Le gouvernement iranien devrait immédiatement libérer deux Irano-Américains actuellement détenus, et clarifier le cas d’un troisième qui a peut-être « disparu », a déclaré aujourd’hui un groupe d’éminentes organisations de défense des droits humains. Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération internationale des droits de l’homme, Reporters sans frontières ainsi que le Prix Nobel de la Paix Shirin Ebadi ont également appelé l’Iran à lever l’interdiction de quitter le territoire infligée à deux journalistes ayant une double nationalité, et que l’Iran à empêcher de retourner dans leurs pays de résidence.
Ces mesures semblent constituer une tentative par les autorités iraniennes chargées de la sécurité de répandre la peur au sein de la communauté plus large des journalistes, écrivains, universitaires et militants. Leurs échanges avec des homologues dans d’autres régions du monde soulignent à la fois leur engagement en faveur d’un renforcement du respect mutuel et de la reconnaissance de la dignité humaine par le biais du dialogue, et leur souhait de voir leur pays respecter les normes en matière de droits humains.
« Ces actes contreviennent au droit iranien ainsi qu’aux normes internationales », a déclaré Ebadi, Prix Nobel de la Paix 2003 qui est également l’avocate de deux victimes de la répression. « L’Autorité judiciaire refuse à ces personnes binationales leurs droits élémentaires. »
Les détentions et interdictions de voyager font partie d’une vague de répression organisée contre les militants des droits humains, étudiants et syndicalistes iraniens par les agents de renseignements basés au Ministère iranien de l’Intérieur. Des agents de renseignements du Ministère de l’Intérieur détiennent actuellement deux universitaires Irano-Américains, Kian Tajbakhsh et Haleh Esfandiari, dans la prison tristement célèbre d’Evin à Téhéran.
Il est présumé qu’un autre Irano-Américain, Ali Shakeri, militant pour la paix à Irvine en Californie, se trouve également en détention, et est peut-être la victime d’une disparition forcée. En outre, le gouvernement a confisqué les passeports de deux journalistes, Parnaz Azima, une Irano-Américaine, et Mehrnoush Solouki, une Franco-Iranienne, les empêchant ainsi de quitter l’Iran.
Ebadi et les organisations de défense des droits humains ont exprimé leur profonde inquiétude pour la santé et la sécurité des détenus, ainsi que pour celle des deux journalistes retenues en Iran.
Esfandiari et Tajbakhsh sont actuellement détenus au bloc 209 de la prison d’Evin. Le 29 mai 2007, le porte-parole de l’Autorité judiciaire, Alireza Jamshidi, a déclaré au cours d’une conférence de presse que ces deux personnes et Azima ont été inculpées à la suite d’une plainte déposée à leur encontre par le Ministère de l’Information. Le Ministère les accuse d’« agir contre la sécurité nationale en exerçant de la propagande contre la République islamique, par la pratique de l’espionnage au profit d’étrangers ».
Des agents du Ministère de l’Information ont arrêté Esfandiari le 8 mai. La directrice du programme Moyen-Orient au Woodrow Wilson International Center for Scholars à Washington, DC, âgée de 67 ans, a été transférée à la prison d’Evin le même jour. Tajbakhsh, un spécialiste des sciences sociales âgé de 45 ans qui a travaillé comme consultant pour le gouvernement iranien ainsi que des organisations internationales, a été détenu trois jours plus tard, le 11 mai. Ils sont tous deux détenus au secret et sont privés de la visite de leurs avocats et de leur famille.
Le 20 mai, le Ministère de l’Information a fait une déclaration accusant Haleh Esfandiari de promouvoir la société civile en Iran « pour servir les intérêts de puissances étrangères ». Cette déclaration ainsi que plusieurs articles parus dans le quotidien Kayhan, partisan d’une politique dure, a présenté les activités professionnelles de Haleh Esfandiari et de Kian Tajbakhsh, telles que leur participation à des conférences internationales d’universitaires, comme autant de preuves de leurs « agissements contre la sécurité nationale ».
« Ces accusations sont basées sur des motifs politiques et ne visent qu’à isoler encore davantage la société civile iranienne », a déclaré Shirin Ebadi. « Le gouvernement punit ces détenus parce qu’ils ont favorisé le dialogue entre les Iraniens et la communauté internationale. »
Shakeri, âgé de 59 ans, a « disparu » le 8 mai, alors qu’il s’apprêtait à quitter l’Iran pour se rendre en Europe. Selon ses collègues, il a appelé sa famille 48 heures plus tard, affirmant qu’ « il y a eu un malentendu, et je vais bien ». Le 29 mai, le porte-parole de l’Autorité judiciaire a déclaré que « Shakeri n’est pas en détention, et aucune accusation n’est portée contre lui. » Toutefois personne ne sait où il se trouve. Les organisations internationales demandent au gouvernement iranien d’enquêter sur l’arrestation initiale d’Ali Shakeri le 8 mai, d’indiquer où il se trouve et de le libérer s’il est en détention, et de lui permettre de quitter le pays et de rejoindre sa famille en Californie.
Les autorités ont également interdit à deux journalistes jouissant de la double nationalité de quitter l’Iran. Solouki, une étudiante en journalisme à l’Université de Québec détentrice de la double nationalité française et iranienne, a été détenue le 17 février alors qu’elle réalisait un documentaire sur les événements ayant suivi le cessez-le-feu en 1988 dans la guerre entre l’Iran et l’Irak. Elle a été détenue pendant un mois à la prison d’Evin par des agents du Ministère de l’Intérieur qui ont également confisqué ses notes et ses films, avant d’être libérée contre une caution de cent millions de toumen (soit environ 100 000 dollars, ou 74 000 euros) le 19 mars. Toutefois les autorités ne lui ont pas restitué son passeport, l’empêchant ainsi de quitter l’Iran. Les agents des renseignements l’ont convoquée pour des interrogatoires à plusieurs reprises depuis sa libération.
Azima, une journaliste du service en persan de Radio Free Europe qui détient la double nationalité irano-américaine, a également été empêchée de quitter l’Iran. Son passeport a été confisqué par les autorités en janvier 2007. Le 21 mai, après le versement d’une caution élevée, les autorités ont refusé de lui restituer son passeport, citant l’intérêt suscité pas son cas au Ministère de l’Intérieur.
Les services de renseignements iraniens portent fréquemment des accusations de « mise en danger de la sécurité nationale », basées sur des motifs politiques, contre les militants et les intellectuels. Des agents du Ministère de l’Information ont arrêté Abdolfattah Soltani, un éminent avocat spécialisé dans les droits humains, en août 2005, l’accusant d’espionnage. Les agents du Ministère ont détenu Soltani dans la prison d’Evin pendant sept mois, avant de le libérer sous caution. Le 28 mai 2007, une cour d’appel de Téhéran l’a acquitté de tous les chefs d’inculpation.
Amnesty International, Human Rights Watch, la Fédération internationale des droits de l’homme, Reporters sans frontières ainsi qu’Ebadi ont rappelé aux autorités iraniennes qu’elles sont entièrement responsables de la santé et de la sécurité de toutes les personnes détenues par l’Etat, et que ces détenus doivent être traités dignement et pouvoir recevoir la visite de leurs avocats et des membres de leurs familles. Les organisations et Ebadi ont également appelé le gouvernement iranien a cesser la persécution et les poursuites judiciaires visant les universitaires et les journalistes binationaux.