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La visite de Modi assombrie par les violations des droits humains en Inde

Macron devrait sortir de son silence sur les abus généralisés en Inde

Publié dans: L'Obs
Le Premier ministre indien Narendra Modi, à gauche, et le président français Emmanuel Macron lors d'une réunion bilatérale en marge du sommet du G20 à Nusa Dua, Bali, Indonésie, le 16 novembre 2022. © 2022 AP Photo/Achmad Ibrahim, Pool

Le Premier ministre indien Narendra Modi sera l'invité d'honneur du président Emmanuel Macron lors du défilé militaire du 14 juillet à l'occasion de la fête nationale française. Il est profondément inquiétant que la France célèbre les valeurs de liberté et d'égalité avec un dirigeant très critiqué pour avoir ébranlé la démocratie en Inde.

La France cherche à renforcer ses liens stratégiques, commerciaux et de défense avec l'Inde. Avant la visite, les deux pays ont indiqué dans un communiqué conjoint  qu’ils « partagent une même vision sur la paix et la sécurité, en particulier en Europe et dans la région Indo-Pacifique, et défendent les objectifs et les principes de la Charte des Nations unies. » Les propres lacunes de la France dans la lutte contre les discriminations raciales et le fait que l'Inde soit un acteur géopolitique important ne devraient pas justifier le silence de Macron concernant la crise croissante des droits humains en Inde.

En mai, des groupes ultranationalistes hindous dans l'État d'Uttarakhand, au nord de l'Inde, ont lancé une campagne d'intimidation contre les musulmans, exigeant qu'ils ferment leurs commerces et quittent la ville. Ces groupes, affiliés au parti Bharatiya Janata (BJP) de Modi, au pouvoir aux niveaux local et national, ont affiché des avis d'expulsion devant des magasins appartenant à des musulmans. Au cours d'une des manifestations, la foule est devenue violente et a vandalisé des magasins musulmans. Au moins une dizaine de familles musulmanes auraient fui la ville par peur. Au lieu de s’efforcer de calmer les tensions communautaires croissantes ou de protéger les musulmans de la violence, le ministre en chef du BJP dans cet État  a contribué à alimenter les théories du complot à leur encontre. 

Ce dernier incident est emblématique de la stigmatisation des minorités religieuses, en particulier des musulmans et des chrétiens, depuis 2014, notamment par le biais de lois et politiques discriminatoires, après l'arrivée au pouvoir du gouvernement Modi. Des responsables du BJP ont régulièrement porté des allégations haineuses contre des musulmans, des chrétiens et d'autres communautés vulnérables, provoquant la violence des partisans du BJP, qui sont ensuite protégés par la police.

Des responsables du gouvernement ont même puni sommairement  - parfois sous forme de punition collective - des personnes qui protestaient pacifiquement contre ces abus, ainsi que leurs familles et l'ensemble de la communauté musulmane, notamment en procédant à des démolitions illégales de leurs propriétés. Des groupes ultranationalistes hindous ont également attaqué des chrétiens chez eux lors de réunions de prière privées et la police les a poursuivis en justice sous de fausses accusations de conversion forcée. Des chrétiens issus de communautés autochtones ont été attaqués et ostracisés, et leurs maisons ont été incendiées.

Le gouvernement du BJP a également resserré son emprise sur la société civile, en utilisant des lois draconiennes pour arrêter et intimider des militants, des journalistes, des dirigeants de l'opposition, des universitaires, des manifestants pacifiques et des critiques des politiques gouvernementales. En conséquence, l'espace pour la liberté d'expression se réduit, des journalistes indépendants étant contraints à l’autocensure. Par sa loi abusive sur le financement étranger, le gouvernement de Modi a suspendu le financement de milliers d’organisations non gouvernementales, en particulier celles qui travaillent sur les droits humains ou les droits des communautés vulnérables.

Le gouvernement Modi utilise également la technologie pour restreindre les droits. Il a adopté une loi visant à entraver de plus en plus la liberté d'expression en ligne, et continue d'imposer le plus grand nombre de coupures délibérées d'Internet dans le monde. Ces coupures sont souvent imposées pour empêcher ou répondre à des manifestations anti-gouvernementales. À l’ère de l’« Inde numérique », dont le gouvernement a fait la promotion afin de rendre l'Internet indispensable pour accéder aux services publics, ces coupures nuisent particulièrement aux communautés démunies qui dépendent des mesures de protection sociale du gouvernement pour leur subsistance.

Macron n'a pour l’heure pas dénoncé la détérioration de la situation des droits humains en Inde. Le gouvernement français ne devrait pas répéter les erreurs qu'il a commises avec le gouvernement chinois en resserrant ses liens commerciaux tout en mettant largement de côté les préoccupations en matière de droits humains. Cela a renvoyé l'image d'une France qui se souciait peu de la répression du gouvernement chinois à l'encontre de ses citoyens.

Le gouvernement français n'est pas exempt de critiques quant à la tiédeur des mesures prises face à la xénophobie croissante, aux violences racistes et aux discriminations dans l’hexagone. Il n'a pas non plus été, ces derniers temps, un modèle de respect de la liberté d'expression ou de tolérance face à ses opposants. Mais le 14 juillet devrait être une célébration de la liberté.

La moindre des choses serait que Macron puisse encourager son homologue indien à changer de cap pour s'assurer que tous les Indien-ne-s puissent vivre dignement et sans peur, quels que soient leur caste, leur origine ethnique, leur religion, leur sexe ou leurs convictions politiques. Et il devrait indiquer clairement que tous les Indien-ne-s devraient être libres d'exprimer leurs opinions en ligne et au-delà. Ne pas le faire serait une entorse à l'esprit de la fête nationale française et une occasion manquée de rendre hommage aux nombreux Indien-ne-s qui luttent courageusement pour leurs droits humains.

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