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Ukraine : Les médias sociaux internationaux devraient donner la priorité aux droits humains

Human Rights Watch a publié un document « questions-réponses » sur les responsabilités des médias sociaux et des plateformes de messagerie

Une manifestante filme une manifestation en direct à l'aide de son smartphone à Cracovie, en Pologne, le 27 février 2022. © 2022 Filip Radwanski/SOPA Images/Sipa via AP Images

(New York) – Les sociétés de médias sociaux et de services de messagerie devraient aller beaucoup plus loin pour assumer leurs responsabilités relatives aux droits humains en Ukraine et dans d’autres crises et conflits du monde entier, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, des entreprises comme Meta, Google, TikTok et Twitter ont annoncé de nombreuses mesures qui pour la plupart visent à lutter contre la désinformation nocive. Elles ont ajouté des labels signalant les médias gouvernementaux ou proches des gouvernements, ou les ont bloqués, et introduit des mesures de sécurité supplémentaires. Même s’il est trop tôt pour évaluer pleinement l’efficacité de ces actions, des informations rapportées indiquent déjà que les mesures visant à lutter contre la désinformation nocive et les fausses informations ne sont pas suffisantes, soulevant d’importantes questions et préoccupations : ces sociétés satisfont-elles à leurs obligations en matière de droits humains ?

« Même si la plupart des grandes plateformes de médias sociaux se sont précipitées pour émettre des communiqués et décréter des mesures d’urgence, la guerre en Ukraine a mis au jour ce que Human Rights Watch et d’autres documentaient depuis des années », a déclaré Deborah Brown, chercheuse senior sur les droits numériques à Human Rights Watch. « De façon chronique, les entreprises n’ont pas suffisamment investi dans les aspects relatifs aux droits humains dans de nombreux pays où les gens comptent sur leurs produits et services, l’Ukraine ne faisant pas exception. »

Afin d’expliquer les obligations vis-à-vis des droits humains des sociétés technologiques en contexte de crise, Human Rights Watch a publié un document « questions-réponses » intitulé « Russia, Ukraine, and Social Media and Messaging Apps » (« Russie, Ukraine, médias sociaux et applications de messagerie »). Ce document détaille ce que ces entreprises ont fait en Ukraine, avant et pendant la crise, et dans quelle mesure elles ont rempli leur responsabilité de respect des droits humains. Il expose le contexte des actions et des inactions de ces sociétés dans le cadre d’autres conflits et émet des recommandations sur la façon dont elles devraient satisfaire à leurs obligations relatives aux droits humains au cours des guerres et des crises.

Une conclusion qui se dessine clairement est que les sociétés devraient faire preuve de davantage de clarté, de cohérence et de transparence afin que leurs actions puissent être évaluées à l’aune de leurs responsabilités en matière de droits humains, qui s’appliquent quel que soit le lieu où leurs services sont utilisés.

L’invasion de la Russie a mis en lumière le manque d’investissement et de transparence de ces entreprises en Ukraine par le passé, a déclaré Human Rights Watch. Dès 2015, il était rapporté que le précédent président ukrainien avait demandé à Facebook d’empêcher le Kremlin de diffuser de fausses informations sur le réseau social, qui d’après lui était en train de mobiliser des soutiens en faveur de l’occupation de régions d’Ukraine par la Russie. En septembre 2021, le ministre ukrainien de la Transformation numérique a demandé aux responsables de Google, dans la Silicon Valley, d’effectuer leur modération des contenus depuis l’Ukraine et non pas depuis la Russie.

Human Rights Watch a écrit à Google le 9 mars, demandant si ses modérateurs de contenus pour l’Ukraine étaient toujours basés en Russie et s’ils avaient un bureau en Ukraine. Google n’a pas encore répondu.

Dans une contribution relative à un rapport d’avril 2021 de la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la liberté d’expression, l’Ukraine affirmait que « les mesures prises par les sociétés de médias sociaux, les pratiques de blocage des faux profils et les activités des vérificateurs de faits, n’étaient que partiellement efficaces ». L’Ukraine faisait remarquer que pour que les efforts de ces sociétés visant à combattre la désinformation atteignent leur but, il fallait « un plus grand degré de transparence ».

En vertu des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les sociétés ont la responsabilité de respecter les droits humains et de remédier à leur violation. Elles ont l’interdiction de porter atteinte aux droits humains et l’obligation de prendre des mesures pour réduire les impacts indésirables découlant directement de leurs pratiques ou opérations. Les actions des entreprises devraient répondre aux normes internationales relatives aux droits humains, être menées de façon transparente et responsable et appliquées de manière cohérente et non arbitraire.

Afin d’évaluer correctement si les sociétés respectent les droits humains, il est urgent et indispensable de laisser des chercheur·se·s indépendant·e·s accéder aux données, entre autres dans les domaines de la désinformation relative aux droits humains, du discours de haine et de l’incitation à la violence, tout en protégeant la vie privée des usagers, a déclaré Human Rights Watch.

De nombreuses mesures prises par les sociétés de médias sociaux au cours de la guerre en Ukraine, comme la suppression de comptes, le blocage géographique de chaînes des médias proches des gouvernements ou le fait de retirer ou de rétrograder des contenus, ont des répercussions sur la liberté d’expression. Les sociétés doivent pouvoir démontrer en quoi ces actions se conforment aux normes relatives aux droits humains, notamment si les restrictions de l’expression sont nécessaires et proportionnées par rapport à un but légitime et si elles sont équitables du point de vue procédural.

Afin d’éviter les décisions arbitraires, biaisées ou sélectives, les entreprises devraient ne prendre que des mesures fondées sur les processus clairs, établis et transparents, a estimé Human Rights Watch.

Les plateformes de médias sociaux et autres hébergeurs de contenu qui suppriment des publications, particulièrement au cours d’une crise, devraient également préserver et archiver les contenus qui pourraient avoir une valeur de preuve par rapport à des atteintes aux droits humains, tout en garantissant la vie privée et la sécurité des personnes vulnérables.

« Depuis des années et dans de nombreux pays du monde, y compris en Ukraine, les sociétés technologiques ont dû gérer des conflits qui envahissent leurs plateformes et se jouent à travers elles », a conclu Deborah Brown. « Le conflit en Ukraine souligne qu’il est d’une importance vitale qu’elles prennent leurs responsabilités au sérieux et qu’elles y consacrent les ressources nécessaires afin de s’assurer que leurs produits ne facilitent ou ne contribuent pas aux abus et aux atteintes, quel que soit le lieu où les gens les utilisent. »

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