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Présentation de HRW à la 61e Session ordinaire de la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

Point 5 de l’ordre du jour : Situation des droits humains en Afrique

Madame la Présidente, mesdames et messieurs les commissaires et les délégués des chefs de gouvernement :     

Wendy Isaack, chercheuse à Human Rights Watch, fait une présentation devant la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, à Banjul, en Gambie, le 6 novembre 2017. © 2017 Privé

Human Rights Watch salue l’opportunité qui lui est donnée de s’adresser à la Commission africaine dans ce point de l’ordre du jour. 

Madame la Présidente, la situation générale des droits humains dans une grande partie de l’Afrique reste préoccupante. Cependant, dans le cadre de cette allocution, Human Rights Watch se concentrera sur les problématiques de droits humains urgentes concernant le Rwanda et la République démocratique du Congo.

Rwanda

Suite aux élections présidentielles de 2017, remportées par le président sortant Paul Kagame avec un score annoncé de 98,79 pour cent des voix, les conditions ne sont pas réunies pour les voix et l’activisme politiques indépendants. Pendant les préparatifs de l’élection ainsi que lors du scrutin, nous avons observé de nombreuses violations du droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion dans le pays. Les opposants politiques qui ont osé remettre en cause le statu quo sont maintenant en prison et des journalistes ont été menacés.

Au cours des 12 dernières années au moins, les autorités rwandaises ont arrêté des personnes pauvres dans les rues, les détenant arbitrairement dans des « centres de transit » (également appelés « centres de réhabilitation ») dans tout le pays, en violation de la loi rwandaise. Les conditions dans ces centres sont souvent inhumaines – de nombreux détenus ont été battus – et reflètent la perception du gouvernement qui voit certains groupes de personnes comme des sources de nuisance sociale ou des petits délinquants, plutôt que comme des victimes ou des personnes vulnérables.

Des dizaines d’individus suspectés de collaborer avec les « ennemis » du gouvernement rwandais ont été détenus arbitrairement et torturés dans des centres de détention militaires par des soldats de l’armée rwandaise et des agents des services de renseignements de 2010 à 2017. Certaines de ces personnes ont été détenues dans des lieux inconnus, y compris au secret, pendant des périodes prolongées et dans des conditions inhumaines.

En octobre, le Sous-comité pour la prévention de la torture, un organisme de surveillance du Protocole facultatif à la Convention contre la torture, ratifié par le Rwanda en 2015, a effectué une visite officielle. Il a dû suspendre sa visite et partir plus tôt que prévu, mentionnant une obstruction de la part du gouvernement rwandais et une crainte de représailles envers les personnes interrogées. Ce n’était que la troisième fois en 10 ans que le Sous-comité suspendait une visite.

Les forces de sécurité étatiques au Rwanda ont procédé à l’exécution sommaire d’au moins 37 personnes soupçonnées de petite délinquance et en ont fait disparaître de force quatre autres dans la province de l’Ouest du Rwanda entre juillet 2016 et mars 2017. La plupart des victimes étaient accusées d’avoir volé des objets, comme des bananes, une vache ou une moto. D’autres étaient suspectées de faire du trafic de marijuana, d’avoir franchi illégalement la frontière depuis la République démocratique du Congo ou d’utiliser des filets de pêche illégaux. Sur ce problème et d’autres, plutôt que d’engager le dialogue avec nous, le gouvernement du Rwanda a employé une méthode habituelle pour faire face aux critiques. Des responsables du gouvernement ont menacé, intimidé, voire arrêté des membres des familles des victimes qui ont osé dénoncer les meurtres de leurs proches. Le gouvernement a aussi attaqué Human Rights Watch et a cherché à discréditer son travail, conduisant à une série d’allégations désobligeantes et infondées contre notre personnel de la part de responsables du gouvernement et de parlementaires.

  • Conformément à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, nous demandons instamment l’ouverture immédiate d’une enquête sur les cas d’exécutions extrajudiciaires, de détention arbitraire et de torture.
  • Nous exhortons respectueusement la Commission à maintenir des exigences et une pression fortes en faveur de la responsabilisation pour ces violations des droits humains et d’autres.

République démocratique du Congo

Les violences politiques et la répression du gouvernement se sont intensifiées en 2017, lorsque le président Joseph Kabila est resté au pouvoir au-delà de la limite des deux mandats autorisés par la Constitution arrivant à leur terme le 19 décembre 2016. Alors que les autorités ont délibérément paralysé les plans pour l’organisation des élections, les responsables du gouvernement et les forces gouvernementales ont systématiquement cherché à faire taire, réprimer et intimider l’opposition politique, les défenseurs des droits humains et les activistes pro-démocratie, les journalistes et les manifestants pacifiques. En parallèle, les forces de sécurité gouvernementales et de nombreux groupes armés ont commis des attaques d’une rare violence contre des civils dans le pays, avec des conséquences humanitaires catastrophiques. Davantage de personnes ont été déplacées en interne en République démocratique du Congo en 2017 que dans tout autre pays d’Afrique et davantage d’écoles ont été attaquées en RD Congo en 2017 que dans tout autre pays du monde.

Les forces de sécurité ont tué au moins 171 personnes pendant les manifestations organisées dans le pays en 2015 et 2016 contre les tentatives de Kabila pour prolonger ses fonctions présidentielles. Les forces de sécurité ont également tué au moins 90 personnes dans le cadre d’une répression contre les membres de la secte politico-religieuse Bundu dia Kongo (BDK) dans les provinces de Kinshasa et du Kongo Central en janvier, février et août 2017. Certains des membres de BDK ont aussi eu recours à la violence, tuant plusieurs agents de police.

Pendant l’année 2017, les responsables du gouvernement et les forces de sécurité ont interdit de manière répétée et systématique les manifestations de l’opposition, ont fait fermer des médias et ont empêché les leaders de l’opposition de se déplacer librement. Ils ont emprisonné des centaines de leaders et de partisans de l’opposition, de journalistes, de défenseurs des droits humains et d’activistes pro-démocratie. Beaucoup ont été détenus dans des établissements de détention secrets, sans chefs d’inculpation ni visites de leurs familles ou de leurs avocats. D’autres ont été jugés pour de fausses accusations.

Les autorités ont également empêché des journalistes internationaux et congolais de faire leur travail, notamment en les arrêtant, en leur interdisant l’accès ou en confisquant leurs équipements et en effaçant les enregistrements. Près de 40 journalistes ont été détenus en 2017. Le gouvernement a fait fermer des médias congolais et a périodiquement restreint l’accès aux réseaux sociaux. En août, les autorités ont mis fin au brouillage de neuf mois du signal de Radio France Internationale (RFI) à Kinshasa, mais elles ont refusé de renouveler l’accréditation des correspondants internationaux de RFI et de Reuters en RD Congo.

Depuis août 2016, les violences impliquant les forces de sécurité congolaises, des milices soutenues par le gouvernement et des groupes armés locaux ont fait près de 5 000 morts dans la région des Kasaï dans le sud du pays. Environ 1,4 million de personnes ont été déplacées de leurs foyers, dont 30 000 réfugiés qui ont fui en Angola. Près de 90 fosses communes ont été découvertes dans la région ; on estime que la majorité d’entre elles contiennent les corps des civils et des militants tués par les forces de sécurité gouvernementales qui ont eu recours à une force excessive contre des membres ou des sympathisants de milice présumés.

  • Nous demandons instamment à la Commission d’appeler publiquement à une transition démocratique pacifique en RD Congo afin de contribuer à prévenir les violences, la répression et l’instabilité à l’avenir, qui pourraient avoir des répercussions potentiellement désastreuses dans la sous-région.
  • Nous prions la Commission de faire pression sur les autorités congolaises pour qu’elles ouvrent l’espace politique, notamment en libérant les prisonniers politiques et en autorisant les manifestations pacifiques, et pour qu’elles collaborent pleinement avec les enquêtes internationales en cours sur les abus perpétrés dans la région des Kasaï.
  • Enfin, nous exhortons la Commission à mener une enquête indépendante sur la répression à l’encontre de manifestants pacifiques et sur les arrestations arbitraires, motivées par des raisons politiques, de défenseurs des droits humains, d’activistes pro-démocratie et de partisans de l’opposition en RD Congo, et à contribuer à ce que les auteurs de ces violations soient traduits en justice de manière appropriée.

Je vous remercie.

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