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Maroc : Nouvelle peine d’emprisonnement pour un défenseur des droits humains du Sahara occidental

Naâma Asfari condamné pour « outrage » à des policiers

(Washington, le 31 août 2009) - La condamnation et l'emprisonnement du défenseur des droits humains du Sahara occidental Naâma Asfari le 27 août 2009 pour « outrage à agent public » prouvent que le Maroc continue de sanctionner les défenseurs pacifiques affichant leur soutien à l'indépendance de cette région, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

M. Asfari a été placé en détention après qu'un contrôle de police à un barrage routier le 14 août, près de la ville de Tantan dans le Sud du Maroc, a dégénéré en un échange houleux. Selon M. Asfari, l'incident a débuté lorsqu'un agent lui a ordonné d'ôter un drapeau du Sahara occidental de son porte-clés. La cour de première instance de Tantan a condamné M. Asfari à quatre mois d'emprisonnement ; son cousin, qui se trouvait à ses côtés pendant l'incident, Ali El-Roubiou,  âgé de 21 ans et habitant Tantan, a été condamné à 2 mois de prison avec sursis. C'est la troisième condamnation de M. Asfari en trois ans.

« Les autorités marocaines trouvent toujours de nouvelles excuses pour enfermer M. Asfari. Mais la vraie raison à tout cela semble être son militantisme pacifique en faveur du Sahara occidental », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen Orient et Afrique du Nord au sein de Human Rights Watch.

M. Asfari a été condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis en 2007 et emprisonné pendant deux mois en 2008, dans les deux cas pour des faits criminels de droit commun après des procès qui semblaient motivés par le désir des autorités de sanctionner M. Asfari pour ses activités politiques.

M. Asfari, basé à Paris, est le co-président du Comité pour le respect des droits de l'homme au Sahara occidental (CORELSO). Il voyage fréquemment au Maroc et au Sahara occidental sous contrôle marocain, accompagnant régulièrement des délégations étrangères souhaitant en apprendre plus sur la situation des Sahraouis. C'est au cours d'une mission de ce type qu'il a été arrêté.

Le Maroc a revendiqué le territoire du Sahara occidental après que l'Espagne a abandonné le contrôle de ce dernier en 1975. Depuis, le Maroc a exercé une souveraineté de facto sur le territoire, même si peu de pays ont reconnu sa souveraineté de jure. Un mouvement sahraoui de libération, le Polisario, ainsi que de nombreux Sahraouis exercent une pression continue en faveur d'un référendum populaire pour déterminer le futur statut de la région ; une option que le Maroc avait acceptée avant de s'y opposer. La ville de Tantan est proche du Sahara occidental, mais n'en fait pas partie ; sa population compte un grand nombre de Sahraouis.

Lors de l'incident du 14 août, la police a arrêté la voiture de MM. Asfari et El-Roubiou à proximité de Tantan pour un contrôle de papiers. M. Asfari a indiqué à Human Rights Watch qu'un des agents a remarqué à son porte-clés le drapeau de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), une entité non reconnue par l'état marocain, et lui a ordonné d'enlever « ce truc. » M. Asfari a rétorqué en suggérant au policier d'ôter « ce truc », en montrant du doigt le drapeau marocain sur son uniforme. Il s'en est suivi une altercation, des renforts ont été appelés sur les lieux et MM. Asfari et El-Roubiou ont été mis en arrestation.  

M. Asfari soutient qu'au cours de son arrestation la police l'a jeté à terre, l'a roué de coups et a cassé ses lunettes. M. El-Roubiou prétend avoir été frappé dans le dos.

La cour a mis M. El-Roubiou le 16 août en liberté provisoire, mais a placé M. Asfari en détention préventive. M. El-Roubiou a déclaré à Human Rights Watch qu'il avait montré au procureur les ecchymoses apparues suite au passage à tabac ce jour-là. Après sa remise en liberté provisoire, M. El-Roubiou a fait circuler des photographies qui montreraient ces ecchymoses. Il a également rapporté le passage à tabac lors de son procès 11 jours plus tard, même si les ecchymoses avaient disparu à ce moment-là.

Pendant sa garde à vue, la police a demandé à M. Asfari de signer un procès verbal selon lequel il déclarait reconnaître avoir agressé verbalement et physiquement des fonctionnaires de la police en refusant de se soumettre à une arrestation.

M. Asfari a refusé de signer ce procès verbal car il ne reflétait pas ce qu'il avait déclaré à la police. Au cours de son procès, il a expliqué que c'était les agents de police qui l'avaient agressé physiquement et non pas le contraire, comme le mentionnait le procès verbal. La version écrite de la police omettait également de donner l'explication de M. Asfari, qui indiquait que l'incident avait débuté après la désapprobation de l'officier face au drapeau de la RASD accroché à son porte-clés.

M. Asfari a par ailleurs dit à Human Rights Watch que lorsque la police lui a rendu ses effets personnels confisqués lors de son arrestation, tout lui avait été rendu à l'exception du porte-clés affichant le drapeau de la RASD.

Le procureur a accusé M. Asfari d'« outrage » et d'agression envers des agents publics (respectivement article 263 et 267 du code pénal.) À leur procès, MM. Asfari et El-Roubiou ont clamé leur innocence et insisté sur le fait que ni l'un ni l'autre n'avait agressé aucun policier.

Bien que M. Asfari ait refusé de signer le procès verbal rédigé par la police, cette pièce a été présentée comme preuve pendant son procès. Les témoignages de quatre policiers qui ont déclaré avoir été agressés physiquement et verbalement par M. Asfari ont constitué des preuves supplémentaires. Parce qu'ils sont intervenus en tant que victimes et non en tant que témoins, il ne leur a pas été demandé de prêter serment. L'un d'entre eux a produit un certificat médical indiquant que les blessures reçues au cours de l'incident nécessitaient 25 jours d'arrêt.

D'après ce que Human Rights Watch a pu être en mesure de déterminer, la cour n'a pas ouvert d'enquête sur les allégations faites par MM. Asfari et El-Roubiou au procès, selon lesquelles la police les avait agressés lors de leur arrestation.

Dans les 30 minutes qui ont suivi les trois heures de procès, le juge a déclaré les accusés coupables et a énoncé les peines. On ne sait pas si les deux chefs d'accusations ont été retenus contre les deux hommes, le verdict n'ayant pas encore été rendu public. Ils ont tous les deux la possibilité de faire appel. En attendant, M. Asfari reste emprisonné à Tantan.

Le procès s'est déroulé sous haut sécurité, même si des observateurs étrangers ont pu y assister. Le matin de la séance du 27 août, la police a interpellé plusieurs défenseurs des droits humains sahraouis qui avaient fait le déplacement depuis El-Ayoun pour assister au procès, les retenant toute la journée avant de les relâcher sans aucune accusation. Parmi eux se trouvaient Brahim Dahhan, Brahim Sabbar, Mohamed Mayara et Ahmed Sbaï, tous appartenant à l'Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l'homme ; Saltana Khaya du forum Avenir pour la femme sahraouie ; Bachir Khadda, Hassan Dah et Sidi Sbaï.

M. Asfari a déclaré le 28 août à Human Rights Watch que la police surveillait ouvertement la maison de son père à Tantan, où certains des observateurs avaient passé la nuit.

Alors que des progrès en matière de protection de la liberté d'expression ont été constatés au Maroc pendant les deux dernières décennies, militer en faveur de l'indépendance du territoire contesté du Sahara occidental reste illégal. Les défenseurs des droits humains sahraouis et de la cause de l'indépendance sont soumis à la surveillance de la police, au harcèlement et, parfois, à des poursuites judiciaires pour des motifs politiques.

« Le fait qu'un barrage routier a mené à une altercation n'est pas remis en question », a déclaré Mme Whitson. « Mais de la confrontation à propos d'un drapeau sur un porte-clés à la peine de prison de quatre mois prononcée à la hâte, les événements se sont enchaînés d'une manière qui laisse penser que  le militantisme de Naâma Asfari en faveur des Sahraouis l'a mené en prison, une fois de plus. »

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