sud, Nord et Est), selon un annuaire des mosquées du Ningxia datant de 2009. Quand les autorités ont concentré les villages, seulement deux mosquées ont été reconstruites. Cf.: 北京市建壮咨询有限公司宁夏分公司, «十里铺村涝池组合坊并寺异地重建项目1#寺施工变更公告[变更公告] », 1er juillet 2021,  http://www.nxggzyjy.org/ningxiaweb/002/002001/002001002/20210701/caf25360-441c-4c22-af20-f84545427878.html et 十里铺村涝池组合坊并寺异地重建项目2#寺施工招标文件, «十里铺村涝池组合坊并寺异地重建项目2#寺施工招标公告 », 18 janvier 2021,  http://www.nxggzyjy.org/ningxiaweb/002/002001/002001001/20210118/a2408fc2-8b66-40bb-9add-a80a9bbb7a39.html

[7] Les recherches à paraître prochainement des universitaires Theaker et Stroup montrent également comment la politique de regroupement de mosquées est mise en œuvre dans la province du Qinghai, bien que sous un nom différent, et que cette politique sera probablement mise en œuvre également dans la province du Yunnan, étant donné que les efforts de sinisation des autorités ont commencé au Ningxia avant que les mêmes méthodes soient appliquées ailleurs.

[8] Ce document, « Opinion sur la mise en application du programme de renforcement et d’amélioration des œuvres islamiques dans le cadre de la Nouvelle situation » (« Implementation Opinion on the Strengthening and Improving of Islamic Work under the New Situation (关于加强和改进新形势下伊斯兰教工作的实施意见) », a été promulgué par le Comité provincial du Parti du Ningxia en 2018 et est mentionné dans ce rapport par l’Université du Ningxia. Cf. 宁夏大学新闻中心, «牢固树立马克思主义民族观宗教观 扎实推进各项工作实践 », 27 septembre 2018, https://news.nxu.edu.cn/info/1022/8037.htm.

[9] 中共银川市委、银川市人民政府关于印发乡村振兴战略银川三年行动计划的通知(银党发〔2018〕9号 2018年3月8日)(Comité du Parti communiste chinois de la ville de Yichuan, avis du gouvernement populaire de Yichuan concernant l'impression du « Plan d'action triennal pour la stratégie de la ville de Yichuan visant à revigorer la campagne », 8 mars 2018). Copie archivée par HRW.

[10] Cf. par exemple : « Rapport annuel de travail du gouvernement de la ville de Zhongwei pour 2023 » (« Zhongwei City Government 2023 Annual Work Report (2023年政府工作报告) », 23 décembre 2023, https://web.archive.org/web/20231024151840/http://www.nxzw.gov.cn/zwgk/zfxxgkml/zfgzbg/202212/t20221223_3896583.html; Les représentants du district de Litong examinent divers rapports « (利通区各代表团审议各项报告) »,qui mentionnent le problème posé par les personnes ayant perdu leur emploi en conséquence de la politique de regroupement des mosquées, 8 janvier 2021, https://archive.ph/oHVhp ; « Lu Jun examine l’ethnicité et les œuvres religieuses dans la ville de Guyuan » (« Lu Jun Examines Guyuan City Ethnicity and Religious Work (陆军调研固原市民族宗教工作) », 29 novembre 2021, https://web.archive.org/web/20231023210136/https://www.nxtzb.gov.cn/contents/MZZJ/2021/11/8013.html, où un haut responsable du Ningxia chargé des affaires ethniques et religieuses examine les progrès du programme de regroupement des mosquées dans le cadre de la politique de sinisation de l’Islam de Xi. 

[11] Un registre de 2009 des mosquées du Ningxia en comptait cinq dans la région ; une nouvelle mosquée a été construite en 2013.

[12] La date de la promulgation des mesures d’application dans le Gansu (中共甘肃省委办公厅、甘肃省人民政府办公厅《关于加强和改进新形势下伊斯兰教工作的实施意见) n’est pas claire, bien que la première réunion officielle qui y ait fait référence se soit tenue en juillet 2018. Cf. : http://tstz.tianshui.com.cn/news/MZZJ/2018/731/187311010583IGJ84EKDH6EF0HB6E9E.html

[13] Annuaire de Yongjing de 2020, p. 224.

[14] Annuaire de Guanghe de 2020, p. 89.

 

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