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Mali

Événements de 2024

Des combattants rebelles lors d'une réunion de dirigeants de groupes armés touaregs à Tinzaouaten, au Mali, le 27 novembre 2024.

© 2024 REUTERS/Abdolah Ag Mohamed

En 2024, la situation des droits humains au Mali s’est détériorée, alors que des attaques contre des civils perpétrées par des groupes armés islamistes et des opérations abusives de lutte contre le terrorisme par les forces armées maliennes et des combattants étrangers associés se poursuivaient. En août, des affrontements ont eu lieu entre, d’une part, les forces armées maliennes et des combattants étrangers associés et, d’autre part, le Cadre stratégique permanent (CSP), une alliance de groupes armés pour la plupart issus de l’ethnie Touareg qui réclamait l’indépendance de la région située au nord du Mali qu’elle nomme l’Azawad. Cela s’est produit après la fin d’un accord de paix conclu entre les deux parties en janvier. Des milices ethniques ont également commis des exactions contre des civils. Fin août, plus de 600 000 Maliens avaient été déplacés à l’intérieur et à l’extérieur du pays, et plus de 10 000 demandeurs d’asile et migrants maliens étaient arrivés par bateau dans les îles espagnoles des Canaries, dépassant toutes les autres nationalités.

Le 18 septembre, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, a attaqué une école de gendarmerie et une base militaire à Bamako, tuant plusieurs membres des forces de sécurité, une attaque rare dans la capitale malienne.

Les autorités ont réprimé les médias et l’opposition politique, réduisant l’espace civique. En mai, des participants au « dialogue national au Mali », des consultations menées à l’échelle nationale largement boycottées par l’opposition, ont recommandé de prolonger de trois ans le régime de transition des militaires vers un régime démocratique, permettant ainsi au chef de la junte, Assimi Goïta, de se présenter à une future élection. En septembre 2023, le porte-parole du gouvernement, Abdoulaye Maïga, annonçait que l’élection présidentielle prévue pour février 2024 serait reportée « pour raisons techniques ». L’adoption d’une nouvelle constitution a elle aussi été reportée.

En janvier, le Mali, le Burkina Faso et le Niger ont annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), mesure qui limiterait les possibilités pour leurs citoyens de demander justice pour les violations des droits humains.

Atrocités commises par les groupes armés islamistes

L’organisation non gouvernementale ACLED a signalé que des groupes armés islamistes avaient perpétré 326 attaques contre des civils entraînant la mort de 478 individus entre le 1er janvier et le 31 octobre.

Le 27 janvier, des combattants du GSIM ont mené des attaques simultanées contre les villages d’Ogota et d’Ouémbé, dans la région de Mopti. Ils ont tué 28 villageois à Ogota, dont trois enfants, et quatre villageois à Ouémbé. Ils ont également incendié au moins 150 maisons à Ogota et 130 autres à Ouémbé, puis sont revenus le 1er février pour brûler les maisons restées intactes. Des villageois ont déclaré qu’ils pensaient avoir été attaqués parce que certains membres de la milice Dan Na Ambassagou avaient refusé de déposer leurs armes à la suite d’un accord entre cette milice et le GSIM. Dan Na Ambassagou est une organisation qui fédère plusieurs groupes d’autodéfense, créée en 2016 « pour protéger le pays dogon » qui assurait la sécurité à Ogota, à Ouémbé et dans les villages environnants.

Le 19 juillet, des combattants présumés de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) ont attaqué un camp de personnes déplacées, toutes issues de l’ethnie Dawsahak, tuant huit hommes, dont quatre hommes âgés. Cette attaque a été menée manifestement en représailles contre des personnes de l’ethnie Dawsahak, que l’EIGS accuse d’être membres d’une milice connue sous le nom de Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA-D), autrefois alliée au gouvernement malien suite à un accord de paix conclu en 2015, et qui a mené des attaques contre l’EIGS dans le nord-est du Mali.

Entre juin et novembre, des combattants du GSIM ont attaqué au moins dix villages dans la localité de Doucombo et au moins un dans celle de Pignari Bana, dans la région de Bandiagara, incendiant plus de 1 000 maisons et pillant plus de 3 500 têtes de bétail. D’après des témoignages et des images satellite analysés par Human Rights Watch, le 25 juin, des combattants du GSIM ont attaqué le village de Tégourou, brûlant au moins dix maisons ; le 1er juillet, ils ont attaqué Djiguibombo, brûlant plusieurs maisons et le centre de santé local ; le 24 août, ils ont attaqué le village de Tilé et incendié plus de 500 maisons ; le 29 septembre, ils ont attaqué les villages de Pel Kanda, de Songo, de Ndiombo et d’Antaba, brûlant au moins 450 maisons, dont au moins 150 à Pel Kanda, 100 à Songo, et environ autant à Ndiombo et Antaba ; enfin, les 13 et 14 octobre, ils ont attaqué les villages de Danibombo 2 et Danibombo 1 respectivement, incendiant au moins 140 maisons. Ils ont également tué deux hommes à Tégourou, au moins dix personnes à Djiguibombo, un homme à Pel Kanda, quatre hommes et une femme à Songo, cinq hommes à Danibombo 2, et blessé six autres hommes à Danibombo 1. Des témoins ont déclaré que les attaques étaient en représailles contre des communautés locales accusées par le GSIM de collaborer avec la milice Dan Na Ambassagou.

Exactions perpétrées par les forces de sécurité de l’État

D’après ACLED, les forces de sécurité maliennes et les forces alliées ont mené 239 opérations à l’encontre de civils, entraînant la mort de 1 021 individus entre le 1er janvier et le 11 octobre, contre 184 opérations conduites en 2023 qui, sur la même période, avaient fait 632 morts.

Les forces armées maliennes et des combattants étrangers alliés manifestement associés au groupe Wagner, lié à la Russie, ont été impliqués dans des meurtres illégaux de civils lors d’opérations de lutte contre le terrorisme menées dans le centre et le nord du Mali.

Le 25 janvier, les forces armées maliennes et des combattants du groupe Wagner ont mené une opération militaire dans le village d’Attara, dans la région de Tombouctou. Ils ont menacé de mort les villageois, tué sommairement sept hommes civils et pillé des biens.

Le même jour, des combattants du groupe Wagner, ainsi qu’au moins un militaire malien, ont attaqué le campement de l’ethnie Bozo à Dakka Sebbe, dans la région de Ségou. Ils ont torturé trois hommes peuls qu’ils soupçonnaient de collaborer avec des groupes armés islamistes.

Le lendemain, des militaires maliens à la recherche de combattants islamistes dans le village d’Ouro Fero, dans la région de Nara, ont arrêté 25 personnes, dont quatre enfants. Plus tard dans la journée, des villageois ont trouvé à environ quatre kilomètres d’Ouro Fero les corps calcinés des 25 personnes qui avaient été arrêtées.

Le 16 février, un drone malien a frappé une cérémonie de mariage dans le village de Konokassi, dans la région de Ségou, tuant au moins cinq hommes et deux garçons. Le lendemain, alors que des villageois s’attelaient à enterrer les corps des personnes tuées lors du mariage, une deuxième frappe de drone a touché un groupe de personnes au cimetière de Konokassi, tuant cinq hommes et deux garçons.

Le 2 mai, lors d’une opération anti-insurrectionnelle à N’Dola, dans la région de Ségou, des militaires maliens ont tué six hommes civils et en ont arrêté huit autres. Le 9 mai, des militaires sont retournés à N’Dola et ont incendié jusqu’à 100 maisons.

Le 3 mai, un groupe de militaires maliens et de combattants du groupe Wagner a tué deux hommes et un garçon à Barikoro, un village situé dans une zone de la région de Ségou contrôlée par le GSIM.

Les 9 et 16 août, des militaires maliens et des combattants du groupe Wagner ont mené deux opérations anti-insurrectionnelles séparées dans les villages d’Ala et de Dounkala, dans la région de Ségou, entraînant la disparition de deux hommes à Ala et de deux autres à Dounkala, ainsi que la mort d’un homme à Dounkala.

Le 25 août, des frappes de drones maliennes qui, d’après les forces armées maliennes, visaient des membres de groupes armés, ont tué au moins cinq enfants et deux hommes à Tinzaouaten, dans la région de Kidal.

Le 8 octobre, lors d’une opération anti-insurrectionnelle dans le village de Ndorgollé, dans la région de Ségou, des militaires maliens et des combattants du groupe Wagner ont tué deux hommes et en ont arrêté trois autres.

Exactions commises par des milices ethniques

En janvier, des miliciens dozos ont attaqué le village de Kalala, dans la région de Ségou, et tué 13 personnes, dont trois hommes âgés – y compris un aveugle –, une femme âgée et deux enfants. Les Dozos, ou « sociétés de chasseurs traditionnels », majoritairement composés de Bambaras, assument le rôle de forces d’autodéfense villageoise dans les régions de Ségou et de Mopti depuis environ 2014. Human Rights Watch a documenté des exactions commises par les Dozos à l’encontre de civils peuls, ainsi que des allégations selon lesquelles des groupes d’autodéfense dozos et autres auraient agi pour le compte de l’armée malienne. L’attaque perpétrée à Kalala, dont la population est majoritairement peule, semblerait avoir été commise en représailles aux attaques lancées par le GSIM contre des Bambaras dans les villages alentour fin 2023.

Le même mois, des miliciens dozos ont enlevé 24 personnes à Boura, un village majoritairement peul de la région de Ségou. Ils ont également pillé des maisons et du bétail. Cette attaque a été manifestement lancée en représailles contre les Peuls accusés par les Dozos de collaborer avec le GSIM.

Attaques contre les droits civils et politiques

La junte malienne a réprimé la dissidence pacifique, l’opposition politique, la société civile et les médias, restreignant ainsi l’espace civique et politique du pays. Les autorités ont dissous des organisations politiques et de la société civile, procédé à la disparition forcée d’au moins un lanceur d’alerte et arrêté des journalistes.

Le 10 avril, le Conseil des ministres a adopté un décret qui suspendait les activités des partis et associations politiques à travers le pays « jusqu’à nouvel ordre ». Cette mesure semble avoir été prise en réponse à l’appel lancé le 31 mars par plus de 80 partis et associations politiques pour un retour à l’ordre constitutionnel en vue d’organiser des élections présidentielles dans les meilleurs délais. En juillet, la junte a levé l’interdiction visant les activités des partis politiques.

La junte a dissous au moins trois associations de la société civile en 2024, dont l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM), la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS) et l’association Kaoural Renouveau.

Obligation de rendre des comptes pour les exactions commises

Il y a eu peu de progrès dans les enquêtes gouvernementales sur plusieurs incidents lors desquels des exactions avaient été signalées.

Le 21 juin, la Cour pénale internationale (CPI) a levé les scellés d’un mandat d’arrêt à l’encontre de l’ancien chef présumé d’Ansar Dine, un groupe armé islamiste responsable d’exactions, pour des crimes qui auraient été commis au nord du Mali entre 2012 et 2013. Toujours en juin, la Cour a déclaré un ancien haut responsable d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) coupable d’une partie des charges des crimes de guerre et crimes contre l’humanité portées à son encontre.