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Cameroun

Événements de 2019

Des membres du Bataillon d’intervention rapide, une unité d’élite de l’armée camerounaise, patrouillent dans le village abandonné d’Ekona près de Buea dans la région anglophone du Sud-Ouest, le 4 octobre 2018. 

© 2018 Reuters/Zohra Bensemra

Tout au long de l’année 2020, les groupes armés et les forces gouvernementales ont commis des atteintes aux droits humains généralisées, y compris des exécutions extrajudiciaires ou sommaires et des massacres à travers les régions anglophones du Cameroun.

Le gouvernement a continué de restreindre les libertés d’expression et d’association et a fait preuve d’une intolérance croissante face à l’opposition politique. L’espace politique a été limité, les autorités s’en prenant aux opposants du Président Paul Biya et de son parti au pouvoir. En septembre, des centaines de membres et sympathisants de partis d’opposition ont été arrêtés à l’issue de manifestations visant à réclamer une résolution pacifique de la crise dans les régions anglophones. Les affrontement violents entre les forces de sécurité gouvernementales et les séparatistes armés se sont intensifiés dans ces régions.

En février, des militaires camerounais et des hommes armés peuls ont massacré 21 civils dans le village de Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest du pays. Des séparatistes s’en sont pris à des travailleurs humanitaires, à leurs locaux et à leurs biens dans les deux régions anglophones. Ils ont aussi attaqué d’autres civils, publiant certaines des vidéos de ces attaques sur les réseaux sociaux. Depuis 2017, des séparatistes imposent avec violence un boycott de l’éducation des enfants et, le 24 octobre, des hommes armés ont attaqué une école à Kumba, dans la région du Sud-Ouest, tuant 7 enfants et en blessant 13 autres.

Le groupe armé islamiste Boko Haram a perpétré des attaques dans la région de l’Extrême-Nord à partir de janvier 2020, tuant des centaines de civils. Face à ces attaques, en mars et avril, les forces gouvernementales ont obligé les civils à effectuer des gardes de nuit au niveau local pour se protéger de Boko Haram dans au moins une ville.

Le gouvernement a pris des mesures pour freiner la propagation du virus Covid-19, notamment en fermant les écoles et en interdisant les rassemblements de masse dès le début de la pandémie. Cependant, le virus a également servi de prétexte pour faire taire l’opposition et écraser toute contestation. Le gouvernement n’a guère fait preuve de transparence concernant le versement des fonds récoltés pour répondre à la pandémie.

La crise anglophone

Des centaines de civils ont été tués depuis janvier 2020 dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Les violences y sont intenses depuis que la crise a éclaté fin 2016, les séparatistes réclamant l’indépendance des régions anglophones minoritaires du pays. La violence a provoqué le déplacement de dizaines de milliers de personnes cette dernière année, qui s’ajoutent aux centaines de milliers d’autres qui ont fui leurs foyers depuis le début des violences.

En mars, lorsque la pandémie de Covid-19 s’est déclarée, les Forces de défense du Sud du Cameroun (Southern Cameroons Defence Forces, SOCADEF), un groupe séparatiste, ont appelé à un cessez-le-feu. En juin, des responsables gouvernementaux ont eu des pourparlers de paix dans la capitale, Yaoundé, avec les dirigeants du Gouvernement intérimaire d’Ambazonie (Ambazonia Interim Government), un groupe séparatiste de premier plan. Aucune de ces initiatives n’a mis fin à la violence.

Exactions perpétrées par les forces gouvernementales

Les forces de sécurité ont répondu par la manière forte aux attaques lancées par les séparatistes, ciblant souvent des civils et tuant des centaines de personnes à travers les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

Du 17 au 20 janvier 2020, les forces de sécurité ont mené une opération militaire à Bali, dans la région du Nord-Ouest, en représailles aux attaques lancées par les séparatistes contre les bureaux de vote, détruisant plus de 50 foyers et tuant plusieurs civils, dont deux hommes atteints d’un handicap intellectuel.

Le 14 février, les forces gouvernementales et des hommes armés peuls ont tué 21 civils, dont 13 enfants et une femme enceinte, à Ngarbuh, dans la région du Nord-Ouest. Des habitants ont déclaré à Human Rights Watch que l’attaque visait à punir les civils soupçonnés d’héberger des combattants séparatistes. Dans un premier temps, le gouvernement a nié toute implication des militaires dans cette attaque mais, en mars, suite à des pressions internationales, le Président Biya a instauré une commission d’enquête sur les meurtres.

En avril, le gouvernement a admis que ses forces de sécurité étaient en partie responsables des meurtres et a annoncé l’arrestation de deux militaires et d’un gendarme.

Le 10 juin, suite à des affrontements entre soldats du gouvernement et séparatistes, une grenade a été tirée dans la cour de l’hôpital de district de Bali, dans la région du Nord-Ouest, entraînant la mort d’un patient cardiaque. Au moins quatre autres patients ont été blessés.

Le 30 juin, les forces de sécurité ont endommagé un établissement de santé dans la région du Nord-Ouest. Le 6 juillet, elles ont arrêté arbitrairement sept membres du personnel d’un centre de santé dans la région du Sud-Ouest, les accusant de collaborer avec les séparatistes.

Des militaires du 42ème bataillon de Mozogo, dans l’Extrême-Nord, ont forcé des civils à assurer des gardes de nuit localement afin de protéger la région contre des attaques de Boko Haram. Entre la mi-mars et la fin du mois d’avril, des soldats ont roué de coups ou menacé ceux qui refusaient de s’acquitter de cette tâche.

Les dénonciations de ces actes par des organisations non gouvernementales locales et par la Commission nationale des droits de l’homme en avril ont mis fin aux passages à tabac, mais la population de Mozogo a continué de redouter les coups, et le travail forcé et les menaces se sont poursuivis.

Exactions perpétrées par les séparatistes armés

Des groupes séparatistes armés ont tué, torturé, attaqué et enlevé des centaines de personnes. Ils ont aussi empêché les travailleurs humanitaires et les enseignants de faire leur travail, privant les enfants d’un accès à l’éducation.

À l’approche des élections régionales en février, des séparatistes armés s’en sont pris aux personnes souhaitant y prendre part, que ce soit en tant que candidats, fonctionnaires électoraux, activistes ou citoyens. Ils ont ainsi enlevé plus d’une centaine de personnes et détruit des biens. Des rançons ont été versées pour obtenir leur libération. Le taux de participation électorale a été faible dans les régions anglophones en raison de l’insécurité et des craintes et menaces associées aux attaques.

Le 30 janvier, des séparatistes ont enlevé une lycéenne de 19 ans à Buea, dans la région du Sud-Ouest et, d’un coup de machette, l’ont amputée d’un doigt au motif qu’elle se rendait à l’école. La jeune fille a été libérée trois jours plus tard après le paiement d’une rançon.

Des séparatistes ont tué au moins six civils depuis la mi-mai dont, le 17 mai, un enseignant qui travaillait à l’université de Bameda, dans la région du Nord-Ouest.

Le 6 juillet, des séparatistes ont tué un agent de santé communautaire travaillant pour Médecins sans frontières dans la région du Sud-Ouest, qu’ils accusaient de collaborer avec l’armée.

En août, des combattants séparatistes à Muyuka, dans la région du Sud-Ouest, ont filmé le passage à tabac d’une femme de 35 ans qui suppliait qu’on l’épargne. Cette vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux et les combattants ont tué la femme qu’ils accusaient de collaborer avec le gouvernement.

Des séparatistes ont continué d’attaquer des écoles, des élèves et des enseignants dans l’ensemble des régions anglophones. D’après les Nations Unies, 81 % des enfants n’étaient pas scolarisés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest pendant l’année scolaire 2019-2020. 

Attaques perpétrées par Boko Haram dans l’Extrême-Nord

En 2020, les attaques et les raids perpétrés par le groupe armé islamiste Boko Haram se sont intensifiés dans la région de l’Extrême-Nord, des meurtres, des enlèvements et des vols ayant été commis et des biens volés au quotidien.

En avril, des combattants de Boko Haram ont attaqué Amchidé, dans la région de l’Extrême-Nord. Deux adolescents kamikazes se sont fait exploser dans le centre de la ville, tuant six hommes et en blessant dix autres. Un autre homme a été tué par balles lors d’une confrontation entre des combattants de Boko Haram et l’armée.

Une attaque dans la nuit du 1er au 2 août, vraisemblablement perpétrée par des enfants kamikazes dans un camp de personnes déplacées de la ville de Nguetchéwé, a fait au moins 17 morts parmi les civils, dont cinq enfants et six femmes, et au moins 16 autres ont été blessés. Il n’y avait aucun objectif militaire évident dans le secteur.

Mesures répressives contre l’opposition politique

Le gouvernement a limité la capacité des opposants politiques à opérer librement.

En août, les autorités des régions de l’Extrême-Nord et du Littoral ont interdit deux réunions privées prévues par le parti d’opposition Mouvement pour la renaissance du Cameroun, invoquant des préoccupations relatives au Covid-19 et au maintien de l’ordre public.

En septembre, la loi antiterrorisme et les restrictions associées au Covid-19 ont servi de prétexte au gouvernement pour limiter les libertés d’association et d’expression, après que des opposants avaient annoncé leur intention de manifester contre la tenue d’élections régionales prévues pour le mois de décembre. Les gouverneurs des régions du Littoral et du Centre ont interdit les réunions et les manifestations publiques pour une durée indéterminée.

Le ministre de l’Administration du territoire a averti que toute manifestation non autorisée serait dispersée par les forces de l’ordre et a appelé les gouverneurs à faire arrêter toute personne qui organiserait ou dirigerait une manifestation. Le ministre de la Communication a mis en garde les partis politiques sur le fait que les manifestations pourraient être considérées comme « insurrectionnelles » et que les manifestations illégales dans tout le pays seraient punies en vertu de la loi antiterrorisme.

En septembre, 506 personnes ont été arrêtées lors de manifestations, 100 personnes ont été libérées tandis qu’environ 250 ont été traduites devant les tribunaux. Certaines ont été condamnées pour terrorisme et rébellion, des délits jugés par les tribunaux militaires. Les porte-parole et le trésorier du MRC ont été détenus pendant plus de deux semaines au Secrétariat d’État à la défense (SED), une prison située à Yaoundé.

En mai, la police a arrêté neuf bénévoles de la Survival Initiative, une initiative de levée de fonds lancée par le chef de l’opposition Maurice Kamto, président du MRC, pour répondre au Covid-19, alors qu’ils distribuaient des masques de protection et du gel désinfectant à Yaoundé. Les bénévoles ont été accusés de rébellion, mais ont par la suite été libérés et les poursuites ont été abandonnées.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le code pénal condamne à cinq années de prison toute personne ayant des « rapports sexuels avec une personne de son sexe ». Les policiers et les gendarmes ont continué d’arrêter et de harceler des personnes dont ils estimaient qu’il s’agissait de lesbiennes, de gays, de bisexuels ou de transgenres (LGBT).

Justice et obligation de rendre des comptes

En mars, sous la pression de la communauté internationale, le Président Biya a accepté de créer une commission d’enquête sur les meurtres commis à Ngarbuh. Dans un rapport publié en avril, le gouvernement camerounais a admis que ses forces de sécurité étaient partiellement responsables des meurtres. En juin, le gouvernement a annoncé l’arrestation de deux militaires et d’un gendarme en rapport avec le massacre de Ngarbuh. Le 25 novembre, le porte-parole de l’armée camerounaise a déclaré que le procès des trois hommes démarrerait le 17 décembre à Yaoundé devant un tribunal militaire. Les prévenus sont accusés de meurtre, d’incendie et destruction, de violence sur une femme enceinte et de violation de consignes.

En juin, l’ambassadeur de France au Cameroun a déclaré aux médias que le Président Biya l’avait assuré qu’une enquête serait ouverte sur la mort en détention du journaliste Samuel Wazizi. Cette déclaration a été faite le même jour que celle du porte-parole de l’armée annonçant le décès de Wazizi des suites d’une grave septicémie le 17 août 2019 à l’hôpital militaire de Yaoundé.

Au moment de la rédaction des présentes, s’étant abstenues de publier toute information sur Wazizi pendant dix mois ou sur le fait qu’il était mort en détention, les autorités n’avaient pas précisé si quelqu’un serait poursuivi pour sa mort. En septembre, un tribunal militaire a condamné quatre soldats à dix ans de prison et un autre à deux ans de prison pour le meurtre brutal de deux femmes et de deux enfants en 2015 dans le village de Zelevet, dans la région de l’Extrême-Nord. Les meurtres avaient été filmés et la vidéo était devenue virale début juillet 2018. Le procès s’est tenu à huis clos.

En septembre, une cour d’appel à Yaoundé a validé la condamnation à perpétuité de dix dirigeants du groupe séparatiste « Gouvernement intérimaire d’Ambazonie » pour plusieurs chefs d’inculpation dont le terrorisme, la rébellion et la sécession, s’abstenant ainsi de réagir aux atteintes aux normes d’équité des procès commises lors de leur poursuite et de leur condamnation devant un tribunal militaire.

Principaux acteurs internationaux

En juin, en réponse à la gravité et au nombre des attaques perpétrées contre les écoles, au meurtre et à la mutilation d'enfants, ainsi qu’au recrutement et à l’utilisation de ces derniers, le Secrétaire général des Nations Unies a ajouté le Cameroun à la liste des situations préoccupantes pour le mécanisme de surveillance et d'information des Nations Unies sur les graves violations commises contre les enfants en temps de conflits armés. 

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