(Washington) – L’industrie des combustibles fossiles et de la pétrochimie dans une zone de Louisiane surnommée « Cancer Alley » (« Allée du cancer »), a dévasté la santé, la vie et l’environnement des habitants, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui. La « Cancer Alley » est une zone d’une longueur d’environ 85 milles (près de 140 kilomètres) le long des rives du fleuve Mississippi, entre la Nouvelle-Orléans et Bâton Rouge, où les communautés vivent à proximité de quelque 200 sites d’exploitation de combustibles fossiles et usines pétrochimiques.
Le rapport de 98 pages, intitulé « “We’re Dying Here”: The Fight for Life in a Louisiana Fossil Fuel Sacrifice Zone » (« “Nous mourons ici” : Lutte pour survivre et sacrifices dans une zone de combustibles fossiles en Louisiane »), documente comment les habitants de « Cancer Alley » souffrent des effets de la pollution extrême provenant de l'industrie des combustibles fossiles et de la pétrochimie, et sont confrontés à des taux élevés et des risques de problèmes de santé maternelle, reproductive et néonatale, de cancer et de maladies respiratoires. Certaines parties de « Cancer Alley » présentent le risque le plus élevé de cancer dû à la pollution atmosphérique industrielle aux États-Unis. Ces dommages sont subis de manière disproportionnée par les habitants noirs de la région.
« Les industries des combustibles fossiles et de la pétrochimie ont créé une « zone sacrifiée » en Louisiane », a déclaré Antonia Juhasz, chercheuse senior auprès de la division Environnement et droits humains à Human Rights Watch. « L'incapacité des autorités étatiques et fédérales à réglementer correctement l'industrie a des conséquences désastreuses pour les habitants de Cancer Alley. »
De septembre 2022 à janvier 2024, Human Rights Watch a mené des entretiens avec 70 personnes, dont 37 habitants de « Cancer Alley », et s'est rendu dans toute la région pour documenter les impacts sur les habitants locaux en matière de droits humains des opérations liées aux combustibles fossiles et pétrochimiques. Les habitants de « Cancer Alley » ont décrit l'impact sur leur santé, notamment les fausses couches, les grossesses à haut risque, l'infertilité, la mauvaise santé des nouveau-nés, les maladies respiratoires et le cancer. Bon nombre d’entre eux ont témoigné de communautés entières dévastées par le cancer, de décès de membres de la famille et d'amis, de journées de travail et d'école manquées pour cause de maladie et d'enfants souffrant de crises d'asthme admis aux urgences.
Le rapport comprend de nouvelles recherches révélant les conséquences de la pollution atmosphérique sur la santé maternelle, reproductive et néonatale dans « Cancer Alley », réalisées par des chercheurs de l'Université Tulane de la Nouvelle-Orléans, dans un article actuellement en cours d'examen par les pairs pour publication dans la revue Environmental Research: Health. Les chercheurs ont découvert des taux exceptionnellement élevés d’insuffisance pondérale à la naissance et de naissances prématurées, jusqu’à trois fois supérieurs à la moyenne des États-Unis. Les régions de Louisiane présentant les taux les plus élevés d'issues défavorables à la naissance correspondent à celles où la pollution atmosphérique est la plus grave, notamment les zones situées dans « Cancer Alley ».
Pendant des décennies, les autorités de réglementation de la Louisiane, en particulier le Département de la qualité de l’environnement de la Louisiane, ont omis de répondre à la gravité des dommages causés par les opérations liées aux combustibles fossiles et à la pétrochimie, de faire respecter les normes minimales fixées par le gouvernement fédéral et de protéger la santé des habitants.
L'Agence américaine de protection de l'environnement (Environmental Protection Agency, EPA) n’a pas veillé à ce que les lois et mandats fédéraux soient appliqués en Louisiane et, à ce titre, omet de protéger les habitants des dommages causés par l’industrie des combustibles fossiles et de la pétrochimie.
En décembre 2023, pour la première fois lors des conférences mondiales sur le climat organisées dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, l’accord final de la Conférence des Nations Unies sur le climat, la COP28, a appelé les gouvernements à amorcer la « transition hors des énergies fossiles ». La mise en œuvre immédiate de cet engagement dans la « Cancer Alley » aurait de profonds bénéfices pour la santé des habitants de la région.
Également le 25 janvier, Amnesty International a publié un rapport intitulé « The Cost of Doing Business? The Petrochemical Industry’s Toxic Pollution in the USA » (« Le coût des affaires ? La pollution toxique de l’industrie pétrochimique aux États-Unis »), détaillant les dommages liés aux centaines d’usines de combustibles fossiles et pétrochimiques situées le long du canal maritime de Houston, au Texas. Les rapports de deux des plus grandes organisations de défense des droits humains au monde exposent les conséquences dévastatrices des industries des combustibles fossiles et de la pétrochimie sur les droits humains des communautés qui se retrouvent en première ligne aux États-Unis, et affirment que les autorités étatiques et fédérales devraient prendre des mesures immédiates pour remédier à ces dommages.
Le Département de la qualité de l'environnement de Louisiane devrait renforcer les réglementations et leur application, refuser les permis dans les communautés déjà surchargées et soutenir les appels locaux en faveur de moratoires sur les opérations nouvelles ou élargies de combustibles fossiles et pétrochimiques.
L’EPA devrait ordonner aux sites d’exploitation de combustibles fossiles et aux usines pétrochimiques présentant un danger imminent et substantiel pour la santé humaine et l’environnement de suspendre immédiatement toutes leurs opérations. L’agence devrait également s’opposer aux permis dans les communautés déjà surchargées, soutenir des moratoires sur les projets nouveaux ou élargis de combustibles fossiles et pétrochimiques, ainsi que mettre en œuvre un plan d’assainissement et de relocalisation.
« Il est grand temps que les gouvernements respectent leurs obligations en matière de droits humains et que ces sacrifices prennent fin », a conclu Antonia Juhasz.