(New York) – Les dirigeants du monde ont une occasion exceptionnelle, qui ne se présente guère qu'une fois par génération, d'établir un lien constructif entre développement durable et droits humains, ont affirmé aujourd'hui Amnesty International et Human Rights Watch dans une déclaration commune adressée aux ministres de l'Environnement et des Affaires étrangères réunis à Rio.
Les chefs d'État, responsables gouvernementaux et acteurs non gouvernementaux doivent se réunir du 20 au 22 juin 2012, à Rio de Janeiro, pour la Conférence des Nations Unies sur le développement durable « Rio + 20 ».
Ils doivent faire le point des progrès effectués dans la mise en œuvre des engagements pris en 1992 lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, qui avait abouti à l'adoption des Principes de Rio et de l' « Agenda 21 », un plan d'action aux échelons mondial, national et local sur un large éventail de questions relatives à l'environnement et au développement.
Mais bien peu de pays ont appliqué les Principes de Rio et les progrès sur les questions d'environnement ont été modestes.
« À Rio, les dirigeants mondiaux devraient faire en sorte que le développement durable soit étroitement lié aux droits humains », a déclaré Jan Egeland, directeur exécutif adjoint à Human Rights Watch. « Il est encourageant de voir que le nouveau projet de document final de la conférence contient une référence explicite aux droits humains, mais il ne va pas assez loin pour assurer que ces droits soient effectivement protégés. »
Les initiatives de développement économique qui n'incluraient pas d'obligations et de principes concernant les droits humains risqueraient d'avoir pour résultat une aggravation de la marginalisation, de la discrimination et de l'injustice.
Amnesty International et Human Rights Watch ont documenté des violations des droits humains commises dans le contexte de projets d'infrastructure entrepris au nom du développement, le comportement d'industries minières qui ont chassé des peuples autochtones de leurs territoires ancestraux, ainsi que des politiques de développement qui ont abouti à l'expropriation forcée de certaines personnes figurant parmi les plus pauvres.
Après avoir assisté aux événements du Printemps arabe, on ne peut nier l'importance que revêtent les libertés d'expression, d'association et de réunion, l'égalité d'accès à l'information et à des procédures légales transparentes, la participation à la vie civique et la responsabilité sociale, pour la réalisation d'un développement durable, ont ajouté Amnesty International et Human Rights Watch.
Les politiques de développement durable doivent également reconnaître le lien entre respect de l'environnement et droits humains.
Les organismes de défense des droits humains et les tribunaux internationaux, régionaux et nationaux ont de plus en plus tendance à reconnaître la destruction de l'environnement comme un élément de cause à effet dans les cas de violations des droits humains et ont établi clairement la responsabilité des États en matière de protection de l'environnement.
Human Rights Watch a documenté des violations du droit à la santé de groupes vulnérables, notamment d'enfants, lorsqu'ils ont été exposés à des produits chimiques toxiques dans le cadre d'activités minières, de production industrielle ou d'agriculture.
Amnesty International et Human Rights Watch ont appelé tous les pays du monde à:
- Réaffirmer l'obligation légale incombant à chaque État de respecter, protéger et accorder les droits humains fondamentaux, qui sont un élément essentiel d'un développement durable.
- Réaffirmer que les politiques, les projets et les pratiques en matière de développement doivent tenir compte des obligations des États en termes de droits humains et que toute assistance technique et financière au développement doive être compatible avec ces obligations.
- S’assurer que les institutions financières internationales, comme la Banque mondiale, n'approuvent que les projets de développement dont l'impact potentiel sur les droits humains a fait l'objet d'une évaluation sérieuse et qui sont conçus de facon à atténuer les éventuels effets négatifs sur les droits humains qui auraient été identifiés par ces évaluations.
- Réaffirmer le droit d'accès à l'information. S'engager à permettre une participation effective à la vie civique par l'adoption de procédures légales transparentes et en protégeant le droit aux libertés d'expression, d'association et de réunion.
- Réaffirmer le principe de non-discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique, le sexe, l'âge, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la propriété, les handicaps de naissance ou sur tout autre statut, et s'engager à redoubler d'efforts pour assurer que l'aide au développement durable parvienne jusqu'aux éléments les plus marginalisés de la société.
- Promouvoir activement les droits des femmes et l'égalité des sexes par des politiques favorisant le développement durable,qui incluent des mesures qui garantissent l'accès aux services de santé de la procréation et à l'information les concernant.
- Réaffirmer les droits humains des peuples autochtones.
- Réaffirmer que les entreprises ont la responsabilité de respecter les droits humains, quel que soit leur lieu d'implantation, de faire preuve de diligence pour évaluer, prévenir ou atténuer l'impact de leur activité sur les droits humains et sur l'environnement, et d'apporter des solutions accessibles à tous si des violations se produisent.
Le directeur de la campagne « Exiger la dignité » (Demand Dignity) d'Amnesty International, Savio Carvalho, a déclaré: « Tant que les gouvernements, les entreprises et les institutions internationales ne cesseront pas de sacrifier les droits humains sur l'autel du développement, la marginalisation, la discrimination et l'injustice continueront avec la même vigueur. »