La RD Congo en crise
Nous ne mettons plus à jour ce blog. Pour plus d’informations sur les recherches de Human Rights Watch sur la RD Congo, veuillez consulter : https://www.hrw.org/fr/africa/republique-democratique-du-congo.
L’année 2017 sera cruciale pour la République démocratique du Congo. Après beaucoup d'effusion de sang et deux années de répression brutale – avant et après l’échéance du 19 décembre 2016, qui a marqué la fin du deuxième et dernier mandat autorisé par la constitution du président Joseph Kabila – les participants aux pourparlers organisés sous la médiation de l'Église catholique ont conclu un accord le 31 décembre 2016. Celui-ci contient des dispositions claires selon lesquelles une élection présidentielle se tiendra avant la fin de 2017, le président Joseph Kabila ne briguera pas un troisième mandat et il n'y aura ni référendum ni modification de la constitution. L'accord peut s'avérer un grand pas vers la première transition démocratique de la RD Congo depuis son indépendance, mais le chemin est encore long pour y parvenir.
L’équipe RD Congo de Human Rights Watch fera usage de ce blog pour fournir des mises à jour en temps réel, des rapports de terrain, ainsi que d’autres analyses et commentaires pour aider à informer le public sur la crise actuelle et pour exhorter les décideurs politiques à rester engagés pour empêcher une escalade de la violence et des violations des droits humains en RD Congo – avec de possibles répercussions dans toute la région.
Le gouvernement congolais est en guerre contre son peuple
Le gouvernement de la République démocratique du Congo fait passer ses intérêts à court terme au-dessus du bien-être du peuple congolais. Il refuse de participer à la conférence internationale à Genève aujourd’hui, et encourage d’autres gouvernements à faire de même. Cette conférence est une initiative menée par les Nations Unies aux fins de collecter 1,7 milliard de dollars pour porter assistance en urgence aux plus de 13 millions de personnes en RD Congo touchées par les violences récentes.
Les responsables gouvernementaux rejettent l’idée même d’une crise humanitaire. Ceci semble lié à une tentative inquiétante d’attirer des investissements étrangers et d’enrichir encore davantage ceux qui sont au pouvoir, en évitant toute surveillance de la part de l’extérieur.
Les forces de sécurité congolaises et des groupes armés ont tué des milliers de civils au cours des deux dernières années. Avec plus de six millions de congolais morts de causes liées au conflit au cours des deux dernières décennies, le conflit en RD Congo est le plus meurtrier dans le monde depuis la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, environ 4,5 millions de congolais sont déplacés de leur foyer – plus que dans tout autre pays d’Afrique. Des dizaines de milliers d’autres sont partis en Ouganda, en Angola, en Tanzanie et en Zambie au cours des derniers mois – faisant surgir le spectre d’une instabilité régionale accrue.
La RD Congo est le plus gros producteur de cuivre d’Afrique et la plus importante source mondiale de cobalt – dont la valeur a triplé au cours des 18 derniers mois du fait de la demande de voitures électriques. Des centaines de millions de dollars provenant de revenus miniers ont disparu au cours des dernières années, tandis que Joseph Kabila, sa famille et ses proches collaborateurs ont amassé des fortunes. Alors que l’énorme richesse minière de la RD Congo pourrait permettre de répondre aux urgences et autres besoins fondamentaux d’une population appauvrie, les revenus provenant de tous nouveaux investissements ont de plus grandes chances de finir dans les poches des gens au pouvoir.
Une grande partie des violences récentes est liée à l’aggravation de la crise politique dans le pays. Le Président Joseph Kabila a retardé les élections et fait usage de la violence, de la répression et de la corruption pour renforcer sa mainmise sur le pouvoir au-delà de la limite constitutionnelle de ses deux mandats au 19 décembre 2016.
Kabila est à la tête d’un système d’impunité bien enraciné dans lequel ceux qui sont les plus responsables de violations sont régulièrement récompensés par des postes, des richesses et des pouvoirs. Les forces de sécurité congolaises ont engagé ou orchestré une grande partie des violences, dans certains cas en formant ou en soutenant des groupes armés locaux. Des sources de sécurité et de renseignement bien placées nous ont indiqué que les efforts pour semer la violence et l’instabilité sont une « stratégie du chaos » apparemment délibérée ayant pour but de justifier des retards supplémentaires pour les élections.
Les forces de sécurité congolaises ont abattu presque 300 personnes au cours des manifestations politiques de ces trois dernières années. Depuis le mois de décembre, les forces de sécurité ont battu un triste record en tirant dans l’enceinte d’églises pour interrompre les services religieux et empêcher des manifestations pacifiques après la messe dominicale.
Pendant ce temps, au cours des trois derniers mois, les attaques sur des civils se sont intensifiées dans la province de l’Ituri dans l’est de la RD Congo. Nous avons recueilli des récits terrifiants de massacres, de viols et de décapitations. Plus de 200 000 personnes ont dû quitter leur maison.
Alors que les responsables gouvernementaux ont insisté pour dire que les violences récentes sont les conséquences de tensions inter-ethniques, les citoyens, stupéfaits, rejettent cette interprétation. Un grand nombre d’entre eux ont parlé d’une « main noire » – apparemment des tueurs professionnels qui seraient venus dans leurs villages et auraient tué les gens à coups de couteau au cours d’attaques apparemment bien organisées. Certains ont avancé l’idée que des responsables gouvernementaux pourraient être impliqués.
Mais le Vice-ministre de la coopération internationale de la RD Congo a affirmé la semaine passée qu’il « n’y a pas de crise humanitaire ». Le ministre congolais des Affaires étrangères congolais a déclaré que la description de la situation humanitaire en RD Congo par les Nations Unies « est contreproductive pour l’image de marque et l’attractivité de notre pays, et agit comme repoussoir pour les investisseurs potentiels ».
Les responsables gouvernementaux de la RD Congo ont envoyé des lettres de menace aux Pays-Bas et à la Suède, pays qui soutiennent la conférence, expliquant que, si ces derniers poursuivaient leurs préparatifs, le gouvernement de la RD Congo « se verrait dans l’obligation d’en tirer les conséquences qui s’imposent », et ils sont parvenus à convaincre les Émirats Arabes Unis de se retirer.
Les bailleurs de fonds ne devraient pas être intimidés. Ils devraient au contraire faire en sorte que des fonds adéquats soient recueillis pour répondre aux besoins vitaux de protection et d’assistance humanitaire du peuple congolais. Et, tout aussi important, ils devraient s’attaquer aux causes sous-jacentes de la violence, afin d’empêcher que la crise ne s’aggrave et n’échappe davantage à tout contrôle.
Ceci implique le fait de travailler de façon étroite avec les responsables régionaux pour faire en sorte que Kabila se retire, conformément à la constitution, et permette l’organisation d’élections justes, libres et crédibles. Les Congolais ont besoin d’une opportunité pour élire un nouveau président, responsable de ses actions envers son peuple et œuvrant pour mettre fin à la violence, à l’impunité et aux souffrances en RD Congo. Le peuple congolais le mérite.
RD Congo : Kabila dédaigne la crise politique sur fond de nouvelles répressions
Dans une rare conférence de presse vendredi, le président Joseph Kabila a tenu des propos qui signalent que la crise politique en République démocratique du Congo est loin d’être résolue et qu’on peut s’attendre à de nouvelles répressions et restrictions aux libertés d’expression et de réunion dans le pays.
Alors que les inquiétudes se sont accrues concernant les conséquences mortelles des efforts de Kabila pour se maintenir au pouvoir au-delà de la limite des deux mandats que lui autorisait la constitution, limite qui a été atteinte en décembre 2016, les appels se sont multipliés, tant à l’échelon national qu’à l’international, pour que Kabila déclare explicitement qu’il ne sera pas candidat aux élections qui ont été fixées pour décembre 2018, qu’il ne cherchera pas à amender la constitution et qu’il quittera ses fonctions avant la fin de 2018. Parmi les intervenants, figure un groupe bipartite de sénateurs américains, qui a envoyé une lettre en ce sens à Kabila la semaine dernière.
Lors de sa conférence de presse – sa première depuis cinq ans – Kabila n’a pris aucun de ces engagements. Tout en affirmant que le processus électoral était « résolument engagé », il a déclaré que seule la commission électorale nationale (CENI) était habilitée à décider de la date exacte des élections. Quand une journaliste a demandé à Kabila s’il se représenterait, il n’a pas dit non mais a demandé qu’une copie de la constitution soit remise à la journaliste.
En dépit du fait que le droit des Congolais de manifester pacifiquement est reconnu par la constitution du pays et par le droit international, Kabila a affirmé qu’une nouvelle loi était nécessaire pour « recadrer » la légalité de telles manifestations, soulignant que « la démocratie, ce n’est pas la foire. » Il a déclaré qu’il « s’éclatait » quand il voyait ceux qui « prétendent défendre la constitution aujourd’hui. » Malheureusement, ce que Kabila considère comme prêtant à rire, c’est le spectacle des forces de sécurité tuant par balles, blessant et emprisonnant des centaines de personnes qui appellent pacifiquement au respect de la constitution.
Kabila a également mis en cause le coût du processus électoral qui, selon lui, peut peser au détriment du développement du pays : « Est-ce qu’il faut qu’on soit cité comme le pays le plus démocratique dans le monde ou bien c’est le développement qui compte ? », a-t-il demandé. « [A]u moment venu », a-t-il ajouté, il faudra « prendre des décisions courageuses ». S’agissait-il là d’une allusion voilée à un prochain referendum ou à un changement du processus électoral qui permettrait à Kabila de se maintenir au pouvoir ?
Les propos de Kabila ont été tenus deux jours après que le bureau des droits de l’homme des Nations Unies en RD Congo eut annoncé dans un rapport que 1 176 personnes avaient été exécutées de manière extrajudiciaire par des « agents de l’État » congolais en 2017, ce qui représente un triplement sur une période de deux ans.
Le 21 janvier, des milliers de fidèles catholiques et d’autres citoyens congolais ont manifesté dans plusieurs villes, appelant Kabila à quitter le pouvoir et à permettre l’organisation d’élections. Les forces de sécurité ont répondu en faisant usage d’une force injustifiée ou excessive, tirant des gaz lacrymogènes ou ouvrant le feu à balles réelles pour disperser les attroupements. Au moins sept personnes ont été tuées, selon des recherches effectuées par Human Rights Watch, dont une femme de 24 ans qui aspirait à la vie religieuse, tuée par balles devant son église. La répression du 21 janvier a fait suite à des manifestations similaires auxquelles avaient appelé des responsables laïcs de l’Église catholique de la RD Congo après la messe dominicale du 31 décembre, lorsque les forces de sécurité ont tué au moins huit personnes et blessé ou arrêté de nombreuses autres, dont plusieurs prêtres catholiques.
Au cours des trois dernières années, Kabila et son entourage ont recouru à des manœuvres dilatoires, l’une à la suite de l’autre, pour retarder les élections et enraciner leur pouvoir, par une répression brutale, des violences et des violations des droits humains à grande échelle, et en s’appuyant sur une corruption systémique. Un accord de partage du pouvoir négocié par l’Église catholique et signé le 31 décembre 2016 a accordé à Kabila une nouvelle année au pouvoir – après l’expiration de ses deux mandats constitutionnels – pour mettre en œuvre une série de mesures de décrispation et organiser des élections avant la fin de 2017. Mais ces engagements ont été bafoués dans une large mesure. En dépit de la publication le 5 novembre par la CENI d’un calendrier électoral – qui fixe au 23 décembre 2018 la nouvelle date des élections, avec l’avertissement que de nombreuses « contraintes » pourraient justifier que cette date soit encore repoussée – Kabila n’a donné aucun signe qu’il se préparait à quitter le pouvoir, ni créé un climat propice à l’organisation d’élections libres, équitables et crédibles.
Même si certains partenaires internationaux de la RD Congo ont accru leurs pressions sur le gouvernement de Kabila, davantage d’efforts sont nécessaires pour lui montrer qu’il y aura de vraies conséquences s’il tente de nouveau de retarder les élections et d’enraciner sa présidence par la répression. La Belgique a récemment annoncé qu’elle suspendait toute son aide bilatérale directe au gouvernement congolais et qu’elle réorientait cette aide vers les organisations humanitaires et de la société civile. D’autres bailleurs de fonds devraient suivre cette voie. En décembre, les États-Unis ont pris des sanctions à l’encontre du milliardaire israélien Dan Gertler, un proche ami et associé financier de Kabila qui « a amassé sa fortune grâce à des accords miniers et pétroliers opaques et teintés de corruption représentant des centaines de millions de dollars » en RD Congo, ainsi qu’à l’encontre d’un certain nombre d’individus et de compagnies associés à Gertler. Et pourtant, l’impact de ces décisions serait beaucoup plus grand si le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Union européenne et les États-Unis travaillaient ensemble pour élargir ces sanctions ciblées aux individus les plus responsables des graves violations des droits humains commises en RD Congo et à ceux qui apportent un appui financier ou politique à ces tactiques répressives.
En fin de compte, les partenaires de la RD Congo devront décider s’il est dans leur intérêt de soutenir un gouvernement dictatorial qui commet des abus ou de respecter et favoriser les droits du peuple congolais – et ce que cela implique en termes d’actes concrets.
Une manifestante pacifique de 15 ans frappée et placée en détention
Binja Happy Yalala, une lycéenne de 15 ans sur l’île d’Idjwi dans l’est de la République démocratique du Congo, a été frappée mercredi par la police, qui l’accusait d’être une sorcière et qui l’a détenue pendant plus de 10 heures. Son véritable « crime » était d’avoir participé à une marche pacifique organisée par le mouvement citoyen « C’en Est Trop ».
Les manifestants répondaient à l’appel de plusieurs autres mouvements citoyens et groupes de la société civile, soutenu par des dirigeants de l’opposition politique, pour que les Congolais se mobilisent le 15 novembre et exigent que le président Joseph Kabila quitte ses fonctions fin 2017, conformément à la constitution et à l’accord de la Saint-Sylvestre signé à la fin de l’année dernière.
Les manifestants d’Idjwi se sont présentés devant les bureaux de leur administration locale en chantant l’hymne national avec l’intention d’y déposer une note, quand le commissaire de la police a donné l’ordre de les arrêter.
« Les policiers ont immédiatement mis l’ordre à exécution avec brutalité et violence », a raconté le père de Binja, qui avait rejoint la marche avec sa fille. « Certains d’entre nous ont commencé à courir, mais d’autres, et moi parmi eux, se sont immédiatement fait prendre. Ils nous ont donné des coups de poings, des coups de bâtons et des coups de pied. Ils nous ont dit : “Vous êtes des rebelles. Nous contrôlons la loi. Nous allons vous faire souffrir, vous verrez.” »
Quand Binja a vu son père se faire arrêter avec d’autres, elle a expliqué qu’elle ne pouvait pas rester plantée là, à regarder sans rien faire.
« J’ai eu peur, mais j’avais aussi mal au cœur parce que je ne voyais pas ce que mon père et les autres avaient fait de mal », a déclaré Binja à Human Rights Watch. « Je me suis alors avancée et j’ai demandé à la police de les relâcher. Comme ils ne m’écoutaient pas, je leur ai dit que je ne partirais pas sans mon père, et que s’ils ne le relâchaient pas, ils devraient m’arrêter moi aussi. Alors sans hésiter, l’un d’eux m’a attrapée très fort par la main, il m’a frappée dans le dos avec son arme, et m’a ligoté les mains derrière le dos. J’avais très mal, je criais. Ils m’ont ensuite jetée dans le cachot avec mon père et les autres. »
Binja, son père et les 11 autres détenus ont rapidement été transférés à la prison centrale du territoire d’Idjwi.
« Ils nous ont posé beaucoup de questions sur ce qui s’était passé », a raconté Binja. « Ils ont frappé mon père parce qu’ils disaient qu’il m’avait entraînée dans ces choses. Il a essayé en vain d’expliquer que je n’étais pas membre du mouvement. Après, ils m’ont dit : « Tu es une sorcière », et ils m’ont de nouveau frappée avec des bâtons. »
Binja a expliqué que lorsque, finalement, ils ont tous été relâchés vers 22 heures, elle avait mal partout et pouvait à peine marcher.
Le 15 novembre, les forces de sécurité congolaises ont arrêté au moins 52 personnes qui participaient ou préparaient des petites marches et manifestations à Goma, Kasindi, Kindu, Kisangani, Kinshasa et Idjwi. La plupart de ces personnes ont ensuite été relâchées, mais huit d’entre elles sont toujours en détention, dont six à Goma et deux à Kinshasa.
Deux activistes qui ont été arrêtés lundi à Goma alors qu’ils encourageaient les gens à se joindre aux manifestations du 15 novembre étaient eux aussi toujours en détention.
Le 14 novembre, à la veille de ces manifestations, le commissaire provincial de la police à Goma avait ordonné à ses forces, dans un message filmé largement diffusé sur les réseaux sociaux, de « réprimer sans états d’âme » les manifestations prévues pour le lendemain.
Le lendemain matin, au réveil, de nombreux habitants à travers la RD Congo – notamment à Kinshasa, Lubumbashi, Mbandaka, Matadi, Mbuji-Mayi, Kananga, Goma, Idjwi, Beni, Kasindi, Butembo et Kisangani – ont pu constater qu’un important dispositif de sécurité avait été déployé le long des principales artères de leurs villes. Dans plusieurs d’entre elles, les rues étaient moins fréquentées que d’habitude, les magasins et les marchés étaient fermés et de nombreux étudiants ne s’étaient pas rendus aux cours. De nombreuses personnes sont restées chez elles en signe de protestation, ou pour se protéger des risques de répression violente, ou les deux. Les quelques manifestants qui ont osé sortir dans la rue ont le plus souvent été rapidement arrêtés par les forces de sécurité, ou dispersés par des gaz lacrymogènes.
La Mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo (MONUSCO) a exhorté les autorités congolaises, le 14 novembre, à respecter « le droit à manifester dans le calme et la retenue » et à permettre « que toutes les voix puissent s’exprimer dans le calme et de façon pacifique ». Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a relayé cet appel en demandant aux autorités congolaises de « mettre un terme au discours incendiaire contre les manifestants » et de faire en sorte que le personnel de sécurité « reçoive des instructions claires et qu’ils seront tenus responsables de leur conduite lors des opérations de maintien de l’ordre dans le cadre des manifestations, quel que soit leur rang ou affiliation. »
Dans une déclaration commune publiée hier, les missions des pays membres de l’Union européenne, des États-Unis, de la Suisse et du Canada en RD Congo ont appelé les forces de sécurité congolaises à s’abstenir d’un recours à la force excessive et souligné qu’elles sont susceptibles d’être tenues responsables de leur conduite, y compris à titre individuel.
De nombreux prisonniers politiques et activistes arrêtés lors de précédentes manifestations politiques ou pour leur participation à d’autres activités politiques pacifiques sont toujours en détention. Une liste et un résumé de plusieurs de ces cas sont disponibles ici.
Les autorités congolaises devraient immédiatement libérer toutes les personnes détenues pour avoir exprimé de manière pacifique leurs opinions politiques et devraient commencer à travailler à la création d’un climat propice à l’organisation d’élections libres et équitables dans le pays.
Le nouveau calendrier électoral de la RD Congo fait face au scepticisme, dans un contexte de recrudescence des manifestations et de la répression
La commission électorale nationale de la République démocratique du Congo (CENI) a fixé au 23 décembre 2018 les élections présidentielle, législatives et provinciales, soit plus de deux ans après la fin du deuxième et dernier mandat constitutionnel du président Joseph Kabila.
Selon le calendrier publié dimanche par la CENI, le nouveau président prêterait serment le 12 janvier 2019 et le cycle électoral complet, y compris les élections locales, se poursuivrait jusqu’au 16 février 2020. Comme les calendriers électoraux antérieurs ignorés de manière flagrante par la CENI et les responsables gouvernementaux, le nouveau calendrier comporte une liste de 15 « contraintes » légales, financières et logistiques susceptibles de retarder les échéances.
L’annonce de la CENI tombe environ une semaine après la visite en RD Congo de l’ambassadrice des États-Unis aux Nations unies, Nikki Haley, qui, avant de rencontrer Kabila, avait annoncé que les élections en RD Congo devaient se tenir avant la fin de 2018, sans quoi, elles ne pourraient bénéficier de l’appui de la communauté internationale.
Alors que certains diplomates pourraient voir dans ce calendrier un signe de progrès, un grand nombre de Congolais sont, à juste titre, sceptiques. En effet, au cours des dernières années, Kabila et sa coterie ont empêché l’organisation des élections, repoussant sans cesse la date à laquelle il doit quitter le pouvoir. De hauts responsables américains et d’autres diplomates ont fait parvenir des messages semblables à Kabila dans la période précédant le 19 décembre 2016, fin du deuxième et dernier mandat de Kabila autorisé par la Constitution. Une fois la limite dépassée, en l’absence de progrès sur la voie des élections, le Conseil de sécurité de l’ONU et d’autres ont fait pression sur Kabila pour que les élections soient organisées d’ici la fin de l’année 2017, conformément à l’accord de partage de pouvoir conclu sous l’égide de l’Église catholique et signé le 31 décembre 2016, appelé « accord de la Saint-Sylvestre ».
Kabila et sa coalition au pouvoir n’ont alors tenu aucun compte des principales dispositions de l’accord, alors que Kabila renforçait son emprise sur le pouvoir par la corruption, la violence à grande échelle et la répression brutale de l’opposition, des activistes, des journalistes et des manifestants pacifiques. Les agents des forces de sécurité sont allés jusqu’à mettre en œuvre une « stratégie du chaos » apparemment délibérée et une violence orchestrée, notamment dans la région du Kasaï, dans le sud du pays, où près de 5000 personnes ont été tuées depuis août 2016. Des responsables du gouvernement et de la CENI annonçaient depuis juillet qu’il était impossible de tenir des élections en 2017 comme l’exigeait l’accord de la Saint-Sylvestre, sous prétexte de la violence dans le Kasaï.
En attendant, il n’y a eu aucun contrôle indépendant ou audit du processus d’enrôlement des électeurs en cours. Les organisations de la société civile et les dirigeants de l’opposition ont fait part de leurs préoccupations concernant la possibilité de fraude à grande échelle. Certains craignent l’utilisation d’une liste électorale profondément déficiente pour permettre la tenue d’un referendum de modification de la Constitution qui pourrait éliminer les limites de mandats et ainsi autoriser Kabila à présenter sa candidature pour un troisième mandat. Kabila a lui-même refusé à plusieurs reprises d’annoncer publiquement et de manière explicite qu’il ne sera pas candidat à de futures élections. L’année supplémentaire que donne à Kabila le nouveau calendrier lui laisse plus de temps pour tenter des moyens constitutionnels ou extraconstitutionnels de rester au pouvoir.
Le mouvement citoyen Lutte pour le changement (LUCHA) a fermement dénoncé le calendrier « fantaisiste » présenté dimanche par la CENI et a appelé le peuple congolais à se mobiliser et à se défendre pacifiquement contre la « manœuvre honteuse pour faire gagner plus de temps à Kabila et son régime afin d’accomplir leur volonté de rester indéfiniment au pouvoir ». La LUCHA a déclaré que le mouvement ne reconnaît plus Kabila et son gouvernement comme représentants légitimes du peuple congolais et a appelé les partenaires internationaux à en faire autant.
D’autres mouvements citoyens, activistes des droits humains et leaders de l’opposition ont lancé des appels similaires, dénonçant le nouveau calendrier du CENI, et exhortant le peuple congolais à se mobiliser pour œuvrer en faveur d’une « transition citoyenne » sans Kabila pour permettre l’organisation d’élections crédibles.
Pendant ce temps, la répression exercée contre les leaders et les partisans de l’opposition, les activistes œuvrant pour les droits humains et la démocratie, les manifestants pacifiques et les journalistes se poursuit sans relâche. Les forces de sécurité ont arrêté environ 100 partisans de partis d’opposition et activistes pro-démocratie pendant des manifestations qui se sont déroulées à Lubumbashi, Goma, Mbandaka et Beni au cours des deux dernières semaines. Beaucoup d’entre eux ont été relâchés plus tard. Pendant les manifestations du 30 octobre à Goma, les forces de sécurité ont tué cinq civils par balles, dont un garçon de 11 ans, et en ont blessé quinze autres.
De nouvelles manifestations sont prévues dans le pays au cours des jours à venir pour rejeter le calendrier nouvellement annoncé par la CENI. Les responsables du gouvernement congolais et les forces de sécurité ne devraient pas utiliser de force inutile ou excessive contre les manifestants, mais devraient tolérer les manifestations pacifiques et les réunions politiques ainsi que permettre aux activistes, leaders de partis de l’opposition et journalistes de circuler librement et de travailler indépendamment, sans entraves.
Les partenaires internationaux de la RD Congo, dont la mission de maintien de la paix de l’ONU dans le pays, devraient s’employer à protéger les manifestants pacifiques et les personnes en danger et à manifester leur soutien à la quête du peuple congolais pour un avenir plus démocratique et respectueux de leurs droits.
Trois ans plus tard, un éclairage sur le mystère des massacres de Beni en RD Congo
De nouvelles recherches ont jeté un éclairage sur l'un des mystères les plus horribles de la République démocratique du Congo : le massacre de plus de 800 personnes sur le territoire de Beni qui a débuté cela fait trois ans cette semaine.
Dans l’est de la RD Congo, plus de 120 massacres, au cours desquels les assaillants ont tué des personnes méthodiquement à la hache ou à la machette, ou par balle, se sont poursuivis y compris jusqu’au mois d’août cette année, d’une manière qui a laissé les analystes perplexes. Mais un nouveau rapport d’investigation du Groupe d’étude sur le Congo (Congo Research Group) basé à l'Université de New York apporte des éléments de compréhension sur la dynamique de ces violences, et permet d’espérer que les auteurs de ces crimes devront un jour faire face à la justice.
S’appuyant sur deux années de recherches minutieuses, le rapport identifie des phases distinctes de tueries, et divers acteurs armés responsables des massacres : l’Alliance des Forces Démocratiques (ADF), groupe rebelle islamiste ougandais basé dans l’est de la RD Congo ; d’anciens officiers de l’Armée Patriotique Congolaise (APC) ; la branche armée du Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération (RCD-ML), groupe rebelle soutenu par l’Ouganda lors de la deuxième guerre de la RD Congo de 1998 à 2003 ; diverses autres milices locales ; ainsi que des éléments de l’armée congolaise. Les meurtres n’ont pas été commis par un groupe unifié visant un objectif politique spécifique, mais par ces divers acteurs qui ont constamment modifié leurs alliances, combattant parfois ensemble et parfois les uns contre les autres.
Lors de la rébellion du mouvement M23 soutenue par le Rwanda dans l’est de la RD Congo en 2012-13, des éléments de l’APC qui se trouvaient toujours dans le territoire de Beni se sont mobilisés et ont établi une alliance informelle avec les combattants du M23, selon le rapport. Après la défaite du M23 en novembre 2013, l’armée congolaise s’est concentrée sur Beni, officiellement pour vaincre les rebelles de l’ADF, présents sur le territoire congolais depuis de nombreuses années. Selon le rapport, d’anciens officiers de l’APC à Beni ont perçu ces opérations comme une tentative de démanteler les lucratifs réseaux politiques et économiques qu'ils avaient établis dans ce territoire, notamment par le biais de leur collaboration avec l’ADF et avec d’autres milices locales. En réponse, ils ont orchestré la première d'une série de meurtres à petite échelle à Beni en 2013. Ces attaques initiales auraient été censées démontrer l'échec du gouvernement congolais à protéger la population, délégitimisant ainsi son autorité et ouvrant la voie à une nouvelle révolte.
Lorsque les tueries ont débuté, certains officiers de l’armée congolaise sous le commandement du Général Akili Mundos ont décidé de coopter le réseau d’anciens officiers de l’APC, de combattants de l’ADF et d’autres combattants appartenant à des milices locales, selon le rapport. Au lieu de mettre un terme aux violences, l’armée a commencé à agir aux côtés des membres du réseau précisément responsable des premières tueries, permettant à celles-ci de se poursuivre à bien plus grande échelle à partir d’octobre 2014.
Une fois ouverte la boîte de Pandore, le réseau d'ennemis et d'amis a changé constamment, divers groupes locaux de milice prenant un rôle plus important alors que les massacres se poursuivaient. Pendant tout ce temps, le gouvernement congolais a rejeté la responsabilité des violences sur les soi-disant « terroristes radicaux de l’ADF », dans une tentative apparente de tromper la population congolaise, les diplomates étrangers, les journalistes, et la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo, qui a continué à soutenir l’armée sans la critiquer.
Bien qu'il y ait encore beaucoup de questions sans réponse, ce nouveau rapport du Groupe d’étude sur le Congo met l'accent sur les responsables des massacres de Beni. Il devrait servir de base à des enquêtes judiciaires crédibles ainsi qu'à des sanctions ciblées de la part du Conseil de sécurité de l'ONU, entre autres.
L'attention portée par la communauté internationale sur la RD Congo est passée de la crise du territoire de Beni à la région du Kasaï dans le centre-sud du pays, où de nouveaux massacres ont tué plus de 5 000 personnes et ont contraint quelque 1,4 million d’autres à abandonner leurs maisons depuis août 2016, selon l’ONU. Pour en finir enfin avec ces cycles dévastateurs de violence et d'impunité, les massacres de Beni ne peuvent être oubliés. Une action forte est nécessaire pour montrer qu'il y a des conséquences pour les responsables, quel que soit leur rang ou leur position.
Les autorités congolaises arrêtent puis libèrent 49 activistes participant à des manifestations anti-Kabila
Le 30 septembre, les forces de sécurité de la République Démocratique du Congo ont procédé à l’arrestation arbitraire de 49 activistes issus de plusieurs mouvements citoyens protestant contre l’absence de tenue des élections présidentielles avant la fin de l’année.
Des activistes de Lutte pour le changement (LUCHA), de Compte à Rebours et de Kengele ya Raia (« La cloche du peuple ») ont été arrêtés dans les villes de Goma et de Kisangani, dans l’est de la RD Congo. Des manifestations de petite envergure ont également eu lieu à Bukavu et Bandundu.
Les activistes manifestaient pacifiquement pour protester contre l’échec de la commission électorale à convoquer les élections présidentielles à temps pour qu’elles aient lieu avant le 31 décembre 2017, comme le prévoyait l’accord conclu sous la médiation de l’Église catholique signé le 31 décembre 2016. D’après la constitution de la RD Congo, les élections nationales doivent être annoncées au moins trois mois avant la date du scrutin, ce qui signifie que le délai pour que des élections soient organisées au cours de l’année 2017 est désormais écoulé.
À Goma, les activistes ont essayé de remettre une lettre au bureau de la commission électorale, mais la police anti-émeutes les en a empêchés. « Ils nous ont coincés avec deux camions de police et ont essayé de nous prendre nos banderoles », a raconté un activiste de la LUCHA à Human Rights Watch. « Certains d’entre nous ont réussi à s’enfuir mais les autres ont été mis de force dans des camions de police ».
Les 16 activistes arrêtés à Kisangani ont été libérés plus tard au cours de cette même journée, tandis que les 33 activistes de Goma ont été libérés trois jours plus tard sans inculpation. Ces dernières arrestations montrent la volonté du gouvernement à étouffer rapidement les manifestations pacifiques avant qu’elles ne prennent davantage d’ampleur.
La semaine dernière, quatre activistes de la LUCHA à Mbuji-Mayi – Nicolas Mbiya, Josué Cibuabua, Mamie Ndaya et Josué Kabongo – ont été libérés de prison. Ils avaient été arrêtés arbitrairement mi-juillet pour avoir enquêté sur le processus d’enrôlement des électeurs dans la province du Kasaï oriental. Nicolas Mbiya et Josué Cibuabua avaient déjà été détenus pendant près d’une semaine au mois de mai pour avoir exigé la publication d’un calendrier électoral. Avant cela, entre décembre 2016 et février 2017, Nicolas Mbiya avait aussi été détenu avec un autre activiste de la LUCHA, Jean Paul Mualaba Biaya, pour avoir protesté contre la décision du Président Joseph Kabila de rester au pouvoir au-delà de ses deux mandats autorisés par la constitution.
Les manifestations du 30 septembre se sont déroulées une semaine après le discours du Président Kabila prononcé lors de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. Dans ses commentaires publics et dans les déclarations émanant de ses rencontres privées avec plusieurs dirigeants étrangers à New York, le Président Kabila n’a rien fait pouvant laisser à penser qu’il est en train de se préparer à quitter le pouvoir, aucun engagement clair n’ayant été pris quant à la date de tenue des élections ou au fait qu’il ne serait pas candidat.
Plus tôt dans la semaine, une coalition de sénateurs américains dirigée par Cory Booker a écrit au Président des États-Unis, Donald Trump, pour appeler le gouvernement américain à « utiliser les moyens dont nous disposons » si le gouvernement congolais continue de refuser à appliquer « l’esprit et la lettre » de l’accord du 31 décembre 2016, « et notamment les désignations de sanctions en vertu de l’Ordonnance exécutive 13671 sur la RDC, les réglementations anti-blanchiment d’argent et tous les autres outils disponibles en vertu de la loi Global Magnitsky Act – dans le but d’affecter les motivations des personnes ayant une forte influence sur le Président Kabila pour les inciter à le presser à changer de cap ».
Les États-Unis – et les autres partenaires internationaux de la RD Congo, notamment l’Union européenne – feraient bien d’agir dès à présent, avant qu’il ne soit trop tard et que davantage de Congolais ne paient le prix de l’intransigeance anticonstitutionnelle de Kabila.
Violents combats dans l’est de la RD Congo, menace accrue pour les civils
Le risque de voir la violence augmenter et la sécurité pour les civils se dégrader dans la province du Sud-Kivu dans l’est de la République démocratique du Congo s’est vivement accru, depuis l’incursion d’une coalition de groupes armés dans la deuxième ville de la province, Uvira, la semaine dernière.
L’impact potentiellement déstabilisant d’une rébellion qui couve au beau milieu de la crise politique régnant actuellement la RD Congo n’augure rien de bon pour les civils, déjà épuisés par deux décennies de conflit.
L’objectif déclaré de l’autobaptisée Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC) est de renverser le gouvernement du Président Joseph Kabila, qui est d’après cette coalition illégitime suite à son refus de se retirer au terme de ses deux mandats autorisés par la constitution en décembre dernier. La coalition, qui compte au moins plusieurs centaines de combattants provenant de nombreux groupes armés, a également été dénommée l’Alliance de l’Article 64, en référence à l’Article 64 de la constitution, qui stipule que le peuple congolais a le devoir de faire échec à ceux qui tentent de prendre le pouvoir par la force ou en violation des dispositions de la constitution.
D’autres suggèrent qu’il s’agit d’une tentative de la part du gouvernement congolais d’attiser davantage le chaos et de justifier des reports d’élection, juste au moment où le recours à la violence dans les Kasaïs a servi d’excuse principale pour expliquer que les élections n’auront pas lieu avant la fin de l’année 2017, comme le prévoyait l’accord conclu sous la médiation de l’Église catholique en décembre dernier.
La coalition a commencé à lutter contre l’armée congolaise à la fin du mois de juin dans la province de Maniema et à Fizi, le territoire le plus au sud du Sud-Kivu, et a progressé régulièrement vers le nord et pris le contrôle de plusieurs villages le long du Lac Tanganyika au cours de la dernière semaine. L’armée congolaise et les forces de maintien de la paix des Nations Unies ont envoyé des renforts et ont tenu les rebelles hors de la ville d’Uvira, qui représente un pôle commercial stratégique.
Plus de 100 000 personnes ont été déplacées depuis le début des combats en juin et l’armée congolaise aurait arrêté en nombre des membres de la jeunesse locale soupçonnés d’avoir des liens avec la coalition.
La CNPSC est dirigée par l’auto-proclamé « Général » William Yakutumba, commandant de l’un des plus puissants groupes armés du Sud-Kivu, groupe composé en grande partie par des combattants issus des Bembe. Son groupe, les « Maï Yakutumba », a commis de nombreux abus au cours de la dernière décennie, comme par exemple des attaques contre des travailleurs humanitaires, des vols de bétail à grande échelle, des actes de piraterie sur le Lac Tanganyika, ou encore une exploitation illégale d’or et la taxation de la population. Le groupe revendique représenter les intérêts de plusieurs ethnies locales et protéger ces dernières contre ceux qu’ils considèrent comme des « étrangers », en particulier les membres des Banyamulenge, une minorité ethnique de la province.
L’incursion de la CNPSC à Uvira est intervenue moins de deux semaines après un recours à la force de manière excessive par les forces de sécurité congolaises pour réprimer une manifestation dans un camp de réfugiés burundais à Kamanyola, au nord d’Uvira, ayant entraîné la mort d’une quarantaine de réfugiés burundais et occasionné des blessures à plus d’une centaine d’autres. Un agent des forces de sécurité a également été tué.
La démonstration de force de la CNPSC et l’intensification de la mobilisation armée dans le Sud-Kivu dans un contexte de crise politique nationale est un mauvais présage pour la RD Congo. Le président Kabila s’accrochant au pouvoir, la violence et l’instabilité ne vont probablement que s’accroître, et ce sont les civils ordinaires qui seront les premiers touchés.
La RD Congo devrait libérer tous ses prisonniers politiques
La République démocratique du Congo devrait remettre en liberté les nombreuses personnes qu’elle maintient en détention uniquement à cause de leurs opinions politiques ou pour avoir exercé leur droit de manifester pacifiquement ou leur droit à la liberté d’expression.
Hier, Human Rights Watch s’est joint à 44 organisation de défense des droits humains internationales et congolaises dans un appel urgent, demandant la libération de neuf activistes pro-démocratie ou défenseurs des droits humains détenus à Lubumbashi et à Mbuji-Mayi. Human Rights Watch a publié aujourd’hui une liste détaillée de 30 personnes arrêtées entre janvier 2015 et juillet 2017 – c’est-à-dire un petit échantillon des centaines de citoyens arrêtés arbitrairement dans le cadre de la répression massive exercée contre les Congolais opposés au maintien au pouvoir du président Joseph Kabila.
Parmi ces individus, qui sont tous toujours en détention, figurent des dirigeants et des partisans de l’opposition politique, de jeunes activistes pro-démocratie ou défenseurs des droits humains, des journalistes et des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec des dirigeants de l’opposition politique. Beaucoup d’entre eux sont détenus depuis des semaines, voire des mois, au secret, sans que des chefs d’accusation n’aient été formulés à leur encontre et sans accès à leurs familles ou à des avocats. Certains affirment avoir été maltraités ou torturés et quelques-uns souffrent de graves problèmes de santé. Beaucoup également ont été poursuivis en justice sur la base de chefs d’accusation fabriqués de toutes pièces.
Cette liste n’est pas exhaustive et ne comprend que des affaires dans lesquelles Human Rights Watch a été en mesure de confirmer dans quelles circonstances l’individu a été arrêté. Des centaines d’autres manifestants et partisans de l’opposition politique ont été arrêtés au cours des trois dernières années, dont beaucoup sont toujours détenus. Du fait que Human Rights Watch n’a pas pu obtenir confirmation des motifs de leurs arrestations, ces cas supplémentaires ne sont pas inclus sur notre liste.
Human Rights Watch a également documenté les cas de 222 prisonniers arrêtés depuis janvier 2015 et qui ont été remis en liberté par la suite, souvent après des mois de détention arbitraire.
Les autorités congolaises devraient s’assurer que tous les détenus aient accès à des soins médicaux si nécessaire, aux membres de leur famille et à un avocat. Toutes les personnes détenues à cause de leurs opinions ou de leurs activités politiques pacifiques, ou à cause de leurs liens prétendus avec des dirigeants politiques d’opposition, devraient être libérées immédiatement et exonérées de tout chef d’accusation. Les autorités congolaises devraient également ouvrir des enquêtes, puis sanctionner et poursuivre en justice de manière appropriée les responsables des forces de sécurité, des services de renseignement et du gouvernement qui sont impliqués dans des cas d’arrestation et de détention illégale, de mauvais traitements ou de tortures, et d’ingérence politique dans des procédures judiciaires.
La liste des prisonniers politiques dressée par Human Rights Watch peut être consultée en suivant ce lien.
L’opposant Diongo enlevé de force de l’hôpital
Le leader d’opposition congolais Franck Diongo a déclaré à Human Rights Watch que des responsables du renseignement militaire congolais et des militaires de la Garde républicaine avaient retiré sa perfusion intraveineuse et l’avaient l’arraché à son lit d’hôpital à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, jeudi dernier, 31 août. Franck Diongo a ensuite été reconduit à la prison centrale de Kinshasa.
Franck Diongo, qui semblait sérieusement affaibli lorsqu’il s’est entretenu avec Human Rights Watch, a dit que les soldats de la Garde républicaine et du renseignement militaire n’avaient présenté aucun document et n’avaient pas parlé aux médecins avant de le forcer à quitter l’hôpital. Dans une lettre envoyée dimanche à un médecin qui l’avait soigné dans le passé, dont des extraits ont été publiés par Actualité.cd, Diongo écrit qu’il souffre notamment de « vomissement de sang », ainsi que de « maux de tête et d’estomac aigus », et demande la reprise de son traitement. Le refus de soins médicaux dans de tels cas équivaut à un traitement cruel et inhumain, en violation de la Convention contre la torture, à laquelle la RD Congo est partie.
Franck Diongo est le président du parti d’opposition Mouvement Lumumbiste Progressiste (MLP), un membre de la coalition d’opposition du Rassemblement. Il était député national au moment de son arrestation.
Les autorités à Kinshasa ont arrêté Franck Diongo le 19 décembre 2016, le dernier jour du second et dernier mandat du président Joseph Kabila, après que Franck Diongo et ses collègues auraient appréhendé, détenu et battu trois militaires de la Garde républicaine habillés en civil. Diongo a expliqué qu’il craignait qu’ils n’aient été envoyés pour l’attaquer. « Les forces de sécurité ont monté un coup pour m’arrêter », nous a-t-il dit plus tard.
Franck Diongo a été détenu dans plusieurs endroits et affirme qu’il a été sévèrement battu les jours suivants, y compris au camp militaire Tshatshi et au siège du renseignement militaire à Kinshasa. Selon les Nations Unies, Franck Diongo a été « soumis à des traitements cruels, inhumains ou dégradants » lorsqu’il était détenu par des agents du renseignement militaire.
La Cour suprême de justice de la RD Congo a condamné Franck Diongo à cinq ans de prison le 28 décembre 2016, à la suite d’un procès expéditif lors duquel il a comparu en fauteuil roulant et sous perfusion intraveineuse, ce qui selon ses avocats était dû aux mauvais traitements subis lors de son arrestation et de sa détention. Selon Franck Diongo et ses avocats, ceci était constitutif de tortures. Franck Diongo a été condamné pour « arrestation arbitraire aggravées » et « détention illégale ». En tant que député national, Franck Diongo a été jugé par la Cour suprême ; il n’a pas la possibilité de faire appel du jugement.
Après sa condamnation, Franck Diongo a été conduit à la prison centrale de Kinshasa, alors qu’il était toujours en chaise roulante. Alors que la santé de Franck Diongo continuait à se dégrader, le médecin le traitant en prison a soumis un rapport au directeur de la prison, qui a ensuite écrit au ministre de la justice, demandant que Franck Diongo soit soigné dans un hôpital spécialisé. Franck Diongo avait finalement été transféré au Centre médical de Kinshasa le 18 août. Alors que son traitement était en cours, Franck Diongo a été enlevé de force de son hôpital jeudi dernier.
En juin, les avocats de Franck Diongo ont soumis une communication en son nom au Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Le document, consulté par Human Rights Watch, soutient que les autorités congolaises n’ont pas respecté les garanties relatives au droit au procès équitable et que Franck Diongo a été ciblé en raison de son opinion politique. Les avocats ont également mis en avant que le droit de Franck Diongo de faire examiner sa déclaration de culpabilité par une juridiction supérieure avait été violé, étant donné qu’il avait été condamné par la Cour suprême siégeant en premier et dernier ressort. Si le Groupe estime que « le caractère arbitraire de la privation de liberté est établi », il rendra un avis dans ce sens et fera des recommandations au gouvernement congolais.
Franck Diongo a également connu des difficultés alors qu’il tentait de se faire enrôler, ce qui constitue une précondition pour lui permettre de se présenter aux élections législatives ou à d’autres élections. Le 21 juin, alors que d’autres prisonniers se faisaient enrôler, le directeur du centre d’enrôlement de la prison n’a pas autorisé Franck Diongo à se faire enrôler, sans donner aucune raison. Si la condamnation de Franck Diongo lui a fait perdre son statut de député national, il n’a pas été déchu de ses droits civils et politiques, y compris le droit de s’inscrire sur les listes électorales.
« Les membres de mon parti politique et moi-même sommes victimes d’une persécution et d’un acharnement », a déclaré Franck Diongo à Human Rights Watch. « Je suis un opposant farouche qui a refusé de participer aux deux dialogues avec Joseph Kabila … sachant que le président Kabila n’est pas une personne sincère, ne voulant que gagner du temps pour prolonger son mandat. »
Les autorités congolaises devraient de manière urgente faire en sorte que Franck Diongo reçoive les soins médicaux dont il a besoin, qu’il soit autorisé à se faire enrôler comme les autres citoyens congolais, et que la légalité et la nécessité de sa détention soient réexaminées, étant donné les graves irrégularités et les mauvais traitements entourant son cas.
À travers la République démocratique du Congo, des dizaines de membres de l’opposition et d’activistes sont détenus pour avoir participé à des manifestations pacifiques, s’être opposés au report des élections, ou avoir critiqué des politiques du gouvernement. Beaucoup sont détenus au secret sans inculpation ni accès à leur famille ou à des avocats. D’autres sont jugés sur base d’accusations forgées de toutes pièces. Beaucoup souffrent de passages à tabac réguliers et de conditions de vie épouvantables, qui passent largement inaperçus dans le monde extérieur.