(New York, le 26 avril 2022) – Le Directeur exécutif de Human Rights Watch, Kenneth Roth, a annoncé son intention de quitter ses fonctions à la fin du mois d’août 2022, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Roth dirige depuis 1993 cette organisation, qu’il a profondément transformée, la faisant évoluer d’un petit groupe de « comités de surveillance » (« Watch Committees ») régionaux à une organisation internationale majeure de défense des droits humains, dotée d’une influence mondiale.
« J’ai eu le grand honneur de passer près de 30 ans à bâtir une organisation devenue une force de premier plan dans la défense des droits des personnes à travers le monde », a déclaré Kenneth Roth. « Je quitte Human Rights Watch avec confiance, convaincu que ses équipes hautement qualifiées et dévouées continueront ce combat avec beaucoup d’énergie, de créativité et d'efficacité. »
Sous la direction de Kenneth Roth, Human Rights Watch est passée d’une équipe d’environ 60 personnes avec un budget de 7 millions de dollars à un effectif de 552 personnes couvrant plus de 100 pays et doté d’un budget de près de 100 millions de dollars. En 1997, Human Rights Watch a été co-lauréate du Prix Nobel de la Paix pour ses efforts visant à interdire les mines terrestres antipersonnel, et a joué un rôle essentiel dans la formation des coalitions ayant permis de créer la Cour pénale internationale et d’interdire l’utilisation d’armes à sous-munitions et d’enfants soldats. Les informations recueillies par ses chercheurs et ses actions de plaidoyer ont également contribué à la condamnation du Libérien Charles Taylor, du Péruvien Alberto Fujimori et des dirigeants serbes de Bosnie du temps de la guerre en ex-Yougoslavie Radovan Karadzic et Ratko Mladic. Aujourd’hui, Human Rights Watch est très engagée dans la documentation et dans les efforts pour dénoncer les graves abus commis en Ukraine, au Myanmar, en Afghanistan, en Éthiopie, en Syrie et au Yémen, parmi les 100 pays dans lesquels elle effectue un travail régulier.
Kenneth Roth a commencé sa carrière dans le domaine des droits humains comme bénévole, travaillant les soirs et les week-ends tout en poursuivant sa carrière d’avocat et de procureur fédéral à New York. Il a rejoint Human Rights Watch en 1987 en tant que directeur adjoint. À l'époque, l'organisation était constituée de trois branches : Helsinki Watch, créée en 1978 pour soutenir les mouvements dissidents en Europe de l'Est ; Americas Watch, fondée en 1981 ; et Asia Watch, créée en 1985. Peu de temps après son arrivée, l'organisation a créé deux autres divisions, Middle East Watch et Africa Watch. Dès le début de son mandat, Roth a fait évoluer l'organisation vers une entité unique, en tant que Human Rights Watch.
Peu après son arrivée, des soulèvements populaires ont renversé des dictatures dans toute l’Europe de l’Est et l’Union soviétique s’est effondrée, ce qui a ouvert de nouvelles perspectives pour le mouvement de défense des droits humains. Mais alors que les citoyens des nouvelles démocraties européennes jouissaient de leurs libertés nouvellement acquises, des rivalités étouffées par des décennies de dictature ont refait surface. Quand Kenneth Roth a été nommé directeur exécutif en 1993, la Yougoslavie s’était désagrégée et la Bosnie était en proie à une guerre marquée par une campagne de nettoyage ethnique particulièrement brutale. Le génocide au Rwanda a suivi peu après.
Kenneth Roth a compris la nécessité de documenter en temps réel des atrocités, afin de générer une pression immédiate pour qu’il y soit mis fin. Cela a conduit à la création d’un groupe de chercheurs spécialement formés pouvant apporter un renfort immédiat aux chercheurs habituels de l’organisation en poste dans tel ou tel pays.
Kenneth Roth a également entrevu de nouvelles possibilités de traduire en justice les auteurs de violations des droits humains. Tandis que les chercheurs de Human Rights Watch documentaient de manière méticuleuse les abus, l’organisation plaidait auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui à l’époque était dans une phase plus coopérative, pour qu’il crée des tribunaux internationaux pour juger les auteurs de crimes de guerre dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda. Les recherches effectuées par Human Rights Watch ont été utilisées pour instruire certains dossiers, et des membres de ses équipes ont témoigné devant ces deux tribunaux de l’ONU. Human Rights Watch a également joué un rôle important dans la création de la Cour pénale internationale (CPI), résistant aux pressions du gouvernement des États-Unis qui cherchait à assurer l’immunité pour ses propres forces.
« La passion inébranlable de Ken pour la justice, son courage et sa compassion envers les victimes de violations des droits humains et de crimes atroces reflétaient non seulement son grand professionnalisme, mais aussi une profonde conviction personnelle », a déclaré Fatou Bensouda, ancienne Procureure de la CPI. « Il a été véritablement une grande source d'inspiration pour mes collègues et moi-même. »
Aujourd’hui, alors que d’horribles abus sont commis en Ukraine, toute une structure est en place pour faire rendre des comptes à leurs auteurs.
Kenneth Roth a également mis en place des équipes spécialisées pour répondre aux besoins de personnes marginalisées parmi divers groupes, notamment les femmes, les enfants, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), les réfugiés, les personnes handicapées et les personnes âgées. Roth a également supervisé le développement de programmes spécialisés sur la pauvreté et les inégalités, le changement climatique, la technologie, ainsi que la responsabilité sociale des entreprises. En outre, il a lancé un programme visant à aborder spécifiquement les droits humains aux États-Unis.
« Quand Ken Roth m’a succédé comme directeur exécutif de Human Rights Watch il y a près de 30 ans, j’avais travaillé avec lui assez longtemps pour savoir que l’organisation serait entre de bonnes mains », a déclaré Aryeh Neier, le premier directeur exécutif de Human Rights Watch, devenu par la suite président des Open Society Foundations. « Il a dépassé mes espérances. L’intégrité personnelle de Ken et son leadership ont été essentiels dans la transformation de Human Rights Watch en l’une des plus importantes institutions non gouvernementales au monde. »
Kenneth Roth a changé la façon dont Human Rights Watch mène ses activités de plaidoyer. À ses débuts, l'organisation se concentrait principalement sur la politique étrangère américaine. Roth a mondialisé les activités de plaidoyer de Human Rights Watch en établissant des bureaux à Bruxelles, à Londres, à Paris, à Berlin, à Stockholm, à Tokyo, à Sao Paulo, à Johannesburg et à Sydney. Il a également piloté le travail de plaidoyer auprès des Nations Unies, actuellement mené par des responsables de plaidoyer à New York et à Genève.
Après les attentats du 11 septembre 2001, Human Rights Watch a documenté et révélé l’utilisation de « sites noirs » (« black sites »), où des responsables américains interrogeaient et torturaient des individus suspectés de terrorisme. Sous l’impulsion de Kenneth Roth, Human Rights Watch a insisté auprès du gouvernement américain pour qu’il enquête et poursuive en justice les personnes responsables d’avoir donné ces ordres. Ultérieurement, le Sénat des États-Unis a publié son propre Rapport sur la Torture, dans lequel il confirmait les conclusions de Human Rights Watch et dénonçait le recours à la torture par la CIA.
« Ken Roth a transformé Human Rights Watch en un poids lourd dans le combat pour la justice », a déclaré Anthony Romero, directeur exécutif de l’American Civil Liberties Union (ACLU). « Il a inspiré toute une génération de défenseurs des droits humains qui se sont joints à la lutte pour un monde meilleur. Lors de la prétendue ‘guerre contre le terrorisme’, Ken s’est rendu à Guantanamo et a dénoncé avec perspicacité la farce que constituaient les procédés de la commission militaire. Aucune autre organisation et aucun autre leader n’ont eu un plus grand impact pour les droits humains à l’échelle mondiale. »
La stratégie de communication de Human Rights Watch a considérablement évolué sous Kenneth Roth. Au départ, l'organisation rédigeait des rapports. Au fil du temps, elle a également commencé à publier des rapports plus courts, dans des délais plus brefs ; elle a développé une forte capacité multimédia, de sorte que des vidéos, photos et graphiques accompagnent désormais régulièrement les publications et en constituent parfois la principale partie. Human Rights Watch a aussi adopté des stratégies de communication dynamiques sur les réseaux sociaux. L'organisation compte près de 14 millions d'abonnés sur les principales plateformes de réseaux sociaux. Kenneth Roth lui-même compte plus d'un demi-million d'abonnés sur Twitter.
Au cours de ses près de 30 ans à la tête de Human Rights Watch, Kenneth Roth a parcouru le monde, faisant pression sur les responsables gouvernementaux de tous bords pour respecter davantage les droits humains. Il a rencontré plus d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement, ainsi que d'innombrables ministres, et a effectué des voyages d'enquête ou de plaidoyer dans plus de 50 pays. Chaque fois qu'il le pouvait, il rencontrait également des communautés affectées par des violations des droits humains. Lors de ses premières années au sein de l'organisation, il a lui-même mené des enquêtes, notamment en Haïti, à Cuba, en Israël-Palestine, au Koweït après l'invasion irakienne et en Serbie après les bombardements américains. Ces dernières années, il a été particulièrement préoccupé par les atrocités commises pendant la guerre en Syrie, ainsi que par la répression exercée par le gouvernement chinois au Xinjiang.
Kenneth Roth s’est inévitablement fait beaucoup d’ennemis. Bien qu’étant juif (et ayant un père qui a fui l’Allemagne nazie à l’âge de 12 ans), il a été attaqué pour les critiques émises par Human Rights Watch a l’égard des abus commis par le gouvernement israélien. Le gouvernement rwandais a été particulièrement acerbe dans ses critiques de Roth après que Human Rights Watch, qui avait rendu compte de manière détaillée du génocide rwandais, eut également fait état d’atrocités et de répression sous le président Paul Kagame.
Le gouvernement chinois a infligé à Kenneth Roth des « sanctions », et l’a expulsé de Hong Kong lorsqu’il s’y est rendu à l’occasion de la publication officielle du Rapport mondial de Human Rights Watch en janvier 2020 ; ce rapport mettait en lumière la menace que fait peser Pékin sur le système mondial des droits humains. Kenneth Roth a répondu à ces critiques et à beaucoup d’autres en soulignant que l’organisation emploie les mêmes méthodes dans ses missions d’établissement des faits, et applique les mêmes principes de droits humains, dans tous les pays où elle travaille.
Kenneth Roth a rédigé de nombreux articles sur toute une série de questions relatives aux droits humains. En plus de la rédaction d’une introduction au Rapport mondial de Human Rights Watch tous les ans depuis 1990, il a publié plus de 300 articles, notamment dans le New York Times, le Washington Post, le Guardian, la New York Review of Books, Foreign Policy et Foreign Affairs.
Roth prévoit d’écrire un livre basé sur ses expériences personnelles sur les stratégies les plus efficaces pour défendre les droits humains. « Je quitte Human Rights Watch, mais je n’abandonne pas la cause des droits humains », a-t-il expliqué.
Human Rights Watch va mener un recrutement ouvert pour trouver un successeur à Kenneth Roth. Entretemps, Tirana Hassan, directrice des Programmes, sera nommée directrice exécutive par intérim.
« C’est la clarté de vision de Ken qui m’a amenée à rejoindre Human Rights Watch », a déclaré Amy Rao, co-présidente du Conseil d’administration de Human Rights Watch. « Soutenir Ken et cette organisation a été l’un des grands honneurs de ma vie. Nous sommes déterminés à nous doter d’un nouveau dirigeant qui s’appuiera sur l’héritage laissé par Ken, et mènera Human Rights Watch vers l’avenir en partenariat avec d’autres organisations afin de défendre et de protéger les droits humains dans le monde entier. »
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