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Arabie saoudite

Événements de 2024

(De gauche à droite) Le président de la Confédération asiatique de football, Sheikh Salman ben Ibrahim al-Khalifa, le ministre saoudien des Sports et de la Jeunesse, Abdulaziz ben Turki al-Faisal al-Saud, et le président de la Fédération saoudienne de football, Yasser Al Misehal, participaient à une cérémonie dans la capitale, Riyadh, le 11 décembre 2024, tandis que le Congrès de la FIFA votait pour l'attribution des droits d'accueil de la Coupe du monde 2034, l'Arabie saoudite étant le seul pays candidat.


 

© 2024 AFP via Getty Images

Le Prince héritier, Mohammed ben Salmane, a renforcé ses pouvoirs en matière politique et économique, notamment en tant que président du Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite (PIF), un fonds souverain qui a facilité la commission de violations des droits humains et en a bénéficié. Les investissements du PIF dans des événements sportifs et de loisirs prestigieux, dans le pays et à l’étranger, servent à faire oublier le bilan déplorable du pays en matière de droits humains. Les travailleurs et travailleuses migrants, y compris ceux qui sont employés pour des projets financés par le PIF, sont exposés à des abus généralisés dans le cadre du système de la kafala (parrainage pour l’obtention d’un visa). Les autorités saoudiennes répriment durement toute dissidence, notamment en infligeant de longues peines de prison, ou même la peine de mort, à l’issue de procès inéquitables pour des accusations relatives à l’expression pacifique d’opinions en ligne.

Le Fonds public d’investissement et ses liens avec des abus
Après la mort du roi Abdallah en 2015, Mohammed ben Salmane a pris le contrôle d’institutions essentielles de l’État dans les domaines sécuritaire et politique et a concentré entre ses mains les pouvoirs politique et économique, notamment en tant que président et unique décideur du fonds souverain d’Arabie saoudite, le Fonds public d’investissement (PIF).

Le PIF a facilité la commission de graves violations des droits humains liées au Prince héritier et en a bénéficié directement. Cela inclut la campagne « anti-corruption » du Prince héritier en 2017, qui a consisté en des détentions arbitraires, des traitements abusifs de détenus et la spoliation de propriétés de l’élite financière du pays, ainsi que le meurtre en 2018 du journaliste saoudien critique du gouvernement Jamal Khashoggi.

Des capitaux du PIF sont utilisés pour des projets qui ont conduit à l’expulsion de force d’habitants, à la destruction de quartiers, à faire subir de graves abus aux travailleurs et à réduire certaines communautés au silence. Les autorités saoudiennes ont expulsé de force des membres de la communauté Huwaitat, qui habitaient à Tabuk depuis des siècles, de la zone où elles prévoient de créer une ville futuriste nommée NEOM, ont arrêté ceux qui protestaient conte leur expulsion et tué l’un d’entre eux. Deux habitants ont été condamnés à des peines de 50 ans de prison et trois autres ont été condamnés à mort pour avoir résisté aux expulsions forcées ordonnées par le gouvernement. La Jeddah Central Development Company, une entreprise en propriété exclusive du PIF, a expulsé de force un grand nombre de Saoudiens des classes moyennes et modestes, des étrangers et des travailleurs migrants de leurs domiciles dans des quartiers populaires et très vivants de Djeddah, afin de transformer le secteur en un quartier de tourisme et de boutiques de luxe.

Les investissements du PIF aux États-Unis, au Royaume-Uni et ailleurs dans le monde constituent également un outil important de soft power et d’influence pour l’Arabie saoudite. L’accord-cadre signé en juin 2023 entre l’Association des golfeurs professionnels (Professional Golfers' Association, PGA) et l’organisme LIV Golf financé par le PIF comprend une « clause de non-dénigrement » qui a pour effet d’étouffer toute critique du bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits humains de la part de responsables et de joueurs du circuit de la PGA.

Libertés d’expression, de réunion et de religion 

Les autorités saoudiennes ont poursuivi leur campagne de répression des activités pacifiques sur les réseaux sociaux. Le 29 mai 2024, le tribunal saoudien chargé des affaires de terrorisme, la Cour pénale spéciale, a condamné Asaad al-Ghamdi, 47 ans, un enseignant saoudien, pour plusieurs infractions criminelles uniquement liées à ses opinions exprimées pacifiquement en ligne. Il s’agit du frère de Mohammed al-Ghamdi, un enseignant à la retraite, qui a été condamné à mort en juillet 2023 uniquement pour ses publicaions sur X et son activité sur YouTube. 

Les organisations de défense des droits ont exhorté les alliés de l’Arabie saoudite à envoyer des observateurs aux audiences des procès de Salma al-Shehab et Nourah al-Qahtani, condamnées respectivement à 34 et 45 ans de prison uniquement pour leurs activités pacifiques sur les réseaux sociaux. Les publications d’Al-Shehab sur X exprimaient son soutien à la cause des droits des femmes. 

Demandeurs d’asile, migrants et travailleurs migrants

Entre mars 2022 et juin 2023, les garde-frontières saoudiens ont tué des centaines de migrants et demandeurs d’asile éthiopiens qui tentaient de traverser la frontière avec le Yémen au sud du pays. Ces meurtres constitueraient un crime contre l’humanité s’il était avéré qu’ils ont été commis dans le cadre d’une politique délibérée du gouvernement saoudien visant à tuer des migrants.

Les travailleurs et travailleuses migrants représentent 42% de la population du pays. Mais en dépit de leurs contributions indispensables, ils subissent des violations généralisées du droit du travail dans tous les secteurs d’emploi et toutes les régions géographiques, et les autorités saoudiennes s’abstiennent systématiquement de les protéger contre ces abus et d’y remédier. Le Syndicat international des travailleurs du bâtiment (Building and Wood Workers’ Union, BWI) a porté plainte auprès de l’Organisation internationale du travail (OIT) contre le gouvernement saoudien concernant les conditions de vie et de travail à caractère abusif des travailleurs migrants en Arabie saoudite avant la décision de la Fédération internationale de football (FIFA) en 2023 d’accorder à l’Arabie saoudite l’organisation de la Coupe du monde 2034.

Ces abus sont facilités par l’application du système saoudien de la kafala (parrainage pour l’obtention d’un visa), par lequel le statut juridique des travailleurs migrants est entièrement dépendant de leur employeur. Malgré plusieurs réformes successives du droit du travail, le cadre légal et règlementaire d’Arabie saoudite ne permet pas de répondre aux abus généralisés découlant du système de la kafala qui confère aux employeurs un contrôle très étendu sur la vie des travailleurs. En outre, les restrictions imposées par l’Arabie saoudite à la liberté d’expression empêchent les travailleurs de se syndiquer et de négocier collectivement pour de meilleures protections.

Les gouvernements continuent de donner la priorité au commerce et à leurs autres intérêts stratégiques en Arabie saoudite, plutôt qu’aux droits humains. Le nouveau gouvernement britannique a annoncé la reprise des négociations en vue d’un accord de libre échange avec le Conseil de coopération du Golfe, en dépit de préoccupations suscitées par le manque de transparence, de mécanisme de supervision et de protections concrètes des droits humains et d’engagements en leur faveur dans ce genre d’accord, en particulier pour les travailleurs migrants. 

Système de justice pénale

Des abus généralisés ont été documentés dans le système de justice pénale d’Arabie saoudite, qui est en totale contradiction avec les principes d’un État de droit et les normes internationales en matière de droits humains. La loi antiterrorisme viole les droits à des procédures et à un procès équitables en conférant aux autorités des pouvoirs étendus pour arrêter et détenir des personnes sans supervision judiciaire.

Les autorités saoudiennes continuent de se servir de dispositions très générales et vagues de la tristement célèbre loi antiterrorisme pour réduire au silence des dissidents et persécuter les minorités religieuses. Asaad et Mohammed al-Ghamdi, Salma al-Shehab et Nourah al-Qahtani ont tous été condamnés en vertu de la loi antiterrorisme saoudienne pour avoir pacifiquement exercé en ligne leur droit à la liberté d’expression. 

Peine de mort

En avril, un tribunal saoudien a confirmé les verdicts de peine de mort prononcés contre deux hommes saoudiens pour des infractions en lien avec des actes de protestation prétendument commis lorsqu’ils étaient mineurs, en dépit de déclarations de la Commission des droits de l’homme d’Arabie saoudite selon lesquelles personne ne sera exécuté en Arabie saoudite pour un crime commis en tant que mineur. Yousif al-Manasif et Ali al-Mabyook, tous deux originaires de la province de l’est du pays où vit la plupart de la minorité chiite, avaient entre 14 et 17 ans lorsqu’ils ont été arrêtés. Au moins cinq personnes condamnées à mort en tant que mineurs sont toujours en danger d’exécution imminente.

Droits des femmes

L’Arabie saoudite n’est pas dotée d’une loi anti-discrimination. La première loi codifiée d’Arabie saoudite sur le statut personnel consacre officiellement le tutorat des hommes sur les femmes et comprend des dispositions qui facilitent les violences conjugales et les abus sexuels dans le mariage. Le gouvernement n’a pas consulté les activistes saoudiennes des droits des femmes, en dépit de leurs campagnes en faveur de l’adoption d’une Loi sur le statut personnel qui mettrait fin aux discriminations à l’égard des femmes. Bien au contraire, les activistes saoudiennes des droits des femmes ont subi des arrestations arbitraires, des mises en détention, des tortures et des interdictions de voyager.

La Loi sur le statut personnel exige des femmes qu’elles obtiennent la permission de leur tuteur masculin, en général leur père ou leurs frères, pour se marier et les femmes mariées sont tenues d’obéir à leur mari « de manière raisonnable. » Si une femme refuse, sans « excuse légitime », d’avoir des rapports sexuels avec son mari, de cohabiter avec lui dans le logement qu’il fournit ou d’y passer la nuit, ou de voyager avec lui, elle perd son droit à une allocation maritale (nafaqa) assurée par le mari, qui comprend la nourriture, le logement, l’habillement et autres « besoins de base. »

Les hommes ont le droit de divorcer de manière unilatérale, tandis que les femmes ne peuvent demander à un tribunal de dissoudre leur contrat de mariage que pour des motifs limités et doivent « prouver l’existence d’un préjudice » qui rend « impossible » la continuation du mariage. La loi ne définit pas ce qui est entendu par « préjudice » et n’indique pas quels éléments de preuve peuvent être présentés à l’appui de la demande, ce qui laisse aux juges un pouvoir discrétionnaire d’interprétation et de mise en application de cette loi pour maintenir le statu quo.

Les pères restent par défaut titulaires de l’autorité parentale sur leurs enfants, ce qui limite la capacité des mères à participer pleinement aux décisions relatives à leurs enfants, même dans les cas où les parents ne vivent plus ensemble et où les autorités judiciaires ont décidé que les enfants devaient vivre avec leur mère. Une mère ne peut agir en tant que titulaire de l’autorités parentale sur ses enfants, à moins qu’un tribunal ne le décide.

Les femmes en Arabie saoudite se heurtent à des restrictions qui les empêchent de se déplacer librement dans leur propre pays et à l’étranger sans la permission de leur tuteur masculin. Les tuteurs et d’autres membres de la famille peuvent dénoncer des femmes à la police pour « absence » du domicile familial, ce qui peut mener à leur arrestation et à leur renvoi de force dans leur domicile ou à leur emprisonnement. Les femmes ne sont pas autorisées à sortir de prison sans être accompagnées à leur sortie par un tuteur masculin. 

Certaines universités exigent que les étudiantes démontrent qu’elles ont la permission de leur tuteur masculin pour pouvoir participer à une excursion de classe ou pour rester ou sortir du campus. Les autorités saoudiennes permettent aux tuteurs masculins d’obtenir une injonction d’un tribunal ou de simplement notifier les autorités pour qu’elles émettent une interdiction de voyager pour les femmes dont ils sont les tuteurs. 

Les étudiantes étrangères dotées d’une bourse d’études en Arabie saoudite sont tenues d’être accompagnées par un mahram (membre masculin de leur famille) pour leurs études dans le pays. 

Technologie et droits

L’Arabie saoudite a été l’hôte du Forum annuel des Nations Unies sur la gouvernance de l’internet (Internet Governance Forum, IGF), qui s’est tenu à Riyadh du 15 au 19 décembre 2024. Human Rights Watch, ainsi que d’autres organisations de défense des droits humains, a appelé le gouvernement saoudien à remettre en liberté toutes les personnes détenues arbitrairement pour leur expression en ligne avant l’ouverture de cette réunion. Il est contraire aux valeurs de l’IGF que l’Arabie saoudite ait été cette année le pays hôte de ce forum, en particulier du fait que l’un des principaux thèmes de discussion était la promotion des droits humains et de l’inclusivité à l’ère du tout-numérique.

Orientation sexuelle et identité de genre 

L’Arabie saoudite n’a pas de loi écrite concernant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, mais les juges se basent sur les principes de la loi islamique non codifiée pour sanctionner les personnes soupçonnées d’avoir des relations sexuelles hors mariage, y compris les relations adultères, extramaritales et homosexuelles, ou d’autres actes « immoraux ».

Les autorités continuent de réprimer les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) et ont éliminé toute discussion sur le genre et la sexualité de la sphère publique en ligne et hors ligne. 

Politique climatique et ses impacts

Les investissements du PIF d’Arabie saoudite dans les énergies propres représentent une proportion minuscule de ceux effectués dans les combustibles fossiles et ne constituent rien d’autre que du greenwashing. Alors que le PIF n’a effectué que des investissements limités dans les souces d’énergie propres, il a acquis de nouveaux intérêts dans les combustibles fossiles.

Ce Fonds a également servi d’outil pour détourner l’attention de la responsabilité croissante de l’Arabie saoudite dans la crise climatique par sa production de combustibles fossiles et de son rôle dans les initiatives pour retarder et entraver les accords internationaux et les autres efforts pour atténuer de manière significative les effets des changements climatiques.