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Chine

Événements de 2022

Des centaines de personnes manifestent contre la politique "zéro-Covid" du président chinois Xi Jinping dans le quartier de Liangmaqiao à Pékin, le 27 novembre 2022.

© 2022 Yomiuri Shimbun via AP Images

La répression s’est intensifiée dans toute la Chine en 2022. Fait sans précédent, Xi Jinping a obtenu un troisième mandat en tant que Secrétaire général du Parti communiste chinois, faisant de lui le dirigeant le plus puissant du pays depuis Mao Zedong. En octobre, un homme a déployé deux banderoles sur un pont de Pékin, appelant à la destitution du « traître dictateur » Xi, et à la défense des libertés et du suffrage universel pour les citoyens chinois. Le geste de ce manifestant solitaire a inspiré des manifestations de soutien dans le monde entier.

Le gouvernement chinois a renforcé ses restrictions liées à la lutte contre le Covid-19, imposant des confinements répétés et imprévisibles à des centaines de millions de personnes. Dans certains cas, les autorités ont utilisé du fil barbelé, des barres métalliques et d’imposantes barrières pour empêcher les gens de sortir de chez eux. Les habitants de la province du Sichuan n’ont pas pu quitter les bâtiments où ils se trouvaient, même lors d’un tremblement de terre. Pendant ces périodes de confinement, qui ont duré de plusieurs jours à plusieurs semaines, des habitants ont déclaré avoir eu des difficultés à se procurer de la nourriture et des soins médicaux, entraînant même des décès dans certains cas. D’autres ont dénoncé des violations de leur vie privée, de la censure, des perturbations de leurs moyens de subsistance, et des brutalités de la part du gouvernement, des policiers et des responsables de santé, qui ont été jusqu’à donner des coups de pied et rudoyer ceux qui résistaient aux restrictions imposées dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Au Tibet et au Xinjiang, les habitants, dont les droits étaient déjà fortement limités, ont fait état de contrôles anti-Covid encore plus draconiens, imposés par les autorités locales.

La Chine a connu la plus grave vague de chaleur jamais enregistrée, provoquant des pénuries d’électricité généralisées qui ont incité les autorités à revenir à l’usage du charbon, et soulignant l’urgence d’une transition vers les énergies propres.

Pékin et les autorités de Hong Kong ont poursuivi leur assaut contre les droits humains sur ce territoire, où la spirale négative devrait se poursuivre puisque Pékin a nommé John Lee, un ancien fonctionnaire de police abusif, au poste de chef de l’exécutif de la ville.

L’attention internationale accordée aux violations des droits humains commises par le gouvernement chinois s’est accrue. Huit gouvernements ont lancé un boycott diplomatique des Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin en signe de protestation. En juin, l’entrée en vigueur de la loi américaine sur la prévention du travail forcé des Ouïghours a établi une présomption selon laquelle les biens en provenance du Xinjiang sont issus du travail forcé et ne peuvent être importés. En août, l’ancienne Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a publié son rapport sur le Xinjiang, concluant que les abus dans la région « pourraient constituer des crimes contre l’humanité ».

Hong Kong

Les autorités de Hong Kong ont attaqué la liberté de la presse. Le 29 décembre 2021, la police de sécurité nationale a fait une descente dans les locaux de Stand News, un média influent, a accusé ses rédacteurs en chef de sédition et les a contraints à fermer leurs portes, ce qui a incité sept autres médias à faire de même dans les deux semaines qui ont suivi. En avril, la police a arrêté Allen Au, un journaliste chevronné et ancien chroniqueur de Stand News, sur la base d’accusations infondées de sédition. Plus tard dans le mois, le Club des correspondants étrangers de Hong Kong a annulé les Human Rights Press Awards (Prix Médias pour les Droits de l’homme annuels), invoquant la crainte d’une arrestation. En septembre, la police a accusé le président de l’Association des journalistes de Hong Kong, Ronson Chan, d’avoir fait « obstruction à des policiers » lors d’un reportage.

En août, la Haute Cour a statué que les contenus journalistiques n’étaient pas légalement protégés par la très stricte Loi sur la Sécurité nationale (LSN). Cette décision a permis de confirmer la légalité des perquisitions effectuées par la police sur les téléphones du magnat des médias Jimmy Lai qui, avec six autres responsables de l’Apple Daily, l’ancien grand journal pro-démocratique de Hong Kong, fait l’objet de trois accusations au titre de la LSN et d’une accusation de sédition.

Au moins 231 personnes ont été arrêtées pour avoir prétendument enfreint la LSN depuis qu’elle a été imposée le 30 juin 2020, ainsi que pour « sédition », en vertu d’une loi de l’ère coloniale ravivée par les autorités pour écraser la dissidence. La LSN instaure une présomption contre la libération sous caution, ce qui en fait une règle incompatible avec la présomption d’innocence. Parmi les 138 personnes inculpées, la plupart étaient en détention provisoire depuis près d’un an ou plus.

En mai, la police a inculpé le cardinal Joseph Zen, un défenseur de la démocratie âgé de 90 ans, ainsi que cinq autres personnes, pour ne pas avoir correctement enregistré l’organisation d’aide juridique 612 Humanitarian Relief Fund. Sous la pression de la police, l’ordre des avocats a ouvert en juillet des enquêtes sur la conduite professionnelle d’au moins 35 avocats qui représentaient les bénéficiaires de ce fonds.

Après que la police ait arrêté des syndicalistes et forcé de nombreux syndicats à se dissoudre, le gouvernement a encore restreint les activités syndicales en septembre, en demandant aux fondateurs de nouveaux syndicats de s’engager à ne pas menacer la « sécurité nationale ».

La censure est désormais monnaie courante à Hong Kong. En mai, plusieurs éditeurs de livres politiques ont été interdit de participer à une foire du livre organisée par le gouvernement. Les bibliothèques publiques, les chaînes de librairies commerciales et certaines bibliothèques scolaires continuent de retirer de leurs rayons les titres politiquement « sensibles ».

Plusieurs films traitant de questions politiques relatives à Hong Kong ont eux aussi été interdits en vertu du nouveau régime de censure, qui interdit les films susceptibles de « mettre en danger la sécurité nationale ». En août, un festival de cinéma a écarté un film primé quand son réalisateur a refusé de céder à la demande des autorités de supprimer une scène où était représenté le mouvement pro-démocratique des parapluies de 2014.

Les universités ont été complices de la répression des autorités contre les étudiants, qui ont joué un rôle central dans le mouvement pro-démocratique de Hong Kong. Fin 2021, quatre universités ont retiré des œuvres d’art sur le massacre de Tiananmen de 1989, et en janvier 2022, l’université de Hong Kong a recouvert des slogans à la mémoire de Tiananmen qui avaient été peints sur les trottoirs de l’université. Les huit universités publiques ont fait obstruction au fonctionnement de leurs syndicats étudiants, notamment en cessant de les reconnaître et en refusant de les aider à collecter les cotisations de leurs membres. Les universités ont introduit des cours obligatoires sur le droit de la sécurité nationale, tandis que l’Université chinoise de Hong Kong a commencé à organiser des cérémonies hebdomadaires de lever du drapeau chinois.

La police a intensifié la surveillance de la société hongkongaise. En juin, la police a mis en place une ligne d’assistance téléphonique « antiterroriste », en plus de la ligne « antiviolence » déjà existante, pour signaler les violations de la sécurité nationale. En août, la police a déclaré qu’elle allait « réfuter les fausses informations » sur la police grâce à un « système de veille de l’opinion publique fonctionnant 24 heures sur 24 ».

Les habitants de Hong Kong ont continué à protester malgré les risques d’arrestation. Le 4 juin, de nombreuses personnes ont commémoré en public le massacre de Tiananmen en 1989. La police a procédé à six arrestations ce jour-là. En septembre, alors que des centaines de personnes se rassemblaient devant le consulat britannique pour faire le deuil de la reine Elizabeth II, certains ont entonné la chanson protestataire interdite « Glory to Hong Kong ». La police a arrêté un homme pour sédition parce qu’il jouait cet air sur un harmonica. Plus de 150 000 personnes ont quitté Hong Kong depuis l’imposition de la LSN ; beaucoup ont poursuivi leur activisme à l’étranger.

Xinjiang

En décembre 2021, les autorités ont remplacé le secrétaire du parti du Xinjiang, Chen Quanguo, chargé de superviser la campagne très répressive « Frapper fort contre le terrorisme violent » dans la région, par Ma Xingrui, un technocrate expérimenté dans la gouvernance de régions côtières plus riches. En juillet, le président Xi s’est rendu au Xinjiang et a déclaré que si la région devait « maintenir son emprise sur la stabilité », elle devait également « aller vers plus de prospérité ».

Malgré la propagande du gouvernement, qui présente les politiques qu’il mène dans la région comme des efforts fructueux de lutte contre le terrorisme, les crimes contre l’humanité dans la région ont fait l’objet d’une attention internationale croissante. En mai, une source anonyme a publié des fichiers de police piratés en provenance du Xinjiang, comprenant près de 3 000 photos de détenus ouïghours, ainsi que des documents politiques clés décrivant les mesures drastiques mises en œuvre dans cette région par les hauts dirigeants chinois. Au plus fort de la campagne « Strike Hard » (« Frapper fort »), près d’un million de personnes ont été injustement détenues dans des camps de rééducation politique, des centres de détention provisoire et des prisons. Si certaines ont été libérées, Human Rights Watch a constaté, dans un rapport publié en septembre, que les autorités chinoises avaient également condamné environ un demi-million de personnes, dont beaucoup sont toujours en prison.

Tibet

Les autorités des régions tibétaines continuent d’appliquer de sévères restrictions aux libertés de religion, d’expression, de mouvement et de réunion. Les revendications populaires sur des questions telles que les déplacements massifs, la dégradation de l’environnement ou la suppression progressive de la langue tibétaine dans l’enseignement primaire se heurtent à la répression. Les responsables locaux sont tenus d’apprendre au public à « respecter la loi » et des récompenses financières sont offertes aux citoyens qui sont prêts à en dénoncer d’autres.

Sous le coup d’une censure sévère, les Tibétains continuent d’être détenus pour des infractions commises en ligne, comme le fait d’avoir dans leur téléphone des contenus interdits ou de « répandre des rumeurs ». Les autorités ont interdit la publication en ligne de contenus d’enseignement religieux et autres, afin de renforcer le contrôle officiel sur les institutions religieuses et sur les enseignants. Dans une région tibétaine de la province du Sichuan, les autorités régionales ont donné l’ordre de démolir des statues et des temples situées en extérieur, dont la construction avait pourtant été initialement approuvée.

Des informations ont fait état de l’arrestation et de la condamnation de personnalités religieuses et culturelles tibétaines soupçonnées de dissidence, ainsi que de mauvais traitements qu’ils auraient subis en détention – notamment des écrivains Go Sherab Gyatso, Rongwo Gendun Lhundrup et Tubten Lodro (alias Sabuchey). En mars, le jeune et très populaire chanteur de pop Tsewang Norbu s’est immolé par le feu devant le palais du Potala, la première immolation d’un Tibétain issu d’un milieu urbain.

Liberté de religion

Le contrôle de l’État sur la religion s’est accru depuis 2016, lorsque Xi a appelé à la « sinisation » des religions. En allant bien au-delà du contrôle de la religion et en dictant ce qui constitue une activité religieuse « normale », et donc légale, les autorités cherchent désormais à remodeler de manière globale les religions pour qu’elles se conforment à l’idéologie du parti et contribuent à promouvoir l’allégeance au parti et à Xi.

La police continue de harceler, d’arrêter et d’emprisonner les dirigeants et membres des « églises de maison », des congrégations qui refusent de rejoindre les églises catholiques et protestantes officielles. Les autorités perturbent également leurs activités pacifiques ou les interdisent purement et simplement. En septembre, des dizaines de membres d’une église de Shenzhen qui avaient quitté la Chine il y a trois ans en raison de l’escalade du harcèlement policier ont fui vers la Thaïlande pour trouver y refuge, après avoir échoué à obtenir le statut de réfugié en Corée du Sud. Le groupe a déclaré être surveillé par des agents du gouvernement chinois en Thaïlande.

Les nouvelles mesures relatives à l’administration des services d’information religieuse sur Internet sont entrées en vigueur en mars, interdisant aux individus ou aux organisations d’enseigner ou de propager la religion en ligne sans autorisation officielle. Une application catholique très utilisée, CathAssist, a été fermée en août parce qu’elle n’avait pas pu obtenir de licence. Ces réglementations semblent avoir gravement perturbé la vie religieuse des personnes concernées, qui ont de plus en plus eu recours aux rassemblements et informations religieuses en ligne, notamment pendant la pandémie de Covid-19.

En octobre 2022, le Vatican et le gouvernement chinois ont renouvelé un accord signé en 2018. Il a été renouvelé malgré l’arrestation par le gouvernement chinois du cardinal Joseph Zen et le maintien en détention des évêques Zhang Weizhu et Cui Tai, entre autres.

Covid-19

Les autorités ont maintenu une politique « Zéro Covid » stricte, considérant comme inacceptable la moindre infection, même si des vaccins et des traitements efficaces sont largement disponibles.

À Ruili, une ville frontalière de la province du Yunnan, les habitants ont enduré sept confinements distincts de mars 2021 à avril 2022, passant 119 jours confinés chez eux, sauf pour les tests Covid obligatoires. À Shanghai, un grand centre d’affaires qui compte 25 millions d’habitants, les habitants ont subi un confinement tout aussi strict de mars à mai. Chengdu, une ville de 21 millions d’habitants, a été confinée pendant deux semaines au mois de septembre.

Si ces mesures draconiennes ont permis de limiter les décès et maladies liés au Covid, elles ont considérablement restreint l’accès des personnes aux soins de santé, à la nourriture et aux autres produits de première nécessité. Un nombre inconnu de personnes sont mortes après s’être vues refuser un traitement médical pour des maladies qui n’étaient pas liées au Covid. Dans certains cas, les habitants ont dû avoir recours à des menaces d’automutilation ou de violence pour faire admettre leurs proches dans les hôpitaux. À Shanghai, les autorités ont séparé des jeunes enfants de leurs parents après des tests Covid positifs, obligeant les sujets testés positifs à s’isoler dans un hôpital ou un établissement désigné. Elles n’ont fait marche arrière que lorsque ces décisions ont suscité un tollé général. De nombreuses personnes ont rapporté qu’elles étaient confrontées à de graves pénuries de nourriture, de médicaments, de produits d’hygiène menstruelle et d’autres produits essentiels. Les personnes placées dans des installations de quarantaine obligatoire se sont également exprimées sur les réseaux sociaux pour dénoncer les conditions de promiscuité et d’insalubrité qui y régnaient.

Si les autorités ont présenté leurs excuses pour les « lacunes et insuffisances » de leurs réponses au Covid, elles ont continué à exercer un contrôle sur le flux des informations sur la pandémie. Les censeurs ont supprimé de nombreux messages critiques du gouvernement sur les réseaux sociaux, à l’instar d’une vidéo virale qui protestait contre le confinement à Shanghai ou des commentaires furieux publiés après l’accident d’un bus qui transportait des dizaines de personnes vers un centre de quarantaine et qui a tué 27 personnes en pleine nuit. Dans le même temps, dans tout le pays, la police a arrêté des citoyens du net qui se plaignaient de la réponse du gouvernement au Covid.

Les confinements et autres mesures de contrôle du Covid-19 ont également contraint des usines, des restaurants et des entreprises à supprimer des emplois et des salaires, voire mettre la clef sous la porte, purement et simplement. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des personnes suppliant les autorités de les libérer du confinement afin qu’elles puissent aller travailler et nourrir leur famille.

Défenseurs des droits humains

Les autorités ont continué à harceler, détenir et poursuivre en justice des défenseurs des droits humains. En décembre 2021, les autorités de la province de Jilin ont fait disparaître de force l’avocat des droits humains Tang Jitian. Avant sa disparition, les autorités avaient empêché Tang de se rendre au Japon pour rendre visite à sa fille, qui était dans le coma suite à une maladie.

En juin, un tribunal de la province du Shandong a organisé des procès secrets contre Xu Zhiyong, un juriste de renom, et Ding Jiaxi, avocat spécialisé dans les droits humains, pour « subversion ». Les verdicts dans ces deux affaires n’étaient pas connus au moment de la rédaction de ce rapport. Les deux hommes ont respectivement été placés en détention en 2020 et 2019 après avoir organisé un petit rassemblement afin de discuter de questions relatives aux droits humains et à la démocratie. Li Qiaochu, une militante des droits des femmes et partenaire de Xu, est également détenue depuis février 2021.

En septembre, Dong Jianbiao, le père de Dong Yaoqiong, que les autorités ont fait disparaître pour avoir éclaboussé d’encre une affiche du président Xi Jinping en 2018, est mort dans une prison de la province du Hunan. Des membres de la famille ont déclaré que son corps présentait des signes de blessures. Dong avait protesté contre la disparition de sa fille et avait été emprisonné pour un différend domestique. Également en septembre, la police de Shanghai a arrêté Ji Xiaolong, un activiste qui avait appelé le secrétaire du Parti de Shanghai, Li Qiang, à démissionner pour sa mauvaise gestion de la crise du Covid.

Huang Xueqin, journaliste et voix majeure du mouvement #MeToo en Chine, disparue aux mains des autorités du Guangdong en septembre 2021, serait en mauvaise santé. Les autorités ont écarté l’avocat désigné par la famille de Huang et l’ont obligée à faire appel à un avocat désigné par le gouvernement.

L’avocat des droits humains Li Yuhan, basé à Shenyang et détenu depuis 2017, aurait été maltraité par les autorités de son centre de détention et était gravement malade. Li a été jugé en 2021, mais aucun verdict n’avait été rendu au moment de la rédaction de ce rapport. On ignorait toujours où se trouvait l’avocat des droits humains Gao Zhisheng, porté disparu en août 2017. La famille de Gao n’avait cessé de demander au gouvernement chinois de révéler s’il était encore en vie.

Liberté d’expression

Les autorités continuent de harceler, d’arrêter et de poursuivre des personnes en raison de leurs publications en ligne et de leurs messages privés critiquant le gouvernement, en les accusant à tort de « répandre des rumeurs », de « provoquer des querelles et des troubles » et d’« insulter les dirigeants du pays ». En mai, un tribunal de la province du Hainan a condamné l’ancien journaliste Luo Changping à sept mois de prison pour un message diffusé sur Weibo, mettant en doute la justification de la Chine pour son implication dans la guerre de Corée.

Les autorités ont continué à supprimer les contenus en ligne jugés politiquement sensibles. Début 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les censeurs ont supprimé les publications des réseaux sociaux critiquant le gouvernement russe, ou ceux qui prônaient la paix. En juin, Li Jiaqi, un célèbre animateur de live streaming, a été mis hors ligne pendant trois mois après avoir montré un gâteau en forme de char d’assaut à l’occasion du 33ème anniversaire du massacre de la place Tiananmen, alors qu’il ne connaissait probablement pas le caractère symbolique du char. En août, l’administration du cyberespace a annoncé qu’elle avait « traité » 1,34 milliard de comptes de réseaux sociaux, « nettoyé » 22 millions de messages illégaux et fermé 3 200 sites Internet.

Malgré l’appareil de censure sophistiqué mis en place par Pékin, les citoyens du net ont continué à développer des moyens créatifs pour échapper au contrôle des autorités. À Guangzhou, les habitants ont utilisé des termes cantonais vernaculaires, au lieu du mandarin standard, pour exprimer leurs frustrations à l’égard de la politique gouvernementale draconienne de lutte contre le Covid.

Droits des femmes et des filles

Le mouvement #MeToo en Chine a continué à gagner du terrain, malgré la censure en ligne et la répression des activistes des droits des femmes. En novembre 2021, la star chinoise du tennis Peng Shuai a publié sur Weibo un message dans lequel elle affirmait avoir été agressée sexuellement par un haut responsable du parti à la retraite, portant les accusations du mouvement #MeToo jusqu’aux échelons les plus élevés du PCC. Si son message sur Weibo, ainsi que les discussions auxquelles il a donné lieu, ont rapidement été censurés dans le pays, ils ont suscité un énorme intérêt à l’extérieur du pays, alors que le gouvernement chinois se préparait à accueillir les Jeux olympiques d’hiver en février. Peng n’a pas été vue en public pendant des semaines après avoir publié son message. Ses apparitions ultérieures dans des vidéos et sur des photos ont largement été considérées comme ayant été mises en scène par les autorités.

En août, un tribunal de Pékin a rejeté l’appel de Zhou Xiaoxuan, qui avait intenté une action en justice pour harcèlement sexuel contre un célèbre animateur de la télévision publique CCTV, jugeant les preuves présentées « insuffisantes ». Cette affaire de harcèlement sexuel qui a fait date avait inspiré de nombreuses autres personnes à partager leurs histoires d’agressions sexuelles.

En septembre, la police chinoise a arrêté Du Yingzhe, un célèbre réalisateur chinois, pour abus sexuels. Vingt et une femmes et jeunes filles l’ont accusé d’avoir contraint des étudiantes et des membres du personnel à avoir des relations sexuelles avec lui sur une période de 15 ans. En octobre, Richard Liu, un milliardaire chinois du secteur des technologies, a négocié un règlement au civil dans une affaire de viol dans le Minnesota, après que Jingyao Liu, une ancienne étudiante de l’université du Minnesota, l’ait poursuivi en 2018.

Deux affaires de violence sexuelle ont suscité l’indignation de tout le pays en 2022. En janvier, une vidéo montrant une femme enchaînée par le cou dans une hutte de la province rurale du Jiangsu est devenue virale. Une enquête gouvernementale a révélé que la femme avait été victime de traite et vendue comme épouse à deux reprises à la fin des années 1990. Les autorités ont censuré la vidéo et les discussions qui s’y rapportaient, arrêté les activistes qui ont tenté de se rendre dans le village de cette femme, menacé les personnes qui ont effectué leurs propres recherches en ligne et remis en question les conclusions officielles.

En juin, des images de vidéosurveillance qui circulaient en ligne ont montré quatre femmes sauvagement attaquées après que l’une d’entre elles a rejeté les avances sexuelles d’un homme dans un restaurant de la ville de Tangshan (nord-est du pays). Cette vidéo a suscité de vifs débats sur la violence sexiste. Vingt-huit personnes ont ensuite été inculpées en relation avec l’incident.

Orientation sexuelle et identité de genre

La Chine a décriminalisé les comportements homosexuels en 1997. Elle ne dispose pas de lois protégeant les personnes contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, et les partenariats entre personnes de même sexe ne sont pas reconnus.

Les autorités ont continué à interdire les représentations de relations homosexuelles au cinéma et à la télévision. En février, la très populaire série américaine « Friends » est revenue sur différents sites de streaming chinois, mais des scènes dans lesquelles étaient représentées des lesbiennes ont été coupées. En avril, plusieurs références à une relation homosexuelle dans le film « Les Animaux fantastiques 3 » de Warner Brothers ont été supprimées. En juin, les autorités ont interdit le film d’animation « Buzz l’Éclair » de Disney après que la société a refusé de couper une scène montrant un couple homosexuel en train de s’embrasser.

Droits des personnes handicapées

En Chine, les personnes atteintes d’un handicap psychosocial réel ou supposé peuvent être enchaînées ou enfermées dans des espaces confinés, en raison d’un soutien et des services de santé mentale inadaptés, et de croyances répandues qui stigmatisent les personnes atteintes d’un handicap psychosocial.

En septembre, le Comité des Nations unies pour les droits des personnes handicapées a recommandé au gouvernement chinois « d’abroger les dispositions et pratiques qui autorisent la privation de liberté des adultes et enfants handicapés sur la base d’une déficience réelle ou perçue ».

Initiative « Nouvelle route de la soie »

L’initiative de la « Nouvelle route de la soie » (« Belt and Road » Initiative, BRI), annoncée en 2013, est un programme d’infrastructure et d’investissement de mille milliards de dollars du gouvernement qui concerne une centaine de pays. Certains projets de la BRI ont depuis cette date été critiqués pour leur manque de transparence, leur mépris des préoccupations des communautés locales et leurs impacts environnementaux négatifs, suscitant nombre de protestations.

En août, les autorités chinoises ont annoncé qu’elles annulaient 23 prêts sans intérêt pour 17 pays africains, ce qui représente environ 1% du total des prêts de la Chine selon une étude de l’université de Boston. Une étude de l’Institut d’études de sécurité, basé à Pretoria, sur les pratiques en vigueur dans les entreprises chinoises dans six pays africains a révélé des violations généralisées du droit du travail, notamment des salaires impayés, des violences physiques, des licenciements instantanés en cas de blessure ou de maladie, ou encore le manque de sécurité sur le lieu de travail.

En août, des manifestants sont descendus dans la rue à Gwadar, une ville portuaire du Pakistan, projet phare du Corridor économique Chine-Pakistan, pour réclamer de l’eau et de l’électricité, ainsi que l’arrêt de la pêche illégale pratiquée par les chalutiers chinois dans la région. Les pêcheurs locaux s’étaient inquiétés du manque de transparence et de consultation, et des conséquences potentielles sur leurs moyens de subsistance. Ces manifestations ont été vues comme faisant partie d’un mouvement grandissant de rejet de la BRI au Pakistan.

Politiques et actions en matière de changement climatique

La Chine reste le plus grand émetteur de gaz à effet de serre du monde, bien que ses émissions par habitant ne la placent que parmi les 40 premiers pays émetteurs. Une grande partie de l’énergie considérable qui a alimenté la croissance économique chinoise provient du charbon, ce qui explique ces émissions. La Chine produit la moitié du charbon mondial et est également le plus grand importateur de pétrole, de gaz et de charbon au monde.

Le gouvernement chinois a annoncé en 2021 qu’il atteindrait la neutralité carbone avant 2060 et le pic de ses émissions de carbone avant 2030. Malgré ces objectifs améliorés, le Climate Action Tracker juge cet objectif « très insuffisant » pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels.

La Chine est aussi le premier producteur mondial d’énergie renouvelable et le premier bailleur de fonds des projets d’énergie renouvelable à l’étranger, dont certains ont toutefois été associés à des violations des droits humains. Une grande partie de la capacité mondiale de production de minéraux et de matériaux nécessaires aux technologies des énergies renouvelables, notamment les éoliennes, les panneaux solaires et les batteries des voitures électriques, se trouve en Chine. Certains de ces minéraux sont produits au Xinjiang, ce qui suscite des inquiétudes quant au recours au travail forcé.

Les opérations à l’étranger des entreprises chinoises ont fréquemment causé ou contribué à des violations des droits humains et à des dommages environnementaux. En Guinée, Human Rights Watch a documenté l’implication d’une entreprise chinoise dans une coentreprise d’extraction de bauxite (aluminium) qui a exploité les terres des agriculteurs sans compensation adéquate et détruit les sources d’eau locales.

Les importations de produits agricoles de base de la Chine sont à l’origine d’une plus grande déforestation au niveau mondial que celles de tout autre marché. Cette déforestation est en grande partie illégale. En novembre, les États-Unis et la Chine se sont engagés conjointement à éliminer la déforestation illégale dans le monde en mettant en application leurs lois respectives, qui interdisent les importations illégales de bois. La Chine n’a toujours pas appliqué une restriction sur les importations de bois illégal qu’elle a pourtant adoptée en 2019.

Principaux acteurs internationaux

En mai, Michelle Bachelet a effectué la première visite en Chine d’un Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme depuis 17 ans ; les autorités ont étroitement contrôlé ses activités. En août, Michelle Bachelet a publié un rapport qui confirme l’ampleur des violations des droits humains au Xinjiang et conclut que ces abus « pourraient constituer des crimes contre l’humanité ».

Le gouvernement chinois a cherché à plusieurs reprises à empêcher la publication du rapport. Après sa publication, plus de 40 experts indépendants des Nations unies ont rédigé une déclaration commune soutenant ses conclusions. En septembre, les États-Unis, l’Australie, le Canada, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Lituanie, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni ont lancé une initiative au Conseil des droits de l’homme de l’ONU visant à organiser une discussion sur le rapport lors de sa session de mars 2023. L’initiative a échoué par un vote serré de 17 à 19, avec le soutien de tous les groupes régionaux de l’ONU : L’Ukraine a ensuite exprimé son soutien, réduisant la marge à un seul vote. Toutefois, le nombre de délégations de l’ONU disposées à condamner publiquement les abus commis par le gouvernement au Xinjiang ne cesse de croître. En octobre, un nombre record de 50 pays membres des Nations unies se sont joints à une déclaration conjointe à l’initiative du Canada, appelant Pékin à mettre fin aux violations des droits humains dans le Xinjiang et à appliquer les recommandations du rapport de Mme Bachelet.

Les gouvernements ont pris de plus en plus de mesures pour s’assurer que leur activité commerciale n’alimente pas la répression dans toute la Chine. Outre l’entrée en vigueur de la loi américaine sur la prévention du travail forcé chez les Ouïghours, l’Union européenne aurait envisagé d’interdire l’importation et l’exportation de tous les produits issus du travail forcé, en raison notamment des inquiétudes suscitées par les abus commis au Xinjiang. L’UE a introduit un projet de législation visant à établir des normes mondiales de diligence raisonnable en matière de droits humains pour les entreprises. Le Comité international olympique et ses principaux sponsors n’ont pas publié leurs déclarations de diligence raisonnable en matière de droits humains avant les Jeux d’hiver de 2022 en Chine.

En mars, le ministère américain de la Justice a annoncé l’ouverture de poursuites contre cinq personnes pour harcèlement d’individus qui avaient critiqué le gouvernement chinois aux États-Unis, témoignant de l’inquiétude croissante que suscitent les menaces pesant sur les communautés de la diaspora. En Australie, le campus de l’Université de technologie de Sydney a fait un pas vers une meilleure protection de la liberté académique des étudiants qui souhaitent exprimer des points de vue critiques à l’égard du gouvernement chinois, en ajoutant aux documents d’orientation un nouvel avertissement informant les étudiants de leur droit à ne subir aucune forme de harcèlement ou d’intimidation politique soutenue par l’État.

Politique étrangère

En février, le président russe Vladimir Poutine s’est rendu en Chine, où il a publié avec Xi une déclaration promettant une « amitié sans limites » entre les deux gouvernements. Le gouvernement chinois n’a pas condamné l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ni les nombreuses violations des lois de la guerre commises par les forces russes dans ce conflit.

Le gouvernement chinois continue à fournir une assistance directe et une aide militaire à plusieurs gouvernements très abusifs, notamment les Talibans en Afghanistan et la junte militaire au Myanmar.

En octobre, le Consul général de Chine à Manchester en Angleterre et d’autres membres du personnel du consulat ont traîné un manifestant favorable à la démocratie à Hong Kong dans l’enceinte du consulat où ils l’ont passé à tabac ; le Consul général a justifié sa conduite en disant qu’il avait fait son « devoir ».

Des diplomates chinois se sont également attaqués aux mandats des organes des Nations unies chargés des droits humains, en réponse aux inquiétudes de plus en plus vives qu’ils exprimaient concernant les violations commises en Chine. Pékin a qualifié le rapport de la Haute-commissaire sur le Xinjiang de « farce » et les efforts visant à faire avancer le débat sur la situation au Xinjiang d’« illégaux et non valides ».