Lire la version en anglais du Brief du Jour de Andrew Stroehlein.
L'explosion du nombre d’informations disponibles en sources ouvertes sur les réseaux sociaux et d'autres canaux a révolutionné les enquêtes sur les violations des droits humains dans le monde.
Mais ces informations ne sont pas nécessairement prises en compte dans l'élaboration de la politique étrangère.
Non seulement les responsables gouvernementaux n'ont tout simplement pas le temps d'examiner les grandes quantités d'informations disponibles, mais ils ne savent pas non plus à quelles sources externes ils peuvent se fier. Par conséquent, les décideurs ont tendance à s'appuyer fortement sur des documents classifiés rédigés par les analystes des services de renseignement de leur pays.
Le problème, c'est que les services de renseignement ne s'intéressent pas souvent aux violations des droits humains dans les pays qu'ils analysent. Les responsables politiques travaillent donc avec une vision déformée du monde - et les politiques qu'ils élaborent reflètent souvent cette ignorance institutionnalisée.
Si l'objectif des services de renseignement à l'étranger est d'aider leurs patrons à comprendre les menaces et les opportunités en matière de politique étrangère, alors les violations des droits humains devraient être prises en compte. Les violations des droits que commet un gouvernement étranger en disent long sur sa vision du monde et sur son comportement.
Par exemple, pensons aux responsables politiques qui veulent conclure un accord commercial avec un autre pays. Ne serait-il pas utile qu'ils sachent que le gouvernement de ce pays prévoit d'adopter une nouvelle loi du travail qui viole les normes internationales de droits humains?
De manière plus générale, les violations systématiques des droits humains peuvent servir de sonnettes d’alarme pour prévenir les grandes crises qui pourraient être évitées grâce à une approche politique appropriée ou qui devront être traitées à l’avenir.
Les signes d’une montée de l’autoritarisme dans la Russie de Poutine et son potentiel impérialiste étaient bien déjà évidents, par exemple, mais les gouvernements n'en ont pas vraiment tenu compte dans l'élaboration de leur politique.
Sarah Yager, ma collègue et directrice de HRW à Washington, soutient dans Foreign Affairs que, pour les États-Unis en particulier, cette ignorance institutionnalisée doit changer.
« La collecte et l'analyse d'informations sur les violations des droits humains devraient être une part essentielle du travail de tout agent de renseignement. »
Nous sommes bien sûr conscient que, même si les agents de renseignement recueillent des informations sur les violations des droits humains, ça ne créera pas en soi la volonté politique nécessaire pour faire des droits humains une plus grande priorité. Mais au moins, cela donnerait aux décideurs une vision plus claire des autres pays, de leur gouvernement, et de comment engager le dialogue avec eux.
Et n'est-ce pas ça le but du travail des services de renseignements ?