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Appel conjoint en faveur d’une sécurité sociale universelle

Des organisations exhortent les gouvernements, le FMI et la Banque mondiale à mettre en place un nouveau « contrat éco-social »

Un commerçant compte des billets de banque en cedi ghanéen sur un marché de Kampala, en Ouganda, le 17 mai 2023. © 2023 Katumba Badru Sultan/Bloomberg via Getty Images

(Washington, le 3 octobre 2023) – Les gouvernements et les institutions financières internationales devraient s'engager à créer des systèmes de sécurité sociale qui permettent à chaque personne de jouir de ses droits, ont déclaré aujourd'hui 43 organisations de défense des droits humains et de justice économique. Les gouvernements et les institutions financières devraient mettre un terme à des politiques qui ont fait du tort à des millions de personnes.

Ces organisations ont adressé une déclaration conjointe à la Banque mondiale et au Fonds Monétaire International (FMI) à l’approche des réunions annuelles 2023 de ces deux institutions devant se dérouler à Marrakech, au Maroc, du 9 au 15 octobre 2023. Les organisations tiendront une réunion en ligne le 4 octobre pour expliquer leur appel au changement. Des experts et des militants originaires d'Argentine, du Chili, d'Ouganda et du Sri Lanka fourniront des témoignages.

« Dans un contexte de pauvreté et d’inégalités croissantes, où des millions de personnes luttent quotidiennement pour faire valoir leurs droits économiques, sociaux et culturels, nous ne pouvons pas nous permettre de maintenir des approches en matière de sécurité sociale qui se sont révélées contraires aux droits », a déclaré Tirana Hassan, Directrice exécutive de Human Rights Watch. « Les gouvernements et les institutions financières internationales ont la possibilité de rectifier le tir et d’adopter une approche de la sécurité sociale alignée sur les droits, qui donne le ton et ouvre la voie vers des sociétés et des économies plus justes. »

La sécurité sociale est l'une des pierres angulaires des droits humains, des économies durables et des sociétés équitables. Elle est inscrite dans de nombreux traités internationaux contraignants et elle est fournie par le biais d'un ensemble de politiques et de programmes publics souvent appelés protection sociale. Ces programmes garantissent la sécurité du revenu tout au long de la vie d'un individu, en offrant un soutien lors d'événements de la vie tels que l'accouchement, la vieillesse, la maladie, le handicap, le chômage et des circonstances telles que les catastrophes climatiques qui augmentent le risque d'insécurité du revenu, comme le tremblement de terre qui a récemment secoué le Maroc.

« Le droit à la protection sociale pour tous est consacré par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et pourtant, 75 ans plus tard, la protection sociale au niveau mondial est honteusement insuffisante, puisque plus de la moitié de la population mondiale ne bénéficie pas de couverture de base, ce qui constitue une violation des droits humains », a déclaré Luc Triangle, Secrétaire général par intérim de la Confédération syndicale internationale (CSI, ou ITUC en anglais).

Luc Triangle a ajouté :

Les institutions financières internationales ont un rôle essentiel à jouer dans la garantie d’une protection sociale universelle et doivent dès lors abandonner un modèle économique dépassé qui appuie souvent les mesures d’austérité. L’appel lancé par les travailleurs et les travailleuses est clair : augmenter le financement de la protection sociale est un investissement dans la société qui permet de réduire considérablement les inégalités tout en stimulant l’emploi, le développement de compétences, la productivité, la demande de biens et de services et la croissance économique en général.

De nombreux gouvernements s'appuient sur des programmes de sécurité sociale soumis à conditions de ressources, dans lesquels l'éligibilité dépend du revenu, des actifs ou d'indicateurs de pauvreté étroits. La recherche montre que ces programmes sont souvent inefficaces du fait de taux d’erreur élevés, de corruption et de défiance sociale. Se concentrer uniquement sur les personnes en situation de pauvreté ou d'extrême pauvreté exclut également de larges segments de la population, notamment les personnes qui ne sont pas officiellement considérées comme pauvres mais qui sont loin de connaître la stabilité économique.

« Cette campagne montre qu’il y a de plus en plus d’organisations de la société civile qui voient clair dans l’affirmation selon laquelle ‘le ciblage de la pauvreté est favorable aux pauvres’. En fait, l’universalité est favorable aux pauvres, conforme aux droits humains, et constitue une stratégie clé pour promouvoir la justice sociale », a indiqué Henrik Fröjmark, Directeur politique d’Act Church of Sweden.

Stephen Kidd, président de Development Pathways, a expliqué :

Les efforts déployés par les institutions financières internationales pour promouvoir des programmes d'assistance sociale ciblant la pauvreté – sur le modèle du modèle d'aide aux pauvres utilisé par l'Europe au XIXe siècle – dans les pays à faible revenu ont signifié que la grande majorité des personnes vivant avec de faibles revenus ont été exclus de la sécurité sociale, tandis que les contrats sociaux nationaux ont été fragilisés par la perte de confiance des citoyens dans leurs gouvernements. Il est temps que les institutions financières internationales soutiennent un système moderne de sécurité sociale universelle tout au long de la vie, qui garantit que chacun puisse bénéficier d’une protection depuis l’enfance jusqu’à la vieillesse et, surtout, contribue à rétablir la confiance dans le gouvernement, la démocratie et des contrats sociaux solides.

Pendant des décennies, la Banque mondiale et le FMI ont promu cette approche erronée, ont indiqué les organisations. Ils ont omis de considérer la sécurité sociale comme un droit et le fait qu’elle contribue à construire des sociétés plus justes et plus stables, et pas seulement comme une œuvre de charité. Cela a contribué à une réalité mondiale dans laquelle 53 pour cent des personnes ne bénéficient d’aucune forme de sécurité sociale, et alors que l’instabilité, la défiance sociale et la polarisation augmentent et que les besoins de résilience sont plus grands que jamais face à la crise climatique.

« Sur le continent africain, nous avons été témoins des conséquences désastreuses du fait de ne pas accorder la priorité à la protection sociale, ce qui entraîne des inégalités, une pauvreté croissante, un abandon scolaire des enfants et des décès inutiles », a déploré Angella Nabwowe, Directrice exécutive de l’association ougandaise Initiative for Social and Economic Rights (ISER - Initiative pour les droits sociaux et économiques).

Angella Nabwowe a ajouté :

Les gouvernements doivent saisir cette opportunité pour repenser les approches actuelles de la protection sociale qui ont exclu de larges segments de la population par le biais du ciblage, et ils doivent investir de manière globale dans la protection sociale. La Banque mondiale, le FMI et les autres bailleurs de fonds doivent cesser de promouvoir l'austérité et le ciblage de la pauvreté, qui réduisent tous la capacité de nos gouvernements à financer adéquatement la protection sociale et à donner la priorité aux services publics, notamment la protection sociale.

Des réformes récentes ans certains pays ont également érodé le droit à la sécurité sociale, entraînant une réduction de la couverture et des prestations. Dans certains pays, ces changements, soutenus par la Banque mondiale ou le FMI, ont impliqué des réductions des cotisations patronales ou des réductions des prestations pour la majorité du système public. De plus, la privatisation de l’assurance sociale dans certains endroits a aggravé la pauvreté et les inégalités, touchant de manière disproportionnée les femmes et les personnes âgées.

Dr Maria Ron Balsera, directrice du programme au Centre pour les droits économiques et sociaux (Center for Economic and Social Rights), a déclaré :

La polycrise actuelle devrait déclencher une transition vers une économie fondée sur les droits, qui comprend la promotion du droit à la sécurité sociale pour tous, soutenu par le cadre de valeurs et d'obligations des droits de l'homme. Une économie fondée sur les droits exige des mesures pour redistribuer les ressources, remédier aux inégalités et rééquilibrer le pouvoir dans nos économies.

Les organisations exhortent le FMI et la Banque mondiale, acteurs essentiels dans le financement et l'élaboration des politiques de sécurité sociale dans les pays à revenu faible et intermédiaire, à prendre quatre mesures qui pourraient améliorer la vie de centaines de millions de personnes :

  1. S’engager à réaliser le droit à la sécurité sociale : Soutenir les efforts des pays pour réaliser le droit à la sécurité sociale en établissant ou en renforçant des systèmes de protection sociale universelle alignés sur les droits, en commençant par l’établissement de socles de protection sociale.
  2. Cesser les programmes de ciblage de la pauvreté : Dans les pays sans couverture universelle, cesser de développer de nouveaux programmes ciblant la pauvreté et supprimer progressivement ceux qui existent déjà, en les remplaçant par des alternatives universelles.
  3. Soutenir des systèmes publics équitables et durables : Le FMI devrait soutenir des systèmes publics de sécurité sociale équitables et durables, conformes aux normes internationales. Cela comprend des cotisations patronales adéquates et une sécurité de revenus.
  4. Cesser les mesures d’austérité : Le FMI devrait mettre fin aux politiques d’austérité qui menacent les droits et s’abstenir de promouvoir des compromis en matière de dépenses sociales. Les investissements dans la santé, l'éducation et la sécurité sociale doivent, au minimum, répondre aux références internationales en pourcentage du PIB et des budgets nationaux.

« Il est grand temps que les gouvernements, la Banque mondiale et le FMI agissent pour faire de la protection sociale universelle une réalité », a déclaré Marta Schaaf, directrice du programme Justice climatique, économique et sociale et Responsabilité des entreprises à Amnesty International.

Marta Schaaf a ajouté :

L’extraordinaire combinaison de crises politiques, économiques et climatiques met à mal la vie et les moyens de subsistance de milliards de personnes qui n’ont que peu ou pas accès aux mesures de protection sociale. Investir dans la protection sociale universelle peut assurer la sécurité et la dignité, et garantir à tous le droit à la sécurité sociale. Protéger les personnes contre les pertes personnelles ou les pertes dues aux chocs, aux catastrophes ou aux revers économiques peut être transformateur, en permettant aux enfants de poursuivre leurs études, en améliorant les soins de santé, en réduisant la pauvreté et les inégalités de revenus.

« Nous exigeons une restructuration et un changement complets des politiques de protection sociale », a déclaré Shereen Talat, Directrice de MenaFem, Mouvement pour la justice économique, de développement et écologique (Movement for Economic, Development and Ecological Justice). « Nous rejetons les réformes progressives et appelons à une transformation du système mondial. Une véritable protection sociale signifie donner du pouvoir aux personnes marginalisées, éradiquer la pauvreté et garantir la justice écologique. Rien de moins que cela ne ferait que miner la crise mondiale et perpétuer l’injustice

Organisations signataires de la déclaration conjointe :

  1. Act Church of Sweden
  2. Amnesty International
  3. Arab NGO Network for Development (ANND)
  4. Arab Reform Initiative (ARI)
  5. Association For Promotion Sustainable Development
  6. Bretton Woods Project
  7. Building Blocks for Peace Foundation
  8. Center for Economic and Policy Research
  9. Center for Economic and Social Rights
  10. Central Kentucky Council for Peace and Justice
  11. CeSSRA - Centre for Social Sciences Research & Action
  12. Colombo Urban Lab, Sri Lanka
  13. Community Legal Education Center
  14. Confédération générale du travail – Argentine (CGT Argentina)
  15. Confédération syndicale internationale  (CSI, ou ITUC en anglais)
  16. Development Pathways
  17. Elibariki Msengi
  18. Forum for Wildlife and Environment Preserve (FOWEP)
  19. Free Trade Union Development Center
  20. Friend of the Disabled Association
  21. Global Coalition for Social Protection Floors (GCSPF)
  22. Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights (GI-ESCR)
  23. Global Redistribution Advocates
  24. Global Social Justice (GSJ)
  25. Global Social Justice Brussels
  26. Human Dignity
  27. Human Rights Watch
  28. Initiative for Right View (IRV)
  29. Initiative for Social and Economic Rights (ISER)
  30. Institute for Economic Justice
  31. JusticeMakers Bangladesh in France (JMBF)
  32. Kikandwa Environmental Association
  33. Kvinna till Kvinna Foundation
  34. Madhira Institute
  35. MenaFemMovement For Economic, Development and Ecological Justice
  36. National Campaign for Sustainable Development Nepal
  37. Oxfam International
  38. Phenix Center
  39. PRO Global/Pensioners without Borders
  40. RAISE - Research & Action for Income Security
  41. Social Policy Initiative
  42. The Policy Initiative, Lebanon
  43. Women in Informal Employment: Globalizing and Organizing (WIEGO)

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