Deux membres d’Ansaroul Islam, groupe armé islamiste opérant au Burkina Faso, ont récemment été condamnés à 20 ans de prison pour avoir attaqué une école primaire en 2018. Des victimes de cette attaque ont salué le verdict qui a constitué l’un des rare cas lors desquels des auteurs d’une attaque visant le secteur de l’éducation ont été tenus responsables de leurs actes. Toutefois, les poursuites ont été marquées par plus de trois ans de détention provisoire, et des observateurs du procès ont signalé que les accusés n’avaient pas été informés devant le tribunal de leur droit à un avocat conformément à la loi. Dans le cadre des efforts menés par les gouvernements pour éradiquer les violences à l’encontre du secteur de l’éducation, la responsabilisation ne devrait pas se faire aux dépens de l’équité juridique.
« C’est une bonne chose de tenir ces procès », m’a affirmé l’ancien directeur de l’école après le verdict. Il avait raconté auparavant comment six hommes armés s’étaient introduits dans l’école, lui avaient bandé les yeux, lui avaient donné un coup de pied à la tête, lui avaient volé ses affaires et avaient réduit sa maison en cendres. Human Rights Watch a documenté des vingtaines d’autres attaques au cours desquelles des groupes armés islamistes ont tué, battu et enlevé des professionnels de l’éducation, incendié et pillé des écoles, et terrorisé des élèves.
Il est extrêmement rare que les auteurs d’attaques contre des élèves, des enseignants et des écoles soient tenus responsables. Human Rights Watch n’a recensé que quelques poursuites de ce type dans le monde, bien qu’il existe depuis des siècles des mesures explicites de protection juridique des élèves et des écoles en temps de guerre.
À travers la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, engagement politique intergouvernemental avalisé par le Burkina Faso et 110 autres pays, les gouvernements s’engagent à enquêter sur les violations du droit international et national commises à l’encontre des établissements scolaires et du personnel éducatif, et à poursuivre les auteurs en justice.
Au Burkina Faso, les attaques de groupes armés contre des civils, y compris dans le secteur de l’éducation, se perpétuent. Les procès peuvent jouer un rôle dissuasif, mais ils doivent se faire dans le respect de la légalité et être pleinement conformes aux normes internationales d’équité. En obligeant des auteurs de l’attaque de 2018 à répondre de leurs actes, les autorités burkinabés ont fait savoir que les atteintes ciblant le personnel enseignant, les élèves et les écoles sont lourdes de conséquences devant la loi.
Il est également crucial que le gouvernement vienne en aide aux victimes, conformément à l’un des engagements pris en vertu de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles. Les personnes ayant survécu à des attaques contre le secteur de l’éducation au Burkina Faso, telles que l’ancien directeur d’école, ont déclaré avoir terriblement besoin de soutien psychosocial et d’indemnisation pour les pertes subies. « C’est très difficile pour moi », nous a-t-il dit. « Je continue à enseigner, mais je ne peux pas oublier. »
Le 9 septembre, à l’occasion de la Journée internationale pour la protection de l’éducation contre les attaques, tous les gouvernements devraient s’engager à redoubler d’efforts pour protéger les élèves, le personnel enseignant et les écoles contre tout abus, et pour garantir justice et soutien aux victimes.
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