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Philippines : L’inefficacité des politiques gouvernementales aggrave l’épidémie de VIH

Le Président Duterte devrait améliorer l’accès aux préservatifs pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes

(Manille) – En recourant à des politiques restreignant les interventions qui pourraient prévenir la transmission du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, le gouvernement des Philippines ne fait qu’aggraver l’épidémie croissante de VIH, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.

Le rapport de 46 pages, intitulé « Fueling the Philippines’ HIV Epidemic: Government Barriers to Condom Use by Men Who Have Sex With Men » (« L’épidémie de VIH aux Philippines est accentuée par les entraves du gouvernement à l’utilisation de préservatifs par les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes ») fait état de l’échec des gouvernements locaux et national philippins dans la résolution de la prévalence croissante du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes.

Un homme allume une bougie en hommage aux victimes du sida, lors d’un rassemblement tenu le 1er décembre 2012 à Manille, aux Philippines, à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le sida. © 2012 AP Photo/Bullit Marquez


Les Philippines font face à l’une des épidémies de VIH les plus rapides dans la région Asie-Pacifique. D’après les statistiques officielles, la prévalence du VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes a été multipliée par dix ces cinq dernières années. L’enseignement national sur les méthodes efficaces de prévention du VIH est inexistant et les lois interdisent l’accès aux préservatifs et le dépistage du VIH aux moins de 18 ans sans accord parental. Ces facteurs contribuent à l’aggravation de l’épidémie chez les adolescents entreprenant des pratiques homosexuelles.

« Le Président Rodrigo Duterte a récupéré un lourd héritage de politiques contre-productives des administrations précédentes ; celles-ci contribuent à l’accroissement alarmant des infections par le VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes », a déclaré Carlos H. Conde, chercheur aux Philippines pour Human Rights Watch. « Ce n’est pas sorcier de limiter la transmission du VIH. Pour cela, il faut néanmoins que le gouvernement de Rodrigo Duterte mette en place un programme de prévention du VIH et élimine les obstacles à l’accès aux préservatifs et au dépistage du VIH afin que les jeunes Philippins, en particulier les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, puissent se protéger d’une maladie qui peut autrement être évitée. »

Bien que le gouvernement philippin ait établi des politiques efficaces contre l’explosion du VIH chez les travailleurs sexuels dans les années 1990, il n’est pas parvenu à adapter ses stratégies préventives au déplacement de l’épicentre de l’épidémie. Alors que les rapports du ministère de la Santé indiquent que 81 % des cas de VIH enregistrés depuis 1984 concernent des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, le gouvernement a omis d’orienter les mesures de prévention du VIH vers ce groupe.

Au lieu de cela, les politiques du gouvernement ont dressé des obstacles à l’accès aux préservatifs et au dépistage du VIH, a expliqué Human Rights Watch. En janvier 2015, le Sénat a réduit le budget du ministère de la Santé destiné aux fournitures de planning familial de 1 milliard de pesos (environ 21 millions de dollars US). Les médecins ont prévenu que, si le Sénat ne rétablissait pas les fonds nécessaires, les cliniques du gouvernement risqueraient d’épuiser leurs stocks de préservatifs d’ici le début de l’année 2017. Les gouvernements locaux des villes de Balanga et de Sorsogon ont émis des directives interdisant aux cliniques du gouvernement d’acheter et de distribuer des produits contraceptifs, y compris des préservatifs.



Ces restrictions reflètent l’influence des forces conservatrices au sein le gouvernement aux niveaux national et locaux, mues par l’autorité sous-jacente de l’Église catholique. Le pourcentage de catholiques dans la population philippine est estimé à 80 %. Or la Conférence des évêques catholiques des Philippines, qui a affirmé en 2015 que les Philippins qui contractent le VIH sont les produits de « familles brisées, dysfonctionnelles », a depuis longtemps une influence obstructionniste sur les politiques de santé et d’éducation du gouvernement.

En dépit de lois nationales rendant l’éducation sexuelle obligatoire, le gouvernement philippin n’a pas fourni de programmes éducatifs adéquats sur les pratiques sexuelles sans risque. La majorité des écoles privées et publiques ne proposent aucun cours d’éducation sexuelle ou d’instructions sur les méthodes de prévention des infections sexuellement transmissibles par l’utilisation de préservatifs. La promotion et le marketing commercial des préservatifs ne tiennent pas compte des hommes ayant des rapports avec d’autres hommes et sont axés sur les couples hétérosexuels au lieu des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres (LGBT).

Les politiques restreignant l’accès aux préservatifs menacent la santé publique, a déclaré Human Rights Watch. Le droit international oblige les États à assurer l’accès aux préservatifs et aux services liés à la prévention du VIH en vertu du droit humain au meilleur état de santé qu’il est possible d’atteindre. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par les Philippines en 1974, ordonne aux gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour la « prophylaxie et le traitement des maladies épidémiques… ainsi que la lutte contre ces maladies », y compris le VIH/SIDA.

Lors de la campagne électorale présidentielle, Rodrigo Duterte s'est prononcé en faveur de l'amélioration des droits des personnes LGBT, ce qui, l’espèrent les militants pour les droits des LGBT, s’étendra aux politiques nécessaires pour lutter contre l’épidémie de VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Duterte s’est aussi engagé à améliorer « les compétences professionnelles et les capacités fonctionnelles » des services de soins de santé publics.



Le secrétaire philippin de la Santé, Paulyn Ubial, a annoncé le 2 décembre que le ministère de la Santé commencera à distribuer des préservatifs dans les écoles aux Philippines en 2017, afin d’endiguer la hausse du nombre d’infections par le VIH parmi les jeunes, et envisage également de distribuer des trousses de dépistage du VIH par le biais d’autotests. Il s’agit d’initiatives positives si le gouvernement peut s'assurer que de telles distributions pourront être effectuées dans des conditions non stigmatisantes qui encouragent les jeunes à en faire usage s’ils le souhaitent, au lieu de les en dissuader. Le ministère de la Santé a également annoncé une initiative visant à encourager les parents à fournir à leurs enfants, chez eux, un enseignement sur les pratiques sexuelles sans danger, sans toutefois aborder la question de la nécessité d’une telle éducation systématique dans les écoles aux Philippines

« Le gouvernement Duterte a une occasion en or de remédier aux erreurs légales et politiques des administrations précédentes en mettant en place des interventions éprouvées à faible coût et peu techniques qui peuvent contribuer à enrayer l’épidémie de VIH nationale chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes », a déclaré Carlos H. Conde. « S’il n’y parvenait pas, cela ne ferait qu’accroître le nombre déjà alarmant de nouvelles infections par le VIH chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. »

Extraits de témoignages cités dans le rapport
« Je suppose que si l’épidémie explosait chez les mères et les enfants, par exemple, nous obtiendrions une réponse différente du gouvernement. Toutefois, comme l’épidémie est concentrée chez les [hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes], [le gouvernement] reste indifférent. Cela se produit tout le temps avec le gouvernement : "si cela touche les homosexuels, mettons-nous simplement à leur recherche, faisons-leur suivre des tests, répertorions ceux qui sont positifs et ainsi nous pourrons suivre leurs mouvements et leurs comportements." La plus grande difficulté est la stigmatisation. »
– Jonas Bagas, militant LGBT et VIH/SIDA, avril 2016

« Je n’utilisais jamais de préservatifs, car je ne savais pas ce que c’était. Je ne savais pas ce qu’était le sexe sans risque. »
–Nathan, 24 ans, homosexuel séropositif, San Mateo, mai 2016

« Ces hommes qui entretiennent des rapports sexuels avec d’autres hommes sont heureux qu’il existe des ONG qui distribuent des préservatifs gratuitement, car nous avons découvert qu’ils n’osent pas acheter de préservatifs dans des magasins même s’ils sont littéralement à portée de main. En fait, quand ils achètent dans une pharmacie, les employés et les caissiers ne peuvent pas s’empêcher de les regarder comme s’ils avaient fait quelque chose de mal. Ils se sentent jugés à chaque fois qu’ils doivent acheter des préservatifs dans un magasin. »
–Chard, éducateur de pairs, CebuPlus, Cebu, mai 2016

« Le message sur les préservatifs n’a pas changé. On continue de dire au public : "Abstenez-vous ! Soyez fidèles !" Ça ne fonctionne pas. »
–Mara Quesada, directrice exécutive, Achieve, Quezo, mai 2016

« Le préservatif est un produit sensible, il faut donc [le commercialiser] différemment. Il ne s’agit pas que du produit, mais d’empathie pour les gens et le problème. S’il n’y a qu’un homme [dans une publicité], tout va bien. S’il y a deux hommes, cela devient problématique si la scène a lieu dans une chambre, ou s’ils sont sentimentaux. »
–Digna D. Santos, directrice exécutive, Ad Standards Council, Makati, avril 2016

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