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Les élections générales en Turquie ont vu le soutien au Parti Justice et Développement (AKP) chuter de 50 % en 2011 à 41 % aujourd’hui. L’AKP n’aura pas la majorité requise pour instaurer un système présidentiel complet, comme le souhaitait le président Recep Tayyip Erdoğan, puisqu’un tel système lui aurait octroyé davantage de pouvoir. Le Parti démocratique du peuple (HDP), un parti pro-kurde de gauche, a enregistré dans le même temps un score particulièrement élevé.

Erdoğan a été au cœur de la campagne de l’AKP, jouant le rôle de président de parti et abandonnant toute prétention d’être « au-dessus de la politique », comme d’autres présidents l’avaient fait avant lui. La atteintes commises par le gouvernement à la liberté de la presse et à l’État de droit, qui ont mis à mal le bilan de la Turquie en matière de respect des droits humains, étaient flagrantes pendant la campagne elle-même. Le président a ainsi menacé le rédacteur en chef d’un journal de prison à perpétuité pour avoir traité d’un sujet que le gouvernement préférait taire. De la même manière, des juges et procureurs généraux ayant émis des décisions qui déplaisaient au gouvernement ont été emprisonnés et accusés de fomenter un coup d’Etat et de terrorisme.

Le résultat le plus frappant est celui enregistré par Parti démocratique du peuple (HDP), qui a remporté 13 % des voix. Ce parti a franchi l’un des principaux obstacles à un système politique équitable en Turquie : la barre des 10 % des voix, en-dessous de laquelle le parti n’est pas représenté au Parlement et des millions d’électeurs sont dépossédés de toute représentation. Réduire ce seuil devrait être une priorité pour le nouveau gouvernement.

Le HDP a réalisé ce bon score malgré l’attentat à la bombe de deux de ses bureaux électoraux et une multitude d’autres attaques perpétrées pendant la campagne. Deux jours avant le scrutin, des bombes ont explosé lors d’un rassemblement à Diyarbakır, un fief kurde, causant la mort de trois militants et blessant de nombreux autres. L’une des images les plus marquantes de ces élections restera celle des survivants de ces attentats, membres plâtrés et têtes bandées, déposant leurs bulletins dans les bureaux de vote de Diyarbakır.

À l’avenir, la présence renforcée du HDP au Parlement devrait contribuer à la mise en place d’un processus de paix durable avec les Kurdes, processus dans lequel la garantie des droits humains des Kurdes et de toute la population turque prendra une place prédominante. Mettre fin à l’application abusive des lois anti-terroristes et à l’emprisonnement d’opposants pour leur engagement politique, la participation à des manifestations ou avoir exprimé leur point de vue par écrit devrait être l’une des premières étapes de ce processus.

Des discussions intenses sont en cours concernant la formation de la future coalition gouvernementale. Il est trop tôt pour prédire ce qu’il en découlera. Cependant, le résultat de cette élection prouve la nature dynamique de la société turque qui se montre, à de nombreux égards, plus avancée que les leaders politiques du pays – une société prête à voter pour un paysage politique plus inclusif et pluraliste, et opposée à une plus grande concentration du pouvoir entre les mains du président.

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