(New York) - Les gouvernements tanzanien et ougandais doivent veiller à ce que les réfugiés vivant dans les camps qui doivent être fermés le 30 juin et le 31 juillet 2009 prochains ne soient pas renvoyés de force dans leur pays d'origine et s'assurer de bien les informer sur les autres possibilités qui leur sont offertes, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. L'ONG a également exhorté les deux pays à ne pas répéter ce qui s'est passé au Rwanda, qui, sous la menace d'armes, a illégalement renvoyé quelque 504 réfugiés au Burundi, le 2 juin, après la fermeture du dernier camp de réfugiés burundais sur son territoire.
La Tanzanie, qui compte 36 000 réfugiés burundais, et l'Ouganda, qui accueille 17 000 réfugiés rwandais, ont signé des accords avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) afin de faciliter le retour en toute sécurité des personnes qui souhaitent rentrer chez eux et trouver des solutions pour ceux qui veulent rester. Malgré l'imminence des dates de fermeture des camps : le 30 juin pour la Tanzanie et le 31 juillet pour l'Ouganda, les deux gouvernements n'ont pas encore présenté officiellement les autres alternatives. Au contraire, ils ont menacé de les renvoyer de force et affirmé qu'ils « retireront » le statut de réfugié aux personnes qui resteront après la fermeture de ces camps et les considéreront désormais comme des « immigrants illégaux ». Ces deux mesures seraient contraires au droit international sur le statut des réfugiés.
« La Tanzanie et l'Ouganda doivent mettre un terme à leurs menaces et expliquer clairement aux réfugiés les autres options qu'ils ont », a déclaré Georgette Gagnon, directrice de la Division Afrique à Human Rights Watch. « Un réfugié ne perd pas son statut parce que tout simplement son camp est fermé et ne doit pas être renvoyé de force dans son pays d'origine. »
Dans le camp de réfugiés de Mtabila en Tanzanie, des témoins ont déclaré à Human Rights Watch que les autorités ont « consolidé » le camp, brûlé et rasé des maisons. Les réfugiés expulsés qui n'ont pas reçu de nouveau matériau de construction étaient contraints de vivre dans des abris de fortune. Les responsables leur auraient également déclaré qu'ils n'ont pas d'autre choix que de retourner chez eux parce qu'une fois le camp sera fermé le 30 juin, un camp militaire y sera installé et que des « soldats et des réfugiés ne peuvent pas cohabiter ensemble ». La Tanzanie a suscité une vive émotion au sein de la communauté internationale en 1996 lorsqu'elle a renvoyé de force des centaines de milliers de réfugiés rwandais dans leur pays, puis des milliers de réfugiés rwandais et burundais ainsi que des demandeurs d'asile en 2006 et 2007.
En Ouganda, des centaines de réfugiés rwandais auraient fui leurs camps au cours des dernières semaines vers d'autres régions du pays par crainte d'être renvoyés de force dans leur pays d'origine.
Human Rights Watch s'est dit préoccupé par l'attitude de la Tanzanie et de l'Ouganda à qu'il reproche de pas montrer des prédispositions pour rassurer les réfugiés qu'ils n'imiteront pas le Rwanda qui a récemment renvoyé de force des réfugiés burundais de façon illégale. Le 2 juin, l'armée et la police rwandaise ont encerclé quelque 504 réfugiés au camp de Kigeme et bastonné certains d'entre eux avant de les forcer, sous la menace de leurs armes, à monter dans les bus et des camions qui devaient les débarquer à la frontière burundaise.
L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés avait condamné ces actes et a affirmé que les autorités tanzaniennes et ougandaises lui avaient assuré qu'aucun réfugié ne sera renvoyé de force. En outre, elle négocie actuellement avec la Tanzanie pour prolonger le délai du 30 juin de plusieurs mois afin de permettre aux réfugiés qui veulent retourner chez eux de rentrer en toute sécurité, dans la dignité et la légalité.
Depuis 2002, des centaines de milliers de réfugiés burundais ont quitté la Tanzanie pour rentrer chez eux et des milliers de réfugiés rwandais ont quitté l'Ouganda pour rentrer dans leur pays. Les organismes qui travaillent avec les quelque 36 000 réfugiés burundais du camp de Mtabila en Tanzanie déclarent que la plupart de ces personnes ont peur de rentrer au Burundi à cause des litiges fonciers. Un grand nombre des quelque 17 000 réfugiés rwandais qui ont quitté le pays après le génocide de 1994 craindraient des représailles de la part du pouvoir judiciaire qui rencontre toujours des difficultés à juger des prévenus du génocide de façon équitable ou des autorités gouvernementales.
Conformément au droit international sur le statut des réfugiés, la Tanzanie, l'Ouganda et l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés peuvent invoquer ensemble une « clause de cessation » s'ils estiment que les circonstances à l'origine du flux de réfugiés ne sont plus actuelles et retirer en conséquence ce statut aux autres.
À ce jour, aucun des deux gouvernements ne l'a fait, préférant conclure ce que l'on appelle des « accords tripartites » avec l'Agence. Ces ententes encouragent les réfugiés à rentrer volontairement chez eux et prévoient des alternatives telles que l'intégration dans le pays d'accueil pour ceux qui veulent rester. Cependant, ni les deux gouvernements ni l'Agence n'ont expliqué exactement aux réfugiés en quoi ces alternatives consistent.
« La Tanzanie et l'Ouganda doivent informer rapidement les réfugiés de toutes les options, y compris des solutions à long terme envisagées pour ceux qui décident de rester », a déclaré Mme Gagnon. « Pour éviter que les actes répréhensibles récemment commis par le Rwanda ne se reproduisent, la Tanzanie et l'Ouganda doivent rassurer officiellement les réfugiés qu'ils ne seront ni menacés ni contraints de rentrer chez eux. »
Contexte
Même si la Tanzanie et l'Ouganda ont accueilli des centaines de milliers de réfugiés au cours des dernières décennies et que la Tanzanie enregistre actuellement des demandes de naturalisation des dizaines de milliers de Burundais ayant fui leur pays en 1972, la région des Grands Lacs a une histoire troublante caractérisée par des renvois forcés de réfugiés. Outre les centaines de milliers de Rwandais qu'elle a renvoyés de force en 1996, la Tanzanie a entrepris dans la même année une campagne visant à réduire le nombre de ce qu'elle appelle des « immigrants illégaux ». Dans des opérations brutales menées par l'armée et la police, des réfugiés rwandais et burundais enregistrés vivant dans des camps ainsi qu'un nombre inestimable de demandeurs d'asile admis résidant hors des camps ont été expulsés.
En 2005, le Burundi a renvoyé de force 6 500 demandeurs d'asiles rwandais et une grande partie a finalement réussi à y retourner pour demander l'asile. En mars 2009, le gouverneur de la province du Sud du Rwanda a déclaré aux réfugiés burundais qui restent au camp de Kigeme qu'ils seraient rapatriés de force s'ils ne retournaient pas volontairement chez eux. En ajoutant les propos suivants « nos frères et nos soeurs ont été expulsés du Burundi et devaient y laisser tous leurs biens », le gouverneur déclarait indirectement que le Rwanda rendrait la monnaie aux Burundais pour les actes commis à l'endroit des réfugiés rwandais en 2005.