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Sénégal : Les enfants doivent être protégés de la mendicité forcée

Le nouveau président devrait inclure les enfants marginalisés dans sa « nouvelle ère »

(Dakar, le 31 mars 2012) – Le nouveau gouvernement du Sénégal doit élever au rang de priorité la protection des quelque 50 000 enfants forcés à mendier chaque jour dans les rues du pays, a déclaré aujourd’hui une coalition d’organisations de la société civile sénégalaise, Anti-Slavery International et Human Rights Watch. Le président élu Macky Sall prendra ses fonctions le 2 avril 2012, suite à sa victoire contre le président sortant Abdoulaye Wade lors du deuxième tour de l'élection tenu le 25 mars.

 

Connus au Sénégal sous le nom de talibés, ces enfants sont envoyés par leurs parents dans un daara, ou école coranique, pour recevoir une éducation coranique. Alors que bon nombre de maîtres coraniques au Sénégal perpétuent la pratique traditionnelle d’enseigner le Coran à leurs élèves, d'autres ont glissé vers une pratique prenant la forme d’une exploitation économique.

 

« Il est primordial pour le président Macky Sall d’inclure les Sénégalais les plus vulnérables dans la nouvelle ère qu’il a décrite », a déclaré Catherine Turner, coordinatrice du programme sur le travail des enfants chez Anti-Slavery International. « La mendicité infantile forcée est l’une des pires formes de travail des enfants et malgré sa visibilité évidente, des dizaines de milliers de talibés en souffrent toujours au Sénégal. Le gouvernement doit faire appliquer ses propres lois pour protéger les talibés de cet abus et doit veiller à ce que l’éducation dispensée dans les daaras dote ces enfants d’une instruction complète et les préserve de la mendicité. »

 

Comme cela a été consigné dans plusieurs rapports par Anti-Slavery International et Human Rights Watch, près de 50 000 talibés, âgés pour la plupart de 5 à 14 ans, sont forcés par leur maître coranique de mendier dans les rues pendant près de huit heures par jour. Beaucoup de ces maîtres coraniques qui exploitent les enfants imposent un quota spécifique que les garçons doivent rapporter chaque jour. Les garçons qui ne parviennent pas à rapporter la somme exigée subissent souvent des violences physiques, y compris dans certains cas des châtiments corporels sévères ou le placement en isolement après avoir été enchaînés ou attachés. La majeure partie de l’argent que ces garçons rapportent est destinée au profit personnel de leur maître coranique, plutôt qu'à la prise en charge d'une alimentation et de soins de santé adéquats, et à une éducation islamique correcte des enfants.

 

Le gouvernement sénégalais a promulgué une loi en 2005 qui qualifiait de crime le fait de forcer d’autres personnes à mendier pour son propre profit financier. Mais les autorités ont dans l’ensemble échoué à prendre des mesures concrètes pour faire appliquer cette loi et mettre fin à l’exploitation et à la maltraitance des talibés. En septembre 2010, neuf maîtres coraniques ont été reconnus coupables d'avoir forcé des enfants, dont ils avaient la charge, à mendier, mais la majorité d'entre eux a écopé de peines avec sursis et a été libérée immédiatement. Le mois suivant, lors d’un conseil des ministres, le président Abdoulaye Wade a exprimé son mécontentement quant à l’application de la loi ce qui s'est traduit dans les faits par la cessation d’arrestations et poursuites judiciaires. Dans presque tous les cas, les graves violences physiques subies par les talibés sont également restés impunies.

 

À l’exception de quelques daaras modernes soutenus par l’État, qui combinent enseignement coranique et programme d’éducation de l’État, les daaras au Sénégal ne sont soumis à presque aucune réglementation gouvernementale. Ceci a en partie provoqué la prolifération de maîtres coraniques peu scrupuleux qui manquent à leur devoir d'assurer l'éducation des enfants dont ils ont la charge, ou de subvenir à leurs besoins.

 

« Une solution essentielle pour mettre fin au problème de la mendicité infantile forcée serait que le gouvernement renforce le programme des daaras modernes », a expliqué Mamadou Wane, porte-parole de la Plateforme pour la protection et la promotion des droits humains (PPDH), une coalition de 50 organisations principalement sénégalaises travaillant sur le problème des enfants forcés à mendier au Sénégal. « D'autre part, il est urgent que le nouveau gouvernement fasse appliquer les lois protégeant les enfants de la violence, quels qu’en soient les responsables. »

 

Le 2 mars, le comité d’experts de l’Organisation internationale du travail (OIT) a critiqué le Sénégal pour son échec à protéger les talibés des conditions abusives, et a exigé que le Sénégal prenne davantage de mesures pour traduire en justice les responsables de cette mendicité forcée et pour mettre en œuvre une « modernisation desdaaras », afin de veiller à ce que les écoles respectent les normes internationales relatives à l’éducation et à la protection des enfants. Le comité a demandé au gouvernement sénégalais d’assister à la 101e session de la Conférence internationale du travail en juin pour expliquer comment il prévoit de faire face à ce problème de manière prioritaire.

 

« La prochaine conférence de l'OIT offre au nouveau gouvernement du président Macky Sall l’opportunité de formuler un plan clair pour mettre un terme à la mendicité infantile forcée », a indiqué Matt Wells, chercheur pour l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. « La plupart des lois nécessaires ont déjà été promulguées. Ce qu'il faut maintenant, c'est la détermination du président Macky Sall à faire en sorte que les daaras perpétuent la fière tradition d’éducation religieuse, plutôt que de devenir des lieux de maltraitance et d’exploitation d’enfants. »

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