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Cuba : Raúl Castro emprisonne les opposants au régime et étouffe toute forme de contestation

En mettant fin à sa « Position commune », l’UE avaliserait la répression exercée par le gouvernement cubain

(Washington, le 18 novembre 2009) - Le gouvernement de Raúl Castro a emprisonné des dizaines de citoyens cubains qui ne faisaient qu'exercer leurs droits fondamentaux et laisse croupir en prison de nombreux autres détenus politiques arrêtés pendant le règne de Fidel Castro, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. Au lieu de démanteler l'appareil de répression à Cuba, Raúl Castro l'a maintenu fermement en place et continue de l'employer activement, souligne le rapport.

Le rapport de 123 pages, intitulé « New Castro, Same Cuba » (« Un nouveau Castro, le même Cuba ») décrit en particulier la manière dont le gouvernement de Raúl Castro invoque fréquemment le délit de « dangerosité » (« peligrosidad ») qui figure dans le Code pénal et permet aux autorités d'emprisonner des individus avant même qu'ils n'aient commis un crime, en se basant sur la simple présomption qu'ils puissent commettre un crime à l'avenir. La disposition relative à la « dangerosité », qui permet de considérer comme « dangereux » tout comportement en contradiction avec les normes socialistes de Cuba, a un caractère manifestement politique.

« Pendant ses trois années au pouvoir, Raúl Castro s'est avéré être tout aussi brutal que son frère », a observé José Miguel Vivanco, directeur de la division Amériques à Human Rights Watch. « Les Cubains qui osent critiquer le gouvernement vivent constamment dans la peur, sachant qu'ils pourraient se retrouver du jour au lendemain en prison pour avoir tout simplement exprimé leurs opinions. »

Human Rights Watch a mené une mission d'enquête à Cuba ainsi que plus de 60 entrevues approfondies, relevant plus de 40 cas d'emprisonnement de personnes par le gouvernement selon le motif de « dangerosité » alors que ces personnes ne faisaient qu'exercer leurs droits fondamentaux.

Ramón Velásquez Toranzo, qui a organisé une marche pacifique à travers le pays pour exiger le respect des droits humains et la libération de tous les prisonniers politiques, a été arrêté et condamné à trois ans de prison pour « dangerosité  » en janvier 2007.

Raymundo Perdigón Brito, un journaliste qui a rédigé des articles sur les exactions commises par le gouvernement et les a publiées sur des sites Internet étrangers, a été condamné à quatre ans de prison pour « dangerosité » en décembre 2006. Pendant sa détention, il a subi à maintes reprises des sévices de la part de ses geôliers et a été placé en isolement cellulaire.

Le gouvernement de Raúl Castro recourt également à d'autres lois draconiennes pour museler la liberté d'expression, abroger le droit d'accès au travail et criminaliser toute forme d'opposition. Les droits des défenseurs des droits humains, des journalistes et des autres membres de la société civile à un procès en bonne et due forme en vertu de ces lois sont systématiquement violés. Ces détenus qui se voient refuser l'accès à un avocat sont soumis à des interrogatoires violents et à des simulacres de procès.

Alexander Santos Hernandez, un activiste politique qui a été condamné lui aussi à quatre ans pour « dangerosité »en 2006, a décrit à Human Rights Watch son expérience : « [La police] est venue me chercher à la maison à 5 h 50 pendant que je dormais et avant 8 h 30 ce matin-là, ma sentence était déjà prononcée. » L'accès à un avocat lui a été refusé et la sentence qu'il a reçue était datée de deux jours avant son procès.

Les prisonniers politiques subissent de nombreuses exactions dont la rééducation idéologique forcée, l'isolement cellulaire prolongé et la privation de soins médicaux aux personnes gravement malades.

Outre l'emprisonnement, le gouvernement de Raúl Castro impose par la force l'adhésion politique en utilisant des pratiques telles que les sévices, la détention provisoire, la dénonciation publique et le refus de l'accès au travail, entre autres. Toutes ces formes de répression quotidienne créent un climat de peur marqué par un profond effet dissuasif sur l'exercice des libertés fondamentales au sein de la société cubaine.

Rodolfo Bartelemí Coba, un défenseur des droits humains, a confié à Human Rights Watch en mars 2009 : « Nous vivons 24 heures sur 24 dans la crainte d'être incarcérés. » Dix jours après cette déclaration, il a été arrêté et emmené en prison, où il se trouve toujours.

Les efforts déployés par le gouvernement américain pour instaurer des changements à Cuba en imposant un embargo total se sont soldés par un échec coûteux et peu judicieux. Cet embargo a eu des conséquences désastreuses sur l'ensemble de la population cubaine, sans pour autant mener à une amélioration de la situation des droits humains dans ce pays. Plutôt que d'isoler Cuba, cette politique n'a fait qu'isoler le gouvernement américain, qui s'est aliéné des alliés potentiels.

« Malgré le changement à la tête de ces deux pays, Cuba continue d'écraser toute forme de contestation, tandis que les États-Unis poursuivent la même politique d'embargo qui s'est soldée par un échec », a observé M. Vivanco. « Comme toujours, c'est le peuple cubain qui continue d'en payer le prix. »

La « Position commune » de l'Union européenne définit clairement certains critères relatifs aux droits humains, dont le respect constitue une condition préalable à la mise en place d'une coopération économique intégrale avec Cuba. Toutefois le prix payé par le gouvernement cubain pour le non-respect de ces critères est trop faible pour inciter le gouvernement Castro à mettre fin aux diverses exactions.

En juin 2009, l'UE a choisi de maintenir sa position et s'est déclarée « profondément préoccupée par l'absence de progrès en matière de droits humains à Cuba ». Néanmoins le ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Ángel Moratinos, a déclaré pour sa part que son pays s'est fixé comme objectif principal de mettre un terme à la « Position commune » lorsqu'il assumera la présidence de l'UE en janvier 2010.

« L'abandon de la Position commune envisagée par M. Moratinos risque de donner l'impression que l'UE est indifférente au sort des prisonniers politiques à Cuba », a averti M. Vivanco. « Si l'UE veut réellement faire progresser la situation des droits humains à Cuba, elle devra renforcer sa politique actuelle en la rendant plus efficace, au lieu de la supprimer. »

Le rapport « New Castro, Same Cuba » recommande à l'UE de travailler de concert avec les États-Unis, le Canada et leurs alliés en Amérique latine pour définir une approche multilatérale plus efficace envers Cuba. Toujours d'après le rapport, tous les pays concernés devraient s'unir et faire pression sur Cuba pour la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers politiques dans un délai de six mois.

Parmi ces personnes incarcérées figurent 53 prisonniers incarcérés depuis la vague de répression menée en 2003 par Fidel Castro, ainsi que de nombreux autres citoyens incarcérés pour «  dangerosité » sous la présidence de Raul Castro. Fidel Castro a remis les rênes du pouvoir à Raul Castro en juillet 2006 lorsque la détérioration de son état de santé l'obligea à quitter le pouvoir après avoir dirigé le pays pendant presque cinquante ans.

Si le gouvernement de Raúl Castro ne procède pas à cette libération de prisonniers politiques, les pays membres de la coalition multilatérale devraient imposer des sanctions ciblées et des mesures punitives, telles que des interdictions de voyage visant des fonctionnaires de l'État ou le refus de toute nouvelle forme d'investissement étranger. Ces mesures devraient avoir un poids suffisamment important pour que le gouvernement cubain en subisse réellement les conséquences, tout en veillant à ne pas infliger des souffrances à l'ensemble de la population cubaine, a précisé Human Rights Watch.

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