(Genève, le 9 décembre 2021) - Les conséquences cruelles des armes incendiaires justifient la révision et le renforcement des règles juridiques internationales régissant leur utilisation, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les pays décideront s’il y a lieu d’entamer des discussions sur ces armes lors d’une réunion des États parties à la Convention sur certaines armes classiques (CCAC), un important traité de désarmement, qui s’ouvrira aux Nations Unies à Genève le 13 décembre 2021.
« Les gouvernements devraient répondre aux appels de plus en plus nombreux en faveur de la prévention de nouvelles souffrances humaines causées par les armes incendiaires », a déclaré Bonnie Docherty, chercheuse senior auprès de la division Armes de Human Rights Watch et Directrice associée du Département des conflits armés et de la protection des civils à la Clinique des droits humains internationaux de Harvard Law School. « Renforcer le droit international régissant les armes qui causent des brûlures exceptionnellement graves est une nécessité juridique, un impératif humanitaire et un objectif à notre portée ».
En novembre, des professionnels de santé et des organisations de survivants de brûlures ont rejoint les soutiens d’une action forte sur les armes incendiaires par le biais d’une lettre ouverte aux gouvernements.
Human Rights Watch mettra en lumière les arguments humanitaires qui sous-tendent ces appels lors d’un webinaire qui se tiendra le vendredi 10 décembre à 14 heures CET. Parmi les partcipant·e·s figureront Kim Phuc, une survivante d’une attaque au napalm que l’on voit fuir sur une célèbre photographie de la guerre du Vietnam ; ainsi que Dr Rola Hallam, une femme médecin anglo-syrienne qui a traité des victimes d’armes incendiaires en Syrie ; et Roos Boer, un chercheur de l’organisation pacifiste néerlandaise PAX, qui présentera un nouveau rapport sur le désinvestissement des industries des armes incendiaires.
Les armes incendiaires produisent de la chaleur et du feu par réaction chimique d’une substance inflammable. Au cours des 15 dernières années, Human Rights Watch a documenté les dommages causés aux civils par l’utilisation d’armes incendiaires en Afghanistan, à Gaza, en Irak, en Syrie, en Ukraine et au Yémen.
Les armes incendiaires infligent des brûlures atroces, qui consument parfois les chairs jusqu’à l’os, et peuvent causer des dommages respiratoires, des infections, des états de choc et des lésions d’organes, entraînant des conséquences physiques et psychologiques à long terme. Les armes incendiaires déclenchent également des incendies qui peuvent détruire des habitations, endommager les infrastructures essentielles et les cultures, et décimer le bétail.
Le Protocole III à la Convention sur certaines armes classiques réglemente l’utilisation des armes incendiaires, mais sa capacité à protéger les civils a été minée par une double lacune. Premièrement, il interdit l’utilisation d’armes incendiaires parachutées dans des zones civiles, mais autorise, dans certaines circonstances, l’utilisation de versions de ces armes lancées depuis le sol. Cette distinction arbitraire ne tient pas compte des dommages causés par les armes incendiaires quel que soit leur mode de lancement.
Deuxièmement, la définition du Protocole III n’englobe pas le phosphore blanc ou d’autres munitions « essentiellement conçues » pour créer des écrans de fumée ou signaler la présence de soldats, mais qui produisent des effets incendiaires tout aussi abominables. Les munitions au phosphore blanc peuvent brûler jusqu’à l’os, ou encore couver à l’intérieur du corps humain et se rallumer quand les bandages sont retirés.
« Les pays devraient combler les lacunes qui ont limité l’efficacité du droit international sur les armes incendiaires », a déclaré Bonnie Docherty. « Une interdiction complète des armes incendiaires permettrait d’obtenir une plus forte stigmatisation avec des avantages humanitaires considérables ».
Lors de la sixième conférence d’examen de la CCAC, qui se tiendra du 13 au 17 décembre, les pays participants décideront s’il convient de faire le premier pas et de lancer un processus d’évaluation de l’adéquation du Protocole III face aux preuves des dommages causés aux civils par l’utilisation d’armes incendiaires en Syrie et ailleurs. Lors de la dernière réunion annuelle des États parties à la CCAC en 2019, la Russie a réussi à bloquer une proposition visant à examiner le statut et le fonctionnement du Protocole III.
Vingt-trois États, ainsi que l’Union européenne et le Comité international de la Croix-Rouge, ont fait part à ce jour de leurs préoccupations concernant les armes incendiaires depuis la dernière conférence d’examen quinquennale, en 2016. La plupart d’entre eux ont demandé que les distinctions arbitraires et obsolètes du Protocole III soient supprimées.
Avant la Conférence d’examen de 2021, plus de 50 professionnels de santé, groupes de survivants de brûlures et organisations médicales de 11 pays ont exprimé leur opposition à « toute utilisation d’armes incendiaires en raison du mal atroce qu’elles causent » et ont exhorté les gouvernements à « réexaminer et renforcer la législation existante (…) afin d’empêcher que ces armes cruelles ne causent davantage de souffrances humaines ».
Les signataires de cet appel, qui ont soit traité (en tant que professionnels de la santé), soit subi eux-mêmes des brûlures (en tant que victimes d’attaques), ont ont une compréhension unique du type de souffrance causé par les armes incendiaires. Ils apportent une nouvelle voix aux discussions et s’expriment avec une autorité supplémentaire lorsqu’ils déclarent que « régler la question des armes incendiaires au niveau international est un impératif humanitaire », ont déclaré Human Rights Watch et la Harvard Human Rights Clinic.
L’une des signataires de l’appel, Dr Rola Hallam, qui a traité les victimes d’une attaque à l’arme incendiaire contre une école syrienne, a déclaré : « Les armes incendiaires créent des handicaps profonds et permanents, et le système médical [dans les zones de conflit] n’est pas équipé pour y faire face ».
Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en octobre, dix organisations non gouvernementales ont appelé les pays à condamner l’utilisation d’armes incendiaires et à renforcer le droit international afin d’éviter de nouveaux dommages et de nouvelles souffrances.
« Accepter d’entamer des discussions sur les armes incendiaires devrait être une décision facile à prendre pour la Conférence d’examen de la CCAC », a conclu Bonnie Docherty. « Tout pays qui s’opposerait à cette démarche laisserait non seulement des considérations politiques l’emporter sur les préoccupations humanitaires, mais soulèverait aussi des questions sur la viabilité de la convention elle-même ».
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