(Nairobi) – Les auteurs du coup d’État militaire au Niger devraient assurer la sécurité et le bien-être du président qu’ils ont renversé, Mohamed Bazoum, de sa famille et d’autres personnes qu’ils détiennent arbitrairement, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les militaires devraient respecter les droits humains fondamentaux, notamment en remettant en liberté les personnes emprisonnées arbitrairement, et effectuer une transition rapide vers un régime civil démocratique.
Le 26 juillet 2023, des officiers de l’armée nigérienne ont renversé le président Bazoum et ont instauré le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). Quelques heures plus tard, le CNSP a annoncé la dissolution de la constitution, la suspension de toutes les institutions, la fermeture des frontières du pays et l’imposition d’un couvre-feu nocturne. Le 30 juillet, le Conseil a annoncé la fermeture de l’espace aérien du Niger, « face à la menace d’intervention » extérieure.
« Les chefs militaires nigériens et auteurs du coup d’État font subir à Bazoum et à sa famille, ainsi qu’à d’autres prisonniers non identifiés, un traitement abusif, en violation du droit international humanitaire », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Toutes les personnes arrêtées arbitrairement devraient être remises en liberté immédiatement et recevoir une nourriture adéquate, des services de base et un accès à des médecins, des avocats et aux membres de leurs familles ».
Les 9 et 10 août, Human Rights Watch s’est entretenu avec Bazoum, son médecin, l’avocat de la famille, un ancien conseiller en communication et avec un ami de la famille.
Les auteurs du coup d’État militaire ont arrêté Bazoum, ainsi que sa femme et son fils âgé de 20 ans, le 26 juillet mais ne l’ont ni présenté à un juge ni inculpé d’un crime quelconque. Il a décrit le traitement de sa famille en détention comme étant « inhumain et cruel » : « Je n’ai plus d’électricité depuis le 2 août et aucun contact humain depuis le 4 août. Je ne suis pas autorisé à recevoir les membres de ma famille [ou] mes amis qui nous apportaient de la nourriture et d’autres fournitures ». Il a affirmé que sans électricité, ils étaient contraints de s’alimenter avec de la nourriture sèche, sans aucun produit frais. « Mon fils est malade, il a une grave maladie cardiaque et a besoin de voir un médecin », a-t-il ajouté. « Ils ont refusé de lui permettre de recevoir des soins médicaux ».
Le médecin et l’avocat de Bazoum ont tous deux confirmé qu’ils n’avaient pas eu accès à lui ou aux membres de sa famille depuis le coup d’État. Un ami de la famille a affirmé que les conditions de détention « affectaient non seulement le président, mais aussi sa femme et son fils ».
Le 9 août, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a dénoncé « les conditions de vie déplorables dans lesquelles le président Bazoum et sa famille vivraient ». Le même jour, CNN a signalé que Bazoum était maintenu à l’isolement et forcé de manger du riz non cuit.
Les chefs de la junte militaire n’ont pas rendu publics les noms des personnes détenues. Selon certaines informations, des membres de familles d’anciens responsables sont également en détention.
Les chefs militaires nigériens auteurs du coup d’État devraient rendre publics les lieux et les conditions de détention de Bazoum et des autres personnes qu’ils ont arrêtées, a déclaré Human Rights Watch. Ils devraient également autoriser le Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la commission nationale nigérienne des droits de l’homme et des organisations indépendantes de défense des droits humains à rendre visite à Bazoum et aux autres détenus. Toutes les personnes détenues devraient être rapidement amenées à comparaître devant un juge et inculpées de manière appropriée ou remises en liberté.
Bakary Sambe, directeur du Centre de Tombouctou, une organisation africaine de recherche bien connue, a déclaré à Human Rights Watch : « Les acteurs régionaux et internationaux devraient donner la priorité aux droits humains dans le traitement de la crise au Niger, en particulier lorsque, comme au Niger, des responsables de haut rang sont retenus en otages et utilisés à des fins politiques. [Ils] devraient être vigilants et ne pas permettre que ce genre de manœuvre devienne la norme ».
Le coup d’État militaire s’est produit dans un contexte où les attaques perpétrées par des groupes islamistes armés contre les forces de sécurité et les civils du Niger sont en hausse, avec une crise humanitaire complexe dans laquelle 4,3 millions de personnes – soit environ 17% de la population – ont besoin d’une assistance humanitaire.
Le 10 août, les chefs de la junte ont formé un gouvernement de 21 membres avec à sa tête un politicien et économiste, Ali Mahaman Lamine Zeine, comme Premier ministre. Le même jour, les dirigeants de la CEDEAO (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) ont tenu un deuxième sommet extraordinaire depuis le coup d’État et ont décidé de maintenir leur régime de sanctions régionales et d’activer la force en attente de la CEDEAO.
« Les dirigeants militaires nigériens devraient réaliser qu’ils sont responsables de toute violation de droits humains commise contre les personnes en détention, y compris Bazoum, les membres de sa famille et les autres personnes qu’ils ont arrêtées », a affirmé Carine Kaneza Nantulya. « Les partenaires régionaux et internationaux du Niger devraient insister auprès des autorités nigériennes pour qu’elles respectent pleinement les droits humains de chacun et effectuent une rapide transition vers un régime démocratique ».