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Par Nicholas Bequelin

Tribune parue sur le site Rue89.com le 9/22/13.

La peine de prison à vie qui a été infligée ce dimanche à Bo Xilai, l’ancien membre du Bureau politique du Parti communiste chinois (PCC) et ancien Secrétaire du PCC à Chongqing accusé de détournement de fonds et d’abus de pouvoir, est le résultat d’un procès politique.

Un procès qui débouche sur un triple échec :

  • il n’est pas parvenu à offrir un cadre légal correct à Bo,
  • il n’est pas parvenu à rendre la justice pour ses victimes,
  • il n’est pas parvenu à présenter au public chinois la vérité sur ses abus de pouvoir.

Bo a eu la possibilité inhabituelle de contester les accusations portées contre lui – un privilège dont bénéficient très peu d’accusés en Chine – et des retranscriptions partielles des trois jours d’audiences ont régulièrement été mises à disposition du public par le biais du compte du tribunal sur une plateforme de micro-blogging.

Mais le procès de Bo n’a, en aucune manière, approché un tant soit peu les règles de base de la procédure :

  • Il a été détenu en dehors de tout cadre légal pendant des mois jusqu’à ce que les enquêteurs du Parti le remettent à la structure judiciaire, après avoir choisi les accusations qui seraient portées contre lui ;
  • Il n’a pas eu le choix de ses défenseurs ;
  • il n’a pas bénéficié d’un procès ouvert comme le prévoit la loi chinoise.

A l’opposé de la « ferme détermination à diriger le pays en se basant sur la loi » que vantent les médias d’Etat chinois, le procès de Bo Xilai a présenté le spectacle d’un show politique calculé, destiné à trouver un équilibre entre la conclusion connue d’avance de la condamnation de Bo, les considérations particulières dues à son rang de « prince rouge » – le fils d’un ancien proche compagnon de Mao –, et la nécessité de réduire au silence ses partisans.

Entre novembre 2007 et mars 2012, en tant que Secrétaire du Parti à Chongqing, Bo Xilai a mené une campagne brutale de lutte contre la criminalité, devenue très rapidement un instrument personnel de pouvoir.

La police, dirigée par son bras droit Wang Lijun [son accusateur numéro un lors de son procès, ndlr], a mené de nombreuses arrestations arbitraires, a eu recours à la torture, à des kidnappings, envoyant en prison ou dans des camps de travail tous ceux -opposants politiques, hommes d’affaires opposés à la saisie de leurs biens, ou même avocats- qui lui résistaient.

C’est seulement l’inimitié entre les deux hommes, à propos du meurtre d’un citoyen britannique par la femme de Bo- qui a mis fin à cette campagne, et, de ce fait, a mis fin à ses ambitions politiques au moment de la transition au sommet du Parti et de l’Etat.

Le procès a été conçu de telle sorte qu’il puisse minimiser l’impact auprès du public d’un procès qui révélait le niveau extravagant de corruption et de privilèges dont bénéficient bon nombre de dirigeants du Parti et leurs familles, qui ont accumulé, et souvent envoyé à l’étranger, d’immenses fortunes.

Faire la lumière sur les abus ayant marqué l’ère Bo Xilai à Chongqing n’aurait pas permis de limiter les dégâts pour le Parti.

Au lieu de ça, le verdict de dimanche a pour but de permettre au Parti de tourner cette page peu flatteuse de son histoire. Voilà pourquoi, même si Bo Xilai a la possibilité de faire appel, il a peu de chances de pouvoir se défendre une nouvelle fois lui-même en public.

Loin de représenter un progrès légal en Chine, le procès de Bo Xilai a confirmé une nouvelle fois qu’aux yeux du Parti, la loi demeure un instrument de contrôle.
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Nicholas Bequelin est chercheur senior auprès de la division Asie de Human Rights Watch.

 

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