La production, l'utilisation et l'élimination du plastique ont des impacts significatifs sur les droits humains. Les plastiques contiennent des additifs chimiques toxiques, qui peuvent constituer des menaces importantes pour la santé humaine. Parce qu'ils sont fabriqués à partir de combustibles fossiles, les plastiques contribuent à la crise climatique, qui à son tour menace les droits humains.
Le 28 novembre 2022, des pays du monde entier ont commencé à négocier un nouveau traité mondial sur les plastiques. Les négociations étaient basées sur une résolution de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement, mandatant la création d'un instrument juridiquement contraignant d'ici la fin de 2024 afin de mettre fin à la pollution plastique. Le monde se noie sous le plastique, et la création de ce mandat reconnaît l'urgence de s'attaquer au problème pour le bien des êtres humains et de l'environnement. Au fur et à mesure que les négociations progressent, les pays concernés devraient s'assurer que le traité aborde la question des plastiques d'une manière qui protège les droits humains.
Chaque année, plus de 300 millions de tonnes de plastique sont créées. Un grand nombre de produits en plastique sont à usage unique, ne peuvent pas être recyclés et restent dans l'environnement pendant des décennies, voire des siècles. Seulement 9 % du plastique produit a été recyclé, tandis que les déchets plastiques restants sont jetés, enfouis, incinérés ou polluent l'environnement. Sur l’ensemble du plastique produit, 79 % s’est accumulé dans des décharges, des déchetteries informelles ou dans l'environnement naturel, et 12 % a été incinéré.
Ce document examine les façons dont la production, l'utilisation et l'élimination du plastique menacent les droits humains, et pourquoi les gouvernements devraient prendre des mesures immédiates pour limiter les plastiques afin de respecter leurs obligations en matière de droits humains.
Pourquoi les plastiques sont-ils une question de droits humains ?
La production, l'utilisation et l'élimination du plastique génèrent des effets néfastes sur la santé humaine et l'environnement. Le droit international des droits humains oblige les gouvernements à remédier à ces préjudices et à respecter, protéger ainsi que réaliser les droits à la santé, à l'eau, à l'accès à l'information et à un environnement sain.
Le cycle de vie du plastique commence avec l'extraction du pétrole et du gaz. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des plastiques sont fabriqués à partir de combustibles fossiles, notamment le pétrole et le gaz, et on estime que les plastiques et les produits pétrochimiques seront à l'origine de 30 % de la croissance de la demande de pétrole d'ici 2030 et de près de la moitié de la croissance de la demande de pétrole d'ici 2050. La production du pétrole et du gaz peut émettre des produits chimiques toxiques lors des opérations de forage, par le biais des équipements mécaniques, des réservoirs de stockage ainsi que du transport des carburants. Par exemple, le benzène, un composé cancérigène, est souvent émis par les opérations pétrolières dans l'eau, le sol et l'air, ce qui peut menacer la santé des communautés voisines.
La production et la fabrication de plastique transforment les matières premières fossiles et les additifs chimiques en plastique qui peut être utilisé pour fabriquer des emballages, des produits de consommation et d'autres biens. Les processus de raffinage et de fabrication constituent une menace pour les droits humains, en particulier pour les communautés vivant à proximité des installations de production pétrochimique et des raffineries, en émettant des polluants nocifs dans l'air et l'eau. Les raffineries et les installations de production de plastique sont souvent situées dans des communautés à faible revenu et marginalisées ainsi que des communautés de couleur, qui sont touchées de manière disproportionnée par la pollution et les dommages environnementaux.
Les produits plastiques sont ensuite utilisés par les consommateurs et dans les activités industrielles. Certaines études ont établi un lien entre les particules de plastique ingérées et des impacts sur la fonction cellulaire, l'inflammation chronique et les perturbations du système endocrinien. Actuellement, les producteurs de plastique du monde entier ne sont pas tenus d'identifier les additifs chimiques dans leurs produits, de sorte que les consommateurs ne sont pas en mesure d'accéder aux informations sur la composition chimique des plastiques et leurs impacts potentiels sur leur santé.
Après utilisation, une partie du plastique est recyclée et retourne au stade de la production de plastique. La plupart des plastiques sont éliminés dans des décharges officielles ou des dépotoirs informels, ou bien ils sont incinérés dans une installation industrielle ou éliminés par combustion à ciel ouvert. Lorsque le plastique est jeté ou enfoui, il se décompose naturellement en microplastiques, polluant le sol, l'eau, l'air, la faune et le corps humain. Les méthodes d'élimination des déchets plastiques, notamment l'incinération, contribuent à des effets sur la santé à court et à long terme, car des produits chimiques nocifs et des particules sont rejetés dans l'air.
Pourquoi le plastique est-il un problème croissant ?
Depuis les années 1950, le plastique est passé d'un matériau moins courant et polyvalent à un matériau omniprésent dans les équipements modernes, les emballages, les textiles et autres biens courants. La production mondiale annuelle de plastique est passée de deux millions de tonnes en 1950 à 380 millions de tonnes en 2015, soit une multiplication par 190.
Non seulement l'utilisation du plastique a augmenté au cours des dernières décennies, mais la production de plastique devrait également tripler entre 2015 et 2060. Les plans de développement de l'industrie du plastique sont en grande partie menés par les plus grandes sociétés pétrolières et gazières au monde, aux côtés des entreprises de biens de consommation. Alors que les pays du monde entier commencent à réduire leur dépendance au pétrole et au gaz en tant que source d'énergie, les entreprises productrices de combustibles fossiles augmentent leurs investissements dans la production de plastique et de pétrochimie, ainsi que la capacité de fabrication de plastique, en tant que domaine de croissance alternatif.
Les mêmes entreprises de combustibles fossiles ont mené des campagnes de désinformation depuis des décennies pour faire avancer le mythe selon lequel le plastique est recyclable, tandis que des documents internes à l'industrie datant des années 1970 montrent que les producteurs de plastique savaient déjà que le recyclage n'était pas une solution acceptable.
Comment les plastiques contribuent-ils à la crise climatique ?
Les plastiques sont l'un des principaux contributeurs au changement climatique. L'extraction, le transport et le raffinage du pétrole et du gaz, leur transformation en matières premières pour le plastique, ainsi que le transport et la combustion des déchets plastiques émettent tous des quantités importantes de gaz à effet de serre, qui contribuent à la crise climatique. En 2019, la production, l'élimination et l'incinération mondiales de plastique ont émis 850 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (CO2e), autant que ce qui serait émis par 189 centrales électriques au charbon de 500 mégawatts.
Si l'utilisation du plastique continue de croître comme prévu, d'ici 2050 les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production et de l'incinération du plastique atteindront 15 % du budget mondial du carbone, ce qui rendra les objectifs climatiques mondiaux extrêmement difficiles, voire impossibles à atteindre.
Qu'est-ce qui rend les plastiques toxiques ?
Des additifs chimiques sont ajoutés aux plastiques au cours de la production pour modifier ou améliorer les performances, la fonctionnalité ou d'autres propriétés de la production de plastique. Si les additifs chimiques confèrent aux produits plastiques des qualités qui les rendent utiles, ils peuvent également être des polluants environnementaux toxiques et nocifs pour la santé humaine. Par exemple, les phtalates, le bisphénol A (BPA) et les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont des additifs chimiques courants dans le plastique connus pour nuire à la santé humaine, liés au cancer et dommageables pour les systèmes reproducteurs.
Comment le plastique affecte-t-il les groupes à risque et les communautés marginalisées ?
L'exposition aux toxines présentes dans les produits en plastique – et émises lors de leur élimination – peut avoir des effets particuliers et uniques sur les enfants, les femmes, les femmes enceintes et les personnes âgées en raison de facteurs biologiques. Les femmes exposées à des produits chimiques perturbateurs endocriniens, notamment le BPA, courent un risque accru de syndrome des ovaires polykystiques et de fausses couches à répétition. L'exposition à ces produits chimiques avant et pendant les années de procréation peut augmenter la probabilité que des enfants naissent avec des handicaps. Les enfants, lorsqu'ils sont exposés aux mêmes niveaux de pollution atmosphérique que les adultes, risquent d'avoir des effets plus graves sur leur santé en raison de leur développement rapide. Les enfants qui grandissent dans des zones à forte pollution atmosphérique industrielle sont susceptibles d'avoir une fonction pulmonaire réduite. L'exposition aux produits chimiques peut entraîner des effets nocifs qui n'apparaissent pas avant la puberté ou l'âge adulte.
Les personnes âgées sont également particulièrement touchées. À mesure que le corps humain vieillit, les changements dans le fonctionnement des organes peuvent rendre plus difficile le traitement des polluants environnementaux, notamment les toxines émises lors du recyclage du plastique. Un métabolisme plus lent, associé à une exposition précoce, peut avoir pour conséquence que les polluants restent dans le corps des personnes âgées pendant une période plus longue que pour les adultes plus jeunes, ce qui augmente leur exposition aux toxines.
Le recyclage n'est-il pas la solution à la crise du plastique ?
Non. Bien que le recyclage soit souvent décrit comme une pratique positive et respectueuse de l'environnement, lorsque le plastique est recyclé, il libère des polluants et des toxines dans les environnements locaux, menaçant la santé de ceux qui travaillent et vivent à proximité des installations de recyclage.
Human Rights Watch a documenté que le recyclage du plastique en Turquie – le plus grand destinataire des exportations de déchets plastiques de l'Union européenne – nuit à la santé des personnes. Les polluants et les toxines émis par le recyclage affectent les travailleurs, notamment les enfants, ainsi que les personnes vivant à proximité des installations de recyclage. Les travailleurs et les habitants des communautés voisines ont fait état de problèmes respiratoires, de maux de tête sévères, d’affections cutanées, de manque d'équipement de protection et d’un accès limité ou inexistant aux traitements médicaux pour les maladies professionnelles. Bon nombre des installations visitées par Human Rights Watch étaient situées à une proximité dangereuse des habitations, en violation des lois turques et des réglementations environnementales.
Pourquoi les déchets plastiques sont-ils expédiés dans le monde entier ?
Les pays du Nord, notamment les États-Unis, le Canada, le Japon, le Royaume-Uni et les États membres de l'Union européenne, ont régulièrement exporté leurs déchets plastiques en tant que « recyclage » vers des pays ayant des réglementations environnementales médiocres ou inexistantes, des coûts de main-d'œuvre faibles et peu de surveillance gouvernementale des violations des droits de l'environnement et du travail. Ils le font parce qu'ils n'ont pas l'infrastructure physique pour les recycler au niveau national, et des bénéfices peuvent être réalisés en vendant ces déchets plastiques à des entreprises dans d'autres pays pour y être traités. De cette manière, ces pays du Nord externalisent les coûts sanitaires, environnementaux et économiques de leurs économies à forte consommation, au lieu de réduire les niveaux de consommation ou d'investir dans la gestion des déchets.
Pendant des décennies, la Chine a été le plus grand importateur de déchets plastiques au monde, important environ 45 % des déchets plastiques mondiaux de 1992 à 2016. En raison de l’impact environnemental élevé des déchets plastiques, le gouvernement chinois a créé ce qu'il a qualifié d’Opération « Épée nationale » en janvier 2018, qui a interdit l'importation de la plupart des déchets plastiques. Les pays exportateurs ont donc cherché de nouveaux endroits où envoyer leurs déchets, et la Malaisie, l'Indonésie, le Vietnam et la Turquie sont récemment devenus des destinations clés pour les exportations mondiales de déchets plastiques.
Qu'est-ce que le Traité mondial sur les plastiques ?
En mars 2022, l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement a convenu d’élaborer un traité multilatéral sur l'environnement pour faire face à la crise mondiale des plastiques. Le mandat ouvre la voie pour que les pays établissent un instrument juridiquement contraignant en vue de faire face aux impacts des plastiques tout au long de leur cycle de vie.
Quelles sont les principales mesures que les gouvernements peuvent prendre pour garantir que le Traité mondial sur les plastiques renforce le respect des droits humains ?
Les gouvernements de l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement devraient négocier et adopter un traité sur les plastiques qui protège et respecte les droits humains. Un Traité mondial sur les plastiques exhaustif et respectueux des droits nécessite la participation significative de la société civile. Cette participation devrait inclure la représentation des personnes les plus exposées aux dommages de la production, de l'utilisation et de l'élimination du plastique, notamment les peuples autochtones, les personnes handicapées, les personnes âgées, les enfants et les jeunes, les femmes, les récupérateurs de déchets et les travailleurs de l'économie informelle, les organisations syndicales, les minorités et les personnes en situation de pauvreté.
Certains éléments clés d'un traité mondial sur les plastiques qui protégerait les droits humains sont les exigences suivantes :
- Prendre des mesures pour diminuer la production et la consommation de plastique.
- Mettre fin à la production de plastique vierge inutile.
- Augmenter la transparence concernant les additifs chimiques dans les plastiques et limiter l'ajout d'additifs chimiques nocifs dans les produits en plastique.
- Protéger les droits à la santé, à l'eau, à l'alimentation et à un environnement sain des populations à risque et des communautés marginalisées touchées par la pollution plastique.
Initialement publié le 23 novembre 2022, avant la première session du Comité de négociation intergouvernemental, ce Q&R a été mis à jour le 30 mars 2023 pour refléter la conclusion de la première session.