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Tunisie : Le militant des droits humains Abdallah Zouari arrêté et menacé par la police

Finalement libéré après 18 ans de prison et d'assignation à résidence, Abdallah Zouari est toujours sous haute surveillance

(New York, le 18 septembre 2009) - Le gouvernement tunisien devrait cesser immédiatement de harceler le journaliste et militant des droits humains Abdallah Zouari, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

M. Zouari, qui a été emprisonné pendant onze ans, puis forcé à passer sept autres années dans un village éloigné, a été arrêté de nouveau le 15 septembre 2009, menacé, puis placé en garde à vue toute la journée. Cette arrestation fait suite à une série d'événements qui se sont récemment produits et qui indiquent qu'il fait toujours l'objet de surveillance, bien que son assignation à résidence ait pris officiellement fin, il y a un mois.

« Les autorités tunisiennes déclarent avoir levé les restrictions concernant les déplacements d'Abdallah Zouari. Non seulement la police le suit toujours, mais elle fait tout pour entraver ses activités de défense des droits humains », a observé Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Le 15 septembre vers 13 h, des policiers en civil ont arrêté Abdallah Zouari devant un bureau de poste de Hassi Djerbi, un village situé au sud de la Tunisie, où il était assigné à résidence. Il s'était rendu à la poste pour envoyer une plainte au ministre de l'Intérieur concernant la surveillance sans relâche de la part les agents de sécurité de l'Etat dont il faisait l'objet. Abdallah Zouari fut ensuite conduit par la police au poste de Zarzis, puis soumis à un interrogatoire sur ses activités de militant, notamment sur ses relations avec les organisations des droits humains et son travail de journaliste au cours des sept dernières années, a-t-il raconté à Human Rights Watch.

Les policiers lui ont ensuite demandé de signer une déclaration sous serment selon laquelle il renoncerait à écrire des articles qui « jettent le discrédit sur la Tunisie et menacent la sécurité su pays », ce qu'il a refusé. Ils l'ont ensuite menacé de diffuser un film qui le montrerait en pleine activité sexuelle s'il n'arrêtait pas ses activités journalistiques et de défense des droits humains. Les policiers l'ont également insulté à maintes reprises et menacé de sévices avant de le libérer vers 22 h sans qu'aucun chef d'accusation ne soit retenu contre lui.

Cette arrestation fait suite à une déclaration qu'Abdallah Zouari a publiée le 13 septembre dans laquelle il racontait ce jour-là comment il fut poursuivi en début de matinée, de Zarzis à Hassi Djerbi, sur un trajet d'environ neuf kilomètres, par un véhicule de police qui lui barra ensuite la route menant à son domicile. Abdallah Zouari raconta que le chef de police Fathi Ibrahim lui a demandé de le suivre au poste pour interrogatoire, ce qu'il a refusé, puisqu'il ne lui avait pas présenté de convocation comme l'exige la loi tunisienne.

M. Zouari fait sans cesse l'objet de harcèlement et d'intimidation de la part de la police depuis sa sortie de prison en 2002 après être avoir purgé une peine de onze ans. La sentence initiale prévoyait aussi une période supplémentaire de « contrôle administratif » d'une durée de cinq ans, une disposition que les autorités ont mise en application en l'assignant à résidence dans un village reculé, loin de son domicile situé près de la capitale. En juin 2007, lorsque la mesure de contrôle devait prendre fin, les autorités ont verbalement prolongé de 26 mois son isolement forcé dans ce village sans en justifier le fondement juridique.

Malgré l'expiration de cette période depuis le 5 août, la police tunisienne n'a pas arrêté de surveiller Abdallah Zouari de très près. Des agents en civil continuent de le suivre jusqu'au stationnement devant sa résidence et lorsqu'il sort de chez lui.

Les militants des droits humains ont longtemps été la cible de la répression gouvernementale en Tunisie. Non seulement ils sont souvent détenus sans chef d'accusation, mais également soumis à des restrictions arbitraires concernant leurs déplacements. Constamment surveillés et privés de leur liberté de se réunir et de faire leur travail, ils sont même parfois la cible d'agressions physiques.

Abdallah Zouari a été arrêté la première fois en 1991 dans le cadre d'une grande vague de répression menée par les autorités après l'interdiction du parti islamiste Al-Nahdha. À l'époque, il était journaliste à Al-Fajr, l'organe de presse du parti. Il a été reconnu coupable d'« appartenance à une organisation illégale » et de « tentative de renversement du pouvoir » et condamné à onze ans de prison.

Le procès de masse dans lequel il a été condamné ne répondait pas aux normes internationales garantissant un procès équitable et impartial, comme Human Rights Watch et d'autres organisations l'ont d'ailleurs signalé dans le passé. Les infractions portaient entre autres sur l'extorsion d'aveux sous la torture, l'inexistence de droit d'appel, la haute surveillance et les restrictions imposées aux observateurs du procès.

Depuis sa libération en 2002, M. Zouari a toujours été une « source » d'information sur le sort des prisonniers politiques et la situation des droits humains dans la région du sud où les autorités l'ont isolé.

Abdallah Zouari n'est pas le premier militant des droits humains à avoir reçu de la part des autorités des menaces de faire circuler des images qui les montreraient en plein acte sexuel. En 1993, de fausses photos pornographiques montrant la journaliste et activiste Sihem Ben Sedrine en poste à Tunis ont été diffusées dans le but manifeste de salir sa réputation et de nuire à son travail sur les droits humains.

« Si le président Zine el-Abidine Ben Ali souhaite que le scrutin présidentiel du 25 octobre  soit perçu comme étant plus libre et juste que les précédentes élections présidentielles, il devrait veiller à ce que la police  mette un terme aux incessants harcèlements de personnes comme M. Zouari qui osent critiquer ouvertement les pratiques du gouvernement », a conclu Mme Whitson.

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