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Tchad: Une tentative présumée de coup d'État ne doit pas servir d'excuse pour négliger les droits humains

Le gouvernement devrait assurer aux accusés une procédure régulière et garantir la transparence des enquêtes

(Nairobi, le 9 mai 2013) – Le gouvernement du Tchad devrait honorer ses obligations légales et respecter les normes internationales en matière de droits humains alors qu'il enquête sur un complot présumé visant à le renverser, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Au moins six personnes ont été arrêtées dans un premier temps, dont deux parlementaires. Ces six personnes ont été détenues sans possibilité de communiquer entre les dates de leurs arrestations, survenues les 1er et 2 mai 2013, et le 8 mai, bien que la loi tchadienne prévoie que des suspects ne puissent être maintenus en garde à vue que pour une période de 48 heures, renouvelable une seule fois, après laquelle ils doivent être relâchés s'ils n'ont pas été inculpés. Le 8 mai, deux autres membres du parlement ont été interpellés.

« La menace d'un coup d'État ne peut constituer une excuse pour négliger ou pour transiger sur les principes de la légalité des procédures ou de l'État de droit », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Au contraire, dans une situation politique tendue, il importe encore plus que les autorités chargées des enquêtes respectent pleinement les droits des suspects et opèrent dans la transparence. Le fait que des détenus aient été gardés à vue sans être inculpés au-delà du délai de quatre jours autorisé par la loi du Tchad est une source de préoccupation. »

Le 1er mai, le gouvernement a annoncé qu'il avait déjoué une tentative de «déstabilisation contre les institutions de la République » et arrêté certaines personnes impliquées dans cette tentative. Le 8 mai, le président Idriss Déby Itno a dénoncé une « conspiration à l’image des Printemps arabes ». Un porte-parole du gouvernement a indiqué que le groupe en question conspirait depuis plusieurs mois et était sous la surveillance du gouvernement depuis décembre 2012.

Les 8 et 9 mai, sept des détenus ont été présentés à un juge, qui les a inculpés de complot, de tentative de déstabilisation de la constitution et de complicité de meurtre.

Les accusés et leurs avocats devraient avoir pleinement accès à tous les éléments à charge retenus contre eux afin de pouvoir répondre aux accusations et préparer leur défense, a déclaré Human Rights Watch. Quiconque est poursuivi en justice dans le dossier relatif à ce coup d'État présumé a droit à un procès équitable mené en conformité avec les normes internationales, définies par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Le Tchad est un État partie à ces deux documents.

Parmi les inculpés, figurent Saleh Makki et Gali Gatta Ngothé, parlementaires de l'opposition; Mahamat Malloum Kadre et Routouang Yoma Golom, parlementaires du parti au pouvoir du président Déby; le général Ngomine Beadmadji; le général Weiddig Assi Assoué; et le colonel Ngaro Ahmadou Ahidjo. Tous sont détenus au siège des Renseignements généraux, sauf le général Ngomine, qui a été libéré pour raisons de santé. L'avocat de plusieurs de ces inculpés, Mahamat Hassan Abakar, a indiqué à Human Rights Watch que trois d'entre eux l'avaient appelé le 9 mai pour lui dire qu'ils craignaient pour leur sécurité. Maître Abakar n'a pas été en mesure de rendre visite à ses clients le 9 mai.

Le chef présumé du complot, Moussa Tao Mahamat, un ancien rebelle, a été arrêté le 1er mai. On ignore où il se trouve. 

Deux autres parlementaires, Saleh Kebzabo et Ngarjely Yorongar, ont également été convoqués pour interrogatoire. Le 8 mai, Ngarjely Yorongar a été relâché après avoir été interrogé. Saleh Kebzabo est à l'étranger.

Le 3 mai, l'ancien vice-président de l'Université de N’Djaména, Khalil Alio, a été arrêté. Le 6 mai, le secrétaire général du syndicat national des journalistes tchadiens, Eric Topona, a été arrêté et accusé d'avoir violé la constitution. Un autre journaliste, Moussey Avenir de la Tchiré, directeur de la publication bi-mensuelle Abba Garde, a été arrêté à son tour le 8 mai. 

En février 2008, à la suite d'une rébellion qui avait été mise en échec, le gouvernement tchadien avait arrêté plusieurs opposants politiques, dont Ngarjely Yorongar, l'ancien président Lol Mahamat Choua, et Ibni Oumar Mahamat Saleh. Après son arrestation, Saleh avait été victime d'une disparition forcée et n'a jamais été retrouvé. Les disparitions forcées sont strictement interdites en toute circonstance et constituent un crime grave selon le droit international. Son sort devrait être immédiatement tiré au clair et les responsables de sa disparition devraient être traduits en justice.

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