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Human Rights Watch déplore la perte du défenseur marocain des droits humains Driss Benzekri, qui est décédé dimanche d’une longue maladie, à l’âge de 57 ans.

Arrêté pour ses activités d’étudiant de gauche en 1974, Benzekri a passé les 17 années suivantes en prison, comme prisonnier politique. Libéré en 1991 par feu le Roi Hassan II, Benzekri s’est consacré entièrement à la défense des droits humains, tâche qui l’a absorbé jusqu’à la fin de sa vie.

Benzekri a commencé à travailler en 1993 à Rabat au siège de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH), organisation indépendante. En 1999, il a quitté l’OMDH pour co-fonder et diriger le Forum marocain pour la vérité et la justice (FVJ), une organisation de défense des victimes de la répression sous le régime de feu le Roi Hassan II. En 2000, des conseillers du Roi Mohamed VI, qui venait d’accéder au trône, se sont rapprochés de Benzekri et du FVJ pour envisager la façon dont le régime pouvait répondre aux demandes des personnes ayant subi des violations des droits humains sous le règne de Hassan II, père du monarque actuel.

En 2004, Mohamed VI a créé l’Instance Equité et Réconciliation (IER), la première commission de vérité créée dans un pays de l’Afrique du Nord ou du Moyen Orient. L’objectif déclaré de l’IER était d’établir la vérité sur les violations des droits humains perpétrées depuis l’indépendance du Maroc en 1956 jusqu’en 1999. Le roi a nommé Benzekri à la tête de la commission, une nomination qui, du fait de la vive intelligence de Benzekri et de sa réputation d’intégrité, a renforcé la crédibilité de ce nouvel organe.

« Driss a toujours été au cœur des efforts pour répondre aux violations passées et présentes commises au Maroc, » a déclaré Joe Stork, directeur adjoint à Human Rights Watch pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord. « Grâce en grande partie à ses efforts, les victimes des violations des droits humains passées ont enfin commencé à être reconnues et à obtenir réparation, des dizaines d’années après leurs souffrances. »

Certains défenseurs des droits humains ont critiqué les restrictions statutaires de l’Instance Equité et Réconciliation portant sur le fait de traduire les coupables en justice, disant que celles-ci renforceraient l’impunité en matière de violations des droits humains. Avant la création de l’IER, Benzekri a fait remarquer : « La position que l’on a sur les questions d’impunité vient de l’évaluation que l’on fait du stade où nous nous trouvons dans le processus de démocratisation, » donnant à entendre que les sceptiques à propos de la réforme avaient plus tendance à insister pour punir les coupables du passé. Evidemment, lorsqu’il a accepté de diriger l’IER, Benzekri estimait que la démocratisation avait suffisamment progressé pour permettre à l’IER de moins insister sur le fait que les anciens coupables devaient rendre des comptes.

En 2004 et 2005, Benzekri a présidé le travail de l’IER, qui a enquêté sur des milliers de cas de violations des droits humains, décidé de mesures de compensation individuelles et collectives, et qui a fait des recommandations au gouvernement pour consolider l’état de droit.

L’une des principales réussites de l’IER a été d’organiser des témoignages publics télévisés apportés par des victimes de la répression passée, dans différentes villes du pays. L’héritage de l’IER est moins probant en ce qui concerne les réformes qu’elle a recommandées, dont la plupart n’ont pas encore été mises en œuvre par le gouvernement, 18 mois après qu’elles aient été proposées.

Au moment de sa mort, Benzekri était président du Conseil consultatif des droits de l’homme, qui dépend du roi. En janvier, au Congrès mondial contre la peine de mort, à Paris, il s’est exprimé en faveur de l’abolition de la peine capitale au Maroc – l’une des recommandations de l’IER qui doit encore être mise en application.

« Malgré des douleurs de dos chroniques causées par la torture et une maladie qui l’affaiblissait, Driss a continué à se battre pour les droits humains jusqu’à la fin de sa vie, » a déclaré Stork.

Comme beaucoup d’autres militants politiques arrêtés dans les années 60 et 70, Benzekri avait été détenu au secret illégalement et de façon prolongée, avant d’être condamné lors d’un procès inéquitable pour « atteinte à la sécurité de l’Etat. » Il avait passé 18 mois au centre d’interrogatoire Derb Moulay Cherif à Casablanca, où la police l’a battu alors qu’il avait les pieds et les mains attachés dans le dos. En 1977, il avait été transféré à la prison de Kenitra, où il est resté jusqu’à ce que le roi le libère en 1991, 13 ans avant la fin de sa condamnation.

En 1995, Human Rights Watch a rendu hommage à Benzekri pour son travail comme directeur de l’Organisation marocaine des droits de l’Homme, lors de cérémonies à New York et Washington.

Human Rights Watch adresse ses condoléances à la famille de Driss Benzekri, ainsi qu’à ses amis et ses collègues.

Pour consulter le rapport publié par Human Rights Watch en novembre 2005, « La commission marocaine de vérité : Le devoir de mémoire honoré à une époque incertaine, » veuillez aller à :
https://www.hrw.org/reports/2005/morocco1105/index.htm

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